Je suis contente que vous me posiez cette question. Je n'ai pas eu le temps de l'aborder dans ma présentation, mais je voulais vous en parler. Il s'agit du problème de la rénovation, de l'amélioration et de la modernisation des habitations à loyer modique déjà construites auxquelles le gouvernement fédéral a contribué il y a maintenant plus de 25 ans. Le gouvernement fédéral a des responsabilités envers les provinces, les municipalités et, surtout, les ménages qui occupent les habitations à loyer modique, c'est-à-dire les HLM. Or, ces logements ont souvent été peu ou mal entretenus. Il y a eu des décennies de négligence en matière d'entretien préventif. Au Québec, on fait face à un déficit important, à un point tel que, comme nous avons pu le voir à Toronto notamment, des bâtiments et des logements à loyer modique sont barricadés et rendus inhabitables parce qu'on n'a pas subventionné convenablement leur maintien en bon état.
À l'heure actuelle, la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec estime que le Québec a besoin de 420 millions de dollars par année pour remettre en état ses 71 000 HLM. Pour sa part, l'Office municipal d'habitation de Montréal, qui possède 12 immeubles barricadés totalisant presque 300 HLM, a besoin de 1,2 milliard de dollars en 5 ans ou de 150 millions de dollars par année pendant 20 ans pour compléter son plan de remplacement, d'amélioration et de modernisation qui a été lancé en 2017.
J'ai justement parlé, cette semaine, à la directrice de l'Office municipal d'habitation de Montréal, qui vient de recevoir son budget pour l'année 2020-2021. Or, celui-ci ne permettra même pas de remettre en état et en location les HLM devenues vacantes tout simplement après que les ménages qui les occupaient ont dû partir pour une raison ou l'autre. Bref, non seulement nous n'arrivons pas à remettre en état et en location des logements barricadés, mais nous ne sommes même pas en mesure de remettre en location ceux que des ménages ont quittés après les avoir occupés jusqu'à tout récemment. Cela n'a aucun sens.
À notre avis, cette responsabilité incombe aux deux paliers de gouvernement, mais assurément et prioritairement au gouvernement du Québec, qui est le principal bailleur de fonds. Pendant des années, voire des décennies, il a refusé systématiquement les plans d'entretien préventif proposés par les groupes et les municipalités pour maintenir en bon état le parc de logements à loyer modique. Comme je travaille dans ce domaine depuis longtemps, je peux en témoigner. Il s'agit donc de la première urgence.
Par ailleurs, non seulement les sommes prévues dans la Stratégie nationale sur le logement pour remettre les immeubles en bon état sont nettement insuffisantes, mais ce qui nous scandalise aussi, c'est que le gouvernement maintienne son plan de match visant à cesser, à terme, de financer et de subventionner le loyer des ménages qui occuperont ces logements. Dorénavant, après une dizaine d'années, la responsabilité incombera aux voisins, aux provinces, aux municipalités et aux territoires. Le fait que le gouvernement se déleste de cette responsabilité et abandonne ainsi des ménages pauvres n'a aucun sens. C'était le deuxième point que je voulais soulever.
Le troisième point concerne le besoin de logements sociaux. Comme je l'ai mentionné, dans plusieurs grandes villes du Québec, mais aussi du Canada, on connait des augmentations faramineuses du prix des loyers. Les ménages pauvres n'arrivent plus à se loger décemment dans les grandes villes. Sur le plan budgétaire, cela leur demanderait des efforts impossibles, car leurs budgets sont nettement insuffisants.
Pour sa part, le gouvernement a choisi de financer ce qu'il appelle du logement abordable. Or, le logement abordable n'est pas abordable pour les ménages à faible revenu et les ménages ayant des besoins impérieux en matière de logement. L'abordabilité est une notion élastique. En effet, ce qui est abordable pour vous et moi ne l'est pas pour un ménage pauvre.
Pour le développement de loyers moins coûteux, il faut cesser de fixer les objectifs en fonction du prix courant et plutôt les établir en fonction de la capacité de payer des locataires. Pour ce faire, il faut subventionner les loyers, et pour que ce ne soit pas toujours à recommencer, la seule solution est de reconstruire et de développer le parc de logements sociaux. À l'heure actuelle, parmi les membres de l'OCDE, le Canada est au 16e rang pour ce qui est de la proportion de logements sociaux sur son territoire. C'est indécent. Nous faisons partie du G7. Abandonner de la sorte des ménages pauvres n'a aucun bon sens. Pour notre part, nous pensons que le gouvernement doit revoir de manière magistrale ses investissements dans le développement de nouveaux logements sociaux et, surtout, qu'il doit concentrer ses efforts dans ce secteur.
En ce qui a trait au marché privé, nous ne pouvons même pas lui faire de reproches; il fait son travail, il cherche à faire des profits. Je regrette, mais quand on est à la recherche de profits, ce n'est pas vrai que...