Madame la Présidente, nous tenons aujourd'hui un débat très important et je suis ravie de pouvoir y participer.
La motion dont nous sommes saisis demande à la Chambre de condamner la décision de la Commission des libérations conditionnelles du Canada qui a entraîné la mort tragique de Marylène Levesque à Québec. Cette motion est extrêmement pertinente, surtout dans un contexte où nous soulignons l'importance de mettre fin à la violence faite aux femmes. Ce que nous devons faire ici aujourd'hui, c'est nous assurer que la Commission des libérations conditionnelles prenne des décisions éclairées et fasse bien son travail.
J'ai entendu certaines des déclarations qui ont été faites aujourd'hui. Nous devons nous pencher sur les événements qui ont réellement mené à la mort de cette femme, et les raisons qui leur ont permis de se produire. Les autres enjeux ne doivent pas prendre toute la place. Nous pourrions débattre à l'infini de certains sujets qui ont été lancés la semaine dernière. Nous pourrions aborder la question de la légalisation de la prostitution. Nous pourrions examiner la question des peines obligatoires, ou des 200 postes vacants au chapitre des nominations du gouvernement. Il existe tant d'autres questions à propos desquelles nous pourrions intervenir, mais je pense que nous devons avant tout aller au cœur du problème, à savoir qu'un criminel condamné a pu bénéficier d'une semi-liberté.
Il est très important de regarder tout le dossier pour mettre les choses dans leur contexte. Que s'est-il passé au juste et pourquoi cette motion est-elle si importante?
En 2006, Eustachio Gallese a sauvagement assassiné Chantale Deschênes. Il a été reconnu coupable d'avoir tué sa femme en la battant avec un marteau et en la poignardant à plusieurs reprises. Il est important de regarder ce qui a mené à la condamnation de cet individu au départ.
M. Gallese a été condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 15 ans. En septembre 2019, la Commission des libérations conditionnelles a examiné son dossier. On y indiquait qu'il avait des antécédents de violence envers les femmes même avant le meurtre commis en 2006. Selon les documents de la Commission des libérations conditionnelles, il n'était pas prêt à avoir des relations avec les femmes. Cet élément est crucial. On note dans son dossier en septembre 2019 qu'il n'est pas prêt à avoir des relations avec les femmes, pourtant, c'est exactement ce qu'il a pu faire.
C'est une suite totalement incohérente. Il s'agit d'un cas de violence à l'égard des femmes. Il est question du droit d'un homme à la semi-liberté, mais 15 ans après les faits. Pour tout Canadien qui n'est pas avocat, mais qui souhaite comprendre le contexte juridique de cette affaire, je voudrais apporter quelques précisions. Pour comprendre les motifs de la décision, nous devons vraiment comprendre le rôle de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, ce qu'est la semi-liberté et le processus qui a mené à cette décision.
Je voudrais lire, pour le compte rendu, le texte concernant la semi-liberté au Canada. Il dit ceci:
La semi-liberté permet à un délinquant de participer à des activités dans la collectivité pour se préparer à la libération conditionnelle totale ou à la libération d'office. Les délinquants en semi-liberté doivent rentrer chaque soir dans un établissement résidentiel communautaire ou un foyer de transition, à moins que la Commission des libérations conditionnelles du Canada les autorise à faire autrement. Ils sont tenus de respecter un certain nombre de conditions de base durant leur période de liberté, et la Commission des libérations conditionnelles peut y ajouter des conditions.
Le processus décisionnel comprend deux principes clés. Je pense que c'est ce dont nous débattons aujourd'hui. Il y a deux principes clés qui semblent avoir été jetés par-dessus bord lorsqu'il a été décidé d'accorder la semi-liberté à cet individu.
Premièrement, la protection de la société devrait être le facteur prépondérant dans l'évaluation de n'importe quel cas. Deuxièmement, la commission doit veiller à ce que les mesures nécessaires à la protection du public soient le moins restrictives possible. On doit aussi tenir compte d'autres facteurs, comme le risque que présente la libération de la personne. Celle-ci représente-t-elle un danger pour la société? Nous voyons ou entendons beaucoup de choses, mais les examens des risques que doit mener la Commission des libérations conditionnelles sont très importants. J'aimerais parler de ces deux points.
Il faut tenir compte des antécédents sociaux et criminels du délinquant. Penchons-nous sur la décision de la Commission des libérations conditionnelles du Canada. En septembre 2019, la Commission a indiqué que le délinquant ne devrait avoir aucune relation avec les femmes. En 2006, cet homme a assassiné sa conjointe en lui assenant des coups de marteau et de couteau. Nous savons qu'avant cet événement, il s'est montré violent envers des femmes. Il faut voir s'il y a eu des progrès. Cet homme a-t-il fait quelque progrès que ce soit? S'il est libéré dans la collectivité, est-ce que celle-ci sera en sécurité?
Son dossier suscite une multitude de questions. Nous savons que M. Gallese a été condamné à l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pendant 15 ans. Il a été emprisonné de 2006 à 2015. Il a assassiné sa conjointe et avait des antécédents de violence. En ce qui concerne la protection de la société, la Commission indique dans sa décision que le délinquant ne présente pas un risque inacceptable.
Ce sont là des cases qui n'ont absolument pas été cochées. Compte tenu de toutes les informations fournies, la décision de lui accorder une semi-liberté a compromis de façon extrême la sécurité de la société.
Même si, aux yeux de la plupart des Canadiens, il s'agit d'un dossier simple et évident, les faits ont été très mal interprétés à la Commission des libérations conditionnelles du Canada. À mon avis, cette question est absolument ridicule: pourquoi cela s'est-il produit? Que s'est-il passé ensuite, alors que nous examinions cette question? Comment cela a-t-il pu arriver?
Nous pouvons blâmer les autres, mais je crois que la chose la plus importante est que nous ne voulons plus jamais revoir ce genre de chose. Alors que nous tenons ce débat important, y a-t-il un seul député à la Chambre qui souhaite qu'il y ait une autre victime d'un crime aussi horrible?
Au Québec, nous le savons, après les modifications apportées en 2017, seulement deux des 16 agents avaient de l'expérience, c'est-à-dire qu'ils venaient d'être nommés. J'aimerais partager avec les députés un article paru sur le site de la CBC. Voici ce qu'il dit:
Deux anciens membres de la Commission des libérations conditionnelles du Canada ont dit mardi qu'ils avaient essayé de prévenir le [...] gouvernement en 2017 que les modifications à la manière dont les membres de la Commission sont nommés pourraient mener à des prises de décisions « dangereuses » de la part des membres inexpérimentés.
Nous voici aujourd'hui: ces décisions dangereuses ont été prises. Malheureusement, Mme Levesque n'est plus parmi nous.
L'article se poursuit en ces termes:
Ils craignent que cette inexpérience ait pu contribuer à la mort de Mme Levesque, âgée de 22 ans, dans une chambre [...] à Québec.
Dave Blackburn, qui était membre de la Commission des libérations conditionnelles de 2015 à 2018, a dit ce qui suit:
Je n'aurais jamais exposé de jeunes femmes vulnérables à un homme qui a un passé violent et qui a tué [sa] femme.
C'est une question très importante. On parle beaucoup des femmes vulnérables, mais ici, on parle d'une prostituée. On parle d'une jeune femme qui travaillait dans un salon de massage. Les prostituées sont les femmes les plus vulnérables. Nous ne les protégeons pas lorsque nous permettons aux gens de leur dire qu'il est normal pour elles d'avoir des relations sexuelles avec des personnes sans se soucier de leurs antécédents criminels et des risques.
M. Blackburn poursuit en disant que la décision de la Commission des libérations conditionnelles du Canada d'autoriser cet homme à voir des travailleuses du sexe revient à mettre un loup dans un poulailler.
L'article se poursuit:
Jean-Claude Boyer, qui était membre de la Commission de 2012 à 2018, est d'accord et se demande ce qui est passé par la tête de l'agente de libération conditionnelle de Gallese lorsqu'elle s'est dit que des rencontres de ce délinquant avec des travailleuses du sexe constitueraient une « stratégie de gestion des risques ».
C'est ce qui me fait vraiment peur. Des gens élaborent et évaluent cette stratégie, mais la réalité, c'est que si l'on tient compte du risque et des antécédents du délinquant, ce dernier n'aurait jamais dû être libéré.
Deuxièmement, on n'aurait jamais dû le libérer et lui conseiller de payer une travailleuse du sexe pour satisfaire ses pulsions sexuelles. C'est tout à fait ridicule. En tant que mère ayant des filles et en tant que députée qui représente de nombreuses femmes et de nombreux enfants, je m'inquiète vraiment du sort de notre société si nous prenons ce genre de situation à la légère.
L'article se poursuit ainsi:
Jean-Claude Boyer, un ancien membre de la commission des libérations conditionnelles, faisait partie du groupe d'anciens commissaires ayant prévenu le greffier du Conseil privé et le premier ministre [...] que la perte de commissaires expérimentés pouvait entraîner la prise de décisions « dangereuses ».
Faut-il le redire, c'est exactement ce qui s'est passé.
Comme les députés le savent, c'est aujourd'hui une autre journée marquante, car le projet de loi qui avait été présenté par Rona Ambrose a été présenté de nouveau par le ministre de la Justice. C'est extrêmement important. Nous devons adopter ce genre de mesure législative très importante et peut-être aussi examiner certaines propositions d'amendement, parce qu'à part les juges, les membres de la Commission des libérations conditionnelles doivent, eux aussi, gérer ce genre de cas. Alors, qu'en est-il d'eux?
Ont-ils reçu la formation nécessaire sur les agressions sexuelles pour que les personnes à qui ils accordent la libération conditionnelle ou la semi-liberté ne récidivent pas? Savent-ils ce qui est arrivé aux victimes précédentes? Si nous tenons à protéger les personnes les plus vulnérables, pourquoi ne pas prévoir de la formation? Nous en parlons tout le temps, mais nous ne passons pas à l'action.
Pour terminer, je cite un extrait d'un mémoire de l'Association canadienne des policiers adressé en 2007 à la Chambre des communes:
De plus, nombre de délinquants dangereux auraient admis avoir commis beaucoup d’infractions sexuelles pour lesquelles ils n’ont pas été arrêtés, soit environ 27 infractions en moyenne.
C'est très inquiétant. Par conséquent, je me réjouis à l'idée de poursuivre cette discussion. Nous pouvons en faire plus, et nous devons faire mieux.
Madam Speaker, today we are having a very important debate and I am so glad to be part of it.
The motion calls on the House to condemn the decision of the Parole Board of Canada that resulted in the tragic death of Marylène Levesque in Quebec City. Today's motion is extremely relevant, especially when we recognize the importance of eradicating and ending violence against women. Ensuring correct and accurate decisions by the Parole Board, making sure that it is doing its job appropriately, is what we need to do here today.
I have heard some of the interventions today. We have to look at what actually happened to this woman, what actually resulted in her death and why this happened. It is not so much about the other issues. We can talk a lot about the debates that we have been sparked in the last week. We can talk about legalization of prostitution, when to look at mandatory sentences and we can also look at the fact that the federal government has over 200 vacancies on its appointments. There are so many other issues we can intervene on, but I think we have to go ultimately to what the issue is, which is that a convicted felon was released on day parole.
Looking at the history of this file is very important, because we have to put it into context. What actually happened here and why is it so important to discuss this motion?
To begin, we have to look at the 2006 brutal death of Chantale Deschênes at the hands of Eustachio Gallese. He was convicted of murdering his wife with a hammer and stabbing her several times. We need to look at that and why this man was convicted in the first place.
Mr. Gallese was sentenced to life in prison without the possibility of parole for 15 years. Then, looking at the timeline we come to September 2019, when the Parole Board reviewed his file. His file indicated that he had a history of violence against women, even before his murder conviction in 2006. According to Parole Board documents, he was not ready to have relationships with women. This is such an important point. His file noted in September 2019 that he was not ready to have relationships with women, yet that is exactly what happened.
This is very much a disconnect. We are talking about violence against women. We are talking about a man's right to day parole, but 15 years after the fact. Like any other Canadian who may not be a lawyer but wants to understand the legal background of this, I want to put out some clarification. When we look at what we are trying to justify, we really need to look at the Parole Board of Canada, what day parole is and how it came to this decision.
I would like to read into Hansard text regarding day parole in Canada:
Day parole allows an offender to participate in community-based activities in preparation for full parole or statutory release. Offenders on day parole must return nightly to a community-based residential facility or halfway house unless otherwise authorized by the Parole Board of Canada. In addition to standard conditions of day parole, the Parole Board may also impose special conditions that an offender must abide by during release.
The decision-making process includes two key principles here. I think this is what we are debating today. There are two key principles that seem to have been thrown to the wind when the decision was made to allow this person to have day parole.
First is that the protection of society be the paramount consideration in the determination of any case. Second is that the board make the least restrictive determination consistent with the protection of society. It must consider many different things as well. It has to consider whether there is a risk to letting the person out. Is there a risk to society? Will the offender, on release, contribute to society? There are lots of different things that we hear or see, but these risk assessments that must be made by the Parole Board are very important. I would like to talk about these two points.
An offender's social and criminal history must be looked at. Let us look at the decision by the Parole Board of Canada. In September 2019, the Parole Board noted that he should not have any relationships with women. In 2006, he murdered his wife with a hammer and by stabbing her. Prior to that, we know that violence against women existed in what he does. We have to look at progression. Was there any progression at all with this man? Is he going to be released to the community and is the community going to be safe?
Looking back at this file and checking things off, we see question marks all over the place. We know that Mr. Gallese was sentenced for life without parole for 15 years, from 2006 to 2015. He had murdered his wife and had a history of violence. According to the decision made, for the protection of society, the offender will not present any undue risk to society.
These are check boxes that were absolutely not checked. For somebody to make the decision to let him out on day parole after all of the information that was given is extremely risky to the safety of our society.
Although the file seems cut and dried to most Canadians, somehow it got lost in translation when we were dealing with the Parole Board of Canada. To me, this question is absolutely crazy. Why did this happen? What happened next, when we were looking at this? How did this happen in the first place?
We can play the blame game here, but I think the most important thing is that we do not ever want to see this happen again. As we are having this important debate, who in this chamber wants to see such a horrific crime ever happen again to any victim?
In Quebec, we know that, after some changes made in 2017, only two of the 16 parole officers had any experience, which means that they were reappointed. I would like to share with members an article from the CBC, which said:
Two former Parole Board of Canada members said Tuesday they tried to warn the...government in 2017 that changes to the way board members were nominated could lead to inexperienced members making “dangerous” decisions.
Here we are today, and those dangerous decisions were made. Unfortunately, Ms. Levesque is no longer with us.
The article continues:
They fear that very inexperience may have contributed to the death of...Levesque, 22 [years old], in a...room in...Quebec City....
Dave Blackburn, a Parole Board member who had served from 2015 to 2018, stated in the article that:
I never would have put a man who has a violent past, who killed his...spouse, among young women who are vulnerable.
This is so important. I am listening to people talk about vulnerable women. We are talking about an escort. We are talking about a young woman who was working in a massage parlour. We are talking about our most vulnerable women. We are not protecting them when we allow people to say, “Go out there and have sex with them. Do not worry about your criminal background and let us not worry about the risk. This is okay.”
Mr. Blackburn continues to say that, “It's like putting the wolf in the hen house”, which is exactly what the Parole Board of Canada did by releasing that man.
The article continues:
Jean-Claude Boyer, a parole board member from 2012 to 2018, agreed, questioning how Gallese's Correctional Services' case worker or his parole officer [would have] ever...characterized the offender's encounters with sex workers as a “risk management strategy.”
This is what really scares me. We have people making this strategy and assessing it, but the fact is that, looking at the risk management and recognizing his past history, this person should never have been released in the first place.
Second, he should never have been released and advised to pay for sex to deal with his sexual urges. This is absolutely ludicrous. As a mother of daughters and a member of Parliament who represents so many women and children, I am very concerned with what our society is going to look like if we are going to treat these situations so lightly.
The article goes on to say that:
Former parole board member Jean-Claude Boyer was one of a group of ex-members who warned the clerk of the Privy Council and the prime minister...that losing experienced members could lead to “dangerous” decisions.
Again, that is exactly what we saw.
Today, as members know, is another monumental day, because the bill that was brought forward previously by Rona Ambrose was reintroduced by the Minister of Justice. This is extremely important. We need to see this important type of legislation go through the House of Commons and perhaps look at some amendments, because we know that judges are dealing with these cases, but what about Parole Board officers?
Have they gone through the proper training on sexual assault to make sure that when they are releasing these people on bail or day parole they are not going to reoffend? Are they aware of what happened to previous victims? If we are going to protect our most vulnerable, why are we not doing this? We talk about this all the time, and we are not doing it.
To conclude, a Canadian Police Association brief to the House of Commons in 2007 noted that:
Many dangerous offenders admit to having committed a large number of sexual offences for which they were not arrested—an average of 27 offences per offender.
This is hugely concerning. Therefore, I am looking forward to continuing this conversation. We can do more, and we must do better.