Madame la présidente, nous demandons cette mise à jour économique depuis le mois de mai, tout comme les autres partis de l'opposition et le directeur parlementaire du budget. Enfin, nous l'avons aujourd'hui.
Encore une fois, le gouvernement a choisi d'informer le milieu financier avant d'informer la Chambre. Comme chacun le sait, c'est Bloomberg qui a d'abord annoncé la nouvelle.
Sincèrement, les attentes du Bloc québécois relativement à la mise à jour économique d'aujourd'hui n'étaient pas très élevées. Malgré cela, le portrait économique présenté aujourd'hui a quand même réussi à nous décevoir. Au fond, le document dresse la liste des mesures annoncées et des répercussions sur les finances. Grosso modo, ça s'arrête là.
Nous avions fait plusieurs demandes en lien avec la mise à jour économique. D'abord, nous avions demandé le transfert sans condition de 14 milliards de dollars aux provinces et au Québec. Cela n'y est pas. Il est question des 14 milliards de dollars, mais la liste des conditions est toujours là.
Ensuite, nous avions demandé que des modifications soient apportées à la Prestation canadienne d'urgence, afin d'inciter les travailleurs et les travailleuses à retourner au travail. Cela n'est pas là non plus. Nous avions aussi demandé que des modifications soient apportées à la Subvention salariale d'urgence du Canada, afin d'inclure les industries saisonnières comme le tourisme et la culture. Cela n'est pas là non plus.
À la lecture du portrait économique, on se croirait au mois d'avril. Pourtant, nous sommes en juillet. Les commerces ont commencé à rouvrir. C'est le début de la reprise économique. C'est le temps d'adapter les programmes. La mise à jour économique d'aujourd'hui était une occasion en or de présenter de tels changements, mais cela n'a pas été fait.
Je vais donner l'exemple de la Prestation canadienne d'urgence. Selon moi, c'est d'abord une mesure de santé publique. On a demandé aux gens de rester à la maison, de ne pas aller travailler. En contrepartie, l'État leur verse 2 000 $ par mois. Toutefois, lorsque les commerces commencent à rouvrir et que l'économie redémarre, le gouvernement doit changer son message. Il est plus que temps de modifier la Prestation canadienne d'urgence.
À l'heure actuelle, un travailleur ou une travailleuse qui gagne un dollar de plus que les 1 000 $ permis n'a pas droit à la Prestation. Présentement, nous sommes au stade de la reprise économique, et non pas au stade de la relance économique. Pourtant, on dit que les gens qui gagnent un dollar de plus n'ont pas droit à la Prestation. Cela n'a pas de bon sens.
La situation est la suivante: le taux de chômage est d'environ 12 %, ce qui est très élevé. Si des mesures sanitaires étaient mises en place, plusieurs personnes pourraient travailler. Les chambres de commerce nous ont dit que leurs membres avaient de la difficulté à trouver des employés, parce que le gouvernement n'a toujours pas apporté de modifications à la Prestation canadienne d'urgence. Dans le fond, le message que le gouvernement envoie, c'est de continuer à dire aux travailleuses et aux travailleurs de rester à la maison, comme c'était le cas au mois d'avril. Cela n'a pas de bon sens.
Depuis le mois de mars, nous demandons au gouvernement d'y apporter des modifications. Plus tôt, le chef du Parti conservateur a dit que c'était lui qui en avait fait la proposition en premier. Quand il s'agit d'une bonne idée, il faut la propager, peu importe qui en a eu l'idée.
Le principe devrait être le même que celui de l'assurance-emploi. Si une personne gagne plus de 1 000 $, le principe du système progressif qu'est l'assurance-emploi fait qu'elle ne perdra pas tout. Par exemple, on pourrait garder 50 ¢ pour chaque dollar supplémentaire gagné.
Depuis près de quatre mois, le gouvernement nous répond que c'est trop compliqué. Ce genre d'excuse, on peut s'en servir pendant une ou deux semaines, voire trois semaines, mais s'en servir pendant quatre mois, c'est trop long. Cela ne fonctionne pas.
C'est la même chose pour ce qui est de la Subvention salariale d'urgence du Canada: le gouvernement doit la modifier. Si les pertes d'un employeur sont de 30 %, celui-ci a droit à la Subvention. Toutefois, si ses pertes sont de 29 %, l'employeur n'y a plus droit. Cela n'a pas de bon sens.
Nous comprenons que, pendant les premières semaines, il fallait établir certains critères, vu l'urgence de la situation. On a même changé cela pour 15 % lors du premier mois. C'est ainsi depuis plusieurs mois, mais il est temps que cela change. Il faut bonifier, améliorer, ces mesures.
Il faut aussi modifier la Subvention salariale d'urgence pour permettre aux secteurs saisonniers, comme les secteurs du tourisme et de la culture, d'y avoir accès. La solution est très simple. En fait, la solution est tellement simple que le gouvernement nous l'a proposée il y a un mois, mais elle n'a toujours pas été mise en place. La solution était de verser la Subvention sur la base des salaires de l'an dernier plutôt que sur ceux du mois de février, alors que les entreprises saisonnières étaient évidemment fermées. Cela faisait partie du projet de loi C-17, qui a été déposé à la Chambre il y a un mois, mais qui n'a toujours pas été adopté.
Pourquoi le projet de loi C-17 n'a-t-il pas été adopté?
Le projet de loi C-17 n'a pas été adopté, parce que le gouvernement a choisi de bouder, tout simplement. Soit que la Chambre l'adoptait immédiatement tel quel, mot pour mot, soit que le gouvernement ne le présentait pas. Donc, nous n'avons pas eu le droit de le modifier et nous n'avons même pas eu le droit d'en débattre, rien, niet. C'était à prendre ou à laisser. Il faut le faire. Ce gouvernement minoritaire veut jouer à l'apprenti dictateur. Cela n'a pas de bon sens. Je vais faire un petit commentaire personnel. Quand on se fait demander quel pays ou quel régime on admire, et qu'on répond que c'est la Chine, cela peut donner des envies de jouer à l'apprenti dictateur. C'est ce qu'on voit ici.
Nous attendons toujours impatiemment que le gouvernement fasse adopter ces modifications à la subvention salariale. Cela comprend notamment la modification nécessaire pour qu'Airbus puisse y avoir accès, même si une part des sommes investies dans ce projet vient des fonds publics. On le sait, l'aérospatiale fonctionne mal. Il faut que ce soit changé.
Rappelons que, pendant que des pans entiers de notre économie n'ont pas accès à la subvention salariale, le Parti libéral, lui, a les deux mains dedans. Dans ce cas-ci, je dirais que la pandémie a le dos large, et pas à peu près. Il s'agit d'un terrible enjeu éthique. Pendant que le Parti libéral s'est donné le droit de s'abreuver à même la subvention, il se traîne les pieds. Cela fait un mois que les choses traînent pour des pans entiers de notre économie. C'est une honte et cela doit changer.
Ce qu'on voit dans le document est un peu contradictoire. Le gouvernement n'a toujours pas fait adopter le projet de loi C-17, sauf qu'il a choisi de prendre en compte la mise à jour économique présentée aujourd'hui dans ses évaluations financières. Il serait donc temps de débattre du projet de loi C-17. Comme ma collègue de Saanich—Gulf Islands, du Parti vert, le disait tantôt, à la page 20, on énumère l'aide pour les personnes qui ont un handicap. Comme on le sait, c'est l'un des groupes de la population les plus touchés par la pandémie. Le gouvernement le reconnaît dans son document.
Quand est-ce que le gouvernement va présenter cela pour que nous puissions en débattre — oui, nous avons le droit, c'est notre travail — pour le modifier au besoin et, éventuellement, l'adopter? Cela fait un mois que nous attendons cela.
Il y a un autre sujet qui revient sans cesse, et c'est celui des prestations qui ont été versées en trop. Il y a eu des cas de fraude, et le gouvernement a dit qu'il allait procéder à un recouvrement. Dans le portrait économique d'aujourd'hui, il n'y a pas une ligne là-dessus. Je vais raconter une anecdote. Il s'agit d'une image forte, qu'on se tienne bien. Lors du breffage technique que le gouvernement a donné aux partis de l'opposition un peu plus tôt, j'ai posé une question à ce sujet. On m'a répondu par un silence et on a même entendu « what the fudge! », avec une grande exclamation. C'est la réponse que nous avons eue. On conviendra que ce n'est pas la réponse du siècle. Ce ne sont pas des farces. Les libéraux se sont demandé s'ils avaient oublié d'en parler. Que s'est-il passé? C'est une autre belle occasion ratée.
Comme nous nous y attendions, le document nous apprend que la dette est énorme. Le déficit jusqu'à maintenant est de 343 milliards de dollars. Ces 343 milliards de dollars, c'est la facture que nous aurons le 31 mars prochain si, entre aujourd'hui et mars prochain, plus rien n'est voté, s'il n'y a pas de seconde vague et si aucune autre mesure n'est mise en place. C'est un minimum. C'est là qu'on est rendu. C'est évidemment préoccupant.
Il y a une information étonnante et intéressante dans le document. Le service de la dette, soit les intérêts payés sur la dette, diminue, parce que les taux d'intérêt ont baissé à cause du soutien massif de la Banque du Canada et de toutes les banques centrales dans le monde qui ont fait cela avec leur économie. À court terme et, on l'espère, à long terme, on parle d'obligations de 10 à 30 ans qui permettent de réduire les intérêts à payer.
Comme les autres pays du G7 et du G20, le gouvernement s'est énormément endetté pour soutenir l'économie au temps de la pandémie. Comme on dit, c'était la moins mauvaise des solutions.
Un tel déficit peut être justifié si l'on fait de bonnes dépenses. De bonnes dépenses, c'est ce que nous demandons. Je les rappelle ici. J'en ai parlé précédemment dans mon discours. Une bonne dépense serait de transférer les 14 milliards de dollars aux provinces, mais sans condition. Une bonne dépense serait de modifier la Prestation canadienne d'urgence pour y ajouter un incitatif à l'emploi. Le gouvernement devrait s'atteler à cela dans les meilleurs délais. Nous nous attendions à voir cela dans le document aujourd'hui. Il faudrait aussi étendre la Subvention salariale d'urgence aux secteurs saisonniers comme le tourisme et la culture.
Face au déficit historique, le gouvernement offre une solution simple, voire simplette, celle des obligations de l'endettement. Comme je le disais, ce sera une part importante à long terme, de 10 à 30 ans. On ne parle pas ici de hausse des revenus.
Dans ce document, le gouvernement nous dit qu'il ne fera rien de plus contre l'évasion fiscale et l'évitement fiscal ou pour que les GAFAM, les géants du Web, paient leur part en taxes, en impôts et en redevances. Le message du gouvernement aujourd'hui est clair. Les géants du Web, les banques et les multinationales qui ne paient pas leur part d'impôt vont pouvoir continuer à le faire, et l'endettement record qu'on voit ne change rien à la donne. C'est grave et cela doit changer. On peut compter sur nous pour continuer à faire pression.
Dans ses prévisions économiques, le gouvernement se base sur les prévisions du secteur privé et nous apprend qu'il y aura une baisse de 6,8 % de l'activité pour cette année, compensée par une hausse de 5,5 % en 2021. À la fin de l'année prochaine, quand on compare ces chiffres, on ne sera pas au même niveau qu'avant la crise de la COVID-19. C'est ce que les économistes appellent la racine carrée inversée. Qu'est-ce que c'est? Cela descend, cela remonte, mais, après, cela stagne à un niveau plus bas qu'avant. C'est inquiétant. Face à cela, le gouvernement aurait dû réduire l'incertitude au maximum en annonçant dès maintenant, comme nous le disons depuis tantôt, des modifications à ses programmes d'aide. Un autre point bien important aurait été de prolonger l'aide sur une plus longue durée pour les secteurs économiques que nous devons soutenir et qui auront de la difficulté plus longtemps, comme l'aérospatiale ou la culture. Il faut réduire l'incertitude.
Dans son portrait économique, le gouvernement reconnaît ce que nous disent les commerçants. Son programme d'aide au loyer ne fonctionne pas. Combien de demandes ont été faites dans l'ensemble du Canada pour ce programme? La réponse est 29 000. Quand on compare cela aux prêts d'urgence de 40 000 $, c'est presque 700 000 $. On voit que ce programme est presque 25 fois moins utilisé. Cela envoie un message clair. Le gouvernement a publié les chiffres dans ce document. Il faut revoir et bonifier ce programme, car cela n'a pas de bon sens qu'il soit 25 fois moins utilisé.
Compte tenu des coûts en santé qui ont explosé, la facture pour les provinces et le Québec est évidemment très salée. Les 14 milliards de dollars annoncés ne couvriront qu'une partie des nouveaux coûts. Les conditions imposées dans cette situation ne servent à rien, sinon qu'à centraliser davantage le pouvoir de cette fédération en minant le pouvoir des provinces.
Avant la pandémie, le système de santé était déjà sous-financé. Le directeur parlementaire du budget l'a amplement démontré. La marge de manœuvre se trouvait et se trouve toujours à Ottawa, même si les dépenses importantes sont faites par Québec et les provinces. Cela fait depuis Lester B. Pearson, en 1964, que nous n'avons pas eu un seul transfert d'un seul point d'impôt du fédéral vers les provinces, alors que les secteurs où les dépenses sont importantes, soit la santé, l'éducation et le soutien aux services sociaux, relèvent des provinces.
À Ottawa, le gouvernement négocie des ententes à la pièce. Il empiète systématiquement sur les champs de compétence des provinces en imposant ses conditions. Il réduit ses transferts, augmente ses conditions et son ingérence. Il faut que cela cesse. Cela ne fonctionne pas et cela a assez duré. On le voit sur le terrain: nos services publics suffoquent et Ottawa ne collabore pas.
L'action d'Ottawa dans la crise actuelle amplifie cette centralisation, et il faut que cela cesse. Je le répète: nous demandons au gouvernement, comme premier geste de bonne foi, de retirer les conditions liées à ces 14 milliards de dollars et de les transférer au plus vite. Ce serait un pas dans la bonne direction.