Madame la Présidente, je suis excessivement heureux de reprendre la parole devant vous aujourd'hui dans le dossier du projet de loi C-4 et donc dans celui de l'aluminium.
Je voudrais d'abord saluer les nombreux élus, dont le maire d'Alma, M. Marc Asselin, et la mairesse de Saguenay, Mme Josée Néron, les représentants syndicaux Éric Drolet, Sylvain Maltais et Alain Gagnon en particulier, ainsi que les acteurs économiques qui ont tout fait pour que le Bloc québécois finisse par appuyer l'Accord.
Oui, les gens s'attendaient à ce que nous votions, mais ils voulaient que ce soit pour obtenir des gains. Au lieu de nous ordonner de nous taire et de voter sans poser des questions, ils ont au contraire choisi de travailler avec nous et ce n'était pas fou du tout.
L'idée n'était pas mal en effet. Il s'agissait d'utiliser pleinement le pouvoir dont nos sièges sont investis pour que les intérêts fondamentaux du Québec et de ses régions soient préservés. Il n'était pas question de critiquer sans rien proposer.
C'était peut-être viser très loin — on dit « long shot » en anglais — en décembre dernier, alors qu'on sait que la Chambre avait perdu l'habitude de voir une opposition qui fait son travail au lieu de s'opposer pour s'opposer. Il fallait croire que des gains étaient possibles. Force est d'admettre que cela a finalement payé.
Je vais revenir sur les étapes qui m'ont amené à dire que je voterai en faveur du projet de loi C-4 finalement. Cela vaut la peine, puisque je pense avant tout aux gens qui nous écoutent et qui se demandent ce qui s'est passé entre deux jours avant la ratification de l'ACEUM et aujourd'hui, relativement à la perte de protection de l'aluminium.
Le 10 décembre, on apprenait que l'aluminium n'était plus protégé, comme l'a si bien dit mon collègue de Joliette. Le gouvernement a laissé de côté le secteur de l'aluminium, alors que l'aluminium est le deuxième produit d'exportation du Québec. Pire, il prévoyait que le dossier était clos pour 10 ans. Pour nous et pour de nombreux acteurs de la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean, de la Côte-Nord et du Centre-du-Québec, c'était une catastrophe.
Le 12 décembre, nous annoncions clairement nos intentions. Nous ne voterions pas pour l'Accord sans que l'aluminium n'obtienne une protection équivalente à celle de l'acier. Même le député de Chicoutimi—Le Fjord était à nos côtés. Devant les médias, il a envisagé de voter contre l'Accord. Il a publié avec nous un communiqué dont voici les grandes lignes:
Il y a de bons points dans l’entente, mais concernant l’aluminium, c’est inacceptable de n’avoir obtenu aucune protection pour notre industrie [...] mon monde va toujours passer en premier. L’aluminium n’a pas été respecté [...] à moins que des gains ne soient faits pour sécuriser notre place sur le marché nord-américain ou des programmes d’exportations, j’envisage fortement de voter contre l’entente.
Cela a changé, mais c'est ce qu'il disait il n'y a pas si longtemps.
J'imagine qu'il nous a fait confiance pour la suite des choses. La semaine suivante, le 19 décembre, nous sommes sortis conjointement, mais sans lui, avec de nombreux syndicats, entrepreneurs, élus municipaux et provinciaux du Saguenay—Lac-Saint-Jean au complet. C'était d'ailleurs une plus grande mobilisation que pour le GNL.
L'aluminium, c'est un grand projet pour notre monde depuis 100 ans. De surcroît, l'aluminium de ma région et du Québec est le plus vert de la planète.
Toutefois, à la base, il faut se rappeler que, au début de tout cela, nous étions les seuls au Bloc québécois à dire que l'aluminium n'avait pas obtenu la même protection que l'acier, parce que nous étions les seuls à avoir bien lu l'entente.
C'est drôle, l'acier est une industrie majoritairement ontarienne et l'aluminium, comme on le sait maintenant, est une industrie quasi strictement québécoise. En effet, 90 % de l'aluminium canadien est produit au Québec, dont 60 % au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Ce n'est pas vraiment surprenant. On commence à être habitués au Québec de servir de monnaie d'échange dans les traités internationaux au profit de l'industrie automobile de l'Ontario et de l'industrie du pétrole de l'Ouest.
Nous étions donc les seuls à dire cela, alors que les libéraux nous sortaient toujours les mêmes belles lignes de communication alambiquées. À force de le répéter et de le prouver au gré des débats, nous sommes arrivés à ce que le NPD et les conservateurs se rangent derrière nos arguments. Toutefois, les libéraux persistaient à nier la triste réalité. Contrairement à nos collègues des autres partis de l'opposition, nous ne pouvions pas laisser tomber nos travailleurs et nos travailleuses de l'aluminium. Nous ne pouvions pas voter pour la mise en œuvre de l'Accord. C'était juste impossible pour nous de le faire.
Je l'ai peut-être déjà dit, mais, sur le côté de ma table de chevet, j'ai collé un petit papier sur lequel il est écrit « pour qui tu travailles ». C'est ce que je vois chaque matin quand je me réveille. La réponse à cette question, c'est que je travaille pour mes concitoyens et mes concitoyennes, pour les gens du Lac-Saint-Jean et du Québec en entier.
Que faisons-nous devant cet état de fait?
Certains disaient que nous étions seuls. C'était sans compter le courage, la force et le cœur des gens de chez nous. Ils se sont mobilisés et nous les avons appuyés sur les plans politique et technique. Nous n'étions pas seuls et ils n'étaient plus seuls. Ils sont tous venus ici, à Ottawa, à la fin du mois de janvier, pour faire part de leurs inquiétudes. Les élus, les travailleurs et les travailleuses ainsi que les acteurs économiques de nos régions se sont déplacés pour nous faire part de leurs inquiétudes, et ils avaient une étude en main.
Cette étude disait en gros que 30 000 emplois étaient menacés si les phases d'expansions ne se réalisaient pas. C'est 6,2 milliards de dollars en investissements qui étaient en péril. C'est 1 milliard de dollars en retombées économiques par année pendant 10 ans qui auraient été anéantis si l'entente n'était pas modifiée et si on ne trouvait pas une solution réelle. Il fallait une proposition concrète pour faire en sorte que la protection de l'aluminium soit bonifiée.
Devions-nous rester assis, les bras croisés, devant ces chiffres astronomiques?
C'est de la vitalité de nos régions et du Québec qu'on parle. On parle de nos familles et de nos enfants, alors nous nous sommes tenus debout.
Nous n'avons pas seulement fait des critiques, ce serait mal nous connaître. Nous avons proposé une solution. Au début, il n'y avait personne de l'autre côté de la Chambre pour nous écouter. Or, la vie est ainsi faite, il n'y a que les fous qui ne changent pas d'idée. Je vais leur donner cela: les libéraux ont finalement entendu raison et je les en remercie aujourd'hui.
Les libéraux ont accepté de négocier et nous en sommes finalement arrivés à une entente. Au bout du compte, certains de mes honorables collègues ont été capables de mettre la partisanerie de côté et de faire passer les intérêts des gens que nous représentons avant celui des partis présents à la Chambre.
Il y a beaucoup de choses qui nous séparent ici. Par exemple, je crois profondément que le Québec se doit de devenir un pays, et ce, le plus tôt possible. Malgré les différences évidentes quant à notre vision politique, nous avons été capables de réaliser un gain et de faire en sorte que l'aluminium soit maintenant mieux protégé. C'est effectivement la proposition du Bloc, mais c'est la vice-première ministre qui a porté cette proposition à Washington. Je la remercie pour tout cela.
Imaginons un instant ce qui serait arrivé si nous étions restés assis et si nous avions voté en faveur de la mise en œuvre de l'Accord sans rien demander. Ce n'est pas compliqué, si le Bloc avait agi comme tous les autres partis de la Chambre, nos travailleurs et nos travailleuses de l'aluminium auraient été laissés de côté. Les régions du Québec auraient été abandonnées. L'économie du Québec aurait été encore une fois la grande perdante d'un autre traité international signé par Ottawa.
La Chambre a donc pu observer les principes qui guident le Bloc québécois. Nous agissons d'abord et avant tout selon notre conscience. Force est d'admettre que nous avons influencé positivement la façon de travailler à la Chambre. Tant mieux si les autres partis représentés ici s'inspirent de notre façon de faire. Tout compte fait, ce sont les hommes et les femmes que nous représentons qui en sortent gagnants.
Pour qui travaillons-nous? Moi, je le sais. Je laisse maintenant tous mes honorables collègues répondre à cette question.