Monsieur le Président, je propose que le premier rapport du Comité spécial sur les relations sino-canadiennes, présenté le mercredi 11 mars 2020, soit adopté.
Je partagerai mon temps de parole avec le député de Flamborough—Glanbrook.
Il est essentiel que nous ayons l'occasion de discuter des événements horribles qui se déroulent à Hong Kong en ce moment même. Toutefois, avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à dire quelques mots directement à la communauté sino-canadienne.
Mai est le Mois du patrimoine asiatique, qui représente une occasion de célébrer les riches contributions des Canadiens d'origine asiatique. Au cours de la pandémie, nous avons vu des organismes communautaires asiatiques ainsi qu'un large éventail d'organismes culturels intervenir pour soutenir les membres de leurs collectivités et d'ailleurs. Je tiens à remercier tout particulièrement l'organisme Friends of Hong Kong-Edmonton d'avoir livré une grande quantité de masques aux habitants de ma circonscription.
Les Canadiens d'origine asiatique ont été parmi les premiers à demander une réponse plus robuste face à la pandémie. Nous aurions dû les écouter. Dans la foulée des conversations sérieuses et nécessaires sur la responsabilité du gouvernement chinois, et plus particulièrement du Parti communiste chinois, à l'égard de cette pandémie mondiale, certains Canadiens d'origine asiatique sentent la pression associée à la montée du racisme et même des crimes haineux. Des personnes ont tenté d'utiliser cette pandémie comme excuse pour justifier le racisme anti-asiatique. D'autres ont tenté d'utiliser ce racisme comme excuse pour demander que nous tempérions nos critiques envers le Parti communiste chinois. Les extrémistes des deux côtés — d'un côté, les xénophobes et, de l'autre, les défenseurs du Parti communiste chinois —, cherchent à trompeusement amalgamer les structures politiques oppressives de la Chine avec le peuple chinois, ses cultures et ses valeurs. Ces deux démons qui semblent à l'opposé l'un de l'autre, la xénophobie et le soutien au Parti communiste chinois, peuvent partager la même source intellectuelle: la tentative d'associer le peuple chinois, sa culture et ses valeurs au système politique de ses oppresseurs.
Malheureusement, Dominic Barton, l'ambassadeur du Canada en Chine sélectionné par le premier ministre lui-même, a donné de la crédibilité à cet amalgame trompeur lorsqu'il a affirmé devant le Comité spécial sur les relations sino-canadiennes: « Les Chinois accordent beaucoup d'importance aux valeurs du collectivisme et de la bonne entente, en raison de leur patrimoine confucianiste. Il faut comprendre à quel point la Chine chérit l'unité et les besoins de la société dans son ensemble, plutôt que la liberté de choix individuel... Nous devons tout simplement saisir cela. »
L'ambassadeur Barton a tort. Il se trompe à propos de Confucius, à propos de la Chine et à propos des Chinois. Pour remplacer cette image déformée, nous devons dissocier ces idées et reconnaître que le matérialisme déshumanisant du marxisme est complètement étranger aux traditions riches et anciennes de la Chine, qui prônent la responsabilité individuelle, la vénération de la beauté, la continuité avec le passé et le respect des aspects immatériels de l'existence.
Il n'est pas contradictoire d'adorer la Chine et de détester le communisme — en fait, c'est une combinaison toute naturelle. Le peuple chinois désire la liberté au moins autant que nous. L'ancien premier ministre britannique Tony Blair n'aurait pas pu mieux dire lorsqu'il a affirmé: « Partout, chaque fois que les gens ordinaires ont la possibilité de choisir, le choix est le même: la liberté, pas la tyrannie; la démocratie, pas la dictature; la primauté du droit, pas la police secrète. » Nous savons que c'est le cas du peuple chinois en particulier, non pas en nous fondant sur un raisonnement général ou une philosophie abstraite, mais par l'observation directe d'événements, y compris des événements qui ont eu lieu à Hong Kong.
La semaine dernière, le député de Steveston—Richmond-Est et moi avons coanimé un webinaire intitulé Why Hong Kong Matters, auquel ont participé des figures marquantes du mouvement démocratique de Hong Kong. Voilà une question à laquelle nous devrions réfléchir: pourquoi exactement Hong Kong est-elle importante?
Pendant ce webinaire, nous avons discuté de l'importance commerciale de Hong Kong, tant pour la Chine que pour le reste de la planète, et du fait que les efforts du Parti communiste chinois visant à miner son statut juridique unique vont nuire à l'économie chinoise. Nous avons aussi discuté de la façon dont la nouvelle loi imposée par le Parti communiste chinois viole les engagements internationaux de la Chine en vertu de la Déclaration commune sino-britannique. Il a aussi été question de notre obligation de défendre les droits de la personne et de nos obligations à l'égard des nombreux citoyens canadiens vivant à Hong Kong.
Toutefois, tous ces points essentiels cachent une question encore plus fondamentale: pourquoi Hong Kong est-elle importante? Elle est importante parce qu'elle constitue la clé du contexte planétaire en ce qui a trait aux défis et aux conflits qui nous préoccupent en ce XXIe siècle. En effet, deux systèmes politiques irréconciliables s'opposent. Il y a d'une part les sociétés les plus libres de l'histoire de l'humanité, et de l'autre la plus importante tentative de l'histoire de l'humanité visant à faire de la dystopie technologique du roman 1984 de George Orwell une réalité. Le XXIe siècle présentera au monde un choix entre ces deux options, chacune se considérant comme le point culminant de notre évolution sociale et technologique.
Pourquoi Hong Kong détient-elle la clé?
Les Hongkongais ont tant donné pour défendre leurs libertés, non seulement parce que ces libertés leur avaient été promises dans la Déclaration commune sino-britannique, mais aussi parce qu'elles correspondent profondément à l'histoire, à la culture et aux valeurs des Chinois. Hong Kong n'est pas moins chinoise que la Chine continentale et elle n'est pas moins imprégnée de tradition confucéenne, mais ses habitants chérissent leur liberté avec une passion électrisante et inspirante. Tout comme ces courageux manifestants tués lors du massacre de la place Tiananmen, tout comme les Taïwanais, tout comme les membres de plus en plus nombreux des groupes confessionnels chinois, ces hommes et ces femmes chérissent et défendent leur liberté.
Lorsque des extrémistes des deux camps essaient d'assimiler la Chine aux aspects sombres du communisme, Hong Kong est là pour leur donner tort en s'affichant comme un modèle de défense de la liberté.
Le Parti communiste chinois essaie de se servir de cette pandémie, dont il est lui-même responsable, pour éliminer le modèle hongkongais, exercer une répression contre cette grande ville et cacher le désir de liberté des Hongkongais et de tous les Chinois. Le Parti communiste chinois comprend l'importance de Hong Kong, et nous devons aussi en être conscients.
Aujourd'hui, nous étudions une motion concernant le Comité spécial sur les relations sino-canadiennes, qui a été présentée par le député de Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, et qui vise à s'opposer à l'arrestation de dirigeants pro démocratie à Hong Kong. Les troublantes arrestations arbitraires de héros de la liberté et de la démocratie semblent avoir marqué le début d'une manœuvre coordonnée pour mettre fin, dans les faits, au principe « un pays, deux systèmes », et pour le remplacer par un contrôle direct de Pékin, prétendument au nom de la sécurité nationale.
Bien qu'il se caractérise par une certaine liberté économique et individuelle, le régime politique de Hong Kong n'est pas démocratique à proprement parler. La présence, au sein de son assemblée législative, de personnes qui représentent ce qu'on appelle les circonscriptions fonctionnelles a pour effet de fausser les résultats et de limiter le contrôle exercé par la population sur le gouvernement du territoire. Ces problèmes ont amené de plus en plus de personnes à réclamer un véritable suffrage universel et une vraie démocratie. J'appuie entièrement ces revendications, mais les ministres libéraux du Canada n'ont pas su en faire autant.
Le gouvernement non démocratique de Hong Kong a tenté de faire avancer diverses lois sur la sécurité qui auraient réduit considérablement les libertés dans cette région du monde. Ces tentatives ont toujours soulevé une vive opposition. Le dernier mouvement de protestation, qui a été déclenché par la présentation d'un projet de loi d'extradition, s'est transformé en un fort appel soutenu pour une véritable démocratie. Au cours de ces manifestations, le gouvernement de Hong Kong a retiré le projet de loi d'extradition, et les partis pro-démocratie ont remporté une victoire historique aux élections locales.
En réponse à l'opposition que ses plans draconiens soulèvent sur le territoire, le gouvernement de Pékin a maintenant l'intention de ne même plus se donner la peine de prétendre respecter le processus décisionnel local en mettant en place de vastes mesures de sécurité sans consulter les institutions affaiblies de Hong Kong. Selon ces nouvelles mesures imposées par Pékin, le Parti communiste chinois pourrait sans aucune limite invoquer la sécurité nationale comme excuse pour appliquer des mesures arbitraires. Cette nouvelle loi impose en fait un système unique à l'ensemble de la Chine, anéantissant ainsi toute autonomie de Hong Kong.
Dans un article récent d'un média de l'État chinois, on déclare ouvertement que Jimmy Lai pourrait être poursuivi pour avoir publié des commentaires pro-démocratie sur Twitter aux termes de cette nouvelle loi sur la sécurité. Elle crée des crimes de toutes pièces afin de poursuivre les personnes qui ont déjà été arrêtées. Ces mesures sont néfastes pour la Chine, son économie et sa réputation internationale. Cependant, le Parti communiste chinois n'a jamais manqué de montrer qu'il est prêt à faire avancer le contrôle qu'il exerce au détriment de l'intérêt national et du peuple chinois.
Le Parti communiste chinois estime que chaque cas de Chinois vivant en liberté est une menace pour la survie de son système, car la liberté est plus contagieuse que n'importe quel virus. Quand les gens jouissent de la liberté, ils ne veulent pas y renoncer. Lorsqu'ils voient que d'autres en bénéficient, ils veulent les imiter. La situation à Hong Kong nous rappelle que la Chine, dans toute sa beauté et sa complexité, est composée de femmes et d'hommes qui désirent et qui méritent la liberté et qui ont défié des chars d'assaut parce qu'ils refusaient de vivre dans une dictature.
En réponse à ces événements, le gouvernement du Canada n'a pas pu jusqu'ici faire preuve de la force et de la clarté morale qui s'imposent. Le ministre des Affaires étrangères a adopté une approche attentiste, tandis que le premier ministre s'est contenté d'en appeler à une atténuation des tensions et à un véritable dialogue. Il est honteux que le gouvernement choisisse de tourner autour du pot devant une question morale aussi évidente, qui englobe aussi la violation du droit international. On pourrait se demander si, après s'être informé au sujet du mouvement américain pour la défense des droits civiques, le premier ministre a conclu que ce qui s'imposait vraiment, c'était une atténuation des tensions.
Le gouvernement ne se fait guère honneur en jouant le rôle d'intermédiaire neutre et indifférent entre l'oppresseur et l'opprimé. Ce qui est honorable, c'est de défendre les opprimés et de promouvoir la justice.
C'est ce que le Canada a fait après l'invasion de l'Ukraine orchestrée par le président Poutine. Nous avons obtenu un consensus international pour arrêter le Kremlin et le punir pour ses actes et pour venir en aide au peuple ukrainien. Nous avons eu recours à une panoplie de mesures économiques et politiques pour soutenir les victimes de violence et pour décourager les agressions futures. Un gouvernement doté d'une politique étrangère fondée sur des principes prendrait le même genre de mesures aujourd'hui.
Au cours des cinq dernières années, le gouvernement s'est rapidement éloigné de la politique étrangère fondée sur des principes au profit d'une politique axée sur l'accommodement et l'apaisement. Cela trahit nos valeurs fondamentales et accorde la priorité aux intérêts d'une poignée d'entreprises bien branchées et aux politiques du Conseil de sécurité des Nations unies plutôt qu'aux questions de droits de la personne et de justice fondamentale.
En l'absence de leadership de la part du gouvernement, nous devons toujours nous servir des outils à la disposition d'un gouvernement minoritaire pour obliger le gouvernement à faire mieux. Nous devons assurer la reprise des travaux du Comité spécial sur les relations sino-canadiennes le plus rapidement possible. Le gouvernement s'était opposé à la création de ce comité, mais tous les partis de l'opposition ont uni leurs efforts pour faire ce qui s'imposait. C'est ce que nous devons faire de nouveau en cette période périlleuse pour Hong Kong et le monde entier.