Madame la Présidente, les jeunes Autochtones que j'ai rencontrés dans le bureau du ministre des Affaires du Nord n'étaient pas des activistes radicaux, mais bien des jeunes Autochtones sensibles qui voulaient parler de l'importance de la terre, de l'eau et de l'air.
Une jeune femme, qui avait dormi dans le bureau du ministre des Affaires du Nord pendant plus de 10 jours, m'a parlé, en larmes, de la frustration qu'elle ressentait après avoir vu et entendu des personnes avec lesquelles elle a noué des liens d'amitié il y a un an se faire arrêter pour leurs convictions au début du mois.
Nous avons tiré des leçons des crises d'Oka, d'Ipperwash, de Caledonia et du lac Gustafsen, et je crois que les policiers comprennent aussi leur rôle dans ce genre de situation. L'an dernier, nous avons dit que nous ne voulions plus jamais revoir d'images de policiers recourant à la force pour maintenir la paix dans une communauté autochtone.
Les Canadiens comptent sur nous pour que nous travaillions ensemble à l'établissement d'un dialogue respectueux avec les Wet'suwet'en. Nous souhaitons tous voir ce conflit se régler de manière pacifique et durable.
La rhétorique et les tactiques de division des députés d'en face sont irresponsables. Nous voulons que les Wet'suwet'en se réunissent pour régler leurs divergences d'opinions. Nous voulons travailler tant avec les chefs de conseil qu'avec les chefs héréditaires pour bâtir un avenir où ils ne seront pas soumis à la Loi sur les Indiens et où ils pourront, comme nation, choisir leur propre mode de gouvernance, rédiger leurs propres lois et, finalement, affirmer leurs droits en prenant des décisions au sujet de leurs terres, de l'eau et de l'air dans l'intérêt de leurs enfants et des sept générations à venir.
Ce qui nous inspire ici, c'est le courage des Wet'suwet'en qui, pour faire reconnaître leurs droits, ont porté l'affaire Delgamuukw jusqu'à la Cour suprême en 1997. Nous tenons à préciser toutefois que la Cour ne leur a pas reconnu un titre sur leurs terres à ce moment-là. Elle a confirmé les droits des Wet'suwet'en mais a reporté à plus tard l'examen du titre.
Plus de 20 ans se sont écoulés depuis qui ont vu de nombreux gouvernements provincial et fédéral se succéder, et les Wet'suwet'en ont maintenant hâte, et pour cause, de voir la question du titre être résolue. Je serai heureuse de travailler avec eux dans ce dossier pour tenter de trouver une solution non judiciaire.
Les Wet'suwet'en travaillent dur sur ces prochaines étapes dans le cadre du processus des traités de la Colombie-Britannique et, plus récemment — soit depuis 2018 —, sur des revendications précises, la préparation des négociations et la reconstruction des nations, avec des fonds provenant du gouvernement à des fins de recherche.
Il y a deux ans, j'ai signé, avec les chefs héréditaires de l'Office of the Wet'suwet'en, un accord affirmant leurs droits sur les services à l'enfance et à la famille. À la cérémonie de signature, il y avait un peu de chevauchement. Certains chefs héréditaires agissaient ou avaient déjà agi également comme chefs de bande ou membres du conseil de bande.
Partout au Canada, plus de la moitié des bandes assujetties à la Loi sur les Indiens siègent maintenant à des tables pour faire avancer les choses dans le sens de leurs priorités, en exerçant leur compétence. Qu'on parle de l'éducation, des pêches, des services à l'enfance et à la famille, des services de police ou des appareils judiciaires, nous avons fait de grands pas dans l'entreprise difficile consistant, selon la description qu'en donne Lee Crowchild, à déconstruire les effets de la colonisation.
En Colombie-Britannique, nous avons été inspirés par le Sommet de la Colombie-Britannique, qui a permis d'élaborer et de signer, avec le fédéral et la province de la Colombie-Britannique, une nouvelle politique selon laquelle les notions d'aliénation, de cession et d'abandon seront à jamais absentes des traités, des accords et des autres ententes constructives.
Cette nouvelle politique de la Colombie-Britannique, fruit de plusieurs années de dur labeur, est porteuse de changements. Elle élimine de nombreux obstacles qui nuisaient au processus des traités. Grâce à cet outil essentiel, nous pouvons accélérer la marche vers l'autodétermination. Je crois que la politique de la Colombie-Britannique pourra servir de modèle pour les nations d'un bout à l'autre du pays.
Nous avons convenu que les Premières Nations n'auront plus besoin d'emprunter de l'argent pour financer leurs négociations avec l'État canadien. Nous avons aussi décidé de radier les prêts existants et avons même, dans certains cas, redonné leur argent aux nations qui avaient fini de rembourser leurs prêts.
Pendant plus de deux ans, nous avons élaboré une nouvelle politique financière collaborative en partenariat avec les Premières Nations déjà autonomes afin qu'elles aient accès à du financement stable, prévisible et adéquat pour voir à leurs affaires.
Ce nouveau mode de financement leur offre beaucoup plus d'argent qu'ils n'en auraient reçu en vertu de la Loi sur les Indiens.
Les conditions sont réunies pour que la relation avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis au Canada soit désormais axée sur la reconnaissance des droits, le respect, la collaboration et le partenariat. Quel plaisir ce fut de voir avec quelle créativité et quel esprit novateur les Ktunaxas et les Sto:los ont abordé la négociation des traités modernes.
Nous avons été inspirés de voir les chefs héréditaires, la chef élue et le conseil de bande des Heiltsuks unir leurs efforts pour conclure un accord sur l'accession à l'autonomie gouvernementale avec le Canada.
Nous sommes également reconnaissants au gouvernement de la Colombie-Britannique pour l'important travail qu'il a effectué pour faire avancer la réconciliation, y compris l'adoption du projet de loi 41, qui met en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
J'aimerais remercier Murray Rankin de tout le travail qu'il a effectué pour la Colombie-Britannique sur la question des territoires et des titres avec la nation des Wet'suwet'en et Nathan Cullen, pour son travail avec toutes les parties à l'impasse actuelle.
Nous avons vu qu'il est possible de faire véritablement avancer les choses lorsque les chefs héréditaires et élus se donnent une vision commune de la reconstruction des nations et travaillent ensemble pour établir un plan clair vers l'autonomie gouvernementale.
Je suis impatiente d'avoir ces discussions avec les Wet'suwet'en.
Nous faisons du bon travail sur la question des services à l'enfance et à la famille. Nous avons aussi l'obligation de passer à des discussions sérieuses sur la reconstruction de la nation des Wet'suwet'en.
Le temps est venu d'appliquer l'arrêt Delgamuukw, de montrer que la solution à la question des droits et des titres ancestraux passe par le dialogue.
Mon travail consiste à assurer que le Canada trouve des solutions hors tribunaux, ainsi qu'à accélérer les négociations et les ententes aux tables où un véritable changement peut avoir lieu.
J'espère que nous pourrons bientôt nous asseoir avec les chefs héréditaires des Wet'suwet'en pour collaborer à l'atteinte de leurs objectifs à court et à long terme.
Dans bon nombre de régions du Canada, il est très difficile de déterminer qui détient un titre sur des terres, car différentes nations ont occupé de mêmes territoires au fil du temps. Dans d'autres cas, comme celui du territoire tsilhqot'in, on a la preuve manifeste que des terres ont été occupées par une seule nation pendant des millénaires.
Le Canada vit un moment décisif. Nous devons composer efficacement avec l'incertitude. Les Canadiens souhaitent que les droits autochtones soient respectés. Ils ont hâte de constater de véritables progrès, et comptent sur nous pour mettre en place un ensemble de règles et de procédures qui permettront d'appliquer de manière honorable l'article 35 de la Constitution canadienne.
Légiférer et mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la DNUDPA, est une voie possible pour la suite.
Les Canadiens sont conscients qu'il y a des opinions divergentes parmi les Wet'suwet'en. Comme il a été dit, 20 chefs élus et leurs conseils ont approuvé le projet en consultation avec leur communauté. Des dirigeantes ont exprimé leur avis en disant que le projet peut éliminer la pauvreté ou créer des emplois intéressants pour les jeunes hommes tout en contribuant à réduire la violence familiale et le taux d'incarcération.
Crystal Smith, la conseillère en chef des Haislas, est favorable au projet de pipeline. Ce matin, elle a déclaré avec éloquence à l'émission Ottawa Morning qu'il revient à la nation des Wet'suwet'en de trouver une solution, et que les avis externes n'arrangent rien.
La communauté des Wet'suwet'en doit s'unir et parvenir à un consensus, et ce n'est pas le débat d'aujourd'hui qui va régler la situation.
Certaines personnes ont affirmé que, selon la vision autochtone du monde, le fait d'offrir une source d'énergie qui aidera la Chine à s'affranchir partiellement des centrales au charbon est une bonne chose pour la Terre mère. Nous espérons que les Wet'suwet'en pourront s'entendre et prendre ensemble des décisions qui seront dans l'intérêt supérieur de leurs enfants, de leurs petits-enfants et des prochaines générations.
Nous soulevons les milliers de jeunes Canadiens qui luttent pour la justice climatique.
Nous savons qu'ils ont besoin d'espoir. Ils veulent un véritable plan d'attaque contre la crise climatique. Nous estimons avoir mis en place un plan efficace, qu'il s'agisse des technologies propres, de l'énergie renouvelable, du transport en commun ou de la protection des terres et des eaux.
Nous voulons que les jeunes Canadiens et tous ceux qui sonnent l'alarme concernant les changements climatiques depuis des décennies se sentent entendus.
Ils doivent avoir de l'espoir et se sentir partie prenante dans l'élaboration de véritables solutions.
Comme je l'ai dit mardi soir, nous investissons dans le travail de Val Napoleon et de John Borrows au pavillon en droit autochtone, l'Indigenous Legal Lodge, de l'Université de Victoria, et nous nous en inspirons. On pourra mener des recherches sur les lois de nombreuses nations afin de créer une structure de gouvernance et des constitutions qui les respectent.
Il est très important de comprendre les dommages causés par la colonisation et les pensionnats, ce qui a parfois entraîné des interprétations différentes des pratiques et des usages juridiques traditionnels.
Nous pensons qu'il sera un jour possible pour le Canada d'intégrer le droit autochtone, comme nous l'avons fait dans le cas de la common law et du droit civil dans le processus législatif canadien.
Nous visons également à mettre en oeuvre les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation ainsi qu'à faire mieux connaître notre histoire commune.
Nous voulons que tous les leaders autochtones constatent notre volonté réelle de rétablir un climat de confiance et de travailler dans le respect, comme l’ont déjà déclaré avec tant de sincérité le ministre des Services aux Autochtones et le premier ministre.
Dans la foulée des engagements publics et répétés du premier ministre et de son homologue de la Colombie-Britannique, et de nos lettres du 16 février et d’hier, le ministre provincial des Relations avec les Autochtones et de la Réconciliation et moi-même sommes toujours désireux de maintenir un processus fondé sur la confiance et le respect mutuel pour remédier aux enjeux criants soulevés par les chefs héréditaires de la nation des Wet’suwet’en.
Nous leur avons écrit le 16 février dernier pour leur proposer une rencontre d’urgence et les aviser que nous pouvions les rencontrer à Smithers si cela leur convenait. Signe de notre engagement et de l'urgence de la situation, nous nous sommes tous les deux rendus à Victoria ce lundi pour être rapidement à Smithers si tel était leur volonté.
Bien que nous n’ayons pas encore pu nous rencontrer, nous poursuivons le dialogue grâce aux nombreuses conservations que nous avons avec des chefs héréditaires de la nation des Wet’suwet’en afin de dénouer l'impasse. C’était une étape importante, et nous les remercions de prendre part à la discussion avec le même désir d’en venir à une résolution pacifique. Nous savons qu’ils ont des enjeux urgents à résoudre et que ceux-ci nécessitent une attention particulière des deux ordres de gouvernement, qui doivent collaborer avec eux pour paver la voie à une résolution pacifique.
Nous nous engageons à trouver avec eux et la nation des Wet'suwet'en un processus mutuellement acceptable qui nous permettrait de négocier et de traiter les questions urgentes et les questions à long terme. Nous leur avons à nouveau écrit hier pour organiser une réunion en personne. Nous espérons que les Wet'suwet'en pourront signifier à ceux qui sont solidaires avec eux qu'il est maintenant temps pour eux de se retirer. Nous devons nous remettre au travail avec la nation des Wet'suwet'en dans le respect de ses lois et de sa gouvernance, et travailler de nation à nation avec la Couronne. J'espère pouvoir dès que possible repartir en Colombie-Britannique pour poursuivre ce travail.
En conclusion, je dirais que, en tant que médecin, on m'a d'abord appris à ne pas faire de mal. Or, le débat d'aujourd'hui me semble préjudiciable aux progrès que nous devons accomplir pour parvenir à une solution durable.