Madame la Présidente, c'est un grand plaisir de prendre la parole sur le projet de loi qui vise à ratifier l'ACEUM. Nous sommes rendus à la troisième lecture; cela va très vite. C'est bien que cela avance, mais il ne faut pas aller trop vite. Il faut prendre le temps de bien étudier le projet de loi et de bien en débattre.
Au Bloc québécois, notre travail est de représenter les intérêts des Québécoises et des Québécois. Nous sommes là pour cela. Nous sommes d'accord sur le principe qu'il y ait des accords de libre-échange. Nous avons besoin du libre-échange. En économie, on dirait que le Québec est une petite économie ouverte. Nous avons un grand territoire et une population autour de 8 millions de personnes. Nous avons besoin de faire des échanges avec le reste de la population. Nous nous spécialisons dans les secteurs de l'aérospatiale, de l'intelligence artificielle et de l'informatique, par exemple. Nous sommes fiers de nos agricultrices et de nos agriculteurs et du secteur de la forêt dans les régions. Nous pouvons donc faire des échanges. À la base, nous sommes en faveur des accords libre-échange.
Évidemment, aucun accord n'est jamais parfait. L'ALENA ne l'était pas. Avait-on vraiment besoin d'un nouvel accord tel que l'ACEUM qui remplace l'ALENA? Ce sont les impératifs du voisin du Sud qui le commandaient. Je dirais que c'est un accord qui est assez bon pour l'économie canadienne. Par exemple, l'industrie automobile y est assez bien défendue.
Il y a un élément qui me déçoit dans cet accord et dans les derniers accords que le Canada a négociés. Un accord doit généralement être bénéfique pour la majorité d'une population, dans ce cas-ci, celle du Canada, mais l'accord fait toujours des perdants. Je me demande pourquoi — je ne me le demande pas longtemps — ce sont toujours des secteurs importants de l'économie du Québec qui sont donnés en échange.
Dans cet accord, on peut voir les concessions qui ont été faites en ce qui concerne les brèches de la gestion de l'offre. On l'a vu aussi dans le Partenariat transpacifique. Le Québec est loin de l'océan Pacifique; pourtant, un pan important de l'économie a été donné en compensations. Ce fut la même chose dans l'Accord de libre-échange Canada-Europe. Quand le Canada négocie, on dirait que c'est moins difficile pour lui de sacrifier le Québec lorsque vient le temps de donner quelque chose en échange. Il voudrait bien protéger les intérêts du Québec, mais, quand il faut choisir, il sacrifie un pan de l'économie du Québec.
On avait vu cela aussi lorsque la Chine est entrée dans l'OMC. Cela a tué notre secteur du textile. Il en reste encore quelque chose, mais c'est marginal comparativement à ce qu'on avait avant. Le gouvernement n'a rien fait pour accompagner ce secteur. Beaucoup des travailleuses qui avaient fait cela toute leur vie se sont retrouvé le bec à l'eau, devant rien. Pourtant, les États-Unis ont accompagné leur industrie du textile et ils ont pu maintenir davantage d'emplois.
La même chose s'est produite pour les chantiers maritimes. L'accord avec le nord de l'Europe a mené à la fermeture des chantiers à Montréal et à Sorel, sans compensations ni accompagnement. Cela est navrant.
Cela dit, cet accord-ci n'est pas parfait, mais c'est pour nous une belle occasion de régler le conflit du bois d'œuvre. Le régime forestier au Québec a été revu de fond en comble pour veiller à ce que les Américains ne puissent dire d'aucune manière qu'il est subventionné et qu'on puisse bien faire affaire avec le voisin du Sud en ce qui concerne le bois d'œuvre.
Malheureusement, le nouvel accord n'a pas servi à régler ce contentieux. La stratégie américaine est de faire s'éterniser le conflit et de prélever des taxes afin de ralentir le marché de cette industrie. Quand elle est sur le bord de la faillite, on signe au rabais. À l'heure actuelle, cela n'a pas été fait. Je déplore le fait que le premier ministre n'a jamais pris la parole pour défendre l'industrie forestière québécoise. Les entreprises forestières paient le bois plus cher, le prix étant déterminé par un mécanisme du marché, et se font taxer à la frontière en plus. Nous avons fait ce qu'il fallait pour régler cela. Par contre, à l'échelle fédérale, le gouvernement n'a pas fait son travail. À cause de cela, notre industrie paie deux fois. C'est vraiment déplorable.
Compte tenu de tout cela, nous avions décidé il y a un an de poser deux conditions pour que le Bloc appuie l'ACEUM. La première était une pleine compensation pour les agriculteurs et agricultrices sous gestion de l'offre. Je suis plutôt fier d'avoir demandé à la Chambre l'appui unanime des députés à une pleine compensation pour les trois derniers accords avant la ratification de celui-ci. Nous avions évidemment attendu que l'ancien député de Beauce aille au petit coin, car il s'opposait farouchement à la gestion de l'offre. Après tout, il n'avait qu'à se retenir. Quand nous avons vu cet appui, nous nous sommes dit que nous pourrions appuyer ce nouvel Accord puisque la moitié de nos conditions était remplie.
L'autre condition était que les taxes illégales sur l'acier et l'aluminium soient annulées. Il y a bien sûr des producteurs d'acier au Québec comme le confirme mon collègue de Pierre-Boucher—Les Patriotes—Verchères. Cependant, le cœur de notre préoccupation visait le secteur de l'aluminium, car 90 % de l'aluminium fait au Canada provient du Québec. Les échanges avec nos voisins américains remontent à loin dans ce dossier. Je me suis rendu à Washington et j'ai écrit dans les journaux là-bas. Nous avons tenu plusieurs rencontres, nous avons tous mis la main à la pâte et nous avons réussi à faire lever ces taxes. Nous nous sommes dit que ça y était enfin.
Or le 10 décembre dernier, après que le Mexique et les États-Unis ont eu signé l'Accord, la Chambre a décidé d'aller de l'avant et les libéraux se pétaient les bretelles. Cependant, quand nous avons lu la version définitive du texte de l'Accord, nous avons vu qu'un pan de l'économie cher au Québec avait encore une fois été sacrifié. Il y avait une disparité entre la protection accordée à l'acier, qui est surtout fabriqué en Ontario, et celle accordée à l'aluminium, qui est surtout fabriqué au Québec. Encore une fois, on nous avait réservé à la Chambre une petite surprise de dernière minute: l'économie du Québec n'avait pas reçu la même protection que celle de l'Ontario. C'est inacceptable. Maintenant que les États-Unis et le Mexique avaient ratifié l'Accord, il devenait bien difficile de retourner négocier pour en changer les dispositions et y réintégrer cette protection.
Il a venté fort. Les pressions de la part du gouvernement et de différents acteurs ont été très fortes pour que nous signions l'Accord sous prétexte qu'il était impossible de le modifier. Mon collègue de Lac-Saint-Jean et mon collègue de Jonquière se sont tout de suite mobilisés avec les intervenants de leurs régions, les élus municipaux, les travailleuses, les travailleurs, les syndicats et les entreprises. Ils ont dit qu'ils n’allaient pas laisser passer cela et qu'ils allaient faire quelque chose. On nous disait de signer l'Accord parce qu'il était bon pour le reste de l'économie. Même si la gestion de l'offre et le secteur de l'aluminium étaient perdants, on nous demandait de les oublier et de penser aux gagnants.
Nous avons pourtant décidé de nous battre contre cela et de faire quelque chose pour défendre l'aluminium. Il n'était pas évident de savoir comment procéder, mais nous avons réussi à faire des avancées majeures grâce à la grande mobilisation des intervenants et — je tiens à applaudir la chose — une belle collaboration de la part de la vice-première ministre.
On sait maintenant que le problème soulevé par les changements de dernière minute à l'ACEUM était que l'on offrait une belle protection à l'acier. La clause « fondu et coulé » de l'Accord exigeait que l'essentiel des pièces automobiles faites sur le territoire de l'Accord devaient l'être avec de l'acier de l'Amérique du Nord. Cette clause ne s'appliquait cependant pas à l'aluminium.
Or, plusieurs pièces d'automobile sont faites au Mexique, qui importait de l'aluminium de la Chine, le plus polluant au monde puisqu'il est fait dans des usines qui fonctionnent au charbon, alors que nous avons au Québec l'aluminium le plus vert et le plus écoénergétique du monde. Le Mexique n'avait plus alors qu'à transformer cet aluminium pour en faire de l'aluminium nord-américain. Même le premier ministre a déjà reconnu que les pratiques de dumping visant l'aluminium chinois sont inacceptables et illégales en commerce international.
Nous avons donc obtenu du gouvernement qu'il s'engage à ce que le Mexique applique les mêmes mesures de traçabilité que celles du Canada pour mesurer ce qui provient de la Chine ainsi que la part des composantes faites en aluminium chinois. S'il y a un problème, on pourra alors retravailler la clause « fondu et coulé ». Je crois comprendre que les Américains sont d'accord avec nous à ce sujet et qu'ils vont très prochainement s'assurer d'imposer des mesures de traçabilité pour éviter que le Mexique n'utilise pas d'aluminium ayant fait l'objet de dumping.
Je vais m'arrêter ici, puisque mon temps de parole est terminé.