Monsieur le Président, aujourd'hui, ce n'est pas de gaieté de cœur que je prends la parole à la Chambre. Je dois mentionner, premièrement, que le ministre de la Défense et moi avons un point en commun: nous avons tous les deux servi honorablement les Forces canadiennes, chacun durant une vingtaine d'années. Nous avons atteint le grade de lieutenant-colonel et nous avons chacun commandé des unités d'infanterie. Ce sont les points que nous avons en commun. Le ministre a particulièrement très bien servi notre pays dans le cadre des différentes missions auxquelles il a participé partout dans le monde. Je le remercie pour son service.
Par contre, le 19 octobre 2015, lors des élections fédérales, nos chemins ont pris des tangentes différentes: j'ai choisi de me présenter sous la bannière du Parti conservateur; le ministre de la Défense a choisi de se présenter sous celle du Parti libéral.
Rappelons-nous ce que représente le Parti libéral du Canada pour les Forces canadiennes. Rappelons-nous les 10 années de noirceur de l'époque Chrétien, l'époque de l'achat des sous-marins usagés, l'époque de l'annulation des contrats d'hélicoptères, l'époque où on n'avait même plus de bottes de combat pour nos soldats. C'est le chemin et le parti que le ministre a choisis.
À partir de cette date, lui et moi n'étions plus des militaires. Nous étions dorénavant d'anciens militaires devenus députés de la Chambre des communes, une fonction politique. C'est à ce moment-là que les problèmes ont commencé pour le ministre.
La première étape, c'était en 2015. Lors de la campagne électorale, on a vécu un drame mondial. Un petit garçon a été retrouvé mort sur une plage en Italie. C'était un réfugié syrien qui essayait de quitter la Syrie, qui était sous l'emprise du groupe État islamique. Il y avait des réfugiés qui cherchaient une terre d'asile. Les libéraux ont offert plusieurs places, et nous ne nous sommes pas opposés à cela. Il fallait faire quelque chose pour les aider.
Toutefois, notre pays était aussi au combat. Nos forces armées et notre aviation étaient en Irak et en Syrie pour combattre l'ennemi, le groupe État islamique. Quelle décision ce gouvernement a-t-il prise à son arrivée au pouvoir? Il a retiré les CF‑18 de la campagne de bombardement contre le groupe État islamique. Il a arrêté de combattre l'ennemi, celui qui a provoqué la mort du petit garçon sur la plage et la fuite des réfugiés syriens qui se sauvaient pour trouver une terre d'asile. Nous n'avons jamais pu comprendre cela.
Lorsque nous disons que le ministre camoufle la vérité ou induit les Canadiens en erreur, nous parlons des décisions. Lorsque nous l'avons questionné abondamment sur les raisons derrière le retrait des CF‑18, le ministre nous a mentionné que l'Irak était d'accord. Par la suite, dans une entrevue avec un ministre irakien, on apprenait que c'était faux. L'Irak était très déçu de la décision du Canada.
La prochaine étape a été marquante pour la carrière d'un militaire de grand talent, le vice-amiral Mark Norman. À l'époque, il était le commandant de la Marine royale canadienne. Lorsqu'il a entendu que le gouvernement nouvellement arrivé, probablement libéral, voulait annuler le contrat du navire Asterix qui avait été octroyé par le gouvernement conservateur, c'était la goutte qui a fait déborder le vase. Le vice-amiral Norman, un homme qui travaillait pour ses troupes, les hommes et les femmes de la Marine royale canadienne, savait très bien que la décision du gouvernement conservateur d'octroyer le contrat de l'Asterix à la Davie était la meilleure solution pour régler les problèmes qu'on avait au sein de la Marine.
On a su que la première décision prise par le premier ministre et le Conseil des ministres a été de tout faire pour annuler ce contrat. Le vice-amiral Norman a tout fait pour que cela n'arrive pas, et il en a payé le prix politique, soit celui de sa carrière. Tout ce qu'il voulait faire, c'était donner les outils nécessaires à la Marine royale pour qu'elle puisse bien faire son travail.
Qu'a fait le ministre de la Défense qui était en place pour s'assurer que les Forces armées canadiennes opéraient de façon efficace partout dans le monde? C'est cela, le devoir d'un ministre de la Défense. Il s'agit de s'assurer que ses troupes ont les outils nécessaires pour faire leur travail. Au lieu de cela, le ministre a contribué au problème. Il a contribué à faire en sorte que le vice-amiral Norman devienne persona non grata. Celui-ci a fait face à des accusations et la GRC a débarqué chez lui. C'est épouvantable.
Cet homme était considéré comme le prochain chef d'état-major. On prévoyait qu'il assure le commandement des Forces armées canadiennes à l'avenir. Il s'est plutôt retrouvé à la retraite. Le gouvernement a bien arrangé les choses en payant les frais d'avocat — on ne sait combien, car c'est secret — pour que le vice-amiral Norman s'en aille finalement chez lui, qu'il se taise et que nous n'entendions plus parler de rien.
Est-ce ce à quoi nous nous attendons du leadership d'un ministre? Nous attendons-nous à ce que le ministre dise toujours oui aux décisions malveillantes du premier ministre? Un ministre doit être capable de se lever et de dire que cela ne fonctionne pas, qu'on ne peut faire cela. Pourtant, le ministre n'a rien dit.
En 2018, l'ombudsman des Forces armées canadiennes s'est présenté au bureau du ministre de la Défense nationale pour lui faire part du fait qu'on avait un problème avec le chef d'état‑major, le général Vance. Qu'a fait le ministre? Il lui a dit qu'il ne voulait pas le savoir. L'ombudsman était complètement démonté.
L'ombudsman des Forces canadiennes a dit au ministre qu'une victime avait porté des allégations d'inconduite sexuelle contre le chef d'état‑major, qu'il ne s'agissait pas d'allégations concernant des événements d'il y a 30 ans ou d'histoires découlant d'une petite bière de trop, mais d'événements très récents et donc d'allégations très graves, et qu'a fait le ministre? Il n'a rien fait. Nous l'avons appris trois ans plus tard. Nous venons de l'apprendre.
En 2018, pendant son mandat, le ministre a préféré cacher l'information. Il y a pire. À l'époque où ils étaient au pouvoir, les conservateurs avaient commandé un rapport à la juge Marie Deschamps. La juge, qui a vu qu'il y avait des problèmes d'attitude et d'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes, a déposé son rapport en 2015. Qu'a fait le ministre de la Défense nationale avec le rapport? Il n'a rien fait.
Le rapport complet contenait 10 recommandations que le ministre aurait pu mettre en œuvre. Il avait à sa portée toutes les ressources et tout ce qu'il fallait pour que les femmes des Forces armées canadiennes soient protégées. Un système de plaintes aurait pu être mis en place pour que ce soit efficace. Cela n'a pas été fait, et pour quelles raisons? Nous ne le savons pas. Nous posons des questions, mais nous ne pouvons jamais savoir.
Pourquoi ne pas avoir mis en œuvre les recommandations de ce rapport? Est-ce encore une fois parce qu'il avait été commandé par les conservateurs? Est-ce parce que des gens ne voulaient pas que ces recommandations soient mises en œuvre? Est-ce parce que des gens préféraient que cela ne se sache pas? Nous ne le savons pas.
La somme de tous ces éléments fait que l'on se retrouve avec une situation très grave. Actuellement, les Forces canadiennes sont complètement déboussolées: la tête des Forces canadiennes, le chef d'état-major qui était en place, fait l'objet d'une enquête; le nouveau chef d'état-major, qui a été en poste pendant un mois, fait l'objet d'une enquête; des généraux donnent leur démission; des éléments des Forces canadiennes qui étaient en place pour la discipline et la bonne gestion des opérations des Forces canadiennes disparaissent; des troupes et des subalternes se retrouvent sans chef, sans leader. Que fait-on?
Pour en rajouter, il y a le cas du major‑général Dany Fortin, un homme que je connais depuis longtemps, un brillant soldat. Il avait été nommé responsable de la distribution des vaccins au Canada et il a fait un travail exceptionnel. Or, une plainte a été déposée. Nous ne savons pas quand ni d'où elle est arrivée. Le major-général n'en a pas été informé. On a décidé de le tasser. Il s'est retrouvé sur la place publique à subir les foudres des médias, celles de tout le monde et celles du gouvernement sans savoir ce qui se passait ni pourquoi. Aujourd'hui, cet homme est obligé d'exercer des recours contre le gouvernement et le premier ministre pour défendre sa réputation. Est-ce une façon d'agir avec les meilleurs éléments des Forces armées canadiennes?
Le major‑général Dany Fortin a été mis en place, de façon justement publique, pour aider le pays à se sortir de la crise de la COVID‑19. Or, que fait-on avec lui? On ne l'informe pas, on ne lui permet même pas de s'expliquer sur une situation dont on ne sait même pas, au fond, si elle est véridique. C'est la façon de faire du ministre de la Défense et de ce gouvernement, et c'est pour cela qu'on ne peut plus, aujourd'hui, faire confiance au ministre de la Défense.
Je rappelle que cela n'a rien à voir avec le militaire qu'il a jadis été. Il a servi brillamment son pays. Toutefois, à partir du 19 octobre 2015, il est devenu député et ministre, et, depuis, c'est une catastrophe.