Monsieur le Président, j'ai souvent entendu dire à la Chambre qu'aucun Canadien ne sera abandonné. C'est formidable à entendre, mais comment peut-on avoir l'arrogance de croire que la bureaucratie apporte suffisamment d'aide à la moyenne des Canadiens pour confirmer cette affirmation? En quoi ces mots améliorent-ils la situation, comme si cette phrase éculée pouvait mettre plus d'argent dans le compte d'une personne lorsqu'elle voit avec angoisse sa carte de débit être refusée au moment de payer son épicerie? Comment peut-on avoir l'arrogance de croire que la création d'un site Web peut empêcher une personne de s'enlever la vie lorsqu'elle n'arrive pas à se sortir de la dépression, ou l'audace de penser que des mots suffisent lorsqu'une mère a besoin de services de garde appropriés, sûrs et abordables pour pouvoir retourner au travail?
J'entends toujours les mêmes discours de la part de différents députés libéraux qui répètent fièrement les mêmes détails sur un nouvel ensemble de programmes, un nouveau casse-tête pour les fonctionnaires et pour l'Agence du revenu du Canada, de nouvelles mesures qui sèmeront la confusion chez les gens de nos circonscriptions, qui nous téléphoneront pour que nous leur donnions des explications et des réponses à leurs questions, et pour savoir comment ils pourront payer leur loyer ou leurs services Internet en attendant que ces nouvelles prestations entrent en vigueur.
Dans le cadre de mes fonctions, j'ai l'honneur de pouvoir aider les gens à naviguer parmi les différents programmes gouvernementaux. Malheureusement, je n'ai pas toujours de réponse aux nombreuses questions que je reçois.
Une des questions qu'on me pose le plus souvent est de savoir quand la prestation d'invalidité sera versée. J'ai appuyé le projet de loi C-2 pour que les personnes handicapées reçoivent leur paiement unique rapidement, même si le montant était insuffisant, parce qu'elles attendaient depuis trop longtemps et en avaient un urgent besoin. C'était en juillet.
On voudrait non seulement que les personnes handicapées vivent bien en dessous du seuil de pauvreté, avec beaucoup moins que ce que nous considérions comme nécessaire dans le cadre de la PCU, mais aussi qu'elles attendent. Tout ce qu'on nous a dit c'est qu'elle devrait être versée à l'automne. Eh bien, l'automne est arrivé, et j'ai demandé au gouvernement d'agir. C'est ce qu'il me manque pour être satisfaite de ce qui est offert actuellement.
Cela étant dit, je vais appuyer le projet de loi parce que nous n'avons pas vraiment le choix étant donné que les mesures d'aide ont pris fin, que le Parlement a été prorogé au beau milieu d'une pandémie, que la deuxième vague bat son plein et que nous envoyons nos enfants à l'école. J'ai écouté ce que le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes avait à dire sur le sujet. Selon lui, la prorogation du Parlement n'était pas grand-chose, la durée n'ayant été que de cinq semaines, et nous, les députés de l'opposition, devrions être heureux du niveau de participation qui nous a été offert avec trois courtes séances au cours de l'été.
Si les députés se souviennent bien, j'avais appuyé les efforts du gouvernement de nous inclure dans le processus, jusqu'à ce qu'il décide de nous museler. Je rejette l'idée selon laquelle il ne s'agit pas d'un problème sérieux, car notre présence était nécessaire ici au Parlement. Nous n'aurions pas laissé les prestations devenir caduques, ce qui aurait évité à tous de nous retrouver acculés au mur, obligés d'adopter ce projet de loi à la hâte.
En ce qui concerne les priorités visées par ce projet de loi, je suis heureuse de constater que les critères requis pour bénéficier de l'assurance-emploi ont été modifiés afin de permettre aux Canadiens de présenter une demande de prestations, alors qu'ils n'auraient pas pu le faire auparavant. Le seuil fixé à 120 heures est une bonne nouvelle pour les innombrables mères et femmes enceintes qui, partout au pays, craignaient de ne pas satisfaire aux critères d'admissibilité des prestations de maternité. Néanmoins, une fois de plus, ces changements surviennent beaucoup trop tard, car ces femmes lancent des appels à l'aide depuis sept mois. Ces mesures vont également aider les personnes qui font partie de l'économie des petits boulots, les artistes, les musiciens et tant d'autres travailleurs que nous laissons dans la précarité pendant le débat entourant ce projet de loi.
Mes collègues du Parti vert et du NPD ont fait pression pour que ces personnes puissent obtenir un revenu minimum garanti. Un tel type de revenu permettrait d'éliminer diverses tracasseries administratives, ainsi que les coûts qui y sont associés. Les Canadiens les plus vulnérables, les éternels laissés-pour-compte, pourraient donc s'en sortir financièrement. Toutefois, le Parlement est plutôt en train d'opter pour une réforme du programme d'assurance-emploi.
Au moins, cela apporte une réponse à certaines questions en ces temps incertains. J'espère sincèrement que les discussions vont se poursuivre afin de mettre un terme définitif à la pauvreté au pays.
Je me préoccupe également du seuil d'admissibilité imposé pour la Prestation de la relance économique pour les proches aidants et pour la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique. Ces prestations ont été vantées auprès des Canadiens en leur donnant l'impression qu'ils allaient recevoir 10 jours supplémentaires de congé de maladie, qu'ils pourront utiliser à leur guise. Eh bien, ce n'est pas le cas. Pour les conjoints qui essaient de partager le fardeau de proche aidant, nous leur enlevons des options en insistant pour que seulement un des deux prenne congé, pour avoir suffisamment de jours pour être admissible à la prestation. Je peux déjà prédire les appels que mon bureau va recevoir de la part de parents qui sont en situation de crise, avec un enfant malade à la maison et leur employeur qui leur lance un ultimatum. Les étudiants sont aussi complètement exclus des nouvelles prestations.
Les députés conservateurs ont avancé l'idée que ce sont nos enfants qui devront payer la dette nationale et rembourser les sommes qu'auront coûtées les mesures d'aide. Or, les enfants devront survivre avant tout, puis vivre assez longtemps pour rembourser la dette, alors il m'apparaît évident que nous devons premièrement nous occuper de leur survie en ces temps difficiles. Il faut que les enfants aient un toit, de la nourriture, des vêtements, des services de santé adéquats, un environnement sain et sûr ainsi que de l'espoir pour l'avenir.
En effet, je souhaite que tous les Canadiens et les Canadiennes aient tout ce dont ils ont besoin afin de survivre et prospérer.
L'élément crucial qu'il manque toujours dans ce projet de loi est une stratégie ciblée pour offrir de l'aide en santé mentale. J'ai sans doute l'air de radoter, à l'heure actuelle.
Les Canadiens ont besoin d'outils afin de pouvoir traverser la prochaine étape et les mois d'hiver qui s'annoncent difficiles.
Il faut plus d'argent afin que les provinces puissent s'attaquer à ce problème de front, il faut des services de consultation, il faut de la formation personnalisée et il faut des cours sur l'acquisition des compétences de base afin que les Canadiens puissent aider leur prochain, mais aussi s'aider eux-mêmes. L'argent n'est pas une panacée. Aujourd'hui, les Canadiens, surtout les plus vulnérables, ont besoin de plus d'argent dans leurs poches, mais de notre côté, nous devons aussi faire preuve d'empathie et nous engager honnêtement à ne laisser personne sur la touche.
Je pense aux milliers de Canadiens qui sont encore séparés de leurs proches, qu'il s'agisse d'un partenaire de vie, d'un nouvel amour habitant à l'étranger ou d'un enfant d'âge adulte. Ils ont besoin que nous les écoutions et que nous agissions. Il est temps de réunir les familles. Ces Canadiens ont été oubliés, et je crains pour leur santé mentale et émotive, car à chaque jour qui passe, ils ont le cœur un peu plus brisé, et le silence des autorités les plonge davantage dans le désespoir.
C'est bien beau de discuter des changements à apporter au Code du travail et aux prestations pour anciens combattants, mais il ne faut pas oublier non plus l'aspect humain des programmes de secours. Nous venons en aide à ceux qui ont le privilège de travailler et le luxe d'avoir un toit, mais il y a encore des gens qui n'ont rien.
Cette loi ne résout pas tous les problèmes auxquels font face tous les Canadiens.
C'est un bon début, mais j'attends le jour où nous serons saisis d'un projet de loi qui cherchera à alléger les répercussions de la pandémie sur la résilience et le bien-être des Canadiens, un projet de loi qui tentera de combler les énormes fossés qui divisent le pays, comme les inégalités sociales, la pauvreté endémique et le racisme. COVID ou pas, nous pouvons faire les changements qui s'imposent, mais nous devons agir tous ensemble. Finis les petits jeux et les platitudes, l'heure est à la transparence et à la collaboration. Pour ce faire, le gouvernement doit cependant faire montre de leadership, et j'attends encore le jour où cela se produira.