Monsieur le Président, nous prenons la parole aujourd’hui pour discuter d’une question de la plus haute importance, littéralement une question de vie et de mort.
En tant que député, j’ai toujours eu l’habitude de favoriser l’élargissement du libre choix et de la volonté de chacun dans toutes nos décisions. À mon avis, le rôle principal du gouvernement est de protéger la vie et la liberté de sa population et, ce faisant, de permettre aux gens de prendre des décisions pour eux-mêmes avec un recours minimal à la contrainte, c’est-à-dire en limitant l’usage de la contrainte et en maximisant la liberté.
Je suis le porte-parole en matière de finances et j’ai appliqué ce principe à toutes les questions économiques, par exemple comment permettre aux particuliers de prendre leurs propres décisions par rapport à leur propre argent. Nous parlons ici d’une question plus importante que l’argent, de la question de vie et de mort.
J’analyse ce projet de loi pour déterminer s’il élargit ou brime la liberté individuelle et le libre arbitre des personnes auxquelles il s’appliquera. En examinant l’application concrète du projet de loi, je pense qu’il fera plus pour réduire le choix et la liberté de chacun que pour les élargir.
Permettez-moi de commencer en citant le député de Thunder Bay—Rainy River, un médecin et un député libéral, qui a dit:
En tant que personne qui a passé toute sa vie à essayer d’éviter de tuer accidentellement des gens, ma plus grande préoccupation est la possibilité que nous puissions pratiquer la mort administrée par un médecin sur des gens qui ne veulent pas vraiment mourir.
L’aide médicale à mourir était censée être exclusivement réservée aux personnes qui voulaient vraiment mourir et qui choisissaient la mort après s’être vu présenter toutes les possibilités qui s'offrent à eux. Du côté du gouvernement, nous avons un député et ancien médecin qui affirme que le projet de loi aura pour effet de forcer les gens à prendre une décision qu’ils ne prendraient pas autrement.
Ce n’est pas seulement une question théorique. Permettez-moi de vous faire part du cas de M. Roger Foley. C'est tiré d’un reportage de CTV:
Foley souffre d’ataxie cérébelleuse, un trouble cérébral qui limite sa capacité à bouger ses bras et ses jambes, et l’empêche d’accomplir ses tâches quotidiennes de façon indépendante.
Roger Foley, 42 ans, qui a intenté au début de l’année un procès historique contre un hôpital de London, plusieurs organismes de santé, le gouvernement de l’Ontario et le gouvernement fédéral, prétend que les autorités sanitaires ne lui fourniront pas l’équipe de soins à domicile de son choix, mais lui proposeront, entre autres, la mort administrée par un médecin.
En d’autres termes, nous avons un système de santé publique auquel tout le monde est obligé de cotiser, qui est obligatoire, et auquel on ne peut pas se soustraire, car on ne peut pas se faire soigner en payant de sa propre poche, l’assurance privée étant illégale pour les soins essentiels. Quand cet homme a réclamé un certain type de soins, le gouvernement lui a dit que ce n’était pas possible, que la seule chose qu’on pouvait lui offrir, c’était l’aide médicale à mourir.
Je n’appelle pas cela un choix. On a une situation dans laquelle le gouvernement oblige ni plus ni moins un homme à mettre fin à sa vie, faute de quoi il fera face à des années de souffrances qui auraient pourtant pu être évitées avec des soins appropriés. C’est pour cette raison que je n’appuie pas le projet de loi.
Je me joins aux milliers de gens qui composent la communauté des personnes handicapées. Le gouvernement aime bien se revendiquer de l’ONU, mais la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées s’est dite « extrêmement préoccupée par la mise en œuvre de la loi sur l’aide médicale à mourir, du point de vue des personnes handicapées. On m’a dit qu’aucun protocole n’avait été mis en place pour démontrer que les personnes handicapées » jugées admissibles à l’aide médicale à mourir « s’étaient vu offrir d’autres options ». Le cas de M. Foley en est le parfait exemple.
Par conséquent, les personnes les plus vulnérables ne se voient offrir qu’une option inexorable, celle de l’aide médicale à mourir, faute de quoi, elles s’exposent à des années de souffrances inéluctables et inutiles. Plutôt que de leur offrir les soins qui permettraient d’atténuer leurs souffrances et de continuer d’avoir une vie satisfaisante, on leur dit qu’elles n’ont pas d’autre choix que de mettre fin à leurs jours.
Je vais citer des déclarations de groupes de personnes handicapées, dont 72 ont adressé une lettre au gouvernement pour lui signifier leur opposition au projet de loi.
Je vais commencer par Krista Carr, vice-présidente directrice d’Inclusion Canada, une organisation qui travaille avec des personnes souffrant de déficience intellectuelle. Selon elle, « le projet de loi C-7 est la concrétisation de notre pire cauchemar [...] La communauté des Canadiens souffrant de handicaps et leurs familles redoutent depuis longtemps que le fait d’avoir un handicap ne devienne un motif acceptable de “suicide sanctionné par l’État” ».
Selon M. Goligher, professeur adjoint à l’Université de Toronto, « le projet de loi C-7 désigne toute une catégorie de personnes, celles qui souffrent d’un handicap physique, comme des candidats admissibles au suicide — autrement dit que leur vie ne mérite pas d’être vécue. Si ces personnes-là ne souffraient pas d’un handicap, nous n’envisagerions certainement pas de mettre fin à leurs jours. Il est impossible d’envoyer un message plus avilissant et plus discriminatoire à l’égard de nos concitoyens qui souffrent de handicaps ».
Notre rôle est de représenter tous les Canadiens, mais surtout ceux qui ne peuvent pas se faire entendre, et ces gens-là s’expriment par l’intermédiaire de leurs défenseurs. Soixante-douze groupes se sont prononcés contre le projet de loi, en dénonçant la façon inhumaine dont il traite les personnes souffrant de handicaps et dont il les prive de leur libre arbitre. J’ai malheureusement l’impression qu’il est l’expression du discours en sous-texte de certains politiciens et influenceurs pour qui la vie d’une personne handicapée ne compte pas autant qu’une autre, ce que je considère comme répugnant.
La vie des personnes qui souffrent de handicaps a absolument autant de valeur que notre vie à nous. La Chambre ou la prochaine législature ne devrait jamais adopter une loi qui contribue à dévaloriser ce précieux don de la vie que les personnes handicapées sont en droit d’exiger. Aucun projet de loi ne devrait priver quiconque de son droit de vivre dans la paix et la dignité, si c’est ce qu’il désire.
Ce projet de loi ne contient aucun garde-fou pour éviter que des gens ne laissent entendre à une personne handicapée qu’elle devrait tout simplement accepter la mort. Nous avons proposé un amendement pour éviter précisément que ce qui est arrivé à Roger Foley ne se reproduise jamais, en disant au personnel soignant de ne jamais proposer l’aide médicale à mourir à un patient, mais d’attendre que ce soit le patient lui-même qui évoque cette possibilité. Le gouvernement s’y est opposé.
Le gouvernement a supprimé l’obligation d’avoir deux témoins au moment de la mort. Il a supprimé le délai de réflexion de 10 jours, qui permet à une personne de revenir sur une décision qu’elle a pu prendre dans un moment de détresse extrême et qui est une décision totalement irréversible puisque c’est celle qui consiste à mettre fin à ses jours.
Pourquoi le gouvernement refuse-t-il de mettre en place des garde-fous qui permettraient de s’assurer que le patient veut véritablement mettre fin à ses jours, je ne le sais pas, mais il y a une chose que je sais, et je terminerai là-dessus. Nous devons protéger la liberté et le choix de tous nos concitoyens, et nous devons réaffirmer la dignité et la valeur de toute vie humaine.