Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec la députée de Yorkton—Melville.
C'est pour moi un honneur de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui au nom des résidants de Cypress Hills—Grasslands. C'est une question qui préoccupe énormément un grand nombre des résidants de ma circonscription et qui a suscité bien des discussions.
Le gouvernement libéral, qui cumule déjà bon nombre de scandales et d'échecs, a atteint un creux sans précédent avec ce projet de loi. Les libéraux cherchaient déjà à assouplir la loi sur l'aide au suicide de manière inutile et injustifiée. Or, la situation est maintenant beaucoup plus grave pour les l'ensemble des Canadiens, en particulier les personnes qui ont un handicap ou une maladie mentale et les professionnels de la santé.
Le Sénat nous a renvoyé le projet de loi C-7 en proposant des amendements extrêmes et scandaleux. Ces propositions sont impensables et elles auraient dû être rejetées immédiatement. Au lieu de cela, les libéraux ont accepté l'inacceptable, et à la dernière étape du processus, ils ont cru bon de rendre le projet de loi encore plus dangereux qu'il ne l'était déjà. Depuis ce temps, ils tentent de le faire adopter à toute vitesse, et maintenant, ils coupent court au débat avant que tout le monde ait même pu commencer à comprendre ce qui se passe exactement.
Les libéraux font preuve d'un mépris et d'un manque de respect flagrants pour la population, qui est censée être représentée dans notre processus démocratique. Toutefois, ce qui est encore plus troublant et choquant, c'est le message qu'ils envoient aux gens les plus susceptibles de subir les conséquences de leur mesure législative. Ce message se fait déjà clairement comprendre, tant ici qu'à l'étranger.
Nous sommes censés être un pays qui se soucie de la vie et de la dignité humaines, un pays qui montre l'exemple et prend clairement position pour défendre les droits des personnes. Voilà ce qu'est censé être le Canada.
Avant que le gouvernement accepte d'empirer encore plus le projet de loi C-7, le Washington Post avait publié un article sur le sujet intitulé « Le Canada se dirige vers une catastrophe humaine en ce qui concerne les personnes handicapées ». D'une manière, il est plus choquant d'entendre une telle chose de la part d'observateurs de l'extérieur. Cela nous met en garde contre la direction que prend notre pays. Toutefois, ce n'est pas un nouvel enjeu. L'article met l'accent sur Roger Foley, qui continue de lutter pour survivre et d'exiger mieux de la part du gouvernement et du système de santé. Il désire une aide médicale à vivre, et non à mourir.
D'importants organismes de défense des droits des personnes handicapées au Canada, auxquels se sont maintenant ralliés des défenseurs de la santé mentale, dénoncent les mêmes dispositions discriminatoires et dangereuses dont il est question dans le projet de loi. Parallèlement, les Nations unies ont explicitement dénoncé les mesures législatives adoptées antérieurement par le Canada relativement à l'aide médicale à mourir, sans compter les mesures que les libéraux et le Sénat nous proposent maintenant. Avant l'affaire Truchon, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées a déclaré publiquement ce qui suit:
Je suis extrêmement préoccupée par la mise en œuvre de la législation sur l'aide médicale à mourir dans une perspective de handicap. On m'a informée qu'il n'y a pas de protocole en place pour démontrer que les personnes handicapées ont reçu des solutions de rechange viables lorsqu'elles sont admissibles à l'aide médicale à mourir. J'ai également reçu des plaintes inquiétantes concernant des personnes handicapées dans des institutions qui subissent des pressions pour obtenir de l'aide médicale à mourir [...]
Depuis ce temps, quelqu'un d'autre a été appelé à remplir les fonctions de rapporteur spécial. Lors de son témoignage sur le projet de loi C-7, il a dit ceci: « [...] même si les mesures de protection pouvaient être renforcées pour garantir un consentement véritable, le tort existe quand même du fait de la démonstration — indirecte, mais néanmoins efficace — que la vie des personnes handicapées a une moins grande valeur. »
Pour autant, on ne parle même pas de mesures de sauvegarde plus ambitieuses. Le gouvernement choisit d'éliminer de nombreuses mesures de sauvegarde relatives aux handicaps et, maintenant, relatives à la santé mentale, à cause des amendements proposés par le Sénat. Le problème est évident pour bon nombre de Canadiens, qu'ils soutiennent ou non la loi actuellement en vigueur concernant l'aide médicale à mourir. C'est ce que m'ont dit plusieurs députés, dont certains de mon propre parti même. Le problème, c'est qu'on ne parle plus de l'aide médicale à mourir et ces amendements l'ont bien prouvé, si tant est que cela restât encore à démontrer.
J'ai récemment terminé la lecture du livre 1984 de George Orwell. Certains députés diront que c'est cliché et exagéré, mais ils doivent prêter plus d'attention à ce qu'il dit sur la langue de bois et le sens des mots. Si nous déformons le sens des mots, nous changeons de façon subliminale les valeurs de la société. Si nous ne disons pas ce que nous pensons et ne pensons pas ce que nous disons, nous pouvons facilement perdre de vue la réalité. Pire encore, nous pouvons cacher le mal et l'injustice.
Nous avons entendu un ministre libéral tenir des propos très révélateurs pour défendre le projet de loi C-7: « La maladie mentale est un problème de santé très grave. C'est une maladie, et on doit la traiter comme telle. Nous comptions nous pencher là-dessus depuis le début à l'étape de la deuxième lecture. » C'était la réponse à une question sur le risque que les Canadiens souffrant de problèmes de santé mentale soient victimes de mauvais traitements.
La journée Bell Cause pour la cause s'est tenue il n'y a pas très longtemps et plusieurs autres initiatives de santé mentale sont organisées au cours de l'année. Allons-nous contredire le message que nous avons lancé à l'unanimité à la Chambre à ce moment-là pour soutenir les personnes qui souffrent de maladie mentale, ou allons-nous maintenant envisager le suicide comme une sorte de traitement? Sommes-nous censés croire qu'il s'agit d'une option qui vise à améliorer l'état mental d'une personne? J'espère que des traitements et des soins sont offerts à ceux qui veulent se tuer sans être mourant, et qu'on cherche activement à prévenir le suicide, plutôt qu'à l'encourager, même en dernier recours. Ce n'est pas de cette manière qu'il faut traiter les personnes qui souffrent.
Nous offrons une ligne d'aide à ceux qui envisagent de se suicider. Nous leur réaffirmons leur valeur et nous leur disons que leur vie vaut la peine d'être vécue. Il est déjà assez difficile de prévenir le suicide. Comment arriverons-nous à convaincre ces personnes? Si ce projet de loi est adopté et qu'il nous empêche de les aider avant qu'il ne soit trop tard, quel message enverrons-nous aux personnes qui nous signalent qu'elles ont déjà perdu espoir et que ce projet de loi ne leur offre essentiellement aucune chance d'espérer à nouveau? Cette nouvelle mesure législative et l'enchevêtrement qu'elle engendre ne feraient aucun sens.
Lorsque le gouvernement a abordé pour la première fois la question du suicide assisté en 2016, ouvrant ainsi une boîte de Pandore, il a affirmé qu'il y aurait un examen obligatoire dans cinq ans. Cinq années plus tard, rien ne s'est passé. Un tel examen aurait été l'occasion parfaite pour se pencher sur les préoccupations croissantes au sujet de la loi actuelle sur l'aide médicale à mourir. Les libéraux n'ont pas attendu que l'examen soit fait et n'en ont pas fait une priorité avant de tenter d'élargir les dispositions législatives à la suite d'une décision d'une cour provinciale.
Au cas où des gens l'auraient oublié, le projet de loi C-7 va beaucoup plus loin que la décision de la cour ne l'exige, et les libéraux font valoir que celle-ci leur impose une échéance même s'ils ne se sont pas donné la peine de faire appel. Ils nous obligent à étudier des amendements de dernière minute en un après-midi de débat, c'est tout.
À mon avis, ces règles ne reflètent pas le véritable esprit canadien. Après avoir fait la sourde oreille depuis un an et plus, les libéraux voudraient réduire au silence de nombreuses personnes ayant différents points de vue qui méritent d'être entendus. Le Canadien moyen n'a aucune difficulté à saisir l'horreur de ces modifications, d'autant plus qu'elles ont à peine fait l'objet d'un examen public. Pour tous ceux qui côtoient ou aiment des personnes handicapées et ayant des troubles de santé mentale ou ceux qui ont une compréhension de base du respect de la dignité et de la valeur des autres êtres humains, les problèmes sont évidents. Or, quiconque est troublé par ce que représente cette décision, peu importe ses raisons, ne mérite apparemment pas que le gouvernement lui consacre du temps ou de l'attention.
Les libéraux disent qu'ils manquent de temps, mais ils n'ont pas prévu de temps pour ceux qui en ont le plus besoin et ils ne leur en ont pas accordé non plus. Ce sont les libéraux qui mènent le programme législatif. Il n'en tenait qu'à eux. C'est comme lorsqu'on se retrouve avec un vendeur qui fait de la vente sous pression et qui évite de répondre aux questions alors qu'il cherche à conclure la vente rapidement. Les Canadiens sont maintenant habitués à voir les libéraux présenter des excuses pour leur incompétence, mais il est de plus en plus évident que ces derniers essaient de faire adopter en douce certaines de leurs positions les plus radicales en matière d'affaires sociales.
C'est une raison de plus qui justifiait la tenue d'un examen exhaustif de la loi actuelle, une promesse qui n'a pas été tenue. Le gouvernement dit maintenant être prêt à accepter un amendement qui exigerait un examen une fois que la mesure aura force de loi. Reste à voir si l'examen aura bel et bien lieu.
Malgré toute la frustration et le découragement exprimés par des sommités de la question et des citoyens, dont je vais maintenant parler, j'ai encore espoir en la nature humaine pour l'avenir. Si le gouvernement souhaite nous faire reculer pendant que ses alliés au Parlement ferment les yeux, il ne pourra pas empêcher la vérité et la justice de triompher. Cela me rappelle une chanson de Johnny Cash dans laquelle il disait que ce qui est fait dans l'obscurité finira par être révélé au grand jour.
Il est honteux qu'il ne soit pas possible de débattre plus longtemps aujourd'hui, parce qu'il reste encore tellement de choses à dire au sujet de cet important enjeu et des amendements proposés par le Sénat. La vie humaine vaut plus que quelques minutes de débats et de discussions.