Madame la Présidente, cela me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui en cette journée de l'opposition au sujet du projet de loi C-19 et de la volonté très ferme du gouvernement — du moins pour ce qui est du moment, parce que ce n'était pas le cas il y a quelques semaines ou quelques mois — de le faire adopter sous bâillon, sans le consensus d'aucun parti.
Pour ma part, je qualifierais cette manœuvre d'égoïste, d'irresponsable et même d'arrogante et j'aimerais expliquer pourquoi si besoin est. Évidemment, il y a plusieurs raisons. Mon collègue de La Prairie en a parlé plus tôt et je suis d'accord sur ce qu'il a dit, mais j'aimerais en rajouter une couche.
La première des choses est la question de la démocratie. Cela évoque le souvenir de la prorogation du Parlement l'été dernier. Cette même question de principe était mise de l'avant. On fait cela sous prétexte d'exercer un devoir démocratique, celui d'être en mesure de voter s'il le faut.
En même temps, de façon tout à fait paradoxale sinon ironique, ce qu'on fait est un déni de la démocratie. On décide d'imposer un bâillon sur un projet de loi qui concerne l'ensemble des Québécois et des Canadiens pour une élection en temps de pandémie. Le gouvernement dit qu'il veut que les gens puissent exercer leur droit démocratique. Or, quand c'est le moment de représenter l'ensemble de la population et de dégager un consensus avec l'ensemble des élus et des partis à la Chambre des communes, eh bien là, on s'en lave les mains.
Pour moi, c'est vraiment complètement incohérent. Je ne suis pas nécessairement surprise, car on n'en est pas à une incohérence près. Or, dans ce cas-ci, c'est tellement gros qu'on peut se poser des questions absolument légitimes quant à la volonté du gouvernement d'adopter un projet de loi aussi rapidement au printemps, alors qu'avant, ce projet de loi n'était même pas dans leur programme législatif. On l'a oublié pendant des mois, et, tout à coup, on a besoin de cette loi de façon urgente.
Selon moi, c'est un prétexte. S'il y a présentement une majorité qui est en faveur de ce projet de loi, c'est une majorité qui l'est par dépit. Nous avons pu le constater lors du bâillon. Mes collègues du NPD ont mentionné précédemment qu'ils n'étaient pas pour la tenue d'élections et qu'ils n'en voulaient pas.
Nous pouvons travailler sur un projet de loi, car nous sommes ici pour cela, sauf que personne ne veut d'élections. Tant qu'à faire un projet de loi, faisons-le correctement et écoutons l'ensemble des partis. Tout à l'heure, mon collègue a mentionné qu'on n’avait même pas pris en considération les travaux que les membres du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre avaient faits. Encore une fois, le gouvernement refuse de faire un bon travail en voulant faire adopter ce projet de loi rapidement.
Ce n'est pas une question de chicane ou de ne pas vouloir collaborer, bien au contraire. Nous parlons de consensus et de travailler ensemble pour arriver à une solution qui représente l'ensemble de la population. Je pense que c'est une façon responsable et transparente d'y arriver et qui évite toute volonté partisane et disgracieuse dans la situation.
Hier, le chef du Bloc québécois a proposé une solution pour le projet de loi C-19, qui éviterait l'imposition du bâillon. C'est très simple. Il propose que le premier ministre rencontre, par exemple, les chefs des différents partis derrière des portes closes. Ils pourraient discuter pour en arriver à un consensus. Il y aurait bien évidemment des compromis, car c'est cela, un consensus, toutes les parties doivent s'y retrouver. Ensuite, les députés à la Chambre continueraient de travailler pour le faire adopter. Ce serait la seule et unique bonne façon de le faire.
Nous n'avons pas entendu le premier ministre accepter cette proposition. Pourtant, quand on change les règles démocratiques, on le fait pour tout le monde. Il ne revient pas à un parti unique de décider de ces règles. En la matière, je dois ajouter que le Québec est exemplaire, car c'est ainsi qu'il fonctionne. Lorsque le Québec change la Loi électorale, il le fait avec la participation de tout le monde, parce qu'il veut représenter l'ensemble de la population. C'est un processus transparent.
Je le répète: il n'y a pas urgence en la demeure. Je sais que le gouvernement dit deux choses en même temps: d'une part, il propose ce projet de loi afin de déclencher des élections et, d'autre part, il dit qu'il ne veut pas d'élections et que c'est l'opposition qui le pousse dans ce sens.
Comme le disait si bien mon collègue de La Prairie, si nous votons contre certains projets de loi, c'est tout simplement parce qu'ils sont mauvais. Je pense que l'opposition a encore le droit de voter contre de mauvais projets de loi.
Ensuite, j'aimerais parler de la tour d'ivoire du gouvernement et des raisons pour lesquelles il veut déclencher des élections. C'est certain qu'avec la pandémie, on a envoyé des dollars un peu partout. On a l'impression que ce gouvernement est si généreux. Il a donné de l'argent à tout le monde et on a l'impression que ce qu'il a fait est extraordinaire. J'aimerais rappeler que l'argent qu'il dilapide, même si l'aide est nécessaire, appartient aux contribuables. Certains de mes collègues seront d'accord avec moi. Il a aussi une responsabilité. Ce sont les contribuables eux-mêmes qui se donnent de l'argent en temps de pandémie, il faut le rappeler.
Le gouvernement donne l'impression, en mettant son drapeau dans le coin des chèques, qu'il est généreux. S'il est généreux, c'est envers lui-même, pour proposer un projet de loi comme celui-ci et déclencher rapidement des élections, en espérant que les chiffres soient bons et que ce soit pour lui la façon de former un gouvernement majoritaire. À mon sens, cela démontre qu'il est incapable de gouverner, parce qu'il serait capable de gouverner en situation minoritaire, j'ose l'espérer. Le problème, c'est son manque de collaboration. C'est pour cela qu'il y a des chicanes.
J'aimerais parler de ce qui se passe chez moi. Oui, nous sommes en temps de pandémie, mais nous devons aussi faire notre travail. Je dois être présente à la Chambre pour représenter mes concitoyens de la Côte-Nord et les Québécois. Je dois continuer à travailler, et on devrait travailler deux fois plus fort.
Comme il nous l'a démontré avec la prorogation, le gouvernement aime mieux s'en aller, en temps de pandémie. Il préfère déclencher des élections et proroger la Chambre plutôt que de faire son travail, non seulement celui qu'il a à faire en temps de pandémie, mais le travail régulier qu'il doit faire aussi.
J'aimerais donner des exemples concrets de ce qui se passe chez moi en ce moment. Une personne de Baie-Comeau a téléphoné à mon bureau parce qu'elle avait besoin d'aide. Sa demande de Prestation canadienne de la relance économique, ou PCRE, a été refusée parce qu'elle avait fait une demande d'assurance-emploi par erreur, tout simplement. Cette personne est obligée d'avoir de l'aide d'un organisme pour les personnes sans abri, parce qu'elle n'est pas capable de payer son loyer et de se nourrir. Le gouvernement devrait travailler sur des problèmes criants comme celui-là, surtout en temps de pandémie, plutôt que de prendre une pause.
Il y a aussi une étudiante au cégep qui a été fraudée et qui s'est fait demander de rembourser les sommes. C'est une étudiante de l'extérieur de ma région. Elle n'arrive pas à se nourrir. On parle encore de besoins essentiels tels que définis par la pyramide de Maslow. Elle a besoin de se nourrir, et cela met en péril son projet de vie et son projet d'étude chez nous. C'est ce qui se passe en ce moment. Pendant ce temps, la ministre du Revenu national, elle, ne travaille pas là-dessus. Notre région n'est pas épargnée par la pandémie non plus. Ce sont donc vraiment des cas concrets.
Je pourrais parler de Cap-aux-Meules, où certains pêcheurs n'ont plus de quai et mettent leur sécurité et leur vie en péril. Le gouvernement ne travaille pas vraiment sur ce dossier-là, et il veut déclencher des élections. Les pêcheurs ne savent même pas s'ils vont pouvoir pêcher l'année prochaine. Même cette année, ils ne le savaient pas. Cela n'a aucun sens. Il y a d'autre travail à faire que d'imposer des bâillons et dire qu'on va fort probablement aller aux urnes. Bien franchement, si on ne voulait pas déclencher des élections au mois d'août, on pourrait prendre le temps de le travailler, ce projet de loi, plutôt que d'imposer un bâillon.
J'ai énormément de sujets à aborder. Je peux parler de la forêt de la Côte-Nord, chez nous, qui est en train de se mourir. On pourrait travailler là-dessus.
Si le gouvernement voulait vraiment travailler en faveur de la population, il aurait pu faire deux choses dans le dernier budget sans devoir attendre une élection. Je dis qu'il y en a deux, mais il y en a une multitude. Premièrement, il faut penser aux transferts en santé. Il n'en a pas parlé et il n'en parle plus. Deuxièmement, il y a le projet de loi C-19. Troisièmement, il y a la question des aînés. Ce gouvernement crée deux classes d'aînés: ceux qui ont 65 ans ou plus et ceux qui ont 75 ans ou plus. Ce n'est pas tout le monde qui a droit à la même chose. C'est de la discrimination.
Je ne comprends absolument pas où le gouvernement veut s'en aller, mais il ne travaille certainement pas pour la population du Québec et les Nord-Côtiers. Il travaille tout simplement pour lui-même. Ce que les libéraux veulent, c'est déclencher des élections et être totalement irresponsables. Je ne peux penser à un mot plus précis qu'« irresponsable » pour qualifier le gouvernement.
Alors, j'aimerais tout simplement rappeler à la population que je représente, celle de la Côte-Nord, mais également aux Québécois, que je souhaite rester à la Chambre pendant la pandémie pour travailler deux fois, voire trois fois plus que nécessaire pour aider la population, et non travailler pour des intérêts partisans comme le fait le gouvernement.