Madame la Présidente, puis-je simplement commencer à parler? Dois-je remplir un formulaire ou obtenir la permission d'une agence, d'un ministère ou d'une autre autorité? Ne sommes-nous pas au Canada? Ne devons-nous pas remplir un formulaire ou obtenir une autorisation avant de faire quoi que ce soit, ne serait-ce qu'un discours? Après tout, il faut une permission pour tout le reste et nous devons attendre très longtemps pour l'obtenir.
Selon les dernières données publiées par la Banque mondiale, le Canada occupe le 36e rang sur 37 pays pour ce qui est du délai nécessaire pour obtenir un permis de construction. On ne peut pas simplement mettre en œuvre un chantier, créer des emplois et soutenir l'économie locale, il faut attendre l'autorisation des empêcheurs de tourner en rond.
Il n'est pas nécessaire de se tourner vers la Banque mondiale pour avoir une idée de la situation, il suffit de se rendre en voiture à 25 minutes d'ici et de demander à Tim Priddle, qui dirige une scierie près de Manotick. Cette scierie a ouvert un grand entrepôt il y a environ 40 ans. Qu'a-t-il fallu pour obtenir l'autorisation à l'époque? Une semaine, un formulaire, un document estampillé par un ingénieur; voilà tout et c'était un départ. Aujourd'hui, le magnifique bâtiment existe toujours et il ne présente aucun danger.
Tim voulait construire un autre entrepôt aux dimensions similaires pour un usage semblable. Cette fois-ci, le processus a duré six ans et a coûté 600 000 dollars en honoraires de consultants, droits et autres obstacles. Il a même dû engager un arboriculteur pour produire un rapport sur chacun des petits peupliers qu'il a abattus et qui n'étaient en réalité que des arbrisseaux qui n'avaient jamais servi à quoi que ce soit et dont on ne comptait rien faire du tout. Pour faire cela, il lui a fallu six ans, 1 500 pages de paperasse et 600 000 $, une somme qu'il aurait pu utiliser pour créer de vrais emplois.
Comme nombre de Canadiens, il a dû composer avec les empêcheurs de tourner en rond. Ces gens font partie de l'industrie la plus florissante du pays. Ce sont les bureaucraties, les lobbyistes, la classe consultante, les politiciens et les agences qui gagnent leur vie en empêchant les autres d'avancer et en leur imposant des frais exorbitants chaque fois qu'ils veulent faire quelque chose de positif.
Le gouvernement libéral incarne cette économie d'empêcheurs de tourner en rond. La toute première décision qu'il a prise une fois élu a été de s'opposer à l'agrandissement financé par le secteur privé de l'aéroport des îles de Toronto. Cette initiative aurait permis à Porter Airlines, entreprise canadienne, de dépenser 2 milliards de dollars pour acheter des avions de Bombardier et pour les y faire atterrir, créant ainsi des emplois pour une autre entreprise canadienne et réduisant du même coup la circulation en permettant aux gens d'affaires d'atterrir à proximité du quartier des affaires, plutôt que de devoir faire la navette entre l'aéroport Pearson et le centre-ville, et d'augmenter la pollution et les retards, en plus d'anéantir des emplois.
Qui a agi comme empêcheur de tourner en rond dans cette situation? Bien entendu, ce sont les compagnies aériennes concurrentes, qui ne voulaient pas que les consommateurs se voient offrir la commodité d'atterrir à un aéroport situé près du centre-ville, et, bien sûr, les riches propriétaires de copropriétés au bord du lac — presque tous des millionnaires — auxquels leur fortune donne un pouvoir politique excessif. Ils ont tué dans l'œuf l'occasion pour des Canadiens de travailler sur ce projet, pour les clients d'économiser du temps, et pour les voyageurs, qui doivent maintenant gaspiller leur temps sur l'autoroute entre un aéroport trop éloigné et leur destination au centre-ville.
Non loin de là, à Cabbagetown, se trouvent d'autres empêcheurs de tourner en rond. C'est un quartier verdoyant aux magnifiques maisons de briques de style victorien où vivent de riches résidants. Un jour, un entrepreneur a dit qu'une grande propriété en briques située sur un coin de rue serait l'endroit tout indiqué pour une garderie. Elle pourrait accueillir 80 enfants. Il était prêt à investir tout son argent et il ne demandait pas un sou au gouvernement.
Soudainement, les résidants ultraprogressistes de l'élite fortunée du quartier ont protesté contre ce projet de construction. Un homme a affirmé: « C'est un cas classique de capitalisme sauvage. » Il s'est avéré qu'il était cadre dans une entreprise minière. Le chroniqueur Chris Selley l'a en fait qualifié de « cadre marxiste du secteur minier ». C'est hilarant.
Il est difficile de concevoir que cet homme pourrait tenter de faire approuver un projet minier alors qu'il pense qu'une garderie est « un cas classique de capitalisme sauvage ». J'imagine que les mines ne se trouvent pas dans son quartier. Un autre voisin a affirmé qu'on s'engage sur une pente glissante pour ce quartier emblématique. Qu'est-ce qui suivra? Un terrain de jeu, des enfants qui rient? Une autre personne s'est plainte du bruit. Une femme a dit que les enfants marcheront à moins de deux mètres de sa maison, et elle a signé son mémoire en précisant qu'elle détient un doctorat. Silence, les enfants, il y a un génie à l'œuvre dans cette maison.
Un autre signataire était un homme nommé Tiff Macklem, qui se trouve à être le gouverneur de la Banque du Canada. Cet homme sermonne les Canadiens sur la nécessité de services de garderie payés par les contribuables, mais présente un mémoire à la Ville de Toronto pour tenter de bloquer la construction d'une telle garderie. C'est typique de la gauche progressiste. Elle veut que le gouvernement empêche la prestation d'un service, mais elle déclare ensuite que le gouvernement doit offrir ce service directement.
Toutefois, il n'est pas seulement question des garderies, des aéroports et des scieries, mais de quelque chose de plus essentiel: les logements dans lesquels nous vivons. En effet, selon un rapport récent de l'Institut C.D. Howe, les obstacles gouvernementaux ajoutent entre 230 000 $ et 600 000 $ au coût de chaque maison individuelle au Canada. Alors que le gouvernement fédéral se vante de dépenser 70 milliards de dollars de l'argent des contribuables sur le logement, les divers ordres de gouvernement empêchent la construction de ces logements.
J'aimerais que chacun songe à quel point il est insensé que nous vivions dans l'un des pays les moins densément peuplés de la planète Terre. Il n'y a que quatre Canadiens par kilomètre carré au pays et, pourtant, notre secteur immobilier est l'un des plus dispendieux au monde. Il y a plus d'endroits inhabités au Canada que d'endroits habités, mais, malgré cela, Vancouver se trouve au deuxième rang et Toronto au sixième rang des marchés immobiliers les plus onéreux au monde lorsqu'on compare le revenu médian au prix médian des propriétés. C'est plus cher qu'à New York, Los Angeles, Londres et même que dans le minuscule pays insulaire appelé Singapour. Tous ces endroits sont largement plus peuplés que le Canada, mais il en coûte moins cher d'y vivre. Pourquoi? C'est parce que la banque centrale du Canada imprime des billets pour stimuler la demande et que les administrations locales entravent les travaux de construction et, par conséquent, restreignent l'offre. Lorsque la demande augmente et l'offre diminue, les prix grimpent. C'est assez simple.
Quelles sont les conséquences de cette situation? Eh bien, c'est bon pour les riches, pour ceux qui ont déjà une grosse maison. Ils s'enrichissent quotidiennement parce que le prix de leur maison augmente. Ils peuvent se la couler douce, car leur maison leur rapporte davantage que leur emploi. Or, les personnes qui sont pauvres et qui ne peuvent se trouver un logis, comme les jeunes qui ont répondu dans un sondage paru aujourd'hui qu'ils avaient entièrement renoncé à l'idée de devenir propriétaires au cours de leur vie, ces personnes-là, elles, sont abandonnées à leur sort. Selon un organisme de services sociaux, les refuges pour sans-abri sont occupés à 98 % à Toronto. Il y a plus de 300 000 personnes dans une ville qui attendent un logement subventionné, et il y en a 10 000 qui sont sans-abri.
Bien des gens s'inquiètent de ce qui arrive aux itinérants à Toronto au cours de la pandémie. En fait, un menuisier a pris les choses en main. Khaleel Seivwright a dit que, étant donné que ces personnes ne peuvent pas rester dans un refuge parce qu'elles risquent d'y attraper la COVID-19, elles se retrouvent dans la rue, où elles vont mourir de froid. Cet homme a construit de ses propres mains des mini-refuges pour ces gens. M. Seivwright y a posé de l'isolant ainsi qu'un détecteur de fumée et un détecteur de monoxyde de carbone. Il a déclaré clairement qu'il ne s'agissait pas d'une solution et qu'il faisait cela seulement pour sauver des vies jusqu'à ce que l'on trouve enfin une façon de loger ces personnes, qui vivent dans l'un des pays les plus riches de la planète.
Comment a réagi la ville? Elle n'a pas dit: « Nous allons aider cet homme. Félicitons-le et voyons comment nous pouvons l'aider à faire encore mieux. » Non. Elle n'a pas dit: « Wow, cet homme prend des mesures que nous aurions dû prendre il y a longtemps. Il nous fait mal paraître. Nous ferions mieux d'obtenir de meilleurs résultats qu'avant. » Non. Elle a retenu les services d'avocats pour déposer une injonction contre lui.
Tout d'un coup, le gars qui essaie de façon désintéressée de régler le problème causé par la mairie et la bureaucratie est le méchant. C'est l'histoire typique que nous voyons dans notre pays.
Dale Swampy combat la pauvreté, lui aussi. Il dirige la coalition nationale des chefs, qui a pour mandat de combattre et de vaincre la pauvreté dans les réserves. Telle est sa mission. La coalition a proposé un plan pour réaliser un tout nouveau projet dans le secteur des ressources naturelles, projet qui vise à transporter les hydrocarbures de l'Ouest canadien jusqu'à la côte pour les livrer aux marchés asiatiques, qui connaissent une croissance rapide et qui sont avides d'énergie. Cela briserait la mainmise des États-Unis sur nos exportations d'hydrocarbures, créerait des emplois pour les métallurgistes, les travailleurs du secteur de l'énergie et les travailleurs du secteur de la logistique et du transport et permettrait aux membres des communautés autochtones de toucher 2 milliards de dollars en salaires et avantages sociaux. Le PDG du projet devait être un Autochtone, et 31 des 40 communautés autochtones situées le long du tracé étaient favorables au projet. C'est plus de 75 % des communautés autochtones.
L'organisme environnemental responsable y a jeté un coup d'œil. Il a consacré trois années au processus, a entendu 1 500 témoins et lu 9 000 lettres. Il a examiné plus de 100 000 pages de preuves. Il s'est rendu dans 21 communautés différentes. En fin de compte il a conclu que le pipeline était sûr et dans l'intérêt de la population. Cependant, le premier ministre est arrivé au pouvoir et il a annulé le projet, violant ainsi le droit constitutionnel de ces communautés autochtones d'être consultées comme le prévoit la Charte. Il n'a consulté aucune de ces communautés. Quel a été le résultat? Elles ont perdu les 2 milliards de dollars. Maintenant, nous en subissons les conséquences. Le gouvernement devait créer des emplois verts. J'ai demandé à M. Swampy combien de nouveaux emplois verts il avait vus depuis l'annulation du projet de pipeline. La réponse est zéro, nada, rien. En fait, il a dit que les soi-disant environnementalistes lui avaient réservé le même sort qu'à la génération de son père, il y a 20 ou 30 ans. Des environnementalistes étaient venus, avaient fait campagne contre la chasse, la trappe et la pêche. Une fois qu'ils eurent atteint leur objectif et gagné leur bataille dans l'arène politique, ils ont disparu, laissant derrière eux des communautés appauvries avec des perspectives moins intéressantes qu'avant. Voilà ce qu'a été le résultat.
Un des empêcheurs de tourner en rond auquel je pense notamment est Gerald Butts. Il a gagné des centaines de milliers de dollars lorsqu'il a travaillé pour le Fonds mondial pour la faune, qui est censé être un organisme environnemental. Au lieu de dépenser de l'argent sur l'environnement, la préservation des milieux humides et ainsi de suite, l'organisme lui a versé une indemnité de départ de plusieurs centaines de milliers de dollars pour qu'il quitte son emploi afin de travailler pour le gouvernement, où, depuis, il contribue à bloquer la construction de pipelines.
Nous vivons dans un pays où nous ne pouvons même pas faire du commerce entre nous. Peut-être que nos amis du Bloc, qui veulent créer leur propre pays, trouvent que c'est très bien ainsi. Je ne sais pas, car nous n'accordons même pas au commerce interprovincial le traitement que nous accordons au commerce international. Une personne qui transporte de l'alcool d'une province à l'autre peut être arrêtée et inculpée.
J'aimerais citer la Constitution: « Tous les articles du crû, de la provenance ou manufacture d'aucune des provinces seront […] admis en franchise dans chacune des autres provinces. » C'est ce qui nous a été promis au moment de l'entrée en vigueur de la Constitution. Pourtant, aujourd'hui, une personne qui transporte de l'alcool ou du sirop d'érable d'une province à l'autre peut être poursuivie. Une autre personne peut se voir accusée d'avoir travaillé dans le secteur de la construction d'une autre province que la sienne.
D'après Statistique Canada, ces obstacles au commerce interprovincial correspondent à des droits de douane d'environ 7 %. En comparaison, selon l'Organisation mondiale du commerce, le Canada impose des droits de douane de 4 % pour les produits étrangers importés au Canada. Autrement dit, nous imposons des frais de 7 % aux biens qui arrivent d'une autre province, et des frais de 4 % seulement aux biens qui arrivent de l'étranger. Quand les gens commandent sur Alibaba un produit qui leur sera livré à la maison, les droits de douane sont probablement beaucoup plus faibles que s'ils avaient acheté un produit de la province voisine. C'est commettre une sorte de hara-kiri économique que de punir nos entreprises en leur imposant des droits tarifaires plus élevés que ceux que doivent payer les entreprises chinoises qui vendent des produits au Canada.
On peut se demander s'il serait possible de construire le chemin de fer du Canadien Pacifique maintenant. Je doute que ce serait possible. Qu'en est-il de notre réseau routier national: pourrions-nous le construire maintenant? Un quelconque empêcheur de tourner en rond voudrait probablement nous mettre des bâtons dans les roues. Si nous n'arrivons même pas à acheminer des produits d'une province à l'autre sans qu'un groupe de pression parasite n'affirme qu'il faut des droits tarifaires ou une réglementation pour empêcher leur entrée, comment serait-il possible de construire un chemin de fer ou une autoroute? Je ne parle même pas des pipelines ou des lignes de transport d'électricité; je doute qu'il soit possible d'accomplir quoi que ce soit tant que cette économie d'empêcheurs de tourner en rond créera des obstacles.
Nous avons oublié que le Canada a déjà été un pays où on obtenait des résultats concrets. C'est ici qu'on a découvert et isolé l'insuline, pardi, une découverte qui a sauvé la vie de millions de diabétiques. Nous avons découvert les cellules souches, qui servent à traiter le cancer et beaucoup d'autres maladies et qui pourraient un jour réparer des colonnes vertébrales et redonner la vue aux aveugles. Nous avons créé un bras mécanique, le Canadarm, un bras spatial télécommandé qui permet de déplacer des charges de plusieurs centaines de milliers de kilogrammes.
Nous avons conquis la crête de Vimy. Nous avons libéré les Hollandais. Nous nous sommes battus sur la plage Juno et nous sommes sortis victorieux de cette bataille. Évidemment qu’à l’époque, les gens qui montaient au créneau n’étaient pas ceux qui s’indignaient à tout vent contre tels ou tels propos jugés offensants, mais bien ceux qui allaient affronter l’ennemi en personne, sur le champ de bataille. C’était une autre génération.
Il fut un temps où le gouvernement de ce pays n'hésitait pas à se tenir debout et à mener la lutte mondiale contre l'apartheid. Ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui sont tellement terrifiés qu'ils refusent de dénoncer le génocide dont est victime la minorité musulmane de Chine. Dans le Canada d'aujourd'hui, certaines personnes songent sérieusement à arrêter de tenir le pointage pendant les matchs sportifs des enfants de peur de heurter les sentiments de l'équipe perdante. Le Canada est le pays de Paul Henderson, qui a marqué le but gagnant de la série du siècle de 1972, à moins d'une minute de la fin du match, un but électrisant, sous les regards du monde entier, qui a permis à la liberté de s'affirmer contre le communisme.
Un jour, je sais que nous ferons tomber tous ces obstacles et que nous nous débarrasserons pour de bon de ces empêcheurs de tourner en rond. Nous ferons du Canada l'endroit du monde où il est le plus facile de lancer une entreprise, d'obtenir les autorisations nécessaires pour bâtir quelque chose, de faire du commerce, d'acheter, de vendre, de construire, d'embaucher, de prendre des risques et — oui — d'avoir du succès.
Que dire d'un projet de loi d'exécution du budget qui propulserait le pays dans cette voie?