Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec la députée de South Surrey—White Rock.
Madame la Présidente, je trouve très intéressant d'écouter les orateurs libéraux qui prennent la parole en cette triste journée où les libéraux imposent la clôture alors que nous discutons d'un amendement crucial qui provient du Sénat et porte sur une question de vie ou de mort. Il est très intéressant de voir les libéraux patiner, inventer des excuses et prétendre que d'anciennes études menées pour d'autres projets de loi sur l'aide médicale à mourir devraient être considérées comme favorables à l'énorme élargissement proposé par le Sénat, un élargissement que la Chambre a seulement pu étudier pendant quelques heures avant que le gouvernement n'impose la clôture.
Je précise, à l'intention des gens qui regardent le débat, que la motion de clôture du gouvernement signifie que les députés ne pourront pas débattre ni examiner davantage l'idée de rendre l'aide médicale à mourir accessible aux personnes souffrant d'une maladie mentale.
Il est important de replacer les choses dans leur contexte, car lors de la comparution du ministre de la Justice devant le comité de la justice pour l’étude de ce projet de loi, nous n’avons pas entendu les membres de la collectivité qui s’occupent de prévention du suicide et de maladie mentale, puisque ce n’était pas un aspect du projet de loi. Le ministre avait dit à ce moment qu’il n’y avait pas de consensus au Canada, pas plus que parmi les médecins, en ce qui concerne la maladie mentale. Voilà pourtant que quelques mois plus tard, les libéraux font maintenant adopter cette mesure à toute vapeur, ce qui est très malheureux et méprisant.
J’ai l’impression que le désespoir que je décèle dans la voix de mes collègues libéraux s’explique par le fait qu’ils reçoivent les mêmes courriels, les mêmes appels téléphoniques et les mêmes messages que le reste d’entre nous. Ces messages proviennent de ceux qui luttent pour les personnes vulnérables, pour les personnes dépressives et pour celles qui ont une maladie mentale. Ces voix nous implorent de ne pas adopter l’amendement proposé par le Sénat, maintenant défendu par le gouvernement libéral.
Dès le début, le gouvernement a mal géré ce dossier. Les libéraux disent que le projet de loi C-7 visait à l’origine à donner suite à la décision rendue par la Cour supérieure du Québec en 2019. À l’époque, les conservateurs avaient dit très clairement que le gouvernement devait défendre sa loi et en appeler de cette décision devant la Cour suprême du Canada. Au lieu de cela, le ministre de la Justice, qui a lui-même voté contre le projet de loi C-14 sur l’aide médicale à mourir parce qu’il trouvait qu’il n’allait pas assez loin, a vu là une occasion d’élargir rapidement le régime d’aide médicale à mourir sous prétexte de donner suite à cette décision de la cour du Québec.
Je ne suis pas d’accord avec la position des libéraux de ne pas interjeter appel devant la Cour suprême. Comme les conservateurs l’ont dit, cela aurait permis au Parlement de savoir clairement comment légiférer à l’avenir. Les libéraux ont toutefois choisi d’adopter une approche très inhabituelle en ne défendant pas leur propre projet de loi. Si les libéraux avaient simplement voulu contester la décision de la Cour du Québec, ils auraient pu le faire. Ils ont choisi de ne pas le faire. Pire, ils essaient aujourd’hui de faire adopter à toute vapeur un projet de loi qui va beaucoup plus loin. Il est très clair que le gouvernement libéral affiche un mépris total à l’égard du processus parlementaire et qu’il a décidé de s’opposer à tout ce qui ne se traduit pas par une acceptation complète des projets de loi qu’il propose.
Ce projet de loi a été présenté la première fois il y a un peu plus d'un an, une semaine après que le gouvernement eut déjà demandé une prolongation de la décision rendue par la Cour supérieure du Québec. Par conséquent, les libéraux ne respectaient déjà pas l'échéance fixée par la Cour, échéance qu'ils prétendaient être leur objectif. Par la suite, au lieu de présenter un projet de loi en réponse à la décision rendue par la Cour supérieure du Québec, les libéraux ont déposé un projet de loi beaucoup plus ambitieux nécessitant un examen beaucoup plus approfondi de la part du Parlement.
Aux termes du projet de loi C-14, le projet de loi initial du gouvernement sur l'aide médicale à mourir, un examen législatif était prévu cinq ans après que ledit projet de loi eut reçu la sanction royale. Cet examen devait avoir lieu l'an dernier. Il aurait porté sur les répercussions du projet de loi C-14 et nous aurait permis de réfléchir à la bonne manière de procéder à l'avenir. Je veux être bien clair: plutôt que de permettre au Parlement de jouer son rôle, le gouvernement a décidé d'élargir la portée du projet de loi C-7. Encore une fois, plutôt que de simplement réagir à la décision du tribunal et d'autoriser le Parlement à faire le travail nécessaire pour étudier cet enjeu, les libéraux ont réagi de manière excessive en présentant un projet de loi dont la portée est beaucoup trop vaste.
Le gouvernement a fini par obtenir une prolongation du 11 mars au 11 juillet 2020 et, avec la pandémie de COVID-19, l'examen du Parlement a été limité pendant un certain nombre de mois. Alors que le temps s'écoulait vers le 11 juillet, il était évident qu'une fois de plus, les libéraux ne seraient pas en mesure de faire adopter leur projet de loi à toute vapeur, et une autre prolongation a été demandée le 11 juin, cette fois jusqu'au 18 décembre 2020. Lorsque le Parlement a finalement repris les travaux en septembre 2020, nous aurions pu débattre du projet de loi C-7. Ironiquement toutefois, nous en avons été empêchés par les libéraux qui tiennent maintenant tellement à faire adopter le projet de loi C-7 parce qu'ils ont prorogé le Parlement en vue d'un nouveau programme législatif. Nous savons tous que c'était une tactique pour éviter que l'on se penche sur le scandale de l'organisme UNIS et pour protéger le premier ministre et d'autres membres importants du Cabinet.
D'après les communications des derniers jours, on aurait pu s'attendre à ce que les libéraux s'empressent de présenter la nouvelle version du projet de loi C-7, mais la première semaine de la session s'est écoulée, puis la deuxième, sans qu'ils le fassent. Ils ont attendu jusqu'à la troisième semaine de la session, après la prorogation, pour finalement la présenter.
Les libéraux s'arrangent sans cesse pour ne pas respecter leurs propres échéances et aller droit à l'échec, pour finalement se précipiter. Cependant, comme on l'a souligné, le Sénat a renvoyé un projet de loi tout à fait nouveau. En effet, le projet de loi inclut maintenant ce qui avait été délibérément exclu par la Chambre, qui est composée de députés élus provenant de toutes les régions du pays. La composante de la maladie mentale avait été expressément et délibérément exclue, mais elle est maintenant présente dans le projet de loi.
En ajoutant la maladie mentale comme seule condition invoquée pour être admissible à l'aide médicale à mourir, le gouvernement veut élargir l'aide médicale à mourir de manière telle que cela constitue un virage à 180 degrés par rapport à la version du projet de loi C-7 qui avait été présentée il y a un an. Il s'agit d'un projet de loi complètement différent de celui qui a été initialement soumis aux débats à la Chambre. En tant que vice-président du comité de la justice, je sais que nous n'avons pas sollicité l'opinion d'experts sur cet enjeu, car le projet de loi du gouvernement était spécifiquement libellé de manière à ce que l'accessibilité à la mort administrée par voie médicale ne soit pas élargie aux personnes atteintes de maladie mentale. Or, à l'étape où en est rendu le projet de loi, le gouvernement accepte d'élargir de manière drastique le projet de loi sans se soucier des conséquences, et le ministre de la Justice a lui-même déclaré que cet élargissement ne faisait pas consensus.
Que disent les gens à propos des enjeux relatifs à la maladie mentale? C'est bien dommage parce que les Canadiens n'auront pas la possibilité de participer au débat sur la question avant que nous procédions au vote ce soir. Cependant, pour les personnes à l'écoute, je signale que la cheffe de la direction nationale de l'Association canadienne pour la santé mentale a sonné l'alarme dans un article où elle exhorte tous les députés à voter contre les amendements proposés par le Sénat. Elle fait valoir que l'aide médicale à mourir ne devrait pas être offerte aux personnes atteintes de maladie mentale, du moins, pas avant que le système de soins de santé ne réponde adéquatement aux besoins des Canadiens en matière de santé mentale.
Selon elle, il est impossible de déterminer si une personne souffrant de maladie mentale est dans un état de déclin avancé et irréversible. Elle conclut son article ainsi: « Avant même de considérer qu'une maladie mentale est incurable, nous devrions nous occuper du système canadien de santé mentale, car il ne va pas très bien. »
Dans un billet publié dernièrement sur CBC.ca, le psychiatre Mark Sinyor, qui est aussi professeur agrégé de psychiatrie à l'Université de Toronto, a écrit ceci: « En tant que scientifique, je dois envisager la possibilité que toutes les prétentions des défenseurs de l'aide médicale à mourir sont fondées. Or, on ne peut pas adopter une loi, qui plus est une loi qui traite de vie et de mort, sur la foi d'une possibilité. »
Il poursuit ainsi: « Dans les autres secteurs de la médecine, certains scientifiques consciencieux consacrent leur carrière entière à étudier méticuleusement les avantages et les inconvénients de tel ou tel traitement avant qu'il soit offert à grande échelle. Dans ce cas-ci, cette méthode éprouvée a été remplacée on ne sait trop comment par une approche désinvolte et moralisatrice. »
Avant d'adopter une loi, les parlementaires que nous sommes doivent en étudier les tenants et les aboutissants et écouter les spécialistes et les personnes directement concernées qui se présentent au comité. Cette semaine, Wayne Wegner a donné une conférence de presse afin de parler de sa lutte contre la maladie mentale. Wayne n'a pas eu une vie facile et il a sombré dans une profonde dépression, mais cette semaine, il a demandé aux députés de voter contre ce projet de loi.
En terminant, je dirai que ce n'est pas ainsi que nous devrions procéder. Le débat d'aujourd'hui ne devrait pas faire l'objet d'un bâillon. Nous devrions écouter les personnes handicapées, les personnes souffrant de maladie mentale et celles qui défendent leurs droits. Nous devrions faire notre travail de députés et écouter avant d'agir. C'est notre devoir.