Madame la Présidente, je suis heureux d'être ici à la Chambre avec tant de collègues pour participer à cet important débat et prendre la parole après mon collègue de Markham-Unionville, qui a prononcé un excellent discours. Il a dit qu'il est arrivé au Canada en 1974. Je suis arrivé au Canada en 1987; il est donc ici depuis plus longtemps que moi.
Je tiens à commencer mon intervention en parlant brièvement du contenu du projet de loi. Je tiens aussi à parler un peu du contexte dans lequel s'inscrivent le programme et les propositions du gouvernement en ce qui concerne les questions autochtones.
Le projet de loi modifierait le serment de citoyenneté pour qu'il se lise comme suite:
Je jure fidélité et sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs et je jure d’observer fidèlement les lois du Canada, y compris la Constitution, qui reconnaît et confirme les droits — ancestraux ou issus de traités — des Premières Nations, des Inuits et des Métis, et de remplir loyalement mes obligations de citoyen canadien.
La mention des Premières Nations, des Inuits et des Métis et celle des droits ancestraux ou issus de traités sont de nouvelles mentions que le projet de loi propose d'ajouter à la loi.
La source de la discussion sur la modification du serment de citoyenneté est une recommandation de la Commission de vérité et réconciliation, plus précisément l'appel à l'action numéro 94. Comme l'ont fait remarquer les députés, le projet de loi semble avoir l'appui de tous les partis. Il passera à l'étape de la deuxième lecture et il sera renvoyé en comité. Cependant, il est important de souligner qu'un point devra être abordé plus en détail en comité. Nous aurons besoin d'entendre des témoins sur la différence entre le libellé du serment dans le projet de loi et la proposition qui figurait dans la recommandation numéro 94 de la Commission de vérité et réconciliation.
Voici le serment proposé dans le rapport de la commission, que j'ai consulté avant mon intervention:
Je jure (ou affirme solennellement) que je serai fidèle et porterai sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs, que j’observerai fidèlement les lois du Canada, y compris les traités conclus avec les peuples autochtones, et que je remplirai loyalement mes obligations de citoyen canadien.
Le libellé proposé dans la recommandation numéro 94 est légèrement différent de ce qui est proposé dans le projet de loi. La version du projet de loi fait référence aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis, et elle est un peu plus longue. Quoi qu'il en soit, il est important que, dans la démarche de réconciliation, nous écoutions les chefs autochtones. Il sera important de préciser en comité si les parties prenantes et les communautés concernées qui sont particulièrement investies dans le dossier ont été consultées au sujet de la différence de libellé entre la recommandation de la Commission de vérité et réconciliation et le projet de loi. Ce sera un point important sur lequel nous devrons faire un suivi.
Avant de réfléchir à certains détails concernant la modification du serment, je tiens à dire que les conservateurs appuient le projet de loi. Nous pensons que les aspirations qui le sous-tendent et son contenu sont raisonnables et valables, et nous sommes ravis de la poursuite des discussions et du débat à cet égard.
À l'heure actuelle, le Parlement étudie trois mesures législatives dont l'état d'avancement diffère et qui concernent toutes, plus ou moins directement, la relation entre le gouvernement et les peuples autochtones du Canada. Il s'agit des projets de loi C-5, C-8 et C-10. Nous discutons actuellement du projet de loi C-8, qui modifie le serment de citoyenneté. Pour sa part, le projet de loi C-10, une mesure plus vaste, touche à divers enjeux. Il vise notamment à inscrire, dans la Loi sur la radiodiffusion, que les diffuseurs doivent offrir un contenu qui reflète des communautés diverses, dont les communautés autochtones. Enfin, le projet de loi C-5 permettrait d'instaurer un nouveau jour férié afin de souligner et de commémorer ce qui s'est produit dans les pensionnats autochtones.
Ces trois mesures législatives contiennent toutes des éléments importants. Du côté des conservateurs, nous appuyons les projets de loi C-5 et C-8. Nous avons toutefois quelques réserves à propos du projet de loi C-10; elles ne portent pas sur ses objectifs, mais sur d'autres aspects de la mesure, dont la portée est relativement vaste. Quoi qu'il en soit, ces trois projets de loi font partie du programme législatif actuel du gouvernement.
Si les libéraux décident des types de projets de loi sur les dossiers autochtones qu'ils présentent, les députés pourraient dire qu'ils ont quelques options. On pourrait diviser les projets de loi présentés en deux grandes catégories. Il y aurait les projets de loi qui constituent des gestes de reconnaissance, et il y aurait ceux qui ciblent des mesures visant à améliorer la qualité de vie.
Il est important de faire cette distinction. Poser un geste de reconnaissance, c'est par exemple instituer un jour férié, modifier un libellé ou des dispositions, faire une déclaration, admettre certains faits et tendre vers la réconciliation. Voilà le genre de gestes de reconnaissance que nous faisons en tant qu'assemblée législative. Ils sont importants et ont leur place, et c'est pourquoi nous appuyons ce projet de loi.
Parmi les gestes de reconnaissance posés par la Chambre, il y a des motions dans lesquelles nous exprimons notre appréciation à l'égard de certaines communautés ou de certaines actions. À la dernière législature, nous avons par exemple adopté plusieurs projets de loi instituant des mois du patrimoine. Ces mois sont un moyen de commémorer et de reconnaître la contribution de certaines communautés. Ces gestes de reconnaissance et ces mesures législatives qui visent une plus grande reconnaissance de la part de la population sont importants.
Qu'est-ce qui rend ces gestes si importants? En fait, ils sont l'occasion de prendre conscience de la contribution inestimable de certains groupes à la société et d'y réfléchir. Nous sommes façonnés par l'histoire. Or, cette histoire, elle doit rayonner et être connue du plus grand nombre, et cette responsabilité incombe à l'assemblée législative que nous sommes. Il s'agit d'un rôle aussi important qu'utile, et ce rôle, nous sommes capables de le jouer. Nous avons toute la légitimité nécessaire.
L'autre catégorie de mesures législatives dont je parlais vise à améliorer la qualité de vie des gens, à changer leurs conditions de vie afin qu'ils puissent à leur tour améliorer leur sort.
Qu'il s'agisse du libellé d'un serment, d'une journée commémorative, d'un mois du patrimoine xyz ou de la représentation dans les médias, ces gestes de reconnaissance sont importants, mais jamais autant, tout bien considéré, que les mesures législatives qui ont une incidence directe sur la qualité de vie des gens, qui leur permettent d'avoir accès plus aisément à l'appareil judiciaire, qui les aident à faire valoir leurs droits, qui leur offrent des services — de santé ou autres — ou qui favorisent leur développement économique.
Étant donné toutes les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation et toutes les options qui s'offrent au gouvernement afin de répondre aux recommandations prioritaires, ce qui me frappe, c'est qu'on se concentre presque exclusivement sur des gestes de reconnaissance plutôt que sur des mesures qui visent à améliorer la qualité de vie de façon concrète.
Il serait bon de prendre les deux types de mesures. Cependant, il y a lieu de commencer à faire un examen critique et à s'interroger quand on se concentre exclusivement sur les gestes de reconnaissance au lieu de prendre les mesures dont j'ai parlé plus tôt et qui visent à améliorer la qualité de vie.
Dans quels domaines y a-t-il des lacunes? De quelle façon le gouvernement a-t-il manqué à ses responsabilités lorsqu'il s'agit d'améliorer la qualité de vie? Nous devons nous pencher sur les nombreuses façons d'améliorer la qualité de vie de façon concrète, qu'il soit question de justice, de santé ou de bien d'autres domaines.
J'aimerais d'abord parler de développement économique. D'après mes discussions avec des Autochtones de ma région et d'ailleurs au pays, je sais que ces gens veulent vraiment pouvoir développer leur économie et avoir accès à des emplois et à des possibilités dans leur propre collectivité.
Il faut aussi tenir compte du fait que, lorsque des communautés connaissent un développement économique, cela leur donne un certain contrôle et la capacité d'investir dans des programmes qui sont axés sur leurs priorités. On entend les demandes de diverses communautés qui souhaitent que le gouvernement finance des programmes dans la santé, les langues, les infrastructures, entre autres. Cependant, ces communautés veulent que ces investissements les aident à prospérer, car elles visent ultimement à pouvoir faire leurs propres investissements en fonction de leurs priorités sans avoir à quémander des fonds au gouvernement. Il ne s'agit pas de choisir entre deux options. Il ne s'agit pas de mettre les communautés dans une position où elles doivent choisir entre obtenir des fonds publics ou connaître une croissance économique. Toutefois, quand les communautés deviennent prospères, elles deviennent plus autonomes et elles ont la possibilité d'investir sans attendre selon leurs priorités.
De nombreuses communautés autochtones ont bénéficié de pouvoir jouer un rôle dans le secteur de l'énergie, en participant au développement du secteur des ressources naturelles, entre autres. Depuis le début du débat sur ce sujet, le secrétaire parlementaire a répondu à ma question sur les actions concrètes en faisant référence au projet de loi C-262 de la législature précédente. Il serait important d'envisager la voie directe. Si nous voulons donner les moyens aux communautés autochtones de devenir prospères, elles doivent pouvoir le faire dans un contexte qui prévoit de véritables consultations, mais qui, au bout du compte, leur permet d'aller de l'avant. Si, par exemple, des communautés autochtones d'une certaine région ont la possibilité de prendre part à un projet de développement dans le secteur de l'énergie pour lequel elles agissent comme promoteurs, mais qu'une minorité de personnes s'opposent au projet, le processus de consultation devrait permettre que le projet aille de l'avant si une très forte majorité des habitants des communautés locales l'appuient.
C'est là que les conservateurs se sont dissociés des autres partis, surtout pour les enjeux comme le projet de loi C-262. En effet, si l'on met en place un cadre qui se traduit dans les faits par la possibilité qu'une communauté oppose son veto au désir de développement économique de toutes les communautés avoisinantes, c'est un problème. Il est certes nécessaire d'adopter un processus de consultation sérieux dans le cadre duquel les communautés pourront se faire entendre, mais il faut également donner l'occasion aux communautés de mettre en valeur leurs propres ressources. La norme ne devrait pas être l'atteinte d'un consensus absolu. On ne saurait attendre l'accord de tous avant d'œuvrer à un quelconque développement économique.
Nous en avons peut-être moins parlé depuis quelque temps, puisque nous avons tourné toute notre attention sur la COVID-19, mais au début de l'année, nous nous trouvions justement dans une situation où tous les dirigeants communautaires élus voulaient mettre en place un projet — le projet de gazoduc Coastal GasLink —, alors qu'une minorité de chefs héréditaires s'y opposaient. Telle était la situation, et nous en avions débattu longuement. Certains députés se comportaient comme si le fait qu'une minorité au sein d'une communauté s'insurge contre le projet suffisait en soi pour mettre un frein au développement économique. Nous étions plutôt d'avis que si un projet obtient un fort appui au sein des communautés autochtones, alors il devrait être possible de le mettre en œuvre. Il faut consulter les gens et, si les gens sont d'accord, ils devraient être en mesure de mettre en valeur leurs ressources et d'en tirer profit.
Partout au pays, des peuples autochtones cherchent des occasions de développement économique, notamment en exploitant leurs ressources. Cela peut donner lieu à des débats — parfois vifs — au sein d'une même communauté ou entre plusieurs communautés. Toutefois, il est important que les gens puissent poursuivre leur développement économique.
Dans le débat d'aujourd'hui sur le projet de loi C-8, les ministériels parlent d'un projet de loi distinct: le projet de loi C-262, qui a été présenté au cours de la dernière législature. Cela est préoccupant pour bien des Canadiens d'origine autochtone qui souhaitent saisir l'occasion d'exploiter leurs propres ressources, de profiter des perspectives que ces ressources leur ouvrent, c'est-à-dire se servir de ces ressources pour investir dans la préservation des langues, l'amélioration de la santé et des infrastructures, et j'en passe. Ils veulent être en mesure d'utiliser les retombées du développement économique à ces fins.
Je veux simplement ajouter, en ce qui concerne le développement économique, que les projets de développement comme l'expansion des infrastructures de pipelines soulèvent l'enthousiasme et l'intérêt parce qu'ils peuvent aussi apporter d'autres choses, comme une meilleure connexion à Internet dans certaines collectivités.
Les ententes sur les avantages ne donnent pas seulement des possibilités directement liées au secteur des ressources naturelles. En effet, elles se traduisent par la construction d'infrastructures dans diverses communautés et autour, ce qui permet aux gens d'avoir accès à une meilleure connexion et à diverses ressources et formations et de travailler pour des entreprises en ligne. Ce genre de développement est porteur d'innombrables possibilités qui sont à un doigt seulement de se réaliser.
Le pays a tellement de potentiel et une grande partie de ce potentiel tourne autour de l'exploitation des ressources. Ceux qui sont le plus susceptibles de profiter de cette exploitation sont ceux qui vivent près de l'emplacement de ces ressources.
Nous pourrions parler de questions importantes liées à la justice et du travail à faire pour que le système judiciaire soit juste pour tout le monde. Nous nous employons à cerner les raisons qui expliquent les impacts disproportionnés sur certaines communautés et à les atténuer sérieusement. Ce genre de chose exige de grands efforts.
Le gouvernement a fait des déclarations pour reconnaître les problèmes qui existent dans la manière dont les peuples autochtones ont été traités par notre système judiciaire. C'est une chose de reconnaître publiquement l'existence d'un problème, mais c'est autre chose d'oser affirmer que nous allons prendre des mesures concrètes pour améliorer la qualité de vie des peuples autochtones.
Comme je l'ai déjà dit pendant la période des questions et observations, il m'arrive très souvent, lors de débats concernant les affaires autochtones, que les députés ministériels agissent comme s'ils étaient encore sur les banquettes de l'opposition, que ce soit dans leur discours ou leur ton. Ils répètent que nous sommes confrontés à tel ou tel problème, et que nous devons toujours faire mieux et en faire plus.
J'observe les députés d'en face et je remarque que les libéraux sont au pouvoir depuis cinq ans déjà, mais qu'ils continuent pourtant à blâmer Stephen Harper, et à ressasser les échecs historiques qui ont retardé le processus de réconciliation avec les peuples autochtones. Est-ce que je pense qu'il est possible de tout changer et de parvenir à une situation parfaite en cinq ans? Non. Est-ce que je crois que le gouvernement actuel pourrait se concentrer pour réaliser de véritables progrès concrets dans le cadre de son programme? Oui.
J'espère que le gouvernement actuel ne sera pas encore au pouvoir pour les cinq ou dix prochaines années, mais s'il l'était, j'imagine qu'il prononcerait les mêmes discours. Les mêmes députés nous diraient que le Canada échoue depuis trop longtemps et que nous devons faire mieux. À partir de quel moment arrêteront-ils de fuir leurs responsabilités et de dire que « nous », au sens large, devons faire mieux et commenceront-ils plutôt à dire que « nous », les ministériels, devons faire mieux?
Le gouvernement doit faire nettement mieux. Les conservateurs sont favorables au projet de loi C-8. Nous l'appuierons afin qu'il soit renvoyé au comité. Nous attendons avec impatience l'étude en comité, notamment l'étude de certaines des questions que j'ai soulevées au sujet de la différence entre la version proposée dans le projet de loi et la recommandation émise par la Commission de vérité et réconciliation. Nous souhaitons toutefois que le gouvernement prenne au sérieux la nécessité de faire progresser des mesures législatives qui améliorent concrètement la qualité de vie des Autochtones du Canada.
Oui, c'est important de reconnaître qu'il faut en faire plus, mais si on nous présente une multitude de projets de loi qui sont axés sur la reconnaissance des droits des Autochtones plutôt que sur des actions concrètes qui permettront d'améliorer leur qualité de vie, on a de plus en plus l'impression que le gouvernement essaie d'éviter d'avoir à se pencher comme il se doit sur les politiques complexes qui amélioreraient grandement les choses. Si le gouvernement reconnaît la nécessité d'accroître les ressources et le développement économique au sein des communautés autochtones, quand nous présentera-t-il un projet de loi qui cherche vraiment à soutenir le développement économique au sein de ces communautés et qui aide réellement les Autochtones à saisir ces occasions de développement? Quand nous présentera-t-il un projet de loi qui vise à remédier à ces problèmes de justice qui traînent depuis longtemps?
Le gouvernement dit qu'il faut faire mieux. Il serait peut-être temps qu'il agisse afin que ces améliorations deviennent réalité.