Madame la Présidente, je remercie ma collègue de Battlefords—Lloydminster de cet incroyable projet de loi, qui apporterait parité et équité en matière de santé mentale et d’attachement aux parents adoptifs et aux parents d’intention.
Pour les gens qui nous regardent, je précise que nous parlons aujourd’hui du projet de loi C‑318, qui a été présenté par mon amie et collègue la députée de Battlefords—Lloydminster.
Aujourd'hui, je vais en expliquer les grandes lignes et relayer des témoignages convaincants que nous avons entendus au comité des ressources humaines. Je vais vraiment insister sur le fait qu'il s'agit d'un projet de loi plein de bon sens sur quelque chose qui devrait exister depuis longtemps. Cependant, comme c’est souvent le cas à la Chambre, nous en sommes là.
Le projet de loi C‑318 vise à créer, dans le cadre du programme d'assurance-emploi, une prestation d'une durée de 15 semaines pour les parents adoptifs et les parents d'intention ainsi qu'à apporter des modifications en conséquence au Code canadien du travail. Beaucoup de gens, moi y compris, ignoraient l'existence de ce problème. J'ai des enfants biologiques et je supposais simplement que les parents adoptifs et les parents d'intention, c'est-à-dire ceux qui ont recours à une mère porteuse, avaient droit au même nombre de jours de congé de maternité ou de congé de paternité, comme on les appelle couramment. J'avais droit à 52 semaines, mais la réalité, dans le système actuel, c'est que ces parents-là n'y ont pas droit. Leur congé est écourté de 15 semaines.
On peut se demander pourquoi, et c'est une excellente question. Cela n'exercerait pas de pression financière supplémentaire sur le système, et nous savons que les parents en question ont besoin de ce temps pour développer le sentiment d'attachement. J'aimerais expliquer brièvement aux députés que des considérations politiques influent toujours sur les dossiers que nous étudions ici, souvent en dépit du bon sens.
Au cours des deux dernières campagnes électorales, les libéraux ont promis que cette mesure ferait partie de leur programme. Rien n'a encore été fait, mais ce n'est pas étonnant. C'est ainsi que les chosees se passent dans notre pays.
Le projet de loi a franchi l'étape de la première lecture. Ce que nous demandons dans le cadre du débat d'aujourd'hui à la Chambre, c'est la recommandation royale. À défaut de l'obtenir, tout restera au point mort. Nous avons eu l'appui de la Chambre, puisque le projet de loi a franchi l'étape de la première lecture. D'ailleurs, tout le monde a voté pour, sauf les libéraux. Quatre députés libéraux l'ont appuyé. Je les remercie d'ailleurs d'avoir mis de côté la partisanerie pour le bien commun et au bénéfice de la parité.
J'aimerais parler d'un article avec les députés, car je pense qu'il met vraiment en évidence l'aspect humain de la question. Lorsqu'on parle de politiques et de lois, les choses semblent parfois très impersonnelles; or, les conséquences des décisions prises à la Chambre sont, elles, bien personnelles pour les Canadiens. Tout revient à la politique. Il s'agit d'un article écrit par Erin Clow qui a été publié dans le journal The Province.
Voici ce qu'elle a écrit:
À la fin de mon premier congé, en 2020, j’avais envie de passer plus de temps avec notre fils. À l’approche de la fin du présent congé, je ressens un poids difficile à exprimer, chargé de tristesse, de peur, de culpabilité et de chagrin, sachant qu’en tant que famille, nous avons besoin de plus de temps pour nous attacher. Au début des congés parentaux, les heures, les jours et les semaines semblaient longs. Honnêtement, nous étions des étrangers qui, du jour au lendemain, étions devenus une famille. Nous ne savions pas grand-chose les uns des autres et, surtout, nous ne savions pas comment nous faire confiance et encore moins comment nous aimer. Chaque jour était un exercice monumental de courage. Nous avons passé notre temps à apprendre à nous connaître les uns les autres. Apprendre la routine, ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas. Apprendre à être parents. Apprendre à s’aimer les uns les autres.
Encore une fois, cela me ramène à ma propre expérience en tant que nouvelle mère. C’est exactement ce que l’on ressent après avoir donné naissance. Maintenant, imaginons ce que ressentent les gens qui adoptent un enfant ayant déjà vécu sans eux et développé des sentiments et des émotions, eux qui cherchent à rattraper tout le temps perdu et à tisser des liens avec lui. Étant donné tout ce que les parents adoptifs et les parents d'intention doivent surmonter sur les plans biologique et physiologique, l'idéal serait de leur donner plus de temps. Cependant, aux termes de la loi actuelle, on leur en donne moins, ce qui n'a aucun sens.
Mme Clow poursuit: « Il a fallu des mois avant que je commence à devenir le parent que mes enfants méritent d'avoir. » Je doute que ce soit vrai. Je suis convaincue qu'elle était exactement la mère dont ces enfants avaient besoin dès la naissance et qu'ils étaient destinés à être réunis, mais je connais ce sentiment de culpabilité maternelle.
Elle dit ensuite: « Maintenant, il ne reste plus que 27 jours. Ce congé parental payé prendra fin dans 27 jours, et je peux affirmer sans l'ombre d'un doute que nous avons besoin de plus de temps. »
N'est-ce pas ce qu'il y a de plus précieux sur Terre? Mme Clow dit: « Notre fille et notre fils ont besoin de plus de temps. Il nous faut des mois, et non des jours, pour que tous les membres de notre famille puissent former un attachement sûr et durable. » Le billet qu'elle a rédigé est très puissant et illustre réellement ce que vivent les parents adoptifs.
J'aimerais revenir sur certains témoignages que le comité a entendus. Je répète que, financièrement, ce qui est proposé relève du gros bon sens. Les parents cotisent déjà au régime. Ce n'est pas comme si nous tenterions de trouver cet argent. La mesure est déjà financée.
Tant de programmes offerts par les libéraux en ce moment ne sont pas financés, comme leur régime d'assurance-médicaments et leur programme de garderies, qui sont sous-financés et qui ne fonctionnent pas. Ces mesures ne sont pas financées. Celle-ci l'est. Ce projet de loi est axé sur le gros bon sens et, grâce à lui, il serait facile d'offrir aux enfants et aux familles les bases dont ils ont besoin pour prospérer.
Franchement, la flambée du coût de la vie est une autre conversation que beaucoup de gens dans ce pays préfèrent éviter. Ma fille m'a dit qu'elle ne pourrait pas avoir d'enfants, qu'elle n'en aurait jamais les moyens. Avoir un tel sentiment! Avoir ce sentiment, dans ce pays. Croire qu'on ne peut pas se permettre d'avoir une maison, de nourrir sa famille ou de choisir d'avoir des enfants, ce qui est le plus beau cadeau du monde. Pour les gens qui choisissent de ne pas avoir d'enfants, c'est une décision tout à fait correcte, mais priver des gens de ce choix est un problème réel dans notre pays.
Voici une autre citation: « La plupart des enfants adoptés au Canada ont plus de 10 ans au moment du placement et beaucoup ont des antécédents de traumatisme ou de deuil. Le fait d’avoir leur(s) nouveau(x) parent(s) ou personne(s) dispensatrice(s) de soins à la maison plus longtemps, au cours de cette première année fondamentale, leur donne le temps de s’attacher et de commencer à faire face à leur chagrin et à leur deuil. »
Je crois que la députée d'en face pourrait intervenir à ce propos, et je sais qu'elle porte une grande attention à mes paroles. Une femme en particulier, Cathy Murphy, je crois, a dit qu'il a fallu trois ans pour que son enfant l'appelle « maman ».
Pendant trois ans, il n'a dit que « bonjour madame ». C'est tellement évocateur, car il est difficile pour les parents adoptifs, les parents d'intention et les parents biologiques d'être présents auprès de leurs enfants lorsqu'ils éprouvent des difficultés. C'est la responsabilité la plus difficile que nous ayons à assumer en tant que parents. Leur comportement est axé sur la communication. Ces enfants ont besoin de beaucoup plus de temps pour établir un lien de confiance. Ils n'en ont pas. Ils n'en ont jamais eu. Le traumatisme que bon nombre d'entre eux ont vécu est bien réel.
Les difficultés financières sont l'un des plus grands facteurs de stress dans une dynamique familiale. Si une personne se demande comment elle va payer son prêt hypothécaire, sa nourriture, son épicerie ou son essence, ô surprise, il lui devient difficile d'être le parent qu'elle doit être pour l'enfant qui a besoin d'elle.
Il est si simple de dire aux gens de ne pas s'inquiéter, que leurs prestations d'assurance-emploi, tirées de leurs cotisations, sont là pour les aider à être les meilleurs parents qu'ils puissent être. C'est un projet de loi très simple.
Voici une autre citation: « Sur les 63 000 enfants actuellement pris en charge, 30 000 sont admissibles à l'adoption permanente par des familles aimantes [...] » et, attention, « seulement 2 000 enfants sont adoptés chaque année ». Combien y a-t-il d'enfants qui ne savent pas où est leur place, qui ne savent pas qu'ils ont un endroit à eux? Quel sentiment horrible. Peut-être que si un plus grand nombre de parents savaient qu'il existe des mesures incitatives et de soutien pour leur permettre de donner l'amour qu'ils ont en eux, ce nombre augmenterait.
Kyla Beswarick avait 10 ans quand elle a été adoptée avec son frère et sa sœur. Elle raconte qu'il lui a fallu deux ou trois ans pour tisser un lien d'attachement. Un article explique que « [s]a mère a dû quitter son travail pour prendre bien soin de Kyla, notamment afin de la conduire à ses rendez-vous chez le médecin et le thérapeute et pour lui permettre de s'adapter à l'école, elle n'avait toutefois pas droit à un congé parental. » Kyla, qui a aujourd'hui 21 ans, est une personne formidable. Elle raconte: « Imaginez ma perception du monde. J'avais du mal à faire confiance aux gens et je devais m'adapter à de nouveaux milieux. J'étais très jeune. Si j'avais eu plus de temps, cela m'aurait aidé ».
Ashley Bach a également témoigné devant le comité.
Je vais lire le dernier témoignage parce que je trouve que c'est celui-là qui est le plus percutant. C'est le témoignage de Julie Despaties, directrice générale d'Adopt4Life:
J'aimerais terminer sur cette réflexion.
Si nous voulons assurer un avenir meilleur à nos enfants, nous devons faire ce qu'il faut pour eux. Comme l'a dit Irwin Elman, un bon ami à moi et un ancien défenseur provincial des droits des enfants et de la jeunesse en Ontario, il est impossible de réglementer l'amour, mais vous pouvez réglementer les conditions qui permettront à l'amour de s'épanouir.