Monsieur le Président, je prends la parole ce soir pour appuyer résolument le projet de loi C‑62, qui retarderait de trois ans l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes dont la maladie mentale est la seule condition médicale sous-jacente. Mes raisons sont les mêmes que celles que j’ai données dans mon intervention au sujet du projet de loi C‑39, il y a un an, jour pour jour, au moment où le gouvernement n’était prêt à repousser l’échéance que d’un an. Premièrement, ce délai correspond à celui que j’ai entendu de nombreuses personnes mentionner dans ma circonscription; deuxièmement, c’est ce que les experts réclament depuis un certain temps; troisièmement, les verts estiment qu’il faudrait passer plus de temps à remailler le filet de sécurité sociale avant d’élargir l’aide médicale à mourir.
Aujourd’hui, les verts estiment également qu’il faut précipiter l’adoption de ce projet de loi avant la date butoir du 17 mars pour que l’aide médicale à mourir ne soit pas élargie aux personnes dont la maladie mentale est la seule condition médicale sous-jacente, car c’est ce qui se rapproche le plus de l’intention du projet de loi C‑314. Le projet de loi C‑314 que le député d’Abbotsford avait présenté aurait empêché une fois pour toutes cet élargissement.
Dans le contexte parlementaire actuel, le projet de loi C‑62 a franchi les étapes du processus législatif assez rapidement jusqu'à présent. Je m'attends à ce que lors des périodes de vote des prochains jours, nous puissions poursuivre ce processus selon les termes de la motion qui a été approuvée plus tôt aujourd'hui. Cela montre que la Chambre est en mesure d'agir rapidement lorsqu'il est question de traiter un projet de loi prioritaire, comme c'est le cas avec le projet de loi C‑62, qui doit être adopté d'ici le 17 mars. En réalité, ce n'est pas le manque d'outils législatifs qui nous empêcherait d'agir rapidement, mais bien le manque de volonté politique.
Jusqu'à présent, j'ai expliqué les raisons qui ont poussé mon parti et moi-même à appuyer sans relâche le projet de loi dont nous sommes saisis. J'aimerais maintenant poser la question suivante: pourquoi ralentir l'adoption d'un projet de loi visant à améliorer considérablement la qualité de vie des Canadiens? Certains de mes collègues ont réfléchi à la question et ont relayé des commentaires qui, je l'espère, leur ont été directement formulés par des personnes handicapées d'un peu partout au pays. Pourquoi ne pas mettre fin le plus rapidement possible à la pauvreté infligée aux personnes handicapées par le cadre juridique actuel?
Le fait est que, encore aujourd'hui, 40 % des personnes qui vivent dans la pauvreté au pays sont des personnes handicapées. Certains parleront d'une mesure législative qui a été adoptée en juin dernier, mais il reste que les personnes handicapées ne sont pas en meilleure posture aujourd'hui qu'elles ne l'étaient avant l'adoption de cette mesure législative. La prestation n'est pas encore financée, et nous n'avons pas entamé de négociations avec les provinces et les territoires. C'est honteux. Il est embarrassant de voir que, dans un pays aussi riche que le nôtre, les personnes handicapées continuent de vivre dans la pauvreté engendrée par les lois. La Chambre des communes pourrait choisir d'agir de toute urgence pour mettre fin à la pauvreté infligée aux personnes handicapées par le cadre juridique actuel, et ce, avec autant d'empressement qu'elle le fait en ce moment pour respecter l'échéance du 17 mars.
La Chambre des communes pourrait également exercer des pressions pour qu'on s’attaque vraiment à l’un des principaux problèmes sous-jacents, à savoir le manque de soutien en matière de santé mentale. En fait, lors de la dernière campagne électorale, le Parti libéral a promis de mettre en place une prestation canadienne pour la santé mentale. Elle devait s'appeler « Transfert canadien en matière de santé mentale ». Il s'agissait d'un engagement de 4,5 milliards de dollars, et il ne devait pas faire partie d'une entente générale de financement en santé, comme c'est le cas actuellement. L'un des défis est que, même si nous voulons tous que nos soins de santé soient fournis de manière globale, il est plus utile de conclure des accords de financement ciblés, de manière à pouvoir demander des comptes. Or, ce n'est pas le cas en santé mentale. Celle-ci n'est qu'un des quatre volets des ententes entre les provinces et le fédéral. Par conséquent, c’est aux provinces de décider, mais on ne sait pas trop si elles sont tenues de rendre des comptes sur la proportion des fonds prévus dans ces ententes qui sera consacrée directement à la santé mentale.
Dans le budget de cette année, nous constatons que le gouvernement intensifie ses efforts, est plus clair et indique qu’il va s’assurer de financer directement ce qui était censé être le Transfert canadien en matière de santé mentale. Si le gouvernement passait de la parole aux actes, cela améliorerait considérablement la qualité de vie des Canadiens, celle des gens de ma collectivité qui sont sur des listes d’attente déraisonnables pour voir un professionnel de la santé mentale.
Si l’on voulait vraiment faire des progrès pour régler une autre crise majeure au pays, il faudrait agir beaucoup plus rapidement pour régler la crise du logement. Encore une fois, ce qui me donne un peu d’espoir, compte tenu des circonstances actuelles, c’est que nous savons qu’il existe des outils parlementaires pour réaliser cet objectif. Le fait est que, dans ma collectivité, un rapport a été publié aujourd’hui afin de continuer à exhorter les instances gouvernementales à faire ce qu’il faut pour aider les gens qui vivent dans des campements et dans des conditions difficiles. Dans ma collectivité, le nombre de sans-abri a triplé seulement au cours des trois dernières années.
Voilà qui ne devrait pas se produire dans notre pays, mais nous savons pourquoi c’est le cas. À l’heure actuelle, pour chaque nouvelle unité de logement abordable, le marché perd 15 unités parce qu'elles ne sont plus abordables à cause de la financiarisation du logement. Le logement devient de plus en plus une marchandise que les grands investisseurs institutionnels commercialisent plutôt que de permettre à une personne d'avoir un chez-soi.
Nous continuons donc de voir de grands investisseurs institutionnels acheter des logements abordables, procéder à des rénovictions et augmenter les loyers. Après cela, on se demande pourquoi cette crise s'aggrave elle aussi. Je ne pense pas que nous en serions là si le Parlement, et le gouvernement en particulier, s'attaquait plus sérieusement à la crise du logement.
Après 30 ans de sous-investissement, où en sommes-nous? Le fait est que notre parc de logements sociaux est le pire du G7; 3,5 % de nos logements sont des logements sociaux. Ainsi, même si on doublait le nombre de logements sociaux, on ne serait qu'à peu près en milieu du peloton.
Ces 30 ans de sous-investissement ont des conséquences importantes dans les collectivités de l'ensemble du pays. Je pense notamment à une infirmière avec qui j'ai parlé la fin de semaine dernière. Elle m'a dit qu'elle n'avait pas les moyens de vivre dans notre collectivité en raison du coût des logements. Par conséquent, que l'on soit enseignant, infirmier ou ouvrier spécialisé, les gens de cette génération doivent composer avec un marché du logement qui diffère fondamentalement de celui qu'ont connu les générations précédentes. Pourquoi? Dans ma collectivité, depuis 2005, le coût du logement a augmenté de 275 %, mais les salaires n'ont augmenté que de 42 %.
Une fois de plus, si nous parvenions à compléter le filet social et à agir aussi rapidement que le gouvernement l'a fait aujourd'hui pour respecter l'échéance du 17 mars, nous pourrions largement garantir l'obtention des fonds nécessaires pour faire face à la crise du logement abordable. Nous pourrions également nous attaquer à la financiarisation, c'est‑à‑dire au fait que les investisseurs institutionnels se sont engouffrés dans la brèche pour gagner le plus d'argent possible, le plus rapidement possible, sur le dos de certaines des personnes aux revenus les plus faibles dans ma collectivité.
Oui, je soutiendrai le projet de loi C‑62. Je pense qu'il s'agit d'une occasion très importante pour nous tous de montrer que ce Parlement peut agir rapidement lorsque c'est nécessaire pour résoudre les crises réelles qu'il observe. Nous connaissons une crise du logement, une pauvreté infligée aux personnes handicapées par le cadre juridique actuel et une crise en santé mentale, et le Parlement de même que le gouvernement devraient s'y attaquer beaucoup plus rapidement.