Madame la Présidente, je serais heureux de répondre à des questions à la fin de mon discours.
M. Kevin Lamoureux: Ce sera quand?
L’hon. Andrew Scheer: Nous y arriverons.
Madame la Présidente, nous voulions découvrir le fin fond de cette affaire. J'ai déjà été Président de la Chambre. Je ne peux imaginer aucun premier ministre avec qui j'ai servi ou que j'ai connu au fil des années agir ainsi, aucun autre à part l'actuel titulaire de ce poste. Il n'a pas apprécié que les représentants démocratiquement élus par la population réclament qu'on fasse la lumière sur un scandale qui a touché tous les Canadiens. En effet, tout enjeu lié à la santé publique a une incidence sur nous. La sécurité nationale touche tous les Canadiens. Nous avons le droit de réclamer des réponses dans cette enceinte.
Tous les partis politiques se sont entendus là‑dessus, et il en faut beaucoup pour unir les partis de l’opposition à la Chambre. Nous sommes foncièrement différents du Bloc québécois.
Nous croyons en un Canada uni, en notre histoire et en notre avenir. Il y a beaucoup de préoccupations sur lesquelles il n'y a pas de terrain d'entente avec le Bloc québécois.
Les néo-démocrates et les conservateurs sont en désaccord sur beaucoup de choses. Nous croyons aux marchés libres et à la liberté individuelle. Le NPD croit à la planification centrale et au contrôle gouvernemental. Par conséquent, lorsqu'un enjeu unit le Parti conservateur, le Bloc et le NPD et que ces trois partis exigent que le gouvernement rende des comptes et soit transparent, cela signifie quelque chose. C'est important.
L'ouverture et la transparence du gouvernement envers les Canadiens sont le désinfectant dont le premier ministre aimait parler auparavant. Nous ne l'entendons plus souvent tenir de tels propos. Il aimait dire que le soleil est le meilleur désinfectant et de nombreux Canadiens l'ont pris au mot, mais il est maintenant rare de l'entendre parler ainsi. Il a tiré les stores et les rideaux et s'est réfugié dans les coins les plus sombres de la maison pour éviter l'ouverture et la transparence dont il faisait la réclame.
Par conséquent, étant donné que sa décision de poursuivre le Président de la Chambre des communes commençait à lui coûter cher sur le plan politique, le premier ministre a déclenché des élections au lieu de se lancer dans une longue bataille juridique. Les députés savent-ils ce qui arrive aux mesures législatives du gouvernement lorsqu'il déclenche une élection? Elles meurent toutes au Feuilleton. Nous voici maintenant à la mi-novembre et le gouvernement s'est tout à coup rendu compte qu'il avait un problème de temps sur les bras. Il veut faire adopter à toute vapeur le plus grand nombre possible de ses projets de loi; voilà ce qui motive cette démarche.
Par ailleurs, il faut que les Canadiens connaissent la vraie raison pour laquelle le gouvernement agit ainsi. Le gouvernement n'aime pas du tout ce qui se passe aux comités depuis septembre.
Aux comités, les partis de l'opposition ont su unir leurs efforts pour faire la lumière sur la corruption et la mauvaise gestion au gouvernement libéral. Pour le gouvernement, il est très désagréable de voir les comités se pencher de près sur ce genre de scandales. En comité, nous avons appris que le gouvernement a dépensé 54 millions de dollars pour une application qui, selon des spécialistes, aurait pu être conçue en une fin de semaine pour 250 000 $.
Lorsque nous avons appris quelles entreprises se trouvaient sur la liste des entreprises qui avaient été payées, nous avons fait ce que n'importe qui aurait fait. Nous avons téléphoné aux entreprises pour leur demander si elles avaient été payées pour le travail. Certaines disent qu'elles n'ont jamais fait le travail et qu'elles n'ont jamais été payées, mais le gouvernement a quand même ajouté leur nom à la liste pour justifier les dépenses. Nous avons appris cela en comité, au grand déplaisir des libéraux.
Au comité, nous obtenons de l'information concernant certains des scandales dont j'ai déjà fait mention, notamment celui des laboratoires de Winnipeg. Bref, au comité, les députés font ressortir la corruption des libéraux et l'exposent au grand jour, notamment ce scandale.
En quoi les travaux des comités sont-ils touchés par la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui? Comme les députés le savent, la Chambre des communes a la priorité pour ce qui est de l'utilisation des ressources parlementaires. Par conséquent, quand la Chambre des communes siège tard, les interprètes, les traducteurs et les travailleurs des TI doivent servir la Chambre des communes qui est la principale assemblée de la démocratie parlementaire canadienne. Ainsi, la prolongation des heures de séance à la Chambre prive les comités de ressources. Voici en fait de quoi il retourne: le gouvernement cherche de façon détournée à empêcher toute reddition de comptes en utilisant la gestion du temps de la Chambre pour justifier le fait qu'il détourne des ressources dont le comité aurait besoin.
Les députés n'ont pas à me croire sur parole. La meilleure indication d'un comportement à venir est le comportement passé. Or, une motion semblable à celle que nous débattons aujourd'hui a eu des conséquences similaires. Pour remettre un peu les choses dans leur contexte, je précise que le gouvernement a présenté une motion de nature très similaire en mai dernier.
Voici un grand titre paru dans le Hill Times: « Les ressources pour soutenir les comités sont à bout de souffle à cause des séances hybrides et de la prolongation des heures de séance ». Dans l'article, on ajoute ceci: « Treize séances de comités ont été annulées la semaine dernière; les députés attribuent la situation principalement à une pénurie de ressources de soutien. »
La dernière fois qu'ils ont présenté cette même motion, elle a eu un effet direct et dévastateur sur la capacité des comités à faire toute la lumière sur la corruption libérale et les scandales libéraux. Voilà de quoi il s'agit: d'utiliser ce type d'excuse pour détourner des ressources d'une sphère où les libéraux ne contrôlent pas l'ordre du jour vers une autre où ils le contrôlent, c'est-à-dire à la Chambre.
C'est le gouvernement qui fixe l'ordre du jour et qui décide des affaires du gouvernement. À l'exception des journées de l'opposition, c'est le gouvernement qui dicte aux députés, chaque jour, ce dont il faut débattre. Si nous voulons débattre d'autre chose, il faut attendre une de nos rares journées de l'opposition pour le faire. Nous ne pouvons pas présenter de projets de loi d'initiative ministérielle. Nous ne formons pas le gouvernement.
Le gouvernement contrôle tout cela ici, mais pas aux comités, où les députés sont maîtres de leurs propres travaux. Même si le gouvernement aimerait que le comité de l'éthique et le comité des comptes publics approuvent sans discussion toutes ses décisions, les vaillants députés conservateurs utilisent ces précieuses ressources et ces occasions pour mettre en lumière la corruption et la mauvaise gestion des libéraux. Voilà pourquoi les libéraux présentent cette motion aujourd'hui.
Je le répète, trafiquer les règles régissant le calendrier parlementaire, c'est comme trafiquer les règles d'une compétition sportive. Imaginons une équipe qui craint de ne pas marquer suffisamment de points et qui décide unilatéralement que le chronomètre s'arrête lorsqu'elle est en possession du ballon. La Coupe Grey se tiendra bientôt à Regina, et j'espère que le Président pourra y assister. Ce sera un fantastique...
M. Kevin Lamoureux: Allez les Bombers.
L'hon. Andrew Scheer: Je peux tolérer tous les types de chahut, monsieur le Président, mais quand le député de Winnipeg-Nord dit « Allez les Bombers », je dois réagir et demander si cette observation est parlementaire. Je suis plutôt certain que le député devrait se faire expulser de la Chambre en raison de cette observation.
Dans le cadre d'une partie de football, imaginons que les Bombers mettent la main sur le ballon et qu'ils tentent de dire de façon unilatérale aux arbitres qu'ils doivent arrêter le chronomètre tant que le ballon est en leur possession. Ce ne serait pas juste. Cela ne fait pas partie du jeu. Ce n'est pas ainsi que le jeu fonctionne.
Nous nous retrouvons dans une situation où, soudainement, en plein milieu de la session, les libéraux décident de truquer le chronomètre, de truquer le calendrier, pour pouvoir faire adopter à toute vapeur davantage de projets de loi dans l'espoir d'épuiser les députés conservateurs et de les empêcher d'utiliser leur temps à la Chambre pour soulever ces points. Quand le gouvernement compte le nombre d'heures ou de jours consacrés à un débat, ce n'est pas seulement une question de temps. Ce n'est là qu'une partie du tableau. Il existe de nombreux cas où les lacunes d'un projet de loi ont été révélées parce que le débat a pris un certain temps. Je pense notamment au projet de loi sur l'aide médicale à mourir, qui a maintenant été débattu à la Chambre durant plusieurs législatures.
Je sais que les députés de tous les partis ont fait preuve de bonne volonté afin de bien faire les choses dans le cas de ce projet de loi et d'inclure des protections adéquates pour les Canadiens vulnérables. C'est parce qu'il a fallu du temps pour examiner le projet de loi que de nombreuses personnes ont pu exprimer leurs préoccupations et relever les lacunes qu'il contenait, notamment que les Canadiens vulnérables, les personnes souffrant de problèmes de santé mentale, les jeunes canadiens et les anciens combattants seraient plus à risque. Ces gens auraient pu passer entre les mailles du filet et subir ce type d'intervention médicale sans leur plein consentement ou en l'ayant donné dans un moment de vulnérabilité.
Les conservateurs ont utilisé ce temps pour relever ces lacunes et en informer les Canadiens. Par conséquent, de nombreux groupes de personnes handicapées et d'autres types de groupes se sont mobilisés et ont ultimement tenté d'améliorer le projet de loi lorsqu'il a été renvoyé au comité.
Je pourrais citer de nombreux exemples. Grâce au fait que nous avons disposé de plus de temps à la Chambre, pas seulement en nombre d'heures ou de discours, mais en nombre de journées, les groupes de l'industrie, les intervenants et les Canadiens touchés par ce projet de loi ont disposé de plus de temps pour examiner celui-ci et pour renseigner leurs députés. Par conséquent, avant même que le projet de loi ne soit renvoyé au comité, il existait déjà un plan pour tenter d'en corriger les lacunes.
Le projet de loi C‑11 se trouve actuellement à l'étude au Sénat. Il s'agit d'une expansion gigantesque du pouvoir du gouvernement de réglementer Internet et de contrôler ce que les Canadiens peuvent voir et dire en ligne. Si le gouvernement n'en avait fait qu'à sa tête, le projet de loi aurait franchi rapidement toutes les étapes et il aurait déjà été adopté. Cependant, c'est parce que nous avons pris plus de temps pour débattre de la question que davantage de Canadiens ont réalisé que cette mesure aurait un effet négatif considérable sur leur capacité à s'exprimer librement. Ainsi, nous avons pu entendre des créateurs de contenu, qui sont des personnes très célèbres ayant leurs propres adeptes sur YouTube et sur les médias sociaux. Ils ont expliqué à des députés que le projet de loi C‑11 aurait un effet négatif sur eux en tant que créateurs de contenu canadien. Ils ont pu le faire parce que nous leur en avons donné le temps.
Au lieu de voir le nombre de jours d'étude comme un problème, le gouvernement devrait voir cela comme une bonne occasion à saisir. Les mesures qu'il prend ont des répercussions sur l'ensemble des Canadiens, et j'ose espérer qu'il veut faire les choses comme il faut. Voilà ce qu'on attend d'un bon gouvernement; il ne s'agit pas seulement d'adopter les mesures qui sont prioritaires pour les libéraux.
Si on s'aperçoit qu'un projet de loi comporte des lacunes ou qu'il aurait des conséquences imprévues, le gouvernement doit réagir comme le fait un propriétaire de petite entreprise lorsque son personnel l'avise que sa façon de faire lui fait perdre de l'argent ou déplaît à la clientèle. Un bon propriétaire de petite entreprise veut être informé de ce genre de choses, tout comme n'importe quel entrepreneur. Je tiens à ce que les membres de ma famille m'avisent lorsque la façon dont nous faisons certaines choses a des conséquences négatives pour l'un de mes enfants ou pour mon épouse. Nous devons être informés de ce genre de choses. Nous voulons un bon milieu familial, et les entrepreneurs veulent que leur entreprise ait du succès et que leurs employés et leurs clients soient satisfaits. Nous devrions encourager cela.
Lorsque les conservateurs demandent une autre journée de débat ou qu'ils souhaitent discuter plus longuement d'un sujet, le gouvernement devrait s'en réjouir et vouloir entendre notre point de vue et notre rétroaction constructive. Le leader du gouvernement à la Chambre s'est d'ailleurs longuement exprimé à ce sujet en se disant favorable au débat, à la critique et à la rétroaction, et en admettant que le gouvernement n'a pas toujours la bonne solution. Étant donné ce contexte, il est particulièrement hypocrite de la part du leader du gouvernement à la Chambre de présenter une motion qui vise à aider le gouvernement à imposer son programme encore plus rapidement. C'est pourquoi les conservateurs s'opposent à cette motion.
Nous sommes en faveur d'un bon gouvernement, nous voulons de bonnes mesures législatives et nous sommes prêts à faire notre part. Le gouvernement ne cesse de faire la sourde oreille aux demandes des Canadiens. Lorsque les Canadiens disent qu'ils ne veulent pas d'un taux d'inflation record et qu'il faut cesser de faire tourner la planche à billets, de dépenser sans compter et d'emprunter de l'argent pour l'injecter dans une économie où les prix explosent, le gouvernement refuse de les écouter. Nous devons leur permettre de se faire entendre. C'est le rôle qui nous incombe en vertu de la Constitution. En fait, c'est une obligation morale qui incombe à l'opposition officielle. Nous ne ferons pas preuve de lâcheté et nous ne nous excuserons en rien de froisser le gouvernement en l'empêchant de nous imposer son programme.
En terminant, il est vraiment pénible d'entendre un député libéral, le leader du gouvernement à la Chambre, parler de cultiver un climat de respect et de tenir des conversations cordiales et constructives, alors que son chef, le premier ministre libéral, parle avec tellement de mépris de tous ceux qui ne sont pas d'accord avec lui, sème la discorde parmi les Canadiens et cherche à les diviser.
Il suffit de penser à ce qu'a été la réaction du gouvernement pendant la pandémie lorsque de nombreux Canadiens demandaient de pouvoir prendre eux-mêmes les décisions relatives à leur santé et décider quels médicaments introduire dans leur corps. Le gouvernement a décidé de contraindre les gens à subir un traitement médical avec lequel ils n'étaient peut-être pas à l'aise s'ils voulaient conserver leur emploi. Cela ne me semble pas très constructif ou respectueux comme solution.
Le premier ministre s'est ensuite demandé publiquement s'il fallait tolérer ces gens-là. C'est le genre de langage qu'emploient de terribles dictateurs à l'endroit de segments de leur population qu'ils voudraient voir disparaître. Nous avons vu le mépris dont le premier ministre a fait preuve à l'endroit de ceux qui sont venus à Ottawa pour défendre leurs libertés. Il a invoqué la Loi sur les mesures d'urgence, une loi dont personne ne s'était jamais servi avant dans l'histoire du Canada. En passant, on constate maintenant à quel point les raisons invoquées pour le recours à cette loi n'étaient pas solides, alors que, les uns après les autres, les corps policiers, comme le Service de police d'Ottawa et la Police provinciale de l'Ontario, affirment qu'ils n'ont jamais demandé le recours à cette loi et que les lois en place suffisaient pour leur permettre d'effectuer le travail qu'on leur avait confié. Le premier ministre insulte, démonise et intimide.
Le leader du gouvernement à la Chambre a parlé des conséquences que ce genre d'environnement toxique a eues sur sa propre famille. Pourtant, il fait partie du caucus libéral, alors que bien des députés de ce côté-ci de la Chambre ont vu le premier ministre quitter sa banquette pour aller intimider une ancienne députée noire, qui s'est ensuite vue forcée de quitter la politique. Elle a dit que l'une des raisons qui l'avaient poussée à abandonner la politique à l'époque, c'était la façon dont le premier ministre l'avait traitée.
Le premier ministre a également congédié la toute première ministre de la Justice autochtone. Pourquoi? Parce qu'elle avait refusé d'être complice de sa corruption. Elle avait eu l'audace de se tenir droite et de dire non. En tant qu'ancienne ministre de la Justice et procureure générale, son devoir d'obéir à la loi primait celui d'obéir à son maître politique. Il l'a congédiée.
Le leader du gouvernement à la Chambre n'a aucun problème à siéger aux côtés du premier ministre et à l'appuyer dans tout ce qu'il fait. Cela prend du culot. Si le parti de l'opposition ne fait pas grand cas de ses paroles, c'est que, de toute évidence, le leader est bien à l'aise avec le comportement toxique du chef libéral à l'égard de ses propres collègues.
Étant donné que la motion mine énormément un important contrepoids à la capacité du gouvernement d'imposer son programme, étant donné l'hypocrisie du gouvernement, qui a très mal géré son propre échéancier et son propre calendrier, et étant donné les répercussions directes que la motion aurait sur les comités, les conservateurs ne peuvent pas appuyer la motion.
Puisque nous avons espoir qu'une partie de ce qu'a dit le leader du gouvernement à la Chambre était peut-être sincère, nous espérons que les libéraux appuieront un amendement dans le but de protéger le très important travail qu'accomplissent les comités.
Je propose:
Que la motion soit modifiée, au paragraphe a), par substitution, aux mots « et qu'une telle demande soit réputée adoptée », des mots « et, pourvu que le greffier de la Chambre garantisse personnellement qu'il n'y aura pas d'annulation ou de réduction conséquentes des ressources des réunions de comité normalement prévues pour ce jour, la demande soit réputée adoptée ».