Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec le député de Calgary‑Centre.
Je suis ravie de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C‑42, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et apportant des modifications corrélatives et connexes à d'autres lois.
Le projet de loi C‑42 modifie la Loi canadienne sur les sociétés par actions pour obliger Corporations Canada à rendre publics certains renseignements à l’égard des particuliers ayant un contrôle important sur une entreprise privée sous réglementation fédérale au Canada ou qui en sont propriétaires, de manière à créer un registre national de ces personnes. En l'occurrence, on entend par « contrôle important » une personne qui détient ou contrôle au moins 25 % des actions de la société. Le projet de loi protégera également mieux les dénonciateurs, créera de nouvelles infractions et conférera à Corporations Canada des pouvoirs supplémentaires en matière d'enquête, de validation des données et de communication de renseignements.
Le gouvernement a déclaré avoir présenté ce projet de loi dans le but de protéger les Canadiens contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, de prévenir l'évasion fiscale et l'évitement fiscal et de faire en sorte que le Canada demeure un endroit attrayant pour faire des affaires. Le titre du projet de loi correspond littéralement à son effet, mais il ne reflète pas la contribution que ferait le projet de loi à la lutte contre le blanchiment d'argent et l'activité financière criminelle au pays. Or, c'est la raison pour laquelle les conservateurs appuient, en principe, ce projet de loi, tout en espérant qu'on y apportera d'importants amendements pour tenir compte du besoin criant d'intervenir pour contrer le blanchiment d'argent au Canada. Je vais parler des amendements plus tard. Je dois premièrement faire ressortir la gravité du phénomène de la criminalité financière au Canada, d'où la nécessité de ce projet de loi.
Le blanchiment d'argent au Canada est si bien connu dans le monde que les criminels parlent de « blanchiment à la neige ». Bien qu'il s'agisse d'un problème qui touche l'ensemble du pays, c'est en Colombie-Britannique, et plus particulièrement dans la région de Vancouver, qu'il est le plus grave. Comme l'indique le rapport final de la commission Cullen sur le blanchiment d'argent en Colombie-Britannique, cette activité sert les crimes qui détruisent les collectivités. On pense notamment au trafic de drogue, à la traite des personnes et à la fraude. Ces crimes font des victimes parmi les plus vulnérables de la société. Le blanchiment d'argent est également un affront aux citoyens respectueux des lois, qui gagnent leur vie honnêtement et paient leur juste part des coûts engendrés par la vie en collectivité. Peu de choses causent plus de tort au sentiment de bien-être d'une collectivité qu'un gouvernement qui n'arrive pas à empêcher que certains fassent injustement des profits aux dépens des autres.
Depuis que le gouvernement libéral est en place, et si on remonte à certains gouvernements des années 1990, le Canada est devenu le paradis du blanchiment d'argent. Plus précisément, dans les années 1990, le gouvernement néo-démocrate de Colombie‑Britannique a changé la réglementation en matière de casinos. Les paris à 5 $ sont passés à 500 $ au baccara dans les salons privés et, depuis, les montants n'ont fait qu'augmenter.
Le rapport de la Commission Cullen fait état de la croissance spectaculaire du nombre de transactions en espèces observées dans les casinos de la Colombie‑Britannique; signalées pour la première fois par les enquêteurs en 2008. Ces transactions se sont poursuivies au même rythme au moins jusqu'en 2014, année au cours de laquelle les casinos de la Colombie‑Britannique ont accepté près de 1,2 milliard de dollars de transactions en espèces. Un grand nombre de ces transactions présentaient des signes qui laissaient supposer l'origine criminelle des fonds, comme en témoignaient les liasses de billets, voire les sacs de sport remplis de billets qui étaient apportés aux casinos. La commission a indiqué que ces transactions criminelles faisaient intervenir des usuriers qui livraient des liasses de billets de 20 $, conditionnés d'une manière qui correspondait aux méthodes employées pour le produit du trafic de drogues, à des joueurs étrangers très en vue. Ces joueurs venaient au Canada pour jouer au baccara dans des salles isolées des casinos. Ces flambeurs remboursaient souvent aux usuriers les fonds qu'ils avaient joués au moyen de transactions effectuées dans leur pays d'origine. Dans ce contexte, les jeux de hasard, l'immobilier et les articles de luxe étaient les outils de prédilection des criminels pour blanchir des fonds étrangers illicites en Colombie‑Britannique.
Il est ironique de voir le gouvernement libéral chercher à renforcer la législation visant à lutter contre le blanchiment d'argent. Bien que je m'en réjouisse, il ne faut pas oublier que depuis que je suis députée, Joe Peschisolido a été accusé de blanchiment d'argent. Par la suite, Raj Grewal, qui, lors d'une étude en comité, a interrogé le CANAFE sur le blanchiment d'argent, a été arrêté et accusé de fraude. Nous avons également eu vent d'un autre député d'arrière-ban, qui s'adonne à la revente rapide de biens immobiliers, l'une des méthodes les plus fréquemment employées pour le blanchiment d'argent. Comme je l'ai indiqué, il est ironique que ce projet de loi émane des libéraux, bien que je sois tout à fait d'accord pour dire qu'il faut faire quelque chose pour enrayer le blanchiment d'argent, un phénomène hors de contrôle.
La commission en est également parvenue à la conclusion qu'en Colombie‑Britannique, les casinos, les transactions immobilières, les banques et les cabinets d'avocats sont particulièrement exposés au risque de blanchiment d'argent et que les défaillances de la GRC et du CANAFE ont permis à ce phénomène de prendre de l'ampleur. Le rapport indique que le régime de déclaration du CANAFE est fondamentalement inutile et que le manque de vigilance de la GRC a permis une croissance effrénée du blanchiment d'argent depuis au moins 2012.
Le rapport dit:
L'une des principales critiques visant le régime fédéral est l'inefficacité du CANAFE [...] Bien [...] qu'il existe un seuil législatif à respecter avant que le CANAFE puisse communiquer des renseignements aux forces de l'ordre, le nombre de communications aux forces de l'ordre n'est [apparemment] pas proportionnel au volume de déclarations que le CANAFE reçoit ni à l'ampleur de l'activité de blanchiment d'argent en Colombie‑Britannique.
Il s'agit de l'opinion de M. Cullen et de son équipe. Il laisse entendre ce qui suit:
Les organismes d'application de la loi en Colombie‑Britannique ne peuvent pas compter sur le CANAFE pour produire en temps opportun des renseignements utiles sur les activités de blanchiment d'argent qu'ils peuvent utiliser.
Il est vrai que le CANAFE reçoit un volume énorme de déclarations de la part des entités déclarantes des secteurs public et privé, mais il ne produit qu'un nombre modeste de trousses de renseignements qui sont transmises aux forces de l'ordre. Par exemple, en 2019 et 2020, la commission Cullen a constaté que le CANAFE avait reçu plus de 31 millions de déclarations individuelles. Au cours de cette même année, il n'a communiqué que 2 057 rapports de renseignements aux forces de l'ordre du Canada et seulement 355 aux organismes d'application de la loi de la Colombie‑Britannique.
Sam Cooper, journaliste de Global News, enquête depuis des années sur l'argent sale en Colombie‑Britannique. Il a découvert que, en 2016, au moins la moitié des propriétés de luxe à Vancouver avaient été acquises dans des circonstances suspectes. Le premier ministre est au courant de la situation depuis des années. L'organisme mondial de surveillance du blanchiment d'argent a averti le premier ministre en 2016 que le Canada était un refuge pour le blanchiment d'argent, surtout dans le marché immobilier, et qu'un registre était nécessaire pour détecter et décourager cette activité. En fait, l'organisme de surveillance a donné au gouvernement libéral une note d'échec dans cinq domaines importants parce que de l'argent sale a pu se glisser dans des entreprises et le marché immobilier sans être détecté et sans qu'aucune question soit posée. C'était en 2016, et nous sommes maintenant en 2023. Ainsi, la mesure législative arrive bien tardivement.
La fuite de données des Panama papers en 2016 a révélé que des criminels internationaux exploitent depuis longtemps les lacunes du régime canadien de réglementation sur la propriété effective des sociétés pour s'adonner à de la corruption par l'entremise d'entreprises de compétence fédérale, provinciale et territoriale. Le Canada est généralement perçu comme ayant des lois laxistes pour lutter contre le blanchiment d'argent et les produits de la criminalité. Par conséquent, en 2018, la Colombie‑Britannique a créé le groupe d’experts sur le blanchiment d’argent dans le secteur immobilier. Le groupe a estimé qu'en Colombie‑Britannique seulement, plus de 7 milliards de dollars d'argent sale ont été blanchis en 2018 et qu'entre 800 millions et 5,3 milliards de dollars ont été blanchis par le biais du marché immobilier, ce qui a fait augmenter les prix des maisons d'environ 5 %, alors que les propriétés étaient déjà extrêmement chères.
Le rapport de la Commission Cullen montre que le blanchiment d'argent dans le secteur immobilier se fait souvent au moyen de prêts, d'hypothèques et, dans certains cas, de comptes en fiducie d'avocats du système judiciaire et même d'argent comptant. Le rapport donne l'exemple suivant: un criminel peut contracter une hypothèque pour acheter une propriété et la rembourser avec les produits de la criminalité. Si le montant déposé pour chaque paiement est inférieur à 10 000 $, il ne sera pas nécessaire de faire rapport au Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, ou CANAFE. Au fil du temps, les criminels peuvent acheter de nombreuses propriétés ou des biens immobiliers de grande valeur. Ils peuvent ensuite vendre ces propriétés, souvent en réalisant d'énormes profits sur le marché immobilier de Vancouver. L'acheteur s'acquitte du prix avec des fonds non blanchis, ce qui complète le processus de blanchiment.
Les Canadiens respectueux des lois sont pénalisés par ces pratiques, d'un bout à l'autre du pays. Depuis l'élection du gouvernement Trudeau, le prix des maisons au Canada a...