Madame la Présidente, il y a trois réformes du Règlement et de la procédure de la Chambre et de ses comités qui devraient être étudiées par la Chambre.
Premièrement, le pouvoir de donner la parole du Président devrait être rétabli. Ce dernier a essentiellement perdu ce pouvoir pour de nombreux travaux de la Chambre: pendant les débats, pendant la période des questions et pendant d'autres travaux de la Chambre. Le pouvoir de donner la parole a été remplacé par un système de liste géré par les whips et par les leaders à la Chambre, ce qui a pour effet de miner l'autorité du Président.
Lors de la plupart des travaux à la Chambre, pour qu'un député puisse prendre la parole, son nom doit avoir été inscrit sur la liste par le leader parlementaire ou par le bureau du whip et, trop souvent, les députés ne peuvent pas s'exprimer à la Chambre parce qu'ils n'arrivent pas à faire inscrire leur nom sur la liste, qui est présentée à la présidence par les leaders parlementaires et par les whips pour indiquer qui a le droit de prendre la parole et qui est affichée sur l'écran d'ordinateur devant vous, madame la Présidente.
La Chambre devrait se débarrasser du système de liste et le remplacer par un système mis en place et géré par la présidence. Un tel système devrait tenir sur deux principes: d'abord, tous les députés qui veulent prendre la parole devraient pouvoir le faire; ensuite, le temps de parole devrait être réparti aussi équitablement que possible entre les députés qui souhaitent prendre la parole.
Si je comprends bien, au Parlement du Royaume‑Uni, les députés qui souhaitent prendre la parole, que ce soit au sujet d'un projet de loi ou pendant la période des questions orales, en font la demande au moyen d'un système établi et géré par le Président. En outre, tous les députés qui souhaitent s'exprimer à propos d'un projet de loi peuvent le faire, car le temps alloué au débat est divisé entre tous les députés qui souhaitent prendre la parole. Ces députés signalent leur intention de prendre la parole au Président au lieu de passer par leur whip ou leur leader à la Chambre. Par exemple, si quatre heures sont allouées au débat sur un projet de loi à l'étape de la deuxième lecture et que 40 députés ont signalé au Président qu'ils aimeraient intervenir, les 240 minutes sont divisées entre les 40 députés, si bien que chaque député dispose d'un temps de parole de six minutes. Dans ce système, les députés qui souhaitent prendre la parole obtiennent la parole, ce qui est plus juste et plus équitable que notre système actuel.
J'espère que tous les députés embrasseront cette idée de restaurer le droit du Président de donner la parole aux députés et donc, de rendre plus équitable la répartition du temps de parole entre les députés.
Le deuxième élément de réforme que la Chambre devrait envisager porte sur les comités permanents. En 2002, le Règlement a été modifié — une mesure appuyée par le ministre des Finances de l'époque, Paul Martin — pour corriger un déficit démocratique: au lieu d'être nommés, les présidents de comité seraient élus. Malheureusement, cette modification bien intentionnée n'a pas donné les résultats escomptés en pratique. En principe, les présidents peuvent être élus par les membres de comité, mais ils sont dans les faits nommés: 21 le sont par le premier ministre, et 4 le sont par le chef de l'opposition officielle. C'est ainsi parce que la mise en candidature à la présidence se fait en public, et les whips utilisent ce fait pour garantir que seul le député appuyé par le premier ministre ou le chef de l'opposition officielle est proposé pour le poste. En conséquence, le député est nommé par acclamation.
L'une des façons de régler ce problème est d'exiger la tenue d'un scrutin secret préférentiel où le bulletin de vote inclut la liste de tous les membres du comité appartenant au parti à qui revient la présidence. De cette façon, il n'y a aucune mise en candidature à la présidence, et les 12 membres du comité décident qui sera président au moyen d'un scrutin secret préférentiel à un tour.
Pour accroître l'efficacité des comités, il faudrait envisager une deuxième réforme. La Chambre devrait songer à nommer les 25 présidents de comités permanents d'une façon proportionnelle au nombre de députés de chaque parti reconnu à la Chambre. À l'heure actuelle, le parti ministériel assume la présidence de 21 des 25 comités permanents et l'opposition officielle, des 4 autres. Le NPD et le Bloc, quant à eux, ne président aucun comité. Ce n'est pas proportionnel au nombre de députés des divers partis reconnus à la Chambre des communes et ne reflète pas le Parlement que les Canadiens ont élu lors des élections de 2021.
La Chambre devrait aussi envisager d'apporter une troisième modification aux comités pour que leurs membres soient élus par des députés de leurs caucus respectifs. La tenue de ce scrutin secret préférentiel pourrait se dérouler en même temps que l'élection par la Chambre de son nouveau Président.
Dans l'ensemble, le fait que l'élection des présidents des comités et l'élection des membres des comités se fassent au moyen d'un scrutin préférentiel secret et que les présidents des comités permanents soient répartis proportionnellement entre les partis reconnus à la Chambre aurait pour effet de rendre les comités permanents beaucoup plus indépendants des chefs de parti, en particulier du premier ministre, ce qui augmenterait considérablement la capacité de l'opposition de demander des comptes au gouvernement.
J'ajouterais que ces réformes ont été adoptées par le Parlement du Royaume‑Uni il y a une décennie et qu'elles ont été très bien acceptées. De toute évidence, elles connaissent un grand succès et elles ont permis de renforcer le système des comités.
La troisième réforme que la Chambre devrait envisager est de retirer au premier ministre le pouvoir de procéder à des nominations clés à la Chambre. Le greffier de la Chambre des communes devrait être nommé par le Président et non par le premier ministre. Dans les autres parlements de Westminster, le greffier est nommé par le Président sur recommandation d'un comité de députés qui a évalué divers candidats. En fait, à l'Assemblée législative de l'Ontario, c'est exactement la procédure qui est en place, tout comme au Parlement du Royaume-Uni et à celui de l'Australie.
De plus, le sergent d’armes devrait aussi être nommé par le Président plutôt que par le premier ministre. De surcroît, la majorité des membres du Bureau de régie interne ne devraient pas être nommés par le premier ministre, que ce soit directement ou indirectement, mais plutôt élus par les députés dans le cadre d’un scrutin secret. Les membres du Cabinet ainsi que les leaders et les whips des deux côtés de la Chambre, ne devraient pas être admissibles à occuper la majorité des sièges au Bureau de régie interne. Autrement dit, le Bureau de régie interne devrait être composé majoritairement de simples députés, élus par leurs pairs dans le cadre d’un scrutin secret.
Voilà trois aspects que la Chambre devrait envisager de réformer. Premièrement, rétablir le droit du Président de donner la parole aux députés, ce qui lui permettrait de mettre en place un nouveau système, qu’il contrôlerait et gérerait lui-même, pour donner la parole aux députés. Deuxièmement, réformer les comités pour les rendre plus indépendants des chefs de parti, en particulier du premier ministre. Troisièmement, retirer au premier ministre le pouvoir de nommer le greffier, le sergent d’armes et la majorité des membres du Bureau de régie interne, et donner ce pouvoir aux députés dans le cadre d’une élection.
J'ai quelques dernières observations à faire. Je suis d'avis que les droits et privilèges dans cette enceinte sont de plus en plus accordés aux partis reconnus, plutôt qu'aux 337 députés qui y siègent. Par exemple, les députés qui ne sont pas membres d'un parti reconnu ne peuvent pas siéger à un comité à titre de membres réguliers.
Autre exemple: les motions de régie interne des comités divisent de plus en plus le temps entre les quatre partis reconnus qui y sont représentés, plutôt qu'entre les 11 députés qui y siègent. Par conséquent, certains députés ont beaucoup plus de temps de parole aux comités que d'autres. Cela a créé un système à deux vitesses. Les membres d'un parti reconnu ont plus de droits dans cet enceinte que les membres d'un parti non reconnu.
Nous avons également créé un système à deux vitesses au sein même des partis reconnus à la Chambre. Ceux qui sont dans les bonnes grâces de leur chef de parti peuvent prendre la parole quand ils le veulent, siéger aux comités qui les intéressent, et ainsi de suite.
Jusque dans les années 1960, c'est‑à‑dire pendant plus de 100 ans, nos conventions parlementaires accordaient des droits et des privilèges aux députés élus au Parlement et aux assemblées législatives du pays, plutôt qu'aux partis. Après la création de partis reconnus à la Chambre dans les années 1960, les droits ont été de plus en plus accordés aux partis plutôt qu'aux députés. On peut affirmer que cette situation a bouleversé notre ordre constitutionnel, qui a été clairement établi pour reconnaître le député individuel comme l'entité organisatrice principale et le parti comme l'entité secondaire. Il s'agit d'une question à laquelle nous devons tous réfléchir alors que nous envisageons d'apporter des réformes à cet endroit pour renforcer notre démocratie parlementaire.
Enfin, il faut mettre un terme aux séances hybrides. Il faut qu'elles cessent dès que la Chambre s'ajournera en juin. Nous pourrions continuer à utiliser l'application pour le vote mais, lorsque le Parlement reprendra ses travaux en septembre, il faut revenir à des séances en personne. Il est vital pour la Chambre et les comités de revenir exclusivement à des délibérations en personne pour assurer, de nouveau, le renforcement de notre démocratie parlementaire et faire en sorte que lorsque nous la transmettrons à nos enfants et à nos petits-enfants, cette institution soit plus forte que lorsque nous en avons hérité.