Madame la Présidente, je vous indique que je vais partager mon temps de parole avec le député de Willowdale.
Je prends la parole à la Chambre aujourd’hui pour soutenir l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence de 1988 par le gouvernement cette semaine. Normalement, je dirais que je suis heureux de prendre la parole, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Aujourd’hui, je ne suis pas heureux du siège contre les habitants d’Ottawa, qui ont été les plus durement touchés par cette occupation illégale de leurs quartiers. Ils vivent dans la peur que leur immeuble à appartements soit la cible d’un incendie criminel, la peur d’être harcelés, nargués ou ridiculisés alors qu’ils se rendent à leur travail ou à l’épicerie.
Je ne suis pas heureux pour les gens qui travaillent au centre-ville d’Ottawa, dont au Centre Rideau, et qui ne peuvent plus gagner leur vie depuis maintenant trois semaines. Je ne suis pas heureux pour les propriétaires d’entreprises qui espéraient rouvrir après la levée des restrictions en Ontario, au début de l’occupation, pour finalement devoir fermer à nouveau en raison de menaces, d’intimidation et de violence de la part des manifestants.
Je ne suis pas heureux pour mon personnel, qui ne peut pas aller travailler parce qu’on sème la peur et l’intimidation. La Cité parlementaire devrait être un lieu sûr. Ces temps-ci, elle ne l’est pas.
Ce sont des Canadiens ordinaires qui souffrent de cette occupation illégale. Je suis triste pour eux. Je suis contrarié par ces occupants qui enfreignent la loi et nous empêchent d'interagir au quotidien. Je suis contrarié de voir des passants innocents subir ces activités illégales. Je suis triste pour les victimes de mauvais traitements, de harcèlement et de moquerie parce qu'elles suivent les mesures de santé publique, des mesures mises en place pour aider à protéger nos citoyens et notre système de santé. Nos médecins, nos infirmières et nos autres travailleurs de la santé sont épuisés; je les remercie.
Je regrette de voir les torts causés à notre économie, qui a déjà été durement touchée par la pandémie proprement dite et ensuite par les barrages illégaux qui sont apparus de part et d'autre à cause du siège à Ottawa. Ce n'est toutefois pas qu'Ottawa qui est touché. L'Ontario l'est aussi, par exemple, à cause du blocage du pont Ambassador, qui a notamment forcé la fermeture d'usines d'automobiles. Ces barrages illégaux portent un coup dur à l'économie de l'Alberta, où je suis né et où j'ai grandi, ainsi qu'à l'économie du Manitoba et à celle de la Colombie‑Britannique, où j'habite actuellement.
Je sais que les gens sont fatigués des restrictions sanitaires. Je le suis également, tout comme pratiquement toutes mes connaissances. Je sais que la pandémie est épuisante. C'est difficile pour tous les Canadiens. Cela a été difficile et cela continuera de l'être pour tout le monde. Cette frustration est également ressentie par les 90 % de Britanno‑Colombiens qui ont retroussé leur manche pour recevoir le vaccin. Ce genre de mesures demeure toutefois essentiel à la réduction du risque pour nos aînés et les personnes immunodéprimées, ainsi que pour finalement mater la pandémie.
Je soutiens l’approche mesurée de la Colombie‑Britannique concernant la levée des restrictions, là et quand cela est envisageable, en fonction de l’évolution de la pandémie dans la région. Ces mesures s’appuient sur les excellents conseils fournis par des médecins et des professionnels hautement qualifiés de la santé publique. Nous devons continuer d’écouter les responsables de la santé publique afin de protéger les Canadiens contre cette maladie sournoise. Pour ce faire, il faut aussi protéger nos systèmes de santé et respecter les directives sanitaires.
Personne n’aime le passeport vaccinal, moi le premier, mais au lieu de le considérer comme un sujet de discorde — comme beaucoup l’ont fait — nous devrions le voir comme un outil qui permet aux entreprises, à l’économie et aux voyages de reprendre dans une certaine mesure; un outil qui permet de ne pas tout fermer comme nous avons dû le faire par moment avant de pouvoir disposer d’autant de vaccins qui, je le rappelle, sont efficaces, sûrs et testés. Le passeport vaccinal n’est toutefois qu’un outil propre à la pandémie, et comme toutes les mesures sanitaires, il disparaîtra en temps voulu lorsque la pandémie touchera à sa fin. Nous ne pouvons pas simplement souhaiter sa disparition et exiger que la pandémie soit ignorée.
Nous vivons des moments éprouvants sur le plan émotionnel, et c’est dans ce contexte que des gens qui voulaient exprimer des préoccupations sincères dans le cadre de manifestations légales et légitimes se sont laissés submerger et dépasser. C’est dans ce contexte très éprouvant sur le plan émotionnel, qui favorise un profond mécontentement et l’échauffement des esprits, que nous avons assisté au malheureux siège d’Ottawa, et à une prolifération de manifestations et de barrages similaires sur tout notre territoire.
En cette période éprouvante et dangereuse, le service de police d'Ottawa, la Police provinciale de l'Ontario et d'autres intervenants au pays n'étaient pas en mesure de prendre les moyens qui sont mis à exécution en ce moment. Maintenant, nous pouvons mettre fin à ce siège de façon pacifique en appliquant la Loi sur les mesures d'urgence, en fournissant des ressources et en définissant clairement les pouvoirs des intervenants.
Le gouvernement a pris cette mesure audacieuse cette semaine afin que les forces de l'ordre aient suffisamment de ressources pour mettre fin à l'occupation illégale de façon pacifique et sécuritaire. Hier, nous avons enfin commencé à voir ce que la plupart des Canadiens attendent depuis des semaines, soit le retrait des personnes impliquées dans ces sièges illégaux, le rétablissement de la paix et un retour à des conditions qui permettent de vivre et de travailler en sécurité dans la ville.
Les Canadiens doivent absolument comprendre ce que cette loi permet et ne permet pas de faire. Il est essentiel de comprendre que la Loi sur les mesures d'urgence prévoit des mesures précises, ciblées et mesurées. Fait tout aussi crucial, ces mesures sont d'une durée limitée et sont soumises à un processus de vérification adéquat, démocratique et équilibré. Des modalités essentielles sont déjà prévues pour limiter la durée des mesures à 30 jours, pour exercer une surveillance permanente par l'entremise d'un comité parlementaire et pour que le Parlement puisse garder son droit de révoquer la déclaration d'état d'urgence quand il le jugera nécessaire. Par ailleurs, il faudra ensuite mener une enquête publique pour déterminer les circonstances ayant mené aux mesures prises pendant cette situation d'urgence sans précédent.
Plus important encore, la Loi sur les mesures d'urgence ne prévoit pas le recours aux militaires et ne suspend pas la Charte des droits et libertés. Elle établit explicitement ces balises. Les droits prévus à la Charte comprennent la liberté de réunion pacifique, la liberté d'expression, ainsi que le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. Le préambule de la Loi sur les mesures d'urgence est limpide à ce sujet. Je cite:
[...] qu'en appliquant de pareilles mesures, le gouverneur en conseil serait assujetti à la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi qu'à la Déclaration canadienne des droits et aurait à tenir compte du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, notamment en ce qui concerne ceux des droits auxquels il ne saurait être porté atteinte même dans les situations de crise nationale [...]
En tant que membre de longue date de la section des « trois villes » d'Amnistie internationale, je reconnais et je respecte totalement le droit de tous les Canadiens de manifester, d'exprimer leur opinion et de demander des comptes aux élus. Par contre, nous devons établir clairement que personne n'a le droit de bloquer des infrastructures essentielles comme des autoroutes et des hôpitaux. Personne n'a non plus le droit d'intimider et de menacer ses concitoyens, de les empêcher de jouir en toute sécurité de leur demeure et de mettre en péril leur emploi ou leur entreprise.
Je veux simplement ajouter que tenter de nous intimider au moyen d'un manifeste qui exige le renversement du gouvernement dûment élu du Canada est tout à fait absurde, ne repose sur aucune loi et est antidémocratique. Cela relève de l'anarchie stupide, voire carrément de la sédition, et il n'y a rien de plus éloigné de la liberté dont les participants de l'occupation se réclament.
Je sais que la plupart des gens qui appuient les manifestations, avec ou sans barrages, ne sont pas des anarchistes ni des extrémistes. La plupart sont des Canadiens honnêtes qui en ont assez des restrictions. Je les comprends et je compatis avec eux. Malheureusement, le harcèlement et les menaces ne cessent pas, et il est évident que toutes ces manifestations liées entre elles à l'échelle du pays ont été infiltrées par des groupes de suprémacistes blancs, de sympathisants nazis, d'islamophobes, d'antisémites et de racistes, fanatiques et extrémistes de tous acabits. Partout où ces gens passent, ils laissent leur marque sordide et indélébile.
On en voit un excellent exemple dans la saisie menée à Coutts, ces derniers jours, dans une importante cache d'armes qui appartenait à des individus liés à des organisations extrémistes. Nous avons vu également des comportements dangereux, comme celui de l'homme qui a foncé avec sa camionnette sur une barricade policière au poste frontalier de Peace Arch, et il y a d'autres exemples. Ces menaces, entre autres, mettent en évidence la présence de petits groupes organisés et dangereux au sein des manifestations, de petits groupes prêts à faire de l'intimidation et à commettre des actes de violence pour atteindre leurs propres objectifs, qui ne correspondent habituellement pas au respect de la population, des droits et des institutions, mais qui exigent une surveillance accrue de notre part.
Cependant, je dois souligner que, même si la Loi sur les mesures d'urgence a été invoquée, les gens peuvent encore manifester et être en désaccord avec le gouvernement, mais ils ne peuvent pas...