Monsieur le Président, je suis très fier de prendre la parole au sujet du projet de loi S‑9, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques, ainsi que des efforts importants qui sont déployés en vue d'éliminer l'utilisation d'armes chimiques dans le monde.
Le gouvernement est extrêmement perturbé et déçu que l'opposition conservatrice ait bloqué non pas une, mais deux fois le débat sur ce projet de loi. Je suis heureux que nous y arrivions enfin aujourd'hui.
La veille de la Journée du souvenir dédiée à toutes les victimes de la guerre chimique, les conservateurs ont empêché la tenue du débat sur ce projet de loi, qui vise pourtant à moderniser la loi qui aiderait ces victimes, c'est-à-dire la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques. Il vise également à inclure les agents Novitchok, des agents neurotoxiques meurtriers impliqués dans de multiples empoisonnements probablement perpétrés par la Russie.
Les conservateurs ont également empêché la tenue du débat sur ce projet de loi quelques jours à peine avant le jour du Souvenir, une journée où nous commémorons les milliers de Canadiens courageux qui sont tombés au combat pour défendre nos libertés, certains d'entre eux ayant été les premières victimes de l'atrocité des guerres chimiques à Ypres, en 1915.
Il y a plus d'un siècle, lors de la deuxième bataille d'Ypres, les soldats canadiens ont été parmi les premiers dans l'histoire de l'humanité à être victimes des horreurs de la guerre chimique lorsque 160 tonnes de chlore gazeux ont été rejetées vers les lignes canadiennes. Au cours de cette bataille, 6 035 jeunes Canadiens, soit plus d'un sur trois, ont été tués ou blessés par cette nouvelle arme terrifiante. À la fin du conflit, plus de 1 million de personnes avaient subi les effets de ces nouvelles armes de guerre: les armes chimiques.
Aujourd'hui, alors que nous voyons les images dévastatrices des victimes de guerres et de conflits comme jamais auparavant, allant de Khartoum à Kiev, en passant par Khan Younès, il nous incombe à tous de faire ce que nous pouvons pour promouvoir la paix et d'œuvrer énergiquement en faveur d'un monde exempt d'armes chimiques et d'autres armes de destruction massive. L'utilisation d'armes chimiques pour blesser ou tuer est un acte de barbarie ignoble qui, malgré tous nos efforts, n'appartient malheureusement pas encore au passé.
Même si l'utilisation de substances chimiques en temps de guerre remonte à une époque ancienne, les progrès de la science et de la technologie, qui peuvent faire tant de bien à tant de gens, ont également été exploités à l'échelle industrielle pour causer la mort et la destruction. Heureusement, à la fin du conflit, le Protocole de Genève a été lancé, interdisant l'utilisation de ces catégories d'armes de destruction massive comme moyen de guerre.
Les conséquences des armes chimiques sur le champ de bataille n'ont épargné personne, ce qui démontre l'inhumanité pure et simple de ce type d'armes. Toutefois, le protocole n'a pas interdit leur fabrication ni leur production. Par conséquent, pendant des décennies, les pays ont continué de se doter de stocks massifs d'armes chimiques.
Au terme de plus de deux décennies d'efforts, le 3 septembre 1992, le texte de la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction a été transmis à l'Assemblée générale des Nations unies par la Conférence des Nations unies sur le désarmement.
Le Canada l'a signée dès le premier jour, le 13 janvier 1993, et l'a ensuite pleinement ratifiée. La Convention sur les armes chimiques est entrée en vigueur le 29 avril 1997. La même année, l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, l'OIAC, a été constituée afin de veiller à la mise en œuvre de la convention, de superviser la destruction des stocks déclarés d'armes chimiques et d'inspecter les industries chimiques à travers le monde afin de garantir que les armes chimiques ne seraient jamais de retour.
Trente ans plus tard, la Convention sur les armes chimiques demeure une des clés de voûte du système international fondé sur des règles. Plus de 190 États sont parties à la convention, ce qui en fait le traité sur la non-prolifération et le désarmement qui compte le plus fort taux d'adhésion. Les interdictions imposées par la convention sont claires et exhaustives. Aucun État partie à la convention ne peut mettre au point, produire, acquérir, stocker, conserver ou utiliser des armes chimiques. Aucun État partie ne peut transférer des armes chimiques à un tiers ni donner à un autre État ou acteur non étatique la capacité d'en mettre au point. La convention affirme le droit de tous les États parties de procéder au libre-échange de produits chimiques et de technologies à des fins pacifiques et que l'interdiction frappant les armes chimiques ne devrait pas nuire inutilement à la croissance de l'industrie chimique et à l'avancement de la recherche dans le domaine de la chimie. En tant qu'être humains, nous avons besoin de cela. Par rapport au dernier point, l'OIAC a de nombreux programmes qui visent à soutenir la chimie et l'industrie chimique à des fins pacifiques partout dans le monde.
En date de juillet 2023, l'OIAC avait supervisé et confirmé la destruction de 100 % des armes chimiques déclarées dans le monde.
Malheureusement, l'interdiction prévue par la loi n'a pas encore totalement éliminé le risque d'utilisation d'armes chimiques. Depuis l'entrée en vigueur de la Convention sur les armes chimiques, des armes chimiques ont été utilisées à plusieurs reprises, même par des pays qui sont parties à la convention.
Des organismes internationaux compétents, notamment le Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et de l’Organisation des Nations unies et l'Équipe d'enquête et d'identification de l'Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, ont conclu que la République arabe syrienne a utilisé du sarin, un agent de guerre chimique, et du chlore, un produit chimique industriel toxique, comme armes contre les forces d'opposition à pas moins de neuf occasions, voire plus.
Le groupe terroriste Daech a utilisé du gaz moutarde en Syrie et en Irak. Kim Jong-nam, demi-frère du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, a été assassiné avec l'agent neurotoxique VX à l'aéroport international de Kuala Lumpur en février 2017; on croit généralement que cet attentat a été orchestré par l'État nord-coréen.
En mars 2018, un événement plus compliqué s'est produit: on a découvert que Sergueï Skripal, un ancien officier du renseignement militaire russe vivant au Royaume‑Uni, et sa fille avaient été empoisonnés par des agents Novitchok, qui sont des agents extrêmement neurotoxiques mis au point par l'Union soviétique. À cause de la tentative d'assassinat, les Skripal et le policier Nick Bailey sont restés à l'hôpital pendant plusieurs mois.
On croyait que l'agent Novitchok avait été administré à la porte d'entrée de la maison de M. Skripal à l'aide d'une bouteille de parfum, puis jeté dans un bac public. La découverte de la bouteille par un habitant de la région, qui croyait qu'il s'agissait de parfum, a entraîné deux autres hospitalisations et la mort de Dawn Sturgess. Après que la police a récupéré la bouteille du domicile de Mme Sturgess, à Amesbury, près de chez elle, elle a évalué qu'elle contenait suffisamment d'agent Novitchok pour tuer des milliers de personnes. Huit emplacements ont dû être décontaminés pour éliminer toute trace de l'agent, ce qui a pris plusieurs mois et a coûté des millions de livres.
Le Canada et ses alliés ont conclu que les organismes d'État de la Fédération de Russie étaient fort probablement responsables de cette attaque. Le gouvernement britannique a identifié et a mis en accusation par contumace trois agents du renseignement russes.
Le Canada a condamné cet attentat. Le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères de l'époque ont fait des déclarations. Quatre diplomates russes ont été expulsés de l'ambassade russe à Ottawa et du consulat général à Montréal dans le cadre d'une intervention collective sans précédent.
Au total, 153 diplomates russes ont été expulsés de 29 pays, dont certains étaient accrédités au siège de l'OTAN à Bruxelles.
La Convention sur les armes chimiques contient une annexe sur les produits chimiques, une liste qui couvre la plupart des agents chimiques de guerre et leurs précurseurs dans trois tableaux.
Les produits chimiques du tableau 1 n'ont qu'un seul usage: blesser ou tuer. Ils ne peuvent pas être employés dans l'industrie et sont interdits pour tous les usages sauf la recherche et la formation sur la protection et la défense contre l'usage de ces produits eux-mêmes comme armes chimiques.
Les produits chimiques des tableaux 2 et 3 sont de plus en plus utilisés dans l'industrie et sont donc moins contrôlés, le but étant de prévenir la prolifération des armes chimiques tout en évitant de nuire inutilement à l'industrie et au commerce, dans l'intérêt de l'humanité.
À l'époque de l'attentat de Salisbury, les agents de type Novitchok n'étaient pas dans l'annexe sur les produits chimiques, donc n'étaient pas soumis à des exigences de déclaration et de vérification. Il faut dire bien clairement que l'emploi d'un agent de type Novitchok comme arme, et même l'emploi de n'importe quel produit chimique toxique comme arme, a toujours constitué une violation de la Convention sur les armes chimiques, conformément à la définition large qui est donnée de ces armes à l'article II.
Le Canada et ses proches alliés ont malgré tout adopté une position voulant que le monde puisse être beaucoup plus sûr en incluant les agents de type Novitchok dans la liste des produits soumis au contrôle de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, comme n'importe quelle autre arme chimique.
Le 29 novembre 2019, grâce aux formidables efforts de chef de file du Canada, des États-Unis et des Pays-Bas, les pays réunis à la vingt-quatrième session de la Conférence des États parties à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques ont pris la décision sans précédent d'ajouter quatre nouvelles catégories de produits chimiques toxiques au tableau 1.
Les produits ajoutés comprenaient l'agent de type Novitchok utilisé dans la tentative d'assassinat de Sergueï Skripal. Par conséquent, les États qui se servent des agents de type Novitchok dans un but défensif, notamment pour faire de la recherche, du développement et des essais concernant de nouveaux équipements protecteurs ou de nouvelles contre-mesures médicales ou encore pour préparer la police ou les forces armées à intervenir en cas d'usage de ces produits doivent déclarer leurs activités à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques et peuvent être soumis à des vérifications.
Cet ajout a aussi une valeur symbolique. Le produit chimique employé comme arme à Salisbury est maintenant inclus dans la même liste d'armes chimiques que le sarin, le gaz moutarde et le gaz VX.
Les ajouts à l'annexe sur les produits chimiques de la Convention sur les armes chimiques sont entrés en vigueur le 7 juin 2020. Selon la Convention sur les armes chimiques, tous les États membres doivent mettre en place des lois nationales faisant en sorte que les interdictions contenues dans la convention s'appliquent à leurs citoyens et à toutes les personnes sur leur territoire. C'est précisément le but du projet de loi S‑9.
Au Canada, c'est la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques qui interdit à quiconque au Canada, ainsi qu'aux citoyens canadiens à l'étranger, de mettre au point, de fabriquer, d’acquérir, de stocker, de conserver, de transférer, d'utiliser, de préparer ou d'aider à utiliser des armes chimiques.
Elle interdit aussi aux Canadiens de produire, de posséder ou d'utiliser des produits chimiques du tableau 1 sans autorisation explicite du gouvernement. Depuis le 7 juin 2020, cela inclut les quatre catégories ajoutées récemment. Cependant, la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques contient toujours une copie de l'annexe sur les produits chimiques d'origine de la convention, qui n'est plus à jour depuis 2020.
Même si le paragraphe 2(3) précise clairement que les dispositions de la Convention sur les armes chimiques l'emportent en cas d'incompatibilité avec la loi, il est important que nous corrigions cette différence et que nous fassions preuve de leadership dans cet important dossier à la Chambre. C'est pourquoi le projet de loi S‑9 vise à supprimer l'annexe de la loi et à supprimer ou modifier deux paragraphes qui y font référence. Ces changements feraient en sorte que la loi canadienne permette de respecter nos obligations internationales et assureraient sa pérennité en cas d'autres changements dans le futur.
Ce projet de loi devrait facilement recevoir l'appui de tous les partis et être adopté immédiatement. Il a déjà été adopté à l'autre endroit sans objection. J'espère donc qu'il en sera de même ici.
Cette mesure législative ne pourra pas, à elle seule, éliminer le risque que des armes chimiques soient utilisées à mauvais escient par des États étrangers comme la Russie, des États non signataires de la convention et des acteurs non étatiques tel que des groupes terroristes. Elle souligne toutefois l'engagement inébranlable du Canada envers la Convention sur les armes chimiques et d'autres ententes cruciales qui forment l'un des pans essentiels du système fondé sur des règles qui assure la sécurité du Canada, des Canadiens et de nos alliés.
Comme la ministre des Affaires étrangères la souligné dernièrement, notre système et notre monde sont en train de se fissurer. L'ordre international fondé sur des règles est menacé. Les turbulences géopolitiques, l'imprévisibilité et l'incertitude s'intensifient dans le monde. Nous devons donc continuer de faire preuve de leadership sur la scène internationale, comme nous l'avons fait par le passé.
Le Canada peut être fier du rôle de premier plan qu'il joue dans ces dossiers cruciaux. On pense par exemple au travail remarquable accompli par l'ancien ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy, dans le cadre de la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel; au lancement du Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes, qui a eu lieu alors que l'ancien premier ministre Chrétien accueillait des dirigeants du monde entier à Kananaskis en 2002; et aux efforts déployés pour promouvoir la convention internationale interdisant les armes à sous-munitions. Tous ces éléments contribuent de façon essentielle à faire du monde un lieu sûr.
La diplomatie est un autre outil essentiel, qui ne peut que renforcer notre capacité à assurer la sécurité du Canada et des Canadiens. Il faut collaborer avec nos alliés et nos partenaires pour assurer la sécurité dans le monde grâce à une infrastructure de sécurité mondiale. C'est pourquoi nous avons renforcé notre présence dans le monde. Les activités diplomatiques permettent de limiter les menaces qui pèsent sur la paix dans le monde. C'est pourquoi nous continuons à faire tout ce travail.
Nous avons des missions dans le monde entier; les diplomates canadiens coordonnent régulièrement leurs activités avec celles de nos alliés et de nos partenaires, tout en sensibilisant les gouvernements hôtes à l'importance de renforcer nos travaux sur cette convention. C'est grâce aux efforts concertés de pays du monde entier que nous avons pu adapter la convention aux réalités du monde moderne. C'est grâce à la diplomatie que nous continuons à consolider la paix. Ce n'est pas une tâche facile. C'est un engagement que nous devons prendre chaque jour dans cette enceinte. Cela signifie que nous devons suivre la situation en permanence et adapter aux réalités du monde moderne les mesures législatives qui sont adoptées ici et par le gouvernement .
Nous devons joindre le geste à la parole, notamment en finançant le Programme canadien de réduction de la menace liée aux armes, qui relève d'Affaires mondiales Canada. Il s'agit du programme phare du Canada dans le cadre du Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes, dirigé par le G7 et organisé par l'ancien premier ministre Jean Chrétien à Kananaskis, en Alberta, en 2002.
Le Canada a contribué à hauteur de plus de 1,6 milliard de dollars aux activités de réduction des menaces dans le monde entier, notamment à la destruction des armes chimiques et à la lutte contre leur propagation. Il a notamment soutenu la destruction d'armes chimiques déclarées en Russie, en Syrie, en Irak et en Libye.
Dans le cadre du Programme de réduction de la menace liée aux armes, le Canada est le plus grand pays donateur de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, ou OIAC, qui a été créée pour mettre en œuvre la Convention sur les armes chimiques. Cette organisation a reçu le prix Nobel de la paix en 2013 pour ses efforts visant à superviser la destruction de plus de 98 % des stocks mondiaux déclarés d'armes chimiques. Avec son engagement à verser 10 millions de dollars, le Canada est le principal contributeur individuel au nouveau Centre pour la chimie et la technologie de l'OIAC à La Haye, qui a ouvert ses portes en mai dernier. Ce centre renforcera les capacités d'enquête de l'organisation et soutiendra les efforts novateurs visant à suivre l'évolution constante du paysage des armes chimiques.
Le Canada a également fourni du matériel défensif, notamment des masques et des filtres, à l'armée ukrainienne, compte tenu de la menace d'utilisation d'armes chimiques par les forces russes. Soyons très clairs: ce projet de loi concerne également la défense de l'Ukraine contre l'invasion illégale de son territoire par la Russie. Pour contrer les efforts de la Russie visant à affaiblir les normes mondiales contre l'utilisation d'armes chimiques, le Canada a travaillé en étroite collaboration avec ses alliés pour exiger de la Russie qu'elle déclare intégralement son programme d'agents Novitchok.
Le gouvernement continuera d'être un chef de file sur la scène mondiale et de veiller à ce que la Russie soit tenue responsable de ses agressions contre l'Ukraine. Cela peut passer par la fourniture d'équipements défensifs ou par le projet de loi C‑57, l'Accord de libre-échange Canada-Ukraine — contre lequel les conservateurs ont voté à de multiples reprises — afin de soutenir la reconstruction de l'Ukraine lorsque nous aurons gagné.
En août 2020, lorsque la figure de l'opposition russe Alexeï Navalny...
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