Monsieur le Président, c'est toujours un plaisir de prendre la parole au nom des habitants de Kamloops—Thompson—Cariboo. Je suis conscient du fait que je ne peux pas signaler la présence de visiteurs à la tribune, même si trois d'entre eux, qui sont âgés de 11 ans et moins, me ressemblent beaucoup.
Aujourd'hui, nous discutons du projet de loi S‑4, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois relativement à la réponse à la COVID‑19 et à d'autres mesures.
Avant de commencer, je tiens à souligner quelque chose qui est un peu lié à ce dont nous avons discuté: je viens d'avoir le plaisir de voter en faveur du projet de loi C‑291 et, si je comprends bien, la Chambre a voté à l'unanimité pour renvoyer le projet de loi C‑291 au comité. J'ai bon espoir que le projet de loi remplacera l'expression « pornographie juvénile » par « matériel d’abus pédosexuels » afin de tenir compte du fait que l'agression sexuelle d'un enfant ne tient pas de la pornographie, mais bien de l'abus, et qu'il faut donc appeler un chat un chat. Les mots sont importants. Lorsque j'ai fait du porte-à-porte avant d'être élu, j'ai dit aux gens que je voulais venir au Parlement pour apporter ce changement.
Je suis très heureux de m'être associé à mon collègue et ami de North Okanagan—Shuswap pour traiter de ce problème à l'étape de la deuxième lecture. J'ai hâte que le comité déploie des efforts bipartites soutenus dans l'espoir que ce projet de loi soit adopté d'ici Noël.
Le projet de loi S‑4 porte sur l'efficacité du système de justice pénale. Lorsque nous parlons de l'efficacité du système de justice, il est souvent question de son inefficacité. En fait, avant d'être élu, j'ai songé à produire des travaux universitaires en droit sur les inefficacités du système de justice et la façon de les éliminer. Je vais aujourd'hui parler de certaines d'entre elles, qui sont même parfois des lacunes.
Il ne faut pas oublier que certaines des personnes qui permettent à l'appareil judiciaire de fonctionner ne sont pas reconnues comme elles le méritent. Par exemple, en Colombie‑Britannique, les shérifs sont chargés de la sécurité des salles d'audience. Bien franchement, ils sont sous-payés vu ce qu'ils font. Ils escortent les gens en détention. Ils interviennent en première ligne auprès de gens qui, souvent, viennent d'être arrêtés et commencent à être en sevrage de drogue, et ils mettent en jeu leur santé, leur bien-être et leur sécurité pour protéger d'autres intervenants du système de justice pénale. Je les en remercie.
Je remercie les greffiers et les responsables de la gestion de l'instance, qui assurent le fonctionnement des tribunaux. Je remercie les juges, qui quittent souvent une carrière lucrative pour servir le bien public dans l'intérêt de la primauté du droit.
Lorsqu'il s'agit du système de justice, il faut se souvenir d'une chose: les temps changent, et la loi doit changer elle aussi. Cela s'avère tout particulièrement lorsqu'il est question d'un article dont nous ne débattons pas en ce moment, c'est-à-dire l'article 525 du Code criminel, qui traite des révisions d'ordonnance de détention.
Je ne sais pas exactement quand l'article 525 du Code criminel a été adopté, mais en le vérifiant, je suis convaincu que nous verrions qu'il a été adopté à une époque où les gens comparaissaient devant les tribunaux beaucoup plus rapidement qu'aujourd'hui. Pour paraphraser l'article 525, si une personne est détenue sous caution, elle a droit à une révision de sa caution après 90 jours. Or, à quelle fréquence une date de procès est-elle déjà fixée dans ce délai? C'est un problème en soi, mais il arrive que la date ne soit même pas fixée dans ce délai.
C'était une autre époque. Je me souviens d'avoir ouvert un dossier d'homicide datant de 1984, lorsque je pratiquais le droit en tant que procureur. À cette époque, on fixait la date du procès en deux ou peut-être trois mois, et l'accusé subissait souvent son procès dans les six, sept ou huit mois. Les temps ont changé. Le système est engorgé. La preuve est différente.
J'ai consulté ce dossier, qui remontait à 1984, je crois. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, il ressemblerait à un dossier de vol d'une valeur inférieure à un certain montant, comme pour un vol à l'étalage. Je parle ici de son épaisseur. Il y avait quelques photos du présumé homicide et quelques déclarations, qui tenaient sur quelques pages. C'était tout.
Les temps ont changé. Le système doit maintenant composer avec l'article 525, qui dit qu'une personne ne doit pas rester indéfiniment en détention sous garde. La réalité actuelle, c'est que les gens ne subissent plus leur procès aussi rapidement. C'est le genre de problème que j'aurais aimé voir traité dans le projet de loi S‑4.
Je rappelle, comme d'autres l'ont fait avant moi, que le projet de loi S‑4 est pratiquement identique au projet de loi C‑23. Un changement concerne le moment de l'entrée en vigueur. Je crois qu'on prévoit une période d'attente de 30 jours pour laisser aux tribunaux le temps de se préparer. Ajoutons que le projet de loi à l'étude mentionne la Loi sur l'identification des criminels.
J'ouvre une petite parenthèse. Un avocat de Kamloops—Thompson—Cariboo, Jay Michi, m'a parlé souvent, ou du moins une ou deux fois, de la Loi sur l'identification des criminels. Il soutient toujours que cette loi ne devrait pas porter le titre de « Loi pour l'identification des criminels », puisque les personnes en question n'ont pas encore été reconnues coupables. Le nom de Me Michi figure maintenant dans le hansard, et son point de vue a été présenté à la Chambre des communes.
Croyons-le ou non, la Loi sur l’identification des criminels pourrait en fait, à mon souvenir, justifier le défaut de comparaître devant un tribunal, ce qui pourrait également s'appliquer à la détention si l'on invoque, comme motif principal, la libération sous caution. Cela pourrait également causer divers problèmes.
En ce qui a trait à l'importance de prélever les empreintes digitales, beaucoup de gens l'ignorent, mais c'est généralement ainsi que l'on tient les casiers judiciaires au Canada, au moyen des empreintes digitales. Un numéro SED est le numéro de série que l'on attribue aux empreintes digitales lorsqu'elles sont prélevées. Ainsi, le registre du CIPC, comme on l'appelle, permet d'identifier le casier judiciaire d'une personne ayant fait l'objet d'une condamnation en Nouvelle‑Écosse, d'où viennent la plupart des bons Présidents, ou en Colombie‑Britannique, d'où viennent la plupart des bons avocats. Je suppose que quelques bons avocats ont fréquenté l'Université de l'Alberta, mais nous allons faire fi de ce détail pour le moment.
M. Gérard Deltell: Qu'en est-il du Québec?
M. Frank Caputo: Monsieur le Président, le Québec compte également quelques bons avocats. Il y a de bons avocats partout. Mettons cela de côté pour l'instant.
L'importance de prélever les empreintes digitales n'est en fait pas très bien connue. Or, c'est très important. C'est une chose qu'il faut absolument moderniser.
Pour en venir à la teneur du projet de loi, les systèmes judiciaires ont des arriérés massifs. Je crois qu'il y a quelques années, le délai maximum pour déposer une accusation devant faire l'objet d'une procédure de déclaration de culpabilité par procédure sommaire est passé de six mois à un an. J'étais heureux de voir ça, mais nous avons encore un énorme arriéré. Les procès n'avancent tout simplement pas.
Les députés ont peut-être entendu le dicton « justice différée est justice refusée ». Cette affirmation est problématique. La Charte garantit évidemment le droit à un procès équitable. Nous avons souvent pensé au droit d'un accusé à un procès équitable qui comporte un élément de rapidité, évidemment sur le plan constitutionnel, mais qu'en est-il du droit d'une victime à un procès équitable? Avec le temps, les souvenirs s'estompent. C'est prouvé. Je ne connais personne qui dise mieux se souvenir des faits un an et demi après l'incident que deux semaines, voire six mois après l'incident. Un arriéré dans le système judiciaire contribue à le rendre moins efficace.
Au bout du compte, les tribunaux devraient servir à trouver la vérité de façon juste. Si faire connaître la vérité devant un tribunal ne relève pas nécessairement d'un exercice de mémoire, cela devient toutefois un sérieux problème quand l'arriéré est colossal. Au début de ma carrière, je me souviens d'une victime qui m'en a fait part. Je lui ai annoncé que le procès avait été ajourné et cette personne m'a demandé sur le champ si elle avait des droits dans ces circonstances. J'ai dû lui dire qu'en tant que victime, elle n'avait aucun droit sur ce point.
De nombreuses victimes se présentent au tribunal et disent qu'elles croyaient que leur procès allait probablement être remis à plus tard. J'ai même été témoin de situations où les tribunaux siègent durant environ cinq heures par jour, mais ils essaient de condenser l'équivalent de 12 à 15 heures de séances dans ce court laps de temps. Cela montre à quel point l'arriéré est considérable. Cela pourrait se traduire par la libération de certains individus dans la société alors qu'ils ne devraient pas s'y retrouver.
Une chose dont on ne parle pas en général à la Chambre est le délai. Ce délai, la Cour suprême du Canada en a parlé dans une affaire appelée Jordan. L'arrêt Jordan a reconnu le droit constitutionnel d'être jugé dans un délai raisonnable, soit dans un délai de 18 mois, ou un an et demi, pour les infractions moins graves qui sont traitées par procédure sommaire, ou dans un délai de 30 mois, ou deux ans et demi, pour les affaires qui sont traitées par voie de mise en accusation.
Plus il y a de pressions sur les ressources, plus cela prend du temps avant que le procès ait lieu. Plus il y a d'affaires, plus l'arriéré des cas sera important, et un plus grand arriéré implique un délai plus long, ce qui aura des incidences sur la libération sous caution. Le problème que nous avons, c'est qu'avec le principe de Jordan, le décompte du délai de deux ans et demi commence aussitôt que l'accusation est portée.
Il y a eu de nombreuses exigences en matière de divulgation depuis l'arrêt Stinchcombe en 1988, je crois. Il y a eu d'énormes changements en matière de divulgation, à un point tel que la divulgation est probablement devenue la cause principale des retards. C'en est une, en tout cas. Le Parlement ne s'est pas penché sur cette question. On pourrait se demander pourquoi la divulgation compte. Elle compte parce qu'il faut des mois, parfois des années pour que toute l'information soit divulguée dans des affaires importantes. Si une personne — un policier ou un procureur — est saisie d'une affaire, cette affaire peut littéralement représenter 30 000 pages de documents.
En raison de l'arrêt Jordan, on hésite à porter des accusations, car il faut parfois entre un an et un an et demi pour rassembler tous les documents. Il pourrait s'agir d'individus dangereux qui ne devraient pas être libres d'aller où bon leur semble et qui devraient au moins avoir été libérés sous caution ou être détenus en attente de leur procès.
Toutefois, en raison de l'arrêt Jordan, ces gens sont souvent libres jusqu'à leur procès, ce qui peut vouloir dire entre un an et demi et deux ans, sans devoir respecter la moindre condition et sans détention. Souvent, il s'agit des cas les plus graves, car ce sont les cas les plus graves qui nécessitent la production de la plus grande quantité de documents, et plus de documents, cela signifie plus de divulgation. Il s'agit souvent d'homicides, et donc d'affaires graves. Il s'agit en fait des affaires les plus graves.
Je vais fournir un autre exemple. Les députés m'ont souvent entendu parler des infractions de nature sexuelle à la Chambre. J'aimerais donc indiquer comment l'arrêt Jordan pourrait avoir une incidence sur ces infractions et pourquoi nous devons alléger les procédures, notamment en ce qui a trait aux infractions de nature sexuelle.
Supposons qu'une personne possède du matériel d'abus pédosexuels, ce qui est visé par le projet de loi C‑291, qui a été mis aux voix aujourd'hui, et qu'on trouve ce matériel sur l'ordinateur de cette personne. Pour établir la preuve au-delà de tout doute raisonnable, le procureur doit établir à qui appartient cet ordinateur, qui a eu cet ordinateur en sa possession et qui a eu accès à ce matériel. Normalement, on fait appel à un expert pour cela. Actuellement, ces experts sont peu nombreux, et analyser un disque dur prend du temps. On fait souvent appel à ces experts pour analyser des disques durs dans le cadre de procès pour des infractions liées au terrorisme ou des homicides, ou pour analyser des messages textes ou d'autres messages envoyés par voie numérique.
Il y a donc des contraintes en matière de ressources. Par conséquent, les auteurs présumés d'une infraction sexuelle contre un enfant, comme la possession, la production ou la distribution de matériel d'abus pédosexuels, ou encore le leurre par Internet, certaines des infractions contre les enfants les plus graves, se feront saisir leur ordinateur, puis il faudra attendre au moins 12 mois pour que celui‑ci puisse être analysé. Pendant 12 mois, ces personnes seront en liberté dans nos collectivités, sans condition. Il ne s'agit même pas d'une libération conditionnelle, mais d'une libération sans condition, à cause de l'arrêt Jordan.
La question est la suivante: quelle devrait être la réponse du Parlement? Nous ne cherchons pas à remettre en question la primauté du droit, mais à déterminer comment réagir aux problèmes indéniablement importants que le projet de loi S‑4 a portés à l'attention de la Chambre. Comment devons‑nous y répondre? Même si le projet de loi S‑4 apporterait des changements, nous avons encore beaucoup de chemin à faire.
J'ai 14 pages de notes et j'en suis à la page 3. Je devrai peut-être sauter des bouts.
Une voix: Discours illimité.
M. Frank Caputo: Monsieur le Président, on dirait que le député de Winnipeg-Nord et le député de Kingston et les Îles aimeraient vraiment m'entendre parler plus longuement de ce sujet.
Une voix: Encore.
M. Frank Caputo: Je ne sais pas si l'exhortation à parler « encore » sera notée dans le hansard, mais je suis heureux qu'on m'encourage à parler encore de ce sujet.
Du côté des conservateurs, nous lutterons toujours pour que le Canada ait un système juste et approprié qui soit non pas un système judiciaire, mais un système de justice. J'espère que chacun des députés de la Chambre souhaite un système juste et approprié. Je sais que nous avons parfois des points de vue différents, mais nous devrions réussir à nous entendre sur certains points, par exemple sur la question des infractions d'ordre sexuel à l'égard d'enfants et la réforme de la mise en liberté sous caution.
Le projet de loi modifie le processus que doivent suivre les agents de la paix pour demander et obtenir un mandat par un moyen de télécommunication au lieu de se rendre sur place. Le processus d'obtention d'un mandat est plutôt lourd. Il faut un affidavit avec assermentation, ce qui prend du temps. L'affidavit doit être rédigé, et les faits qu'il contient doivent généralement être vérifiés, ce qui prend du temps. L'affidavit avec assermentation doit ensuite être soumis ou présenté à un juge ou un juge de paix. Les temps changent: le projet de loi autorise une soumission par voie électronique.
La prise d'empreintes digitales, comme je l'ai évoqué, pourra désormais être effectuée à une date ultérieure ou non si le juge l'estime nécessaire en fonction des circonstances.
Le fait que l'accusé ou le contrevenant puisse comparaître à distance par audioconférence ou vidéoconférence est un point intéressant. Jusqu'à aujourd'hui, il me semble que seule une disposition dans le Code criminel permet de dispenser un accusé de comparaître. Le projet de loi apportera une certaine efficacité, mais pas nécessairement celle que nous recherchons.
Je voudrais parler des enquêtes préliminaires. La principale difficulté des enquêtes préliminaires vient du fait que la divulgation est exhaustive. La divulgation est fondée sur différentes décisions qui ont progressivement étendu le champ de la divulgation depuis l'affaire Stinchcombe. La divulgation concerne de très nombreux éléments.
Même si certains avocats ont pu recourir aux enquêtes préliminaires dans le passé pour déterminer la solidité des arguments de la Couronne, ces enquêtes sont souvent devenues, dans les affaires moins graves, un exercice de routine pour simplement creuser un peu plus le dossier. C'est ainsi que je vois les choses. Les enquêtes préliminaires ont été supprimées par la Chambre, me semble-t-il, pour les infractions assorties de peines de 10 ans et moins, il y a quelques années.
Là où le bât blesse, c'est que pour une agression sexuelle, par exemple, la peine maximale est de 10 ans, alors il n'y a pas d'enquête préliminaire. Or, dans le cas de contacts sexuels avec un enfant, il y a une enquête préliminaire. Dans le cas de contacts sexuels avec un enfant ou de leurre d'enfant en ligne, l'enfant en question pourrait être appelé à témoigner deux fois.
Il y a quelques façons d'y échapper dans le Code criminel, mais je crois que nous pouvons discuter de la victimisation et de la victimisation secondaire à la Chambre et je crois qu'il est temps de parler des traumatismes entraînés. Les enfants victimes de ce genre de crimes se retrouvent souvent avec une peine d'emprisonnement psychologique à perpétuité.
Il serait temps que le système règle ce problème. J'exhorte les députés à supprimer les enquêtes préliminaires pour les crimes sexuels ou, du moins, à simplifier le processus pour toutes les victimes afin qu'elles n'aient à témoigner qu'une seule fois, en reconnaissance des traumatismes que peut causer ce processus.
Une personne très proche de moi a beaucoup travaillé et poursuit avec la même ardeur ses travaux universitaires sur la question de l'accès à Internet pour les procédures à distance. Le gouvernement libéral a promis à maintes reprises d'améliorer l'accès à Internet dans les régions rurales. Les gens de Kamloops—Thompson—Cariboo et des autres régions rurales du Canada ne peuvent pas profiter de ces dispositions parce qu'ils n'ont pas accès à un réseau Internet adéquat. Certaines personnes auraient besoin de comparaître à distance parce qu'elles se trouvent à trois heures de route du palais de justice, mais ce n'est pas possible parce qu'elles n'ont pas accès à Internet.
Je demande au gouvernement de corriger cette situation. Ce n'est pas seulement une question de qualité de vie pour toutes les personnes touchées, mais également de justice.