Madame la Présidente, je remercie mes collègues qui tiennent vraiment à ce que nous ayons le quorum. Je remercie tout particulièrement le député de Whitby qui, je le sais, a dû interrompre une réunion très importante sur le financement de la lutte contre les changements climatiques.
Je tiens à souligner qu'un des éléments de l'énoncé économique de l'automne sera grandement amélioré lorsque nous irons de l'avant au sujet du financement de la lutte contre les changements climatiques. Je tiens tout particulièrement à souligner que l'autre endroit nous renverra un jour, je l'espère, le projet de loi S‑243, qui ferait en sorte que les finances s'alignent sur les objectifs climatiques.
Je vais revenir à ce que je disais précédemment. Lorsqu'on examine la situation dans laquelle nous nous trouvons, on constate que les Canadiens ont besoin d'aide à court terme. C'est en nous attaquant aux profits excessifs des secteurs d'envergure, comme ceux des combustibles fossiles, des finances, des banques et des assurances, ainsi que des chaînes d'épicerie — si, bien entendu, on peut prouver qu'il y a eu des profits excessifs, comme le prétendent avec beaucoup de conviction nos collègues néo-démocrates — que nous trouverons les ressources nécessaires à cette aide.
Nous savons que nous pouvons nous protéger des tempêtes en prenant soin les uns des autres. C'est une idée frappante dans cette mise à jour économique.
Je pense que c'est la première fois que je lis un document préparé par le ministère des Finances dans lequel la crise des changements climatiques n'est pas traitée comme un enjeu environnemental pour lequel nous devrions dépenser des fonds.
Pour la première fois, dans cet énoncé économique de l'automne, dans l'explication du gouvernement concernant les problèmes, les crises et les défis actuels, il est clair que la crise climatique n'est pas seulement un des problèmes mais plutôt une cause de notre situation économique.
À la lecture de l'énoncé économique de l'automne, je note pour la première fois que Finances Canada semble reconnaître de plus en plus que la crise climatique est à la fois une menace pour la santé économique du pays et une cause de l'instabilité mondiale à laquelle nous sommes confrontés. L'énoncé économique de l'automne ne fait pas seulement référence à un fonds. Certes, je me réjouis d'y voir des crédits d'impôt à l'investissement qui visent à favoriser le développement de plus de technologies propres. Je souligne en passant que les petits réacteurs modulaires ne devraient pas figurer dans cette liste. En ce qui concerne les technologies d'énergie solaire, éolienne, hydraulique, géothermique et d'autres technologies qui nous permettent d'éviter le gaspillage d'énergie, tout cela est vraiment excellent. Ce n'est toutefois pas ce point que j'ai remarqué.
Ce que j'ai remarqué, c'est que Finances Canada souligne que la perturbation des chaînes d'approvisionnement est causée, du moins en partie, par des événements liés à la crise climatique. On pense par exemple à la perturbation des chaînes d'approvisionnement qui s'est produite quand des biens n'ont pas pu être acheminés jusqu'aux marchés parce que le niveau d'eau du fleuve Mississippi était tellement bas que le bitume canadien n'a pas pu se rendre jusqu'aux raffineries des États-Unis. Les chaînes d'approvisionnement ont aussi subi des interruptions à cause de phénomènes comme les rivières atmosphériques qui ont détruit les routes de la vallée du bas Fraser. Nous payons encore.
L'énoncé économique de l'automne attire notre attention sur les coûts qui continueront d'être subis et la nécessité d'aider le Canada atlantique et l'Est du Québec, qui payent encore et ont besoin d'aide pour se remettre de l'ouragan Fiona. Il y a encore des milliards de dollars de l'énoncé économique de l'automne dernier pour aider la Colombie‑Britannique à se rétablir. Les députés se souviendront qu'après la série de phénomènes de rivières atmosphériques vécus l'automne dernier, tous les liens routiers vers Vancouver, la plus grande ville de l'Ouest canadien, ont été impraticables pendant un certain temps, ce qui a eu des répercussions sur les chaînes d'approvisionnement.
Les chaînes d'approvisionnement sont touchées par la crise climatique, de même que les grands événements économiques. En termes concrets, les sécheresses à l'étranger vont faire grimper le prix des aliments que les Canadiens achètent dans les magasins. La crise climatique n'est pas une question environnementale indépendante qui exige des dépenses. En fait, elle fait maintenant partie intégrante de la situation économique que nous connaissons et elle commence à être perçue comme telle par Finances Canada.
J'irai encore plus loin. Plus tôt, j'ai dit que nous avions affaire non pas à une situation habituelle où l'inflation est liée à la demande, mais à une hausse des coûts en grande partie liée à l'offre, à cause de l'invasion menée par le régime de Vladimir Poutine en Ukraine et des graves effets des changements climatiques, qui font véritablement augmenter les coûts. Quand les produits coûtent réellement plus cher, les outils dont nous disposons, comme les politiques monétaires et la hausse des taux d'intérêt par la Banque du Canada, n'ont pas le même effet salutaire qu'au temps de la crise de l'inflation du début des années 1970, lorsque le premier ministre Pierre Trudeau a mis en place des mesures d'urgence pour contrôler les prix et les salaires. Ce n'est pas la même situation qu'aujourd'hui. Nous avons affaire à une réelle augmentation des coûts à cause d'un véritable conflit et d'une crise climatique. On observe une hausse démesurée des coûts et des prix partout.
Compte tenu de la menace que les changements climatiques représentent pour l'économie, nous devons admettre que nous devons en faire bien plus. Que Finances Canada soit prêt ou non à l'admettre de vive voix, c'est ce qui ressort de la façon dont ce document est rédigé. Jamais auparavant je n'ai lu un document de Finances Canada mentionnant aussi souvent les nombreux effets — tous négatifs — de la crise climatique sur l'économie.
Cependant, je regarde un élément qui me fait penser que nous ignorons une occasion que nous devons saisir. Les observations préliminaires de la ministre des Finances rappellent un moment en 1903, lorsque le premier ministre de l'époque, sir Wilfrid Laurier, a déclaré à la Chambre que nous ne pouvions pas attendre et qu'il était temps d'agir. Il faisait référence au défi que représentait la construction d'un chemin de fer transcontinental. Pour l'instant, je vais passer sous silence le coût en vies humaines et les conséquences de la saisie des terres autochtones lors de la construction de ce chemin de fer, mais disons tout de suite que nous avons un défi similaire à relever et que nous l'ignorons: comment relier nos réseaux électriques entre eux?
Il s'agirait essentiellement d'un réseau électrique exempt de carbone à 100 % — pas carboneutre, mais sans carbone — dans lequel circulerait de l'électricité provenant, par exemple, de l'énergie solaire. L'Alberta sera la grande gagnante de l'énergie solaire. L'électricité produite par l'énergie solaire est moins chère en Alberta que partout ailleurs au pays. Il y a de l'hydroélectricité en Colombie‑Britannique, et j'aimerais bien que nous ne parlions pas du barrage du site C, mais nous pouvons faire beaucoup plus avec l'énergie renouvelable partout au Canada, et le système de stockage dont nous avons surtout besoin, c'est que notre réseau fonctionne. Il doit fonctionner d'est en ouest et du nord au sud.
Il n'en est pas question dans l'énoncé économique de l'automne. En fait, nous n'en parlons sérieusement nulle part parce que nous nous heurtons à l'éternel problème que pose la fédération. Nous ne pouvons pas expédier de la bière d'un bout à l'autre du Canada, et c'est la même chose avec l'électricité. Nous ne pouvons pas acheminer l'électricité de Manitoba Hydro de l'Est du Manitoba à l'Ouest de l'Ontario parce que nous n'avons pas d'interconnexions et que cette région, que je connais bien, comprend une partie importante de notre forêt boréale. Nous devrions avoir des interconnexions, mais il s'agit de terres autochtones. Pour respecter la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ce que nous devons faire, il faut obtenir un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause avant même de commencer à tracer les lignes d'une carte pour le réseau électrique.
Nous savons que des entrepreneurs du secteur privé voient déjà comment acheminer l'électricité d'Hydro-Québec jusqu'au Nunavut. Nous devons voir grand. Il nous faut reconnaître que, tout comme la construction du système de chemins de fer transcanadien était le défi en 1903, nous avons maintenant besoin, en tant que pays industrialisé moderne, d'un réseau électrique transcanadien. En effet, le réseau est la batterie nécessaire pour tout faire fonctionner.
Je ne donnerai qu'un bref exemple. Dans l'Union européenne, les États-nations distincts se coordonnent mieux et travaillent mieux ensemble que nos provinces et nos territoires ne collaborent avec le gouvernement fédéral. C'est consternant mais vrai. Le Danemark produit tellement d'énergie éolienne excédentaire qu'il la vend à la Norvège. La Norvège achète l'énergie éolienne verte et bon marché du Danemark, et les jours où la Norvège n'a pas besoin de cette énergie, elle pompe l'eau dans des réservoirs existants. C'est ce qu'on appelle le stockage par pompage, l'une des technologies mentionnées ici. L'eau reste dans les réservoirs jusqu'à ce que la Norvège en ait besoin. Elle ouvre alors les vannes, puis l'eau descend par gravité et entraîne les turbines, et lorsque l'énergie éolienne bon marché arrive du Danemark, ils la pompent à nouveau.
C'est une solution intelligente et simple qui permet à différents pays de partager leur électricité, ce que nous ne pouvons pas faire au Canada car les interconnexions font défaut, et il s'agit d'un projet de grande envergure. Cependant, il convient de le mentionner et d'y réfléchir.
Je terminerai sur ces propos. L'augmentation des coûts que les Canadiens ressentent n'est pas le résultat d'une inflation normale causée par la demande. Ce n'est pas une inflation normale dans le sens où elle n'est pas principalement causée par la demande, même si elle l'est en partie. Elle est en grande partie causée par la guerre en Ukraine.
Les Canadiens appuient l'Ukraine. Nous croyons que le courage du président Zelensky et du peuple ukrainien doit trouver écho dans la solidarité que nous leur témoignons. Toutefois, tout en nous montrant solidaires, nous devons en faire bien plus pour permettre le retour à la paix et faire pression en ce sens. Cela concerne directement l'énoncé économique de l'automne, car la hausse des prix que nous connaissons est en grande partie attribuable à la guerre cruelle, illégale et immorale que Poutine livre à l'Ukraine.
Nous devons utiliser tous les moyens à notre disposition comme puissance douce pour réclamer des pourparlers de paix et des cessez‑le‑feu. Il n'est pas suffisant d'exprimer notre solidarité envers l'Ukraine et de dire Slava Ukraini. Nous devons en faire davantage pour la paix parce que c'est le genre de pays qu'est le Canada. Il nous faudra peut‑être dire à nos alliés de l'OTAN que si notre appartenance à cette organisation nous empêche d'aider véritablement l'Ukraine, nous ne devrions peut‑être pas en être membres. Si l'OTAN ne peut pas œuvrer pour la paix et le désarmement nucléaire, il serait peut‑être temps de poser la question suivante à nos alliés au sein de cette organisation: à quoi sert une alliance qui ne peut pas protéger l'Ukraine à cause des armes nucléaires de l'OTAN et de la Russie, qui nous mettent tous en danger?
Nous devons faire face aux coûts réels qui augmentent. Nous devons faire face à de multiples crises simultanées pour éviter une crise alimentaire mondiale et une crise mondiale de l'eau. Nous devons faire plus dans ce pays en tant que chefs de file mondiaux de la lutte contre le changement climatique.
Cela implique de mettre fin au projet d'expansion de l'oléoduc Trans Mountain et de convertir cette société d'État à d'autres utilisations réellement bénéfiques, elles, pour les Canadiens, comme le renforcement de la résilience d'un bout à l'autre du pays et la construction des infrastructures dont nous avons besoin. Nous n'avons pas besoin du projet d'expansion de l'oléoduc Trans Mountain. Pour reprendre les mots d'Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies, c'est « moralement et économiquement, une folie ». Il en va de même pour l'expansion du forage au large des côtes de Terre-Neuve — le projet Bay du Nord — et l'hydrofracturation au Canada, que l'on continue d'autoriser en prétendant que le gaz naturel liquéfié canadien est en quelque sorte meilleur que le charbon.
Nous devons faire face à la réalité économique, à la réalité de la guerre et à la réalité des changements climatiques. Il faut faire face à toutes ces réalités.
Nous pouvons en fait éviter le pire du changement climatique en corrigeant le tir rapidement. Nous pouvons suivre les indicateurs que la ministre des Finances nous a donnés dans le dernier budget et dire que, d'ici le printemps 2023, le budget sera le symbole d'un Canada qui pose les jalons d'une évolution conforme à la science. Abandonnons les combustibles fossiles, protégeons les travailleurs de ce secteur et assurons-nous que les Canadiens sont dans une maison qui peut résister aux tempêtes à venir.