Madame la Présidente, je suis très heureuse de prendre la parole à la Chambre au sujet du projet de loi S‑5. Bien que j'aie de sérieuses réserves à son sujet, il s'agit d'un important pas en avant, et j'ai hâte de voir ce qui viendra par la suite.
Je vis dans une forêt pluviale. S'il y a bien une chose que les gens dans mon coin du monde savent, c'est que le temps y est généralement humide, même lorsqu'il fait très, très chaud. Nous venons de passer plusieurs mois sans pluie ou presque; nous sommes donc dans une situation de sécheresse. Nous ne pouvons allumer aucun type de feu, car le risque de feu de forêt est trop grand. Le fait qu'un changement dans l'environnement ait un impact aussi important devrait inquiéter sérieusement tous les Canadiens.
Je sais que les gens de ma circonscription sont très inquiets. Je me souviens d'un jour où il a plu ici, à Ottawa. Comme je vis dans une région où il y a une forêt pluviale, j'aime beaucoup la pluie et j'étais heureuse de la voir. De très nombreux concitoyens ont communiqué avec moi pour me dire qu'ils me seraient vraiment reconnaissants de ramener la pluie avec moi. C'est un commentaire dont nous pouvons rire, mais c'est aussi un sujet qui préoccupe beaucoup les habitants de ma région.
Dès qu'il est question defaire des progrès sur le plan législatif pour reconnaître le droit à un environnement sain, je veux ajouter ma contribution. Je veux participer à cet effort, mais je considère que nous devons faire mieux. Nous savons que plus de 150 pays à l'échelle planétaire ont déjà pris cet engagement. Ils ont instauré des responsabilités juridiques pour lesquelles ils doivent rendre des comptes. Le Canada tarde à agir, alors nous devons faire le premier pas dans cette voie. Une majorité de Canadiens suivent de près l'évolution de ce dossier et ils veulent que le gouvernement adopte des mesures concrètes qui donnent des résultats tangibles.
En toute honnêteté, dans cette enceinte, nous sommes constamment témoins de l'absence d'action pour passer à la prochaine étape. J'aimerais parler de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la LCPE. Le projet de loi apporterait des modifications à la LCPE afin de reconnaître le droit à un environnement sain, de confirmer l'engagement du gouvernement en vue d'intégrer dans la loi la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et de renforcer le plan de gestion des substances chimiques, y compris la nécessité de tenir compte des populations vulnérables et de l'effet cumulatif des catastrophes.
Cela fait plus de 20 ans qu'il n'y a pas eu de modernisation. À notre époque, rien ne pourrait être plus important ni plus prioritaire. Ces dernières années, les habitants de ma circonscription ont connu des moments difficiles. J'ai parlé de l'un d'entre eux plus tôt, mais je veux aussi parler du fait qu'il n'y a pas si longtemps, notre région a été témoin de l'incident du ZIM Kingston, qui a entraîné un déversement majeur: environ 109 conteneurs. De ces conteneurs, quatre se sont échoués sur un rivage de ma circonscription.
Au cas où les gens ne comprendraient pas, ma circonscription est très éloignée. Beaucoup des belles plages le long du littoral sont difficiles d'accès, alors les gens ne les voient pas souvent. Lorsque l'on commence à recevoir des images de concitoyens montrant une plage pleine de jouets en plastique et de réfrigérateurs, on se sent très préoccupé. On sait alors que la contamination n'a pas seulement une incidence sur notre corps, et j'en parlerai dans un instant, mais qu'elle a aussi une incidence importante sur les océans dans ma région.
Dans les derniers mois, à la fin du printemps, j'étais à l'île Savary, une des nombreuses collectivités de ma circonscription, pour ramasser des déchets. C'était une tâche colossale. Les résidants se sont réunis pour nettoyer les plages et enlever des déchets de l'océan. J'ai eu l'occasion de discuter avec Catherine et Paul, et nous avons parlé des microbilles.
Pour ceux qui ne le savent pas, les microbilles sont de minuscules morceaux de styromousse. Je vais employer ce terme parce que la plupart des gens le connaissent. Ces microbilles se retrouvent partout. Les gens qui ont déjà eu à en enlever sur la plage savent à quel point c'est une tâche difficile. Évidemment, ce qui est encore plus inquiétant, c'est que ces déchets contaminent encore l'écosystème océanique où vivent les poissons et d'autres végétaux et animaux sauvages, et cela me préoccupe vraiment.
Je pense au travail que la collectivité a fait pour envoyer des pétitions à la Chambre — et j'ai été ravie de les lire dans cette enceinte — pour qu'on commence à trouver des solutions afin d'éliminer ces déchets de l'environnement marin et de certaines industries à proximité des étendues d'eau. Je remercie Angela, de Fishing for Plastic, qui a également beaucoup contribué à ces efforts.
L'une des choses qui me préoccupent à propos du projet de loi, c'est ce qui s'est produit au Sénat. Certains des plus grands pollueurs au Canada ont envoyé une lettre au Sénat pour tenter de bloquer des amendements. Ils tentent de nous dire que nous ne devons pas aller aussi loin. À un moment donné, nous devons décider. Allons-nous continuer d'espérer et d'attendre qu'un miracle quelconque se produise, à savoir que nous sortions tout bonnement de la crise environnementale qui nous frappe actuellement, ou allons-nous agir?
Je sais qu'il y a beaucoup de résistance. Beaucoup d'industries nous disent que nous ne pouvons pas franchir ce pas, mais je crois qu'il est absolument crucial que nous le fassions.
Nous savons que la Loi canadienne sur la protection de l’environnement est la principale loi au pays qui sert à réglementer les substances toxiques. Nous savons que de plus en plus d'indicateurs montrent que des substances toxiques se trouvent dans beaucoup de choses, et que peu de gens ont des comptes à rendre sur ce que ces choses sont. Conséquemment, nous utilisons des produits qui peuvent nous nuire dans notre collectivité, mais nous l'ignorons.
Voilà certains des problèmes que nous devons régler. Nous savons que le Sénat a apporté des modifications positives. Je suis vraiment heureuse qu'il ait retiré certaines formulations douteuses au sujet du droit à un environnement sain. Ce droit devrait être équilibré au moyen de facteurs pertinents.
Encore une fois, le choix me semble simple. Je sais que ce ne sont pas tous mes collègues à la Chambre qui sont d'accord avec moi. Toutefois, nous serons un jour ou l'autre appelés à faire un choix: ou nous favoriserons un environnement sain en prévoyant les investissements et les mesures de soutien nécessaires, ou nous poursuivrons sur la même voie. Ce n'est pas une voie sécuritaire.
Le projet de loi contient des aspects qui me préoccupent beaucoup, des faiblesses et des échappatoires troublantes que nous aimerions voir corriger. Je parlais plus tôt du renforcement du droit à un environnement sain et du retrait des facteurs limitatifs, et la façon d'appliquer ce droit est très importante. Nous devons aussi veiller à ce que les évaluations des substances toxiques soient tenues à jour selon l'évolution de la compréhension scientifique des risques et l'intensification de l'exposition.
Je pense que procéder ainsi est extrêmement important parce que les entreprises excellent dans l'art de bien connaître les règles. J'en suis bien consciente. C'est leur travail de connaître les règles, mais elles trouvent souvent des façons de les contourner. Nous devons faire en sorte, en modernisant la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, que des évaluations rigoureuses soient menées au fil du temps pour toujours suivre l'évolution de la compréhension scientifique et ainsi atténuer les risques. Je pense que tous les Canadiens comprennent à quel point c'est essentiel.
Nous devons également améliorer la responsabilité publique et exiger des directives et des délais clairs pour la gestion des substances toxiques. C'est une simple question de reddition de comptes. Je parle à des Canadiens ordinaires. J'ai parlé, dans ma circonscription, à des gens qui sont très éclairés au sujet de l'environnement et qui ont une idée très précise de l'objectif qu'ils souhaitent atteindre. J'ai également parlé à des gens qui veulent simplement que la situation s'améliore et qui ne savent pas se servir des informations. Ils me disent, entre autres, que les systèmes ne sont pas suffisamment clairs pour être compris des Canadiens ordinaires comme eux. Ils sont occupés. Ils ont beaucoup de choses à faire. Je pense qu'il est important qu'il y ait une responsabilité publique, et les informations devraient être non seulement publiques, mais aussi accessibles.
Je pourrais parler de ce sujet éternellement. J'ai servi beaucoup de gens qui font face à divers obstacles, comme des personnes qui viennent d'un autre pays et ne maîtrisent pas une langue, qui n'ont pas fait d'études ou qui ont un problème développemental. La responsabilité et l'accès aux informations comptent toujours parmi les plus grands obstacles. J'espère donc que l'on agira à cet égard.
Je pense également qu'il est important de rendre obligatoire l'étiquetage des substances dangereuses dans les produits de consommation. En effet, il n'y a toujours pas de convention formelle à cet égard. C'est quelque chose qui fait défaut dans le projet de loi et qui, à mon avis, devrait y figurer. Nous devons faire preuve de transparence avec les gens.
Bien entendu, nous devons nous attaquer aux zones de concentration de la pollution au pays. Nous devons reconnaître, en tant que pays, que celles-ci se trouvent bien souvent dans des communautés autochtones, racialisées et défavorisées. C'est quelque chose que nous devons tous prendre sérieusement en considération. À mon avis, ce projet de loi, dans sa version actuelle, ne traite pas de cet aspect aussi efficacement qu'il le pourrait. Nous devons aborder ce problème. Il faut reconnaître que les problèmes environnementaux et la justice pour les Autochtones, les groupes racialisés et les personnes à faible revenu sont intersectionnels et que nous avons notre part de responsabilité à cet égard. Nous devons prendre nos responsabilités et commencer à nous attaquer à ce problème de manière plus efficace.
Comme je l'ai dit, j'appuierai le renvoi de ce projet de loi au comité. J'espère sincèrement que tous les partis collaboreront pour faire progresser cet important dossier, car il doit être accessible. Les Canadiens ordinaires doivent pouvoir comprendre les règles afin de demander des comptes aux sociétés qui seront tenues de les respecter.