Monsieur le Président, j'ai le plaisir de me lever à mon tour pour parler du projet de loi C-49.
Auparavant, vous me permettrez de prendre quelques instants pour souligner un moment que j'ai trouvé très émouvant aujourd'hui à la Chambre. J'étais ici quand le greffier, M. Marc Bosc, est arrivé pour sa dernière présence ici à la Chambre des communes, en tant que greffier par intérim de la Chambre, selon ce qu'on a appris par différents moyens.
M. Bosc a été la personne qui a accueilli à la Chambre les premiers députés qui ont été élus en 2015. Cela a été pour nous un moment très émouvant. Pour nous, M. Bosc est le greffier de la Chambre, parce que nous n'avons pas connu d'autres greffiers. M. Bosc a toujours été là et il a fait preuve d'un très grand professionnalisme. Je crois qu'il était respecté de tous, en tout cas de tous les gens de ce côté-ci de la Chambre. M. Bosc a toujours démontré un très grand professionnalisme, et nous l'avons toujours respecté.
Pour moi, monsieur le Président, cela a été un moment très émouvant de le voir entrer ici, ce matin, prendre sa place devant vous pour lancer cette dernière journée de débat à la Chambre des communes. J'ose espérer que M. Bosc aura toujours une grande place ici, au Parlement.
En terminant, nous avons appris cela un peu rapidement. J'aurais aimé que les partis de l'opposition soient davantage consultés sur le processus de remplacement du greffier. Ce n'est pas que je veux commenter sur le prochain greffier à venir, mais je tenais absolument à prendre quelques instants pour souligner l'excellent travail de M. Bosc, au nom de mes collègues, en mon nom personnel, et au nom de ma famille qui a vécu tous ces moments-là quand nous sommes arrivés ici, avec toute l'émotion que nous avions.
Comme moi, mais depuis plus longtemps, car M. le greffier a plus d'expérience que moi, il a été témoin au fil des ans de nombreux processus de différents gouvernements pour être en mesure de faire adopter leurs mesures législatives.
Présentement, avec le projet de loi C-49, on assiste encore une fois à l'utilisation d'un bâillon du gouvernement pour éviter de donner à l'opposition des occasions de parler de ce projet de loi et pour lui enlever le droit de le critiquer. Or de l'aveu même du ministre, ce projet de loi est très compliqué et il va changer beaucoup de choses pour l'industrie du transport au Canada. Pourtant, on aura eu à peine quelques heures de débat pour en discuter et soulever des points qui sont très importants, selon moi.
Pourquoi est-ce particulièrement dérangeant dans le cadre du projet de loi C-49? C'est que ce projet de loi ne modifie pas un ou deux articles ou une ou deux lois. Il va modifier 13 lois.
Depuis hier, j'entends l'argumentaire du ministre des Transports qui nous dit que l'opposition pousse de grands cris, mais que 80 % des modifications apportées par le projet de loi C-49 ne visent qu'une seule loi et qu'il n'y a donc pas lieu pour l'opposition de pousser des hauts cris. Quoi? Quel est cet argument? C'est comme s'il y avait un article de loi qui était plus important qu'un autre. Si les 20 % des articles du projet de loi C-49 qui modifient 12 autres lois ne sont pas importants, pourquoi les passe-t-on? Pourquoi en parle-t-on? Si ce n'est pas important, si tout est concentré dans une seule loi et que l'opposition fait un scandale, alors pourquoi garder 20 % des modifications? Pourquoi ne pas les retirer et faire un autre projet de loi avec ces modifications et prendre le temps d'en discuter? Ce n'est pas important, tout est dans le même projet de loi.
On voit à quel point cet argumentaire ne tient pas la route. C'est particulièrement inquiétant. On sait que je siège sur le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités depuis mon arrivée ici. On sait que les transports touchent tous les Canadiens dans tous les domaines. En effet, chaque jour, les transports ont un impact sur les Canadiens et les Canadiennes, que l'on parle du transport des marchandises ou du transport des personnes.
Toutefois, on dit que c'est un projet de loi compliqué, qu'on ne laissera pas l'opposition en parler trop longtemps et que, comme 80 % de ses mesures touchent une seule loi, on n'a pas besoin de pousser des hauts cris contre cela. Je pense que le ministre devrait refaire son travail, revoir un peu le contenu de son propre projet de loi et considérer les répercussions de chacune des modifications du projet de loi C-49 sur le quotidien de chaque Canadien et chaque Canadienne.
Voici un portrait du projet de loi C-49. Le projet de loi omnibus des libéraux sur les transports va établir de nouveaux droits pour les passagers aériens; il va libéraliser les restrictions de propriété internationale des transporteurs aériens canadiens; il va permettre au ministre des Transports de considérer et d'approuver des demandes d'entreprises conjointes entre deux transporteurs aériens ou plus; il va modifier la réglementation du système de transport de marchandises du Canada; il va mandater l'installation d'enregistreurs audio-vidéo dans les locomotives; il va élargir le pouvoir du gouvernement en conseil d'exiger que les principales compagnies de chemin de fer fournissent de l'information sur les tarifs, les services et la performance; et il va modifier la Loi maritime du Canada pour que les autorités portuaires soient admissibles à des prêts par l'intermédiaire de la Banque de l'infrastructure.
Toutefois, il n'y a rien là. Selon le ministre des Transports, quelques heures de discussion sont suffisantes pour aborder tout cela, puisque, toujours selon lui, l'opposition n'a pas eu de propos pertinents au cours des premières heures de ce débat. Pourquoi continuerait-on d'entendre des propos supposément non pertinents, alors qu'on peut simplement aller plus vite en faisant taire l'opposition? En tout cas, c'est ce que le ministre a l'air de penser.
Depuis quand des propos s'opposant à une position gouvernementale ne sont-ils pas pertinents? Le grand problème par rapport au gouvernement libéral, pas seulement dans ce dossier, mais dans tous les dossiers, c'est que, quand nous ne sommes pas d'accord avec les libéraux, ils se sentent attaqués et menacés. Il estime que tous ceux et celles qui ne sont pas de leur avis et qui ne pensent pas comme eux ne sont pas pertinents, et qu'ils n'ont donc pas de raison de s'intéresser à leurs propos à la Chambre. Cela explique bien des choses.
Cela explique bien des choses, comme la motion no 6 et les nombreux bâillons qui nous ont été imposés depuis le début de cette session. Cela explique ce fameux document de conversation qu'a déposé la leader du gouvernement pour supposément améliorer le fonctionnement de la Chambre. Quand on a lu le document avec attention, on s'est rendu compte que l'intention était encore une fois d'éviter d'entendre les propos des partis de l'opposition.
Alors, quand cela ne fait pas l'affaire du gouvernement, ce n'est pas compliqué, il décide tout simplement de faire taire les voix discordantes qui amènent de grands nuages gris au-dessus des voies ensoleillées libérales. Cependant, j'ai une petite nouvelle pour le gouvernement libéral. Tant du côté de l'opposition officielle que des autres partis de l'opposition, j'en suis convaincu, nous n'avons pas l'intention de nous taire. Nous n'avons pas l'intention de laisser passer des modifications. Nous n'avons pas l'intention d'être d'accord à 100 % sur tout ce que les libéraux vont présenter. Nous n'avons pas l'intention d'être les gens qui vont faire en sorte d'appliquer le programme électoral du Parti libéral dans son entièreté. Ce n'est pas notre rôle, ici. Notre rôle est de le critiquer.
D'ailleurs, pour ouvrir une parenthèse, parlons de son programme électoral. En voulant l'appliquer, les libéraux se sont rendu compte eux-mêmes qu'il y avait beaucoup de choses qui n'étaient pas applicables. Ils ont promis de faire beaucoup de dépenses et de tout petits déficits. Ils ont tenu une seule des deux promesses. Ils font beaucoup de dépenses, mais ils se sont rendu compte que cela nécessitait d'énormes déficits. C'est quelque chose que le gouvernement ne voudrait pas que l'opposition dénonce. Il voudrait que nous restions tranquilles et que nous nous contentions de les regarder et de les applaudir, parce qu'il aime beaucoup quand on l'applaudit. Toutefois, ce n'est pas ce que nous allons faire. Ce n'est pas notre rôle.
Revenons au projet de loi C-49, parce qu'il semblerait que nos propos ne soient pas pertinents, que nous ne fassions que du survol et que nous parlions de toutes sortes de choses sauf du projet de loi C-49. Parlons donc du projet de loi C-49 et de ce qu'il modifie. Comme je le mentionnais, il modifie considérablement 13 lois différentes et a des répercussions sur trois modes de transport. Cette mesure législative va affaiblir les protections législatives des expéditeurs et des agriculteurs de l'Ouest canadien.
Nous voulons nous concentrer sur des mesures proactives visant à rendre les déplacements moins coûteux et plus pratiques pour tous les voyageurs. Cela comprend notamment l'abolition de la taxe sur le carbone, au lieu du plan des libéraux visant à établir une indemnisation réactive qui profitera seulement à une petite partie de la population.
Ce projet de loi fournit très peu de précisions sur la déclaration des droits des passagers aériens proposée, et surtout, celle-ci n'est pas soutenue, dans sa forme actuelle, par de nombreux défenseurs des droits des passagers aériens. Par ailleurs, les autorités portuaires et leurs filiales à part entière auront droit à des prêts et à des garanties de prêts de la Banque de l'infrastructure du Canada. Ici, il y a un problème d'incohérence. Cela me semble un peu insensé, puisque cette banque n'existe pas encore. Elle demeure un projet pour le moment, et celui-ci est retenu dans une autre Chambre, et ce, pour de très bonnes raisons.
Tout comme nous, les sénateurs pensent que la Banque de l'infrastructure mérite un projet de loi à elle seule, en raison des répercussions qu'elle aura et, surtout, des 15 milliards de dollars que le gouvernement entend lui consentir. Ce sont 15 milliards de dollars des contribuables canadiens qu'on va donner à un conseil d'administration afin que celui-ci gère l'argent à notre place sans rendre de comptes au Parlement.
Ces éléments justifient à eux seuls notre opposition à l'adoption du projet de loi C-44, qui est présentement étudié de l'autre côté dans sa forme actuelle et qui prévoit à la fois toutes ces mesures budgétaires et la création de la Banque de l'infrastructure. J'espère que des gens auront compris ce message.
Dans le projet de loi C-49, on présume déjà du résultat. On va donner l'autorisation aux autorités portuaires de bénéficier de prêts de la Banque de l'infrastructure, qui n'existe pas. Ce que je ne comprends pas, c'est que le gouvernement, depuis qu'il nous parle de la Banque de l'infrastructure, ne cesse de nous dire qu'elle sera une banque indépendante. D'ailleurs, entre parenthèses, le processus visant à trouver le président de cette banque qui n'existe pas est déjà amorcé.
Alors, la Banque de l'infrastructure, qui n'existe pas, sera formée d'un conseil d'administration dit indépendant qui va gérer l'argent que le gouvernement libéral lui aura confié. En même temps, on dira à ces gens supposément indépendants qu'ils devront investir 1,3 milliard de dollars dans le Réseau électrique métropolitain de Montréal et accorder des prêts aux autorités portuaires. Bref, on parle d'une banque de l'infrastructure indépendante qui ne le sera pas du tout et qui n'existe pas encore. Pourtant, on nous demande d'approuver un article du projet de loi qui va permettre aux autorités portuaires de bénéficier de prêts de cette banque de l'infrastructure qui sera créée prochainement.
On voit tout de suite que quelque chose ne fonctionne pas, qu'on improvise et que le ministre veut procéder rapidement. D'ailleurs, nous ne comprenons pas pourquoi celui-ci tient à procéder aussi rapidement. Certains nous diront que c'est parce qu'on veut régler le dossier du projet de loi C-30 avant que celui-ci n'arrive à échéance le 31 juillet, afin de protéger les producteurs de grain de l'Ouest par rapport à leurs négociations de prix avec les compagnies ferroviaires. Nous pourrions le croire, mais ce n'est pas ce qui va arriver, car même si on adopte le projet de loi C-49 à la hâte aujourd'hui ou lundi et qu'on le renvoie au comité, les réunions du comité sont prévues pour le mois de septembre.
Le comité était prêt à se réunir dès le mois juillet si le gouvernement avait accepté d'isoler toutes les mesures concernant le projet de loi C-30. Cela nous aurait permis de les étudier rapidement afin qu'il n'y ait pas de vide juridique pour les producteurs de grain de l'Ouest. On aurait pu tenir toutes ces rencontres avant le 1e août. Le comité était prêt à se réunir en plein été, pendant nos vacances — du moins, les gens de l'opposition membres du comité étaient prêts à le faire. Cela aurait été un grand sacrifice pour certains d'entre nous que de nous présenter ici pour étudier un projet de loi visant à venir en aide aux producteurs de grain de l'Ouest.
Pourquoi l'opposition officielle était-elle prête à le faire? Parce qu'elle comprend que c'est important. En ce moment, les producteurs de grains sont inquiets par rapport à tout ce qui se produira à l'automne et par rapport au vide juridique. Nous ne savons pas trop comment réagira le marché. Ces gens négocient présentement.
Selon nous, il y a un autre problème. Personnellement, je ne suis pas un producteur de grains. Toutefois, plusieurs de mes collègues à la Chambre représentent des circonscriptions de l'Ouest du pays, et ils en connaissent beaucoup sur la production de grains. À ma connaissance, les producteurs de grains font habituellement leurs récoltes à l'automne. Quelle est la période la plus occupée de l'année pour les producteurs de grains? C'est l'automne, lorsqu'ils préparent les récoltes.
On va donc demander aux producteurs de grains de témoigner à l'automne sur le projet de loi C-49, qui a des répercussions majeures sur leur avenir. On leur demandera de quitter leur production et leurs champs pour venir témoigner à Ottawa en septembre. Ils devraient plutôt être dans leurs champs pour faire ce qu'ils doivent faire, ce pourquoi nous les encourageons et ce pourquoi ils contribuent à l'économie canadienne, c'est-à-dire produire et travailler. Cela n'a aucun sens.
C'est pour cette raison que l'opposition était prête à accepter de procéder rapidement par rapport à cette partie du projet de loi. Nous étions prêts à laisser plusieurs choses de côté afin d'agir rapidement. Pourquoi? Parce que ce qui nous tient à coeur, ce n'est pas uniquement d'ajouter un chiffre au bout de notre bilan législatif. Ce sont les producteurs et les productrices de grains du Canada qui nous tiennent à coeur. Ces derniers ont besoin de nous, à Ottawa, pour les protéger, les défendre et surtout pour les aider à réussir. C'est notre rôle.
Si nous ne prenons pas une mesure spéciale pour adopter le projet de loi avant l'échéance du projet de loi C-30, il n'existe aucune urgence pour justifier d'accélérer le processus et de bâillonner l'opposition. Le gouvernement ne veut pas laisser l'opposition s'exprimer probablement parce qu'il ne veut pas entendre le genre de propos que je tiens à la défense des producteurs de grains de l'Ouest.
Je vais parler d'un autre projet qui a été très bien accueilli par la population, j'en conviens. Cela a été l'élément principal de communication du ministre des Transports. En effet, on veut créer la charte des droits des passagers. Cela presse. Comme nous tous, tous les Canadiens et toutes les Canadiennes qui ont pris l'avion au cours des dernières semaines ont vu les reportages sur des incidents spectaculaires survenus aux États-Unis. Puisque le projet de loi annonçait la création de la charte des droits des passagers, on croyait qu'on aurait un peu d'information. On pensait qu'on saurait à quoi s'en tenir. Mais non, on ne fait que mandater l'Office des transports du Canada de procéder à la consultation qui aboutira ultimement à une réglementation et, un jour ou l'autre, à la charte des droits des passagers.
A-t-on besoin d'un projet de loi pour demander à l'Office des transports du Canada de procéder à des consultations au sujet d'une charte? Cela ne tient pas la route. Il n'y a pas urgence d'agir au sujet du projet de loi C-49, à l'exception des mesures concernant les producteurs de grains de l'Ouest, nous en convenons.
Selon nous, la seule façon d'agir et la seule explication ou justification qui aurait pu rendre cette mesure acceptable, ce bâillon acceptable, aurait été de scinder le projet de loi et d'adopter immédiatement les mesures concernant le projet de loi C-30, afin de rendre permanentes des mesures temporaires. On était prêts à aller de l'avant avec cela, mais tout le reste aurait pu attendre, parce qu'il n'y a pas péril en la demeure. Selon moi, la seule urgence du gouvernement, c'est de faire taire l'opposition. Le gouvernement n'est pas prêt. Il improvise et il présente des mesures qui ne tiennent pas la route.
Pour toutes ces raisons, et malgré certaines bonnes mesures contenues dans le projet de loi, l'opposition officielle ne sera pas en mesure d'appuyer le projet de loi C-49.