Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec la députée de Labrador.
J'aimerais commencer par dire mahsi cho.
Aujourd'hui est un grand jour. Je suis très heureux de prendre la parole pour appuyer le projet de loi C-91, la Loi sur les langues autochtones. Cette mesure législative vise la revitalisation des langues autochtones, dont l'usage s'est détérioré au fil des ans à cause des politiques racistes et discriminatoires de divers gouvernements qui se sont succédé.
Nous parlions trois langues chez moi quand j'étais enfant: l'anglais; la langue des Dénés du Dehcho; et la langue des Métis, le français métis qu'on appelle le mitchif. Tout cela s'est arrêté quand j'ai commencé l'école, car, à cette époque, nous n'avions pas le droit de parler une autre langue que l'anglais. Si nous étions pris à parler une autre langue ou que quelqu'un nous dénonçait pour l'avoir fait, on nous frappait avec une courroie de caoutchouc de 18 pouces qui avait 3 pouces de largeur.
Il n'y avait pas d'excuses. Nous étions coupables, peu importe que nous l'ayons fait ou non. Il arrivait parfois que des camarades de classe en accusent d'autres d'avoir parlé une langue interdite, alors que ce n'était pas vrai. Ils voulaient assister au châtiment. Il n'y avait aucun moyen de s'en sortir. Si le directeur venait, nous attrapait et nous amenait devant la classe, et que nous nous débattions, il nous frappait partout où il le pouvait. Si nous nous laissions faire, il nous frappait les mains avec une courroie. Habituellement, c'était quatre coups par main. Le seul moment où il arrêtait avant d'avoir terminé, c'était si nous saignions. Beaucoup de mes camarades utilisaient un cheveu coupé dans l'espoir de saigner plus rapidement et ainsi interrompre le châtiment dès le premier coup de courroie.
Pourquoi est-ce arrivé? Pourquoi avons-nous subi ce cauchemar? C'est parce que les politiques du passé ont été conçues pour détruire l'identité autochtone et décourager l'usage des langues traditionnelles.
Le projet de loi vise à soutenir et à promouvoir l'usage des langues autochtones. Il reconnaît que les langues sont fondamentales pour les peuples autochtones sur le plan identitaire et en rapport avec leurs cultures, leur spiritualité, leurs liens avec la terre, leurs visions du monde et leur autodétermination.
Tout au long des séances de consultation du gouvernement sur cette mesure législative, qui, je crois, se sont échelonnées sur deux ans, il a été dit que la langue faisait partie intégrante de l'identité personnelle et de celle d'un peuple, et qu'elle contribuait à la fierté et à la force tant au niveau individuel que collectif.
Les jeunes Autochtones de tout le Canada doivent être exposés à leur histoire par la langue et doivent être soutenus dans leurs efforts pour apprendre leur langue et être fiers de leur culture. S'ils laissent de côté leur langue pour survivre, ils laissent aussi de côté une grande partie de leur culture. C'est une chose que l'expérience m'a apprise.
En reconnaissant l'importance des langues autochtones au Canada, nous donnerons plus de vigueur au peuple et aux communautés autochtones de même qu'au pays dans son ensemble.
Il y a eu beaucoup d'études sur le rôle de l'utilisation — ou plutôt du manque d'utilisation — des langues autochtones en ce qui concerne le problème du suicide. De nombreuses études ont montré que les communautés autochtones où la majorité des membres déclarent être capables de converser dans une langue autochtone, les taux de suicide chez les jeunes sont faibles, voire nuls. Par comparaison, dans les communautés où moins de la moitié des membres déclarent connaître la langue, les taux de suicide sont jusqu'à six fois plus élevés.
Le rapport de l'Assemblée des Premières Nations sur ses séances nationales de mobilisation dit:
L'apprentissage des langues et la réunification de l'identité peuvent être des sources de guérison. La scolarisation — pensionnats indiens, externats, écoles publiques, écoles techniques — était une source de perturbation de l'utilisation des langues autochtones en tant que processus naturel. Ces établissements nous ont rendus honteux de parler nos langues, et les parents ont été amenés à croire que nos langues nuiraient à leurs enfants et les empêcheraient de réussir. La revitalisation des langues peut être utilisée pour atténuer d'autres problèmes comme la toxicomanie; les personnes ayant un fort sens du langage ont une meilleure santé physique et mentale.
Des études et des rapports ont reconnu, par le passé, l'importance de l'apprentissage des jeunes et de l'apprentissage intergénérationnel pour la revitalisation des langues autochtones.
Le rapport de 2005 du Groupe de travail sur les langues et les cultures autochtones, intitulé « Le début d'un temps nouveau » réclame le financement des programmes d'immersion destinés aux enfants et aux jeunes. Le rapport du groupe de travail rappelle aux collectivités autochtones de porter davantage attention aux enfants et aux jeunes en déclarant:
Rentrez dans vos collectivités et n'oubliez pas les jeunes. Il ne faut pas les oublier comme on le fait parfois. Les jeunes sont importants, ils forment la prochaine génération. Nous devons leur demander ce dont ils ont besoin et ce qu'ils veulent, nous devons les amener à participer à ce projet et à en être fiers.
J'ai entendu des chefs de ma circonscription parler d'encourager les gens à parler aux jeunes et aux enfants dans leur langue autochtone, ne serait-ce que pour dire un mot ou une phrase, car cela ne coûte rien.
Dans le rapport, les aînés lancent un appel pressant aux établissements d'enseignement en leur demandant d'encourager les jeunes à assumer la responsabilité de la préservation de la langue. Il est important de reconnaître que les jeunes ont besoin d'avoir accès à une aide financière suffisante pour les assister dans leur cheminement linguistique, de sorte qu'ils puissent apprendre, utiliser et promouvoir leurs langues.
Par l'entremise du projet de loi à l'étude, le gouvernement du Canada s'engage à appuyer les efforts des Autochtones en vue de se réapproprier leurs langues, de les revitaliser, de les préserver et de les maintenir vivantes par divers moyens, notamment par la mise en oeuvre de mesures qui faciliteraient l'allocation de financement.
Un rapport récent publié par le First Peoples' Cultural Council, intitulé « Reconnaissance, préservation et revitalisation des langues autochtones », déclare:
L’énergie de la jeunesse constitue un puissant facteur de motivation pour la revitalisation linguistique et il faut l’encourager.
Il faut encourager les jeunes à s'approprier leur langue, car ils représentent l'avenir de notre pays et c'est sur eux que repose l'avenir des langues autochtones.
En 2016, le Canada adoptait officiellement la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui affirme ceci:
Les peuples autochtones ont le droit de revivifier, d’utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur histoire, leur langue, leurs traditions orales, leur philosophie, leur système d’écriture et leur littérature, ainsi que de choisir et de conserver leurs propres noms pour les communautés, les lieux et les personnes.
La Déclaration prévoit également ceci:
Les États, en concertation avec les peuples autochtones, prennent des mesures efficaces pour que les autochtones, en particulier les enfants, vivant à l’extérieur de leur communauté, puissent accéder, lorsque cela est possible, à un enseignement dispensé selon leur propre culture et dans leur propre langue.
Le projet de loi reconnaît la nécessité urgente de soutenir les efforts des peuples autochtones qui souhaitent se réapproprier leur langue, la revitaliser, la soutenir et la renforcer. Il faut soutenir les jeunes Autochtones et tous les peuples du Canada dans leurs efforts de réappropriation de leur langue. Les communautés autochtones travaillent assidûment à revitaliser les langues des Premières Nations, les langues inuites et les langues métisses et à se les réapproprier et il est important de reconnaître leurs efforts. Le rôle des aînés et des gardiens de la langue est également très important pour la survie des langues des peuples autochtones au Canada et l'importance de leurs efforts ne doit pas être sous-estimée.
Il faut mettre en oeuvre de toute urgence ce projet de loi afin d'offrir le soutien nécessaire aux Autochtones avant que les locuteurs des langues autochtones ne disparaissent. J'invite tous les députés à respecter et à rendre honneur au dynamisme et à la persévérance des jeunes Autochtones en adoptant rapidement le projet de loi.
Je conclurai en rappelant aux députés que ce projet de loi a déjà trop tardé. Nous devons continuer à souligner l'importance de la revitalisation des langues autochtones et de leurs retombées inestimables sur les jeunes Autochtones, les communautés autochtones et les Canadiens. Il faut faire vite; nombre de langues autochtones en dépendent.