Madame la Présidente, j'ai l'honneur de parler de la motion portant sur les amendements que le Sénat propose d'apporter au projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures.
Comme bien des députés le savent, ce projet de loi a été présenté en juin 2017, c'est-à-dire il y a presque deux ans. J'estime donc qu'il est temps de l'adopter si nous voulons mieux protéger les milieux marins fragiles.
Aujourd'hui, de nombreux députés d'en face ont exprimé leur opposition à ce que le projet de loi soit adopté le plus rapidement possible, et ce, même s'il y a déjà eu neuf jours de débats à la Chambre, que le comité des pêches de la Chambre des communes s'est déjà réuni neuf fois à ce sujet et le comité sénatorial, huit fois. Pendant tout le temps qu'il a fallu pour nous rendre à cette étape-ci du processus législatif, nous aurions pu instaurer des mesures de protection provisoires dans certains des écosystèmes marins les plus fragiles. Bien qu'il soit nécessaire de protéger l'environnement et malgré le fait que la population des quatre coins du Canada appuie cette mesure législative, on nous force à défendre un projet de loi qui permettrait tout simplement au gouvernement de protéger provisoirement les milieux marins. Je répète que la Chambre est saisie de ce projet de loi depuis près de deux ans.
La motion à l'étude aujourd'hui, présentée par le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, non seulement représente une approche sensée, mais témoigne aussi de la volonté du gouvernement de travailler avec les sénateurs. En effet, il y a un peu plus d'une semaine, la Chambre a reçu un message du Sénat proposant un amendement qui obligerait le ministre, avant de prendre un arrêté visant la protection provisoire, à rendre public l'emplacement géographique approximatif de la zone de protection marine et à procéder à une évaluation préliminaire de ce qui a besoin d'être protégé. Le sénateur Patterson a proposé un amendement supplémentaire qui exigerait qu'une consultation secondaire d'au moins 60 jours soit menée avant qu'un décret soit pris et que le ministère réponde à l'ensemble des commentaires et des questions dans un délai de 30 jours.
À première vue, ces changements semblent raisonnables. Dans l'ensemble, c'est vrai. C'est pour cette raison que ces mesures sont déjà plus ou moins requises au titre des lois existantes et de la version actuelle de la Loi sur les océans. D'ailleurs, les articles 29 à 33 décrivent explicitement les exigences en matière de consultations. Sous la rubrique « Stratégie de gestion des océans », l'article 33 prévoit ceci:
33(1) Dans l’exercice des attributions qui lui sont conférées par la présente loi, le ministre:
a) coopère avec d’autres ministres et organismes fédéraux, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les organisations autochtones, les collectivités côtières et les autres personnes de droit public et de droit privé intéressées, y compris celles constituées dans le cadre d’accords sur des revendications territoriales;
b) peut conclure des accords avec d’autres ministres ou toute personne de droit public ou de droit privé;
c) recueille, dépouille, analyse, coordonne et diffuse de l’information;
De plus, il est facile d'accéder aux renseignements tels que l'emplacement géographique et toute autre information pertinente puisque le site d'intérêt correspond à la première étape du processus de désignation d’une zone de protection marine permanente. Cela signifie que nous disposons déjà d’un processus qui fournit l’information visée par l’amendement que propose le Sénat. Je vais donner un exemple aux députés.
Le gouvernement consulte actuellement les intervenants, la collectivité et les groupes autochtones au sujet de la création d’une zone de protection marine dans le secteur du Groupe Rocher Race, un site d’intérêt. Cette zone de protection marine n’a pas encore été désignée, mais les gens peuvent aller sur le Web dès aujourd’hui pour connaître l’emplacement géographique proposé. Cette zone se situe à 17 kilomètres au sud-ouest de Victoria, en Colombie-Britannique, dans le détroit de Juan de Fuca, et comprend neuf îlots. Le site d’intérêt s’étend sur une superficie d’environ deux kilomètres carrés. En ligne, on trouve également un lien vers un rapport de 2011 qui contient un survol et une évaluation de l’écosystème.
Encore une fois, il s’agit là d’un exemple de la transparence et de l’ouverture dont fait déjà preuve le gouvernement, comme l’exige la Directive du Cabinet sur la réglementation. En outre, cela démontre bien à quel point l’amendement du Sénat est redondant.
Sous la rubrique « Principaux objectifs et approche », vous trouverez une autre information intéressante sur le site d'intérêt du Groupe Rocher Race. On peut y lire: « Le 1er septembre 1998, le Groupe du Rocher Race a été annoncé par le ministre de Pêches et Océans Canada. L’objectif de la zone de protection marine proposée du Groupe Rocher Race est de conserver et de protéger la biodiversité et la fonction écosystémique de la zone. »
L'annonce concernant le site d'intérêt remonte à 1998, soit à plus de 20 ans. Après avoir entendu dire que l'établissement d'une zone de protection marine prend de 7 à 10 ans, il semble pour le moins étonnant qu'une zone ayant été déclarée d'importance écologique il y a plus de 20 ans n'ait bénéficié d'aucune protection provisoire faute de mécanisme.
C'est pourquoi nous débattons aujourd'hui du projet de loi C-55. Celui-ci permettra de créer les mécanismes nécessaires. Il permettra également de protéger des zones de façon provisoire, en attendant qu'une décision soit prise quant à leur désignation permanente.
Je souligne qu'il ne s'agit pas d'un raccourci. En moyenne, il faut de sept à dix ans pour désigner une zone de protection marine. En moyenne, il faut deux ans pour établir des sites d'intérêt. S'il faut compter cinq ans pour assurer la protection permanente d'une zone protégée de façon provisoire, le délai passera donc d'une période variant entre sept à dix ans à sept ans. Le processus de désignation continue d'être rigoureux et solide.
J'aimerais aussi parler de la partie de l'amendement du sénateur Patterson qui porte sur une autre période de consultation. Soyons clairs: les consultations sont la pierre angulaire du processus de désignation des zones de protection marine. Même après la publication d'un arrêté de protection provisoire, les consultations approfondies se poursuivraient.
L'amendement du sénateur Patterson aurait pour effet de créer un processus de consultation secondaire, qui exigerait un délai supplémentaire de 90 jours avant qu'un arrêté de désignation provisoire puisse être pris. Ce délai additionnel irait à l'encontre de l'objet même du projet de loi, qui consiste à appliquer le principe de précaution et d'assurer une protection plus rapide aux zones qui sont déjà réputées comme étant importantes sur le plan écologique, alors que les consultations se poursuivent en vue de les désigner de façon permanente.
Pour ces raisons, le gouvernement a proposé un amendement qui tient compte de l'objet de l'amendement apporté à l'autre endroit, tout en respectant les buts et les objectifs du projet de loi. Le gouvernement sait gré à l'autre endroit du débat rigoureux qu'il a tenu sur ce projet de loi et il est heureux d'appuyer cet amendement, qui n'aurait pas été proposé s'il n'avait pas reçu de message du Sénat et s'il n'avait pas été informé des préoccupations soulevées par les régions.
Je crois qu'il est temps d'aller de l'avant avec ce projet de loi.