Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec la députée de Salaberry—Suroît.
Je suis très heureux de prendre la parole aujourd’hui pour débattre d’une motion réclamant une déclaration d’urgence climatique du Canada. Il est très important de déclarer une urgence climatique. C’est un appel à tous de travailler ensemble de toute urgence pour relever le plus grand défi auquel notre pays a été confronté depuis la Seconde Guerre mondiale et peut-être le plus grand défi de l’histoire de l’humanité. J’appuierai la motion du gouvernement et j’essaierai de ne pas me lancer dans une polémique pour savoir qui a parlé en premier.
Une motion du NPD a rapidement été suivie de la motion du gouvernement. C’est une bonne idée. Malheureusement, le nouveau député du Parti vert a choisi de s’engager dans une polémique avant même d’arriver à la Chambre, s’attribuant le mérite de ce qui se passe ici. Je l’invite à se joindre à nous et j’accueille favorablement une motion semblable du Parti vert. Nous devons travailler ensemble au pays pour relever les défis que posent les changements climatiques.
Étant donné que les conservateurs viennent de proposer un amendement, je veux aborder cet amendement très rapidement.
Le député d’Abbotsford dit qu’il faut attendre le plan des conservateurs. Je suis un peu inquiet de leur plan, compte tenu de leur amendement d’aujourd’hui. Voici trois résultats qu’entraînerait leur amendement.
Premièrement, il éliminerait l’urgence climatique de la motion. Il supprimerait donc l’élément le plus important du débat qui se déroule actuellement à la Chambre, c’est-à-dire la reconnaissance du fait qu’il nous reste très peu d’années pour agir avant que les changements climatiques ne deviennent irréversibles et que leurs répercussions rendent la planète inhabitable.
Deuxièmement, on dit que l’activité humaine a un impact sur le climat. Et voilà que les conservateurs nient encore la source des changements climatiques. Nous savons que ces changements sont attribuables à l’activité humaine. Nous savons que nous sommes à l’origine de la hausse des températures et des grandes variations de notre climat. Par conséquent, comme nous sommes à l’origine de cette situation, nous pouvons faire quelque chose.
Le troisième résultat de l’amendement conservateur, c’est de blâmer tout le monde. On y met l’accent sur une action mondiale. Il va sans dire qu’il faut agir à l’échelle planétaire. Nous devons tous prendre des mesures pour relever ces défis. Toutefois, l’amendement conservateur met tout l’accent sur les autres et sur ce qu’ils doivent faire.
J’espère que le monde entier s’attaquera solidairement aux changements climatiques. Cela ne nous empêche pas de nous acquitter de nos responsabilités à la Chambre et par l’entremise du gouvernement.
On a beaucoup argumenté au sujet de qui avait été le premier, qui détenait le plus long historique ou le meilleur bilan. Je sais que des députés d’au moins deux des partis représentés ici, trois si l’on compte les partis non officiels, ont de solides antécédents en matière d’environnement. D’ailleurs, comme on a raconté des faussetés ces derniers temps dans ma circonscription au sujet de mon bilan en matière d’environnement, j’aimerais en parler un instant.
Quand j’étais étudiant, je me suis joint à mes camarades lors du premier Jour de la Terre, en 1970, pour bloquer la circulation en pleine heure de pointe. Ce jour-là, j’ai appris une très grande leçon. Nous avons provoqué l’ire de bien des gens, mais nous n’avons rien changé en fin de compte. J’ai alors appris qu’il vaut beaucoup mieux bâtir les coalitions dont on a besoin pour apporter les changements nécessaires.
La deuxième fois que je me suis mêlé de changements climatiques, c’est quand j’ai obtenu un emploi au sein d’un organisme appelé Pacific Peoples’ Partnership. Celui-ci est dirigé par des Autochtones et il établit des liens entre les peuples autochtones du Canada et ceux des îles du Pacifique. J’en suis devenu le directeur général en 1989. Les habitants des îles du Pacifique ont porté deux questions à notre attention en 1989, il y a 30 ans de cela. Il y a d’abord eu l’affaire du grand vortex de déchets du Pacifique constitué de produits plastiques dérivant dans cet océan. À cette époque, il avait une superficie énorme, de la taille de l’île de Vancouver, mais j’y reviendrai dans un instant.
La deuxième question que Pacific Peoples’ Partnership voulait que nous soulevions au Canada était celle du réchauffement planétaire, comme on disait à l’époque, qui menaçait l’occupation des îles du Pacifique, pas parce que les habitants allaient devoir apprendre à nager, comme on le dit souvent à la blague, mais à cause des menaces pesant sur les récifs coralliens, qui protègent les écosystèmes de ces îles. On constate maintenant que des récifs coralliens meurent partout dans le monde et que les ondes de tempête augmentent. Toutes les îles du Pacifique dépendent de poches d’eau douce situées sous les îles. À cause des ondes de tempête, les gens redoutent une invasion croissante de ces poches par l’eau salée, ce qui rendrait les îles inhabitables.
Comme je l’ai dit, c'était il y a 30 ans, lorsque j’ai commencé à travailler sur le dossier des changements climatiques. Nous avons organisé une tournée des écoles secondaires et j’ai publié une série d’articles mettant en garde contre les répercussions de ce que nous appelions alors le réchauffement planétaire.
J’ai été élu au conseil d’Esquimalt en 2010. Lors de la première réunion sur les mesures d’urgence, j’ai demandé ce que nous avions de prévu en cas de déversement de pétrole, parce que la côte est longue et magnifique à Esquimalt. On m’a répondu « rien ». J’ai été le premier représentant élu au pays à déposer une motion contre ce qui était alors le pipeline de Kinder Morgan.
La deuxième chose que j’ai réussi à faire au conseil, c’est de faire d’Esquimalt l’une des premières municipalités du pays à adopter des cibles de réduction des gaz à effet de serre fondées sur des données scientifiques. Les gens se demandaient alors ce que cela signifiait. Cela signifiait pour moi, et cela signifie toujours dans la politique d’Esquimalt, que nous devons adapter ces cibles en fonction de ce qui est nécessaire pour maintenir le réchauffement à 1,5 degré Celcius ou moins. Cela ne voulait pas simplement dire que c’est ce que nous devons faire, mais plutôt que nous devons en faire tant et suivre la situation et peut-être en faire plus avec le temps.
Lorsque je faisais une tournée des écoles secondaires il y a 30 ans, je n’imaginais pas vraiment que, tout d’abord, je deviendrais un jour député, mais qui plus est, que je serais ici à la Chambre lorsque le vortex de déchets du Pacifique serait non seulement plus grand que l’île de Vancouver, mais que la Colombie-Britannique et l’Alberta réunies. Aujourd’hui, les changements climatiques représentent clairement une menace pour notre survie et je ne pensais pas que je serais ici quand cela se produirait et que nous serions encore si loin de toute action efficace pour relever les défis qui en découlent.
C’est ce qui me déçoit dans la motion du gouvernement. Comme je l’ai dit, je suis heureux de l’appuyer, parce que tout ce qui nous rassemble pour lutter contre les changements climatiques est une bonne idée. Cependant, je n’aurais pas pu imaginer que c’est ce dont je parlerais ici, alors que des rapports démontrent qu’il y aura bientôt plus de plastique que de poissons dans les océans et que le Canada n’atteindra pas ses cibles de réduction des gaz à effet de serre établies à Paris, une réduction de 25 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, et qu’il ne les atteindra pas avant 200 ans avec les politiques actuellement en place.
Je vais appuyer la motion du gouvernement, malgré ce que j’appellerais des omissions. L’une des premières, selon moi, c’est qu’il n'y est pas question de réconciliation. Soit dit en passant, j’ai entendu les libéraux parler de notre motion et dire que si les subventions aux combustibles fossiles sont éliminées, les communautés autochtones éloignées seraient privées d’électricité. Rien n’est plus faux. Nous avons dit qu’un plan de lutte contre les changements climatiques doit accorder la priorité à la réconciliation, et cela veut dire s’occuper des communautés des Premières Nations les plus touchées par les changements climatiques qui nuisent à l’exercice de leurs activités traditionnelles et qui causent les inondations dont nous avons été témoins. Il ne faut pas oublier leur dépendance au carburant diésel, qui rend la vie très inabordable.
Prenons l'exemple de la Première Nation de T'Sou-ke, qui se trouve dans ma circonscription. Elle a atteint l'autosuffisance énergétique grâce à l'énergie solaire, et elle vend maintenant son électricité excédentaire au réseau. Quand nous disons qu'un plan de lutte contre les changements climatiques doit accorder la priorité à la réconciliation, cela signifie qu'il doit aider les Premières Nations à devenir autosuffisantes en énergie renouvelable, leur permettant ainsi de créer de bons emplois pour leur communauté.
La motion du gouvernement ne fait aucune mention de travailleurs ou d'emplois. Je crois fermement que nous ne pouvons pas obtenir la mobilisation collective requise dans le dossier des changements climatiques si nous adoptons des politiques qui laissent pour compte certaines régions du Canada, certaines communautés et certains groupes de travailleurs. Nous savons que nous disposons maintenant des moyens technologiques nécessaires pour assurer une transition très rapide vers une économie zéro carbone nette, ce qui favorisera la création à l'échelle nationale de bons emplois permettant de subvenir aux besoins d'une famille.
Le NPD a présenté certains des éléments de sa plateforme électorale, notamment la mise en oeuvre d'un programme d'amélioration du rendement énergétique visant à améliorer l'efficacité énergétique du parc d'immeubles et de logements du Canada. Cela créerait de bons emplois dans toutes les collectivités, des emplois nécessitant certaines compétences que possèdent déjà les employés de l'industrie pétrolière. Je pense notamment à l'énergie géothermique. Le travail dans ce secteur exige presque les mêmes compétences, notamment en matière de technique et de soudage, qui sont déjà utilisées dans le secteur pétrolier.
J'aimerais terminer en disant une fois encore combien il est important de déclarer l'état d'urgence climatique, car nous manquons tout simplement de temps pour changer. On n'en est plus à dire que ce n'est pas demain la veille. Nous avons été témoins d'immenses incendies de forêt partout au pays. Nous avons été témoins d'inondations massives. Nous sommes déjà au milieu de ce qu'on appelle la deuxième grande extinction. Un million d'espèces végétales et animales sont sur le point de disparaître, et les multitudes de vies dont notre existence même dépend seront détruites.
De nombreux Canadiens ont déjà pris des mesures, sur un plan individuel, pour réduire leur empreinte carbone. Ces mesures seules ne suffiront pas pour relever ces défis. Nous devons prendre rapidement et collectivement des mesures ambitieuses pour faire face au danger que représentent les changements climatiques. Nous devons déclarer l'état d'urgence climatique et concevoir un plan pour remédier à la situation le plus vite possible.