Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur de prendre la parole aujourd'hui et d'ajouter ma voix à ce débat au sujet de la motion du gouvernement qui vise, entre autres, à déclarer enfin que le Canada est en situation d'urgence climatique.
Il est très intéressant que la motion du gouvernement arrive aussi rapidement après celle du NPD, que nous avons étudiée hier et que les libéraux ont rejeté aujourd'hui parce qu'ils souhaitaient rédiger leur propre motion, formulée dans des mots plus modérés. Quoi qu'il en soit, je suis content que nous portions attention à ce dossier très urgent.
Il est indéniable que les changements climatiques sont réels. Ils sont causés par l'homme et nous devons l'admettre. Oui, notre climat a évolué bien des fois au cours de l'histoire de la Terre, mais il n'a jamais changé aussi rapidement qu'en ce moment. C'est attribuable au fait que nous rejetons dans l'atmosphère des gaz à effet de serre qui atteignent de telles concentrations que cela entraîne des conséquences désastreuses pour le fonctionnement des processus naturels de notre planète. Si nous poursuivons ainsi, nous sommes en voie d'atteindre un réchauffement de 4 à 6 degrés Celsius d'ici l'an 2100. Cela peut sembler insignifiant. Or, les conséquences seraient cataclysmiques.
Je me souviens avoir organisé une assemblée publique afin de définir une stratégie nationale sur l'énergie propre. Nous nous étions penchés sur différents scénarios par rapport au réchauffement de la planète: un réchauffement de 1 degré Celsius, de 2, 3 ou 4 degrés. Lorsqu'on analyse les répercussions d'une hausse de 3 ou 4 degrés Celsius, on parle de la disparition de pays insulaires. Le Bangladesh serait ainsi rayé de la carte. De nombreuses régions sur la côte Est américaine seront inondées. L'État de la Floride et l'État de la Louisiane vont disparaître. La crise des réfugiés actuelle est grave, mais nous n'avons encore rien vu; de 800 millions à 1 milliard de personnes pourraient être forcées de se déplacer.
Dans ma province, la Colombie-Britannique, les coûts économiques sont réels; le budget consacré aux feux de forêt continue chaque année de vider un peu plus les coffres de la province. Une collègue a parlé des coûts des assurances. Certains des biens immobiliers les plus prisés au pays se trouvent à Vancouver. L'aéroport international de Vancouver se situe au bord de l'océan, et jouxte le fleuve Fraser. Lorsque la crue des eaux du fleuve Fraser se conjuguera à l'élévation du niveau de l'océan, combien va nous coûter la préservation de ce terrain? Les changements climatiques entraînent des coûts économiques réels.
En mars, dans ma circonscription, la rivière Cowichan, qui est l'une des quatre rivières du patrimoine canadien en Colombie-Britannique, était à 30 % de son niveau habituel. Je peux compter sur les doigts d'une main le nombre de fois qu'il a plu sur l'île de Vancouver en mars, alors qu'il pleut habituellement tous les jours durant ce mois. Cela présente un risque pour le saumon sauvage, qui dépend évidemment de ce cours d'eau pour frayer.
Les répercussions sont donc bien réelles. C'est ce qui est frustrant. Dans le débat d'aujourd'hui, j'ai l'impression que nous mettons uniquement l'accent sur ce que coûtent à la population canadienne les mesures de lutte contre les changements climatiques, à savoir la taxe sur le carbone et les améliorations pour assurer la transition vers un avenir à faibles émissions de carbone. Toutefois, tous ces coûts sont minimes comparativement aux coûts économiques liés à l'inaction. Selon certaines estimations, les coûts associés aux changements climatiques pourraient représenter jusqu'à 10 % du PIB mondial. Ici, on ne parle pas de milliards de dollars, mais bien de billions de dollars.
La motion d'aujourd'hui, qui a été présentée par les libéraux, va dans le même sens que celle dont nous avons débattu hier, mais présente quelques différences importantes. Premièrement, la motion d'aujourd'hui ne mentionne pas que le gouvernement libéral continue de subventionner le secteur pétrolier et gazier à raison de milliards de dollars par année. Monsieur le Président, imaginons si nous mettions fin à ces subventions et les réinvestissions dans l’économie du futur, axée sur l’énergie renouvelable. L'acquisition de l'oléoduc Trans Mountain nous a coûté 4,5 milliards de dollars, et ce chiffre pourrait grimper à 11 milliards de dollars si les libéraux parviennent à réaliser leur projet d'expansion. Nous aurions pu injecter cet argent dans l'économie axée sur l'énergie renouvelable, économie qui, soit dit en passant, emploie maintenant de plus en plus de Canadiens, notamment des travailleurs des sables bitumineux.
Il existe une incroyable organisation de travailleurs des sables bitumineux appelée Iron and Earth. Elle regroupe notamment des soudeurs, des tuyauteurs et des électriciens, qui affirment avec passion détenir tous les savoir-faire nécessaires pour assurer la transition vers une économie axée sur l’énergie renouvelable, car ils savent que c’est là que réside notre avenir.
Ce changement nous sera imposé d’une façon ou d’une autre. Par conséquent, nous devons faire un choix: soit nous nous contentons de réagir à ce changement qui nous est imposé, soit nous saisissons l’occasion qui s’offre à nous et investissons dès maintenant dans l’économie du futur, axée sur l’énergie renouvelable.
C’est possible. Il nous faut juste la volonté politique de le faire. Nous avons déjà la technologie. Chaque jour, dans ma circonscription, je vois de plus en plus de voitures électriques. Je vois plus de panneaux solaires sur les toits. Nous disposons d’une technologie qui permet la production d’énergie marémotrice, en plus de l’énergie éolienne, de l’énergie solaire et de la géothermie. Tous ces dispositifs, combinés à nos installations hydroélectriques existantes, peuvent produire l’électricité dont nous avons besoin. La durée de vie des piles s’améliore d’année en année. La technologie est là. Nous devons simplement avoir la volonté politique de l’exploiter et de nous assurer que tout cela se fait en synergie, car, ultimement, il nous faut produire davantage d’électricité. Il est possible de le faire de façon propre et renouvelable.
Cela va prendre un effort absolument herculéen, un effort comparable à l'effort déployé par notre pays lors de la Seconde Guerre mondiale. Nous avons demandé à des femmes de travailler dans des usines alors que c'était chose peu courante auparavant. Nous avons en gros réoutillé toute l'économie en fonction de l'effort, de guerre de sorte qu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, notre pays avait la troisième marine en importance du monde. Nous avions beaucoup de militaires et des tonnes de matériel parce que nous nous étions unis pour une cause. Le combat actuel va nécessiter exactement le même type d'effort qui fera appel à une collaboration entre le gouvernement et le secteur privé, qui travailleront ensemble pour atteindre un objectif commun. Nous devons faire ce genre d'investissement.
Dans ce débat, les gens aiment dire que les émissions du Canada ne représentent qu'une petite fraction de la moyenne mondiale. Je suis d'accord là-dessus. Toutefois, notre contribution à la Seconde Guerre mondiale représentait un petit pourcentage. Cela ne nous a pas empêchés de participer au combat avec nos alliés, d'unir nos efforts. Le Canada n'a pas cessé d'envoyer des soldats parce qu'il pensait que sa contribution serait insignifiante. Non. Nous avons été de la partie du tout début jusqu'à la fin, en 1945. C'est le type d'effort que nous devrons faire: travailler tous ensemble en reconnaissant que le problème existe bel et bien.
Il existe des exemples. Dans l'État de Washington, juste au sud d'où je vis, le gouverneur Jay Inslee vient d'annoncer le plan économique Evergreen. Il a créé une banque verte qui disposera de 90 milliards de dollars. C'est l'un des plans les plus ambitieux jamais lancés aux États-Unis. On déploiera des efforts généralisés, notamment en rénovant des maisons pour les rendre plus éconergétiques, en s'assurant que le réseau électrique de l'État de Washington repose entièrement sur les énergies renouvelables et en instaurant un très grand nombre d'incitatifs pour que les gens achètent des voitures électriques. On peut l'appeler le plan économique Evergreen, le nouveau pacte vert, ou peu importe. Je crois que nous parlons tous de la même chose. En tant que député néo-démocrate, c'est exactement ce que je veux que nous fassions parce qu'il nous reste très peu de temps. Le temps file. Nous devons atteindre un point où les émissions du Canada diminuent considérablement année après année et nous n'en sommes pas là actuellement.
Comme beaucoup d'autres députés, ce sujet me touche personnellement. J'ai trois filles: des jumelles de 6 ans et une autre fille de 19 mois. Je me demande bien quel monde nous allons leur laisser.
Le moment est désormais venu de mettre nos différences de côté et de prendre conscience que nous avons le pouvoir d'agir. Je sais que, pour certains conservateurs, ce ne sont que de belles paroles vertueuses, mais vides, mais c'est faux. Si nous voulons commencer à agir concrètement, il faut d'abord admettre qu'il y a un problème, et qu'il est urgent. Cela dit, si nous ne voulons pas demeurer dans les discours rhétoriques, il faut aussi passer à l'action et adopter une série de mesures aussi vigoureuses que concrètes. C'est faisable. Nous avons les ressources humaines, nous avons les compétences et nous avons les moyens technologiques. Il ne manque que la volonté d'agir. La Chambre des communes doit montrer à tous que les élus considèrent cette question avec tout le sérieux qu'elle mérite.
Toute une génération d'élèves du secondaire compte sur nous. Ces jeunes font la grève tous les vendredis. Relevons leur défi, montrons-leur que nous sommes à la hauteur de leurs attentes, retroussons nos manches et déployons tous les efforts possibles pour cette cause qui mérite d'être soutenue.