Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec le député d'Edmonton-Centre.
J'aimerais profiter de l'occasion pour rappeler à la Chambre l'importance d'une presse libre et indépendante pour une saine démocratie. Je ne le dirai jamais assez: une presse bien portante et indépendante constitue l'une des pierres d'assise de toute démocratie. Toutefois, la presse est en danger, ce qui représente un risque pour nous tous.
Au Canada et ailleurs dans le monde, l'industrie des médias d'information lutte pour sa survie. Elle est au bord de l'asphyxie, étant donné la diminution constante des revenus publicitaires et, plus récemment, la façon radicalement différente dont les gens consomment les nouvelles. Nous devons nous sortir la tête du sable, car ces changements viendront éroder notre processus démocratique avant longtemps.
J'ai moi-même été témoin de ce qui arrive dans des régimes autoritaires lorsqu'on empêche la presse de se faire entendre: les minorités sont ignorées ou, pire, punies en raison de ce qu'elles sont, on empêche les opposants au gouvernement de parler ou on les réduit au silence, et les gens vivent dans la peur de ce que le gouvernement peut leur faire. Ce n'est pas un monde dans lequel les Canadiens, moi y compris, veulent vivre.
La crise que traversent les médias canadiens a atteint un sommet dans les dernières années: on ne compte plus les mises à pied, des journaux autrefois forts et dynamiques ont fermé les uns après les autres et de nombreuses villes et localités se sont retrouvées sans journalistes locaux ni organes de presse. Depuis 2009, les quotidiens et les journaux communautaires ont dû composer avec une baisse de 48 % des revenus publicitaires. La moitié de leurs revenus se sont tout simplement volatilisés en 10 petites années. Toutes les industries auraient de la difficulté à se relever de ce genre de pertes.
Pas plus tard que la semaine dernière, le Hamilton Spectator a annoncé qu'il mettra fin à ses activités d'impression et aux opérations de la salle du courrier et qu'il allait probablement vendre son immeuble. On parle de la perte de 73 emplois à temps plein et de 105 emplois à temps partiel dans la région. Ce qui est tout aussi troublant, c'est la disparition du contenu local dans un marché médiatique d'envergure.
L'histoire ne s'arrête pas là. Partout dans le monde, les gens ont changé leur façon de s'informer. L'apparition des médias sociaux et des téléphones cellulaires a complètement bouleversé les marchés traditionnels. Les Canadiens n'attendent plus leur journal du matin, structuré et révisé par des pairs, pour prendre connaissance des nouvelles de la journée. De plus en plus de gens comptent sur les médias sociaux — Facebook, Twitter, Google, et j'en passe — pour se tenir au courant. Toutefois, ces plateformes ne respectent pas du tout les mêmes normes que les médias d'information. La vérification des renseignements, la recherche et la fiabilité des sources ont été mises de côté pour obtenir rapidement des clics ou dans un but qui n'est pas toujours noble. Ces plateformes n'ont tout simplement ni les ressources ni l'expertise nécessaires pour faire des reportages fouillés qui obligent les sociétés, les organismes et les gouvernements à rendre des comptes.
Nous savons que la tribune de la presse à Ottawa compte de moins en moins de membres et qu'elle n'est qu'une fraction de ce qu'elle a déjà été. Elle n'a plus les ressources pour contester le gouvernement et l'opposition comme elle le faisait auparavant.
Étant donné que les géants du Web offrent gratuitement de l'information, les Canadiens n'hésitent pas à se désabonner des médias d'information. Non seulement les médias d'information ont vu leurs recettes publicitaires, qui constituent en soi une partie importante de leur modèle de revenus, chuter considérablement, mais ils ont dû aussi faire concurrence à de nouveaux joueurs dans l'industrie qui ne suivent pas les mêmes règles. Étant donné que ces entreprises sont aux prises avec de nombreuses difficultés, il ne leur reste que deux options: tenter de s'adapter ou fermer carrément boutique. Malheureusement, il semble qu'elles choisissent la deuxième option.
Cela ne se limite pas aux quotidiens. Les journaux communautaires, un essentiel pour nos quartiers et une source d'information cruciale pour les collectivités canadiennes, sont aux prises avec les mêmes problèmes. Depuis 2009, 32 % des quotidiens et 19 % des journaux communautaires ont cessé leurs activités. Ceux qui restent ont dû s'adapter, une dure réalité. Compressions de personnel, diminution des tirages et fusions sont quelques-unes des solutions auxquelles les journaux ont dû se résigner pour survivre.
Toutes ces disparitions et réorganisations de journaux ont eu un énorme effet sur les emplois au Canada. Depuis 2006, près du quart de l'effectif des journaux a été mis à pied, ce qui représente presque 10 000 emplois. Au cours des trois dernières années seulement, ce sont plus de 600 emplois qui ont disparu dans ce domaine, ce qui veut dire que les Canadiens ne reçoivent plus l'information dont ils ont besoin pour faire fonctionner leur pays, leur province ou leur ville. Les procès ne sont plus couverts et il n'y a plus d'information sur les conseillers en place ni sur les quartiers. Les gens ne sont plus au courant de ce qui se passe dans leur quartier. Dans le meilleur des cas, un bref article sera parfois publié dans un grand journal. Cette situation nous fait du tort à tous.
Avec un cycle de nouvelles de 24 heures et une quantité infinie d'informations à portée de la main, il semble étrange que des millions de Canadiens ne puissent pas savoir ce qui se passe au coin de la rue.
Comment pouvons-nous, en tant que Canadiens, faire les bons choix concernant nos gouvernements lorsque nous ne savons même pas ce qui se passe? Comment peut-on résoudre un problème si on ne sait pas qu'il existe?
Comme moins de nouvelles exactes sont publiées, les fausses nouvelles se répandent encore plus rapidement, sans parler du fait qu'il y a des gens et des organisations qui essaient de profiter des Canadiens en les bombardant quotidiennement de ces fausses nouvelles. Le mouvement antivaccination et l'idée selon laquelle la terre est plate ont pris de l'ampleur parce que les milieux des fausses nouvelles répandent de l'information qui n'a pas été analysée de façon critique. La menace des fausses nouvelles se répandant comme une traînée de poudre pèse constamment sur de nombreux pays, dont le Canada, et elle est aggravée par le manque de journaliste pouvant obliger les gens à rendre des comptes.
C'est pour cette raison que le gouvernement libéral estimait qu'il fallait agir. Notre investissement de 595 millions de dollars sous forme de crédits d'impôt dans les médias canadiens sur les cinq prochaines années va contribuer à remettre l'industrie des médias sur pied au pays. Le gouvernement a créé un groupe qui comprend non seulement des éditeurs, mais aussi des journalistes et d'autres travailleurs du secteur. Ce groupe comprend des représentants des médias francophones et des médias ethniques.
Les Canadiens ont le droit de savoir ce qui se passe au pays et à l'étranger, mais il semble que les députés conservateurs aient encore une dent contre les journalistes et contre la vérité. Je ne peux pas parler au nom des autres députés, mais, pour ma part, j'ai rencontré beaucoup de journalistes et aucun n'est influençable ou ne peut être acheté par un gouvernement, mais les conservateurs veulent suivre la voie pavée par Doug Ford et ils tentent de nous convaincre que les journalistes sont nos ennemis. Les employés du parti ont affirmé, au sujet des médias, qu'ils allaient « viser la jugulaire ».
L'opposition est encore déconnectée d'avec les Canadiens. Les journalistes et les médias jouent un rôle fondamental au pays. Les Canadiens le savent et les conservateurs aussi devraient le savoir. Traiter les journalistes de fossiles, c'est leur manquer de respect et c'est manquer de respect envers les Canadiens. Les députés d'en face continuent de s'imaginer qu'ils sont entourés d'ennemis et qu'il y a des complots partout. Bientôt, ils voudront qu'on cloue les avions au sol en raison des traînées chimiques ou ils nous diront que les scientifiques se concertent pour les attaquer.
Deux principes fondamentaux ont guidé l'élaboration de ces politiques: premièrement, les mécanismes de soutien de l'industrie de l'information doivent être indépendants du gouvernement du Canada; deuxièmement, ces mécanismes doivent soutenir la création de contenu original.
En conclusion, il ne fait aucun doute que le gouvernement est responsable d’assurer la santé de la démocratie. Je suis fier d’être membre d’un parti convaincu qu’il est nécessaire d’investir dans les gens, contrairement au parti d’en face, qui veut rester les bras croisés ou pire encore, qui envisage de faire des compressions dans notre industrie de l’information.
Le gouvernement s’est lancé à l’action pour régler les problèmes auxquels se heurtent les médias canadiens. Nous sommes convaincus de la nécessité d’investir dans cette industrie et de la soutenir pour que les Canadiens soient adéquatement informés. Nous avons lancé ces initiatives parce que nous reconnaissons que la force et l’indépendance de la presse sont des éléments vitaux de la santé de la démocratie. Nous devons préserver l’indépendance de la presse sur toutes les plateformes. À l'ère des fausses nouvelles, qui se répandent sans aucune restriction, l'aide financière que nous accorderons garantira aux Canadiens un accès aux informations fiables dont notre pays a besoin.
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.