Monsieur le Président, je prends la parole aujourd’hui pour m’opposer à la motion de l’opposition conservatrice dont nous débattons.
Ces dernières années, j’ai eu l’occasion de réfléchir très sérieusement à la meilleure façon d’appuyer les médias. Je suis membre du Comité permanent du patrimoine canadien. L’une de nos premières études portait en fait sur les médias locaux. Il s’agissait d’une étude approfondie où nous avons vraiment examiné ce qui devrait être fait. Nous avons entendu des représentants des médias de partout au pays, des syndicats, des employés et des propriétaires d’entreprise. Ils nous ont tous parlé de la nécessité d’avoir des médias locaux dynamiques partout au pays.
Je tiens à remercier celle qui était la présidente du Comité à l’époque, la députée de Vancouver-Centre, qui nous a guidés tout au long de l’étude. Nous avons formulé 20 recommandations. Parmi celles-ci, il y avait les mesures qui se sont retrouvées dans le budget de 2019 pour modifier la Loi de l’impôt sur le revenu afin de permettre aux fondations médiatiques à but non lucratif d’obtenir le statut d’organisme de bienfaisance et les crédits d’impôt. Il est bien de voir le travail qui se fait en comité et la façon dont cela peut se traduire en politiques futures.
De plus, durant cette étude, le Forum des politiques publiques a publié un rapport intitulé « Miroir éclaté ». Il est intéressant de noter que, dans le rapport, le Forum des politiques publiques a recommandé d'« examiner les règles d’utilisation équitable de la Loi sur le droit d’auteur pour renforcer les droits des producteurs d'information à contrôler leur propriété intellectuelle ». Le rapport renfermait aussi certaines des recommandations que notre comité a formulées dans son propre rapport. Il est intéressant de constater que le rapport « Miroir éclaté » reflétait le travail futur du Comité. Je suis maintenant présidente du Comité. Nous avons également étudié les règles sur le droit d’auteur et formulé des recommandations à ce sujet.
Le journal est livré chez moi tous les jours. C’est drôle, mais je lisais le journal et je réfléchissais à ce que nous allions dire au cours du débat. Il ne s’agit pas d’un fossile. Les journaux ne sont pas des fossiles. Ils sont un moyen pour les Canadiens d’obtenir des nouvelles fiables. Ils ont un rôle important à jouer dans la sensibilisation civique et l’information que reçoivent les Canadiens. Peu importe la taille des villes et des villages dans lesquels nous vivons, peu importe les distances qui nous séparent des grands centres urbains, nous dépendons des nouvelles locales importantes pour prendre des décisions, pour voir comment nous concevons le monde, la planète et nos localités.
Aujourd’hui, les Canadiens dépendent encore des journaux et d’autres médias d’information. Nous venons tout juste de changer une bonne partie de notre approche. Comme je l’ai mentionné, je lisais un journal en format papier ce matin, mais de plus en plus de gens passent d’un article à l’autre sur leur écran au lieu de passer d’une page à l’autre. En fait, les Canadiens sont parmi les citoyens les plus engagés et les mieux informés au monde. Nous devrions en être fiers.
Dans les enquêtes internationales, comme le fameux bulletin de nouvelles numérique de l’Institut Reuters, le Canada se classe parmi les meilleurs au chapitre de la consommation et de la confiance dans les sources d’information. Par exemple, en 2018, le Canada se classait au cinquième rang sur 37 pays ayant fait l’objet d’un sondage de confiance à l’égard des nouvelles que les gens lisaient. Plus important encore, ces chiffres continuent de grimper au Canada. La confiance a augmenté de 9 % par rapport à l’année précédente. Le sondage a également montré qu’une majorité de Canadiens, 60 % pour être précise, s’inquiètent des vraies et des fausses nouvelles propagées dans Internet. C’est vraiment important. Les Canadiens veulent s’assurer de recevoir des nouvelles qui sont vraies, alors que toute la question des fausses nouvelles est devenue un peu préoccupante.
Une autre mesure bien connue de la confiance dans les nouvelles est le baromètre international de confiance Edelman. Cette enquête annuelle confirme les résultats de l’enquête sur la confiance à l'égard des médias numériques d’actualité. Il y a eu une hausse de 8 % du nombre de Canadiens interrogés qui ont déclaré avoir confiance dans l’industrie de l’information. Les médias traditionnels, comme les journaux, se sont classés au premier rang, avec un niveau de confiance de 71 %, tandis que les médias sociaux se sont classés au dernier rang, avec 31 % de la confiance des Canadiens. Plus important encore, 21 % plus de Canadiens consomment régulièrement des nouvelles comparativement à l’année précédente. De toute évidence, le monde est de plus en plus confronté à la désinformation et aux robots des médias sociaux, et les Canadiens comptent de plus en plus sur des agences de presse dignes de confiance pour produire des reportages honnêtes et indépendants sur les enjeux du jour.
Le défi auquel sont confrontés ces médias n’est pas lié à la confiance, mais plutôt à la façon dont nous consommons nos nouvelles. Le modèle économique a été radicalement modifié. C’est ce que nous disent les créateurs de toute l’industrie. Aujourd’hui, lorsque nous parlons de nouvelles, nous parlons d’un virage massif vers la consommation de nouvelles en ligne.
Aujourd’hui, seulement 9 % des Canadiens paient pour les nouvelles en ligne, selon un sondage auprès des journalistes. Le Canada se classe 27e sur 37 pays sondés à cet égard. Il reste beaucoup à faire pour encourager les abonnements en ligne, et c’est ce qui est si intéressant dans les mesures prises. L’énoncé économique de l’automne 2018 comprend des mesures visant précisément à encourager les Canadiens à s’abonner aux bulletins de nouvelles en ligne. L’énoncé traitait directement de ce changement.
Dans ce type de modèle, qui prévoit des mesures pour encourager les Canadiens à s’abonner, le choix de s’abonner ou non appartient à chaque Canadien. Ils ont encore le choix. Certains médias sont plus conservateurs et certains ont appuyé le parti de l’opposition au cours des quatre derniers exercices, alors que d’autres sont plus progressistes. C’est aux Canadiens de choisir celui auquel ils veulent s’abonner. C’est le modèle qu’on leur offre.
Nous accordons également des crédits d’impôt à ces entreprises d’information pour couvrir le coût de l’emploi de journalistes professionnels. C’est important. Ces journalistes doivent pouvoir bénéficier d'une forme de soutien. Ces crédits d’impôt sont offerts à toutes les entreprises journalistiques qualifiées de l’industrie de l’information, quel que soit la portée ou l’angle de leurs reportages.
Comme l’ont dit d’entrée de jeu le premier ministre et le ministre du Patrimoine canadien, toute action gouvernementale à l’appui des médias d’information reposera sur le principe du respect de l’indépendance de la presse. C’est pourquoi nous mettons sur pied un groupe d’experts indépendants chargé de donner des conseils sur les critères qui devraient être appliqués pour établir l’admissibilité des entreprises journalistiques.
Afin d’assurer l’indépendance du groupe par rapport à toute influence gouvernementale, on a demandé à huit organisations non gouvernementales de fournir le nom d’une personne qui, à leur avis, possède les qualifications et l’expertise nécessaires pour contribuer aux travaux du groupe. Chacune de ces huit organisations représente une partie de l’industrie de l’information.
Quatre d’entre eux représentent les propriétaires et les éditeurs des médias d’information: News Media Canada, qui représente les quotidiens, les journaux communautaires et les sources d’information en ligne; le National Ethnic Press and Media Council of Canada, qui représente la presse multiculturelle et multilingue; la Quebec Community Newspapers Association, qui représente les journaux de langue anglaise au Québec; et l’Association de la presse francophone, qui représente les médias de langue française des autres provinces et territoires.
Les quatre autres représentent des journalistes et des employés, qui ont également un intérêt important et un rôle vital dans l’avenir de l’industrie de l’information. Il s’agit de l’Association canadienne des journalistes, de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, de la Fédération nationale des communications et d’Unifor, qui représente plus de 10 000 employés du secteur des médias d’information.
L’objectif est d’entendre la voix de tous les professionnels du secteur, c’est-à-dire les employeurs, les éditeurs, les communautés de langues officielles, les médias ethniques, les grandes et petites organisations, les pigistes et les blogueurs. Nous ne voulons pas seulement des PDG autour de la table; nous voulons une diversité d’opinions.
Il est clair que l’opposition conservatrice joue un jeu politique avec le journalisme et l’information au Canada, au détriment de notre démocratie. C’est ce qu’elle a l’habitude de faire. En 2015, malgré les objections du personnel et des employés, les conservateurs de Stephen Harper ont déployé des efforts particuliers pour que les journaux de Postmedia partout au Canada les appuient. Le Parti conservateur a aussi acheté la première page de ces journaux dans les jours qui ont précédé les élections de 2015, induisant délibérément les Canadiens en erreur en leur faisant croire que la publicité d’un parti politique était du journalisme. Ce n’est pas ainsi que fonctionne une presse indépendante.
Il est évident que les conservateurs, peu importe les arguments humanitaires et démocratiques convaincants en faveur du soutien de notre secteur de l’information en difficulté, continueront de faire de la petite politique avec ce sujet.
C’est pourquoi je m’oppose à cette motion. Je vais me concentrer, avec la Chambre, sur les enjeux importants pour les Canadiens. Nous devrions et pourrions débattre de bien d'autres enjeux. Le fait de discuter de la composition de ce groupe ne représente pas une utilisation judicieuse du temps dont nous disposons.