Monsieur le Président, j'entends le député de Kingston et les Îles piailler dans ma direction. Je sais qu'il n'aimera pas le reste de mon discours sur le plan de sauvetage du gouvernement pour les médias. Il ne l'aimera pas, mais il pourra toujours me poser des questions par la suite.
La motion doit ses origines à deux anciens journalistes qui siègent à titre de députés conservateurs et qui ont soulevé ce dossier, c'est-à-dire le député de Louis-Saint-Laurent et celui de Thornhill. Ce sont deux des journalistes exceptionnels qui ont eu une longue carrière dans les médias et qui savent de quoi ils parlent. Ce sont des vétérans du journalisme. Dans notre caucus, nous disons toujours que le député de Thornhill a certaines des anecdotes les plus intéressantes qu'une personne puisse entendre. J'encourage tous les députés à lui poser des questions sur ses exploits journalistiques et les situations où il s'est retrouvé pour avoir voulu aller au fond de diverses affaires.
Aujourd'hui, nous débattons un plan de sauvetage des grands médias que le gouvernement vise à faire adopter à toute vapeur. Il comporte trois volets: le crédit d'impôt pour la main-d'œuvre, le crédit d'impôt pour les abonnements aux nouvelles numériques et une mesure relative aux donataires reconnus. Ces trois mesures représentent le plan d'aide aux médias.
Le plan d'aide aux médias est prévu dans le projet de loi omnibus d'exécution du budget. D'autres députés ont mentionné que le gouvernement avait promis de ne pas présenter des projets de loi omnibus et qu'en fait, dans le discours du Trône, il avait même affirmé que cela ne se ferait plus jamais. Cette mesure d'aide aurait pu faire l'objet d'un projet de loi distinct, ce qui aurait permis à la Chambre de l'étudier attentivement avant d'en confier l'examen détaillé au comité.
J'ai pris connaissance du projet de loi. Je me rappelle le débat au comité des finances où nous avons posé des questions aux fonctionnaires venus témoigner. Le député de Bow River avait tout à fait raison de dire que cette mesure ne s'appliquerait pas aux hebdomadaires et aux quotidiens locaux parce qu'ils sont exploités par leurs propriétaires et que le directeur de la rédaction participe très étroitement aux activités. J'ai posé cette question aux fonctionnaires qui ont témoigné. Après avoir tourné autour du pot, ils ont répondu que, dans le cas des propriétaires-exploitants, cette mesure ne s'appliquerait que s'ils avaient au moins deux journalistes à temps plein. Voilà ce qui est prévu. Ce critère figure à l'article 43. C'est écrit noir sur blanc dans le projet de loi. Par conséquent, si des propriétaires-exploitants embauchent des étudiants comme sous-traitants pendant les mois d'été, ils ne sont pas admissibles à ce plan d'aide aux médias.
Nous avons demandé aux fonctionnaires à qui cette mesure s'appliquerait. Nous avons rapidement compris qu'elle exclurait d'office toute entreprise qui aurait au cours des exercices précédents fait une demande dans le cadre du Fonds du Canada pour les périodiques. Par conséquent, Maclean's, Châtelaine et d'autres magazines seraient exclus.
Nous avons ensuite demandé aux témoins ce qui arriverait à un journal agricole de ma région qui consacre la moitié de son contenu à l'agriculture. Les fonctionnaires ont indiqué que cette publication serait également exclue parce que, pour être admissible, une publication doit rendre compte de l'actualité. J'ai alors demandé ce à que le législateur entendait par « actualité » dans la loi. Les témoins ont cité le paragraphe 248(1) de la loi, qui précise que le contenu « doit être axé principalement sur des questions d’intérêt général et rendre compte de l’actualité, y compris la couverture des institutions et processus démocratiques ». Voilà les critères.
Depuis le début du débat, j'ai entendu certains de mes collègues d'en face dire qu'aucune décision n'a encore été prise. Pourtant, les critères ont déjà été définis, alors si un organe de presse n'est pas admissible, il n'aura droit à aucune des trois mesures. C'est ce que dit le projet de loi.
N'en déplaise aux députés libéraux, c'est bel et bien ce que dit le projet de loi et c'est ainsi qu'il sera appliqué. C'est un fait. À moins qu'un journal couvre la politique d'une quelconque façon, il ne recevra rien. Alors on peut oublier le vaste filet de sécurité que nous ont fait miroiter les fonctionnaires. Seul un petit groupe d'entreprises triées sur le volet seront admissibles.
La motion dont la Chambre est saisie aujourd'hui donne corps à l'une des pires craintes des conservateurs. En nommant un représentant d'Unifor au comité d'évaluation, les libéraux en ont fait une entité partisane. Ce syndicat a dit haut et fort qu'il fera campagne contre un des grands partis politiques enregistrés du pays. C'est écrit noir sur blanc dans ses comptes de médias sociaux, et il en est fier. Il affirme faire partie de la résistance. Il n'y a aucun moyen de s'en sortir.
Le gouvernement a fait une affaire partisane de la participation de tous les membres du futur comité, parce que ces gens influeront directement sur le résultat du scrutin du 21 octobre. Le gouvernement ne peut pas dire de ce comité qu'il sera indépendant, puisque c'est lui qui en nommera les membres. Il ne peut pas dire non plus dire que le Parlement est entièrement apolitique, puisque Unifor fera partie du comité.
Il faut que ça cesse. On ne saurait tolérer qu'un organisme national représentant un certain nombre de journalistes et de nombreux travailleurs qui ont dit vouloir nuire activement à l'un des partis politiques enregistrés du Canada puisse décider qui sera admissible aux trois mesures qui composent le plan d'aide aux médias et dont je viens de parler.
Je suis généreux en disant que les députés libéraux ont dit de nombreuses choses peut-être partiellement exactes. L'un d'eux a dit que les blogueurs pourraient peut-être être admissibles. J'ai posé la question et ils ne le sont pas. J'ai demandé si The Post Millennial, un site de nouvelles en ligne seulement, serait admissible. Ils ne le savaient pas.
Il y a un excellent proverbe yiddish qui dit, « ce que les yeux n'ont pas vu ne devrait pas franchir les lèvres ». C'est une façon imagée de dire que si on lit une chose qui ne correspond pas à la vérité, il ne faut pas la répéter.
J'ai posé toutes ces questions au comité des finances, car je voulais savoir qui au juste serait admissible à ce crédit d'impôt. Les libéraux ont très rapidement dit qu'ils n'avaient pas toutes les réponses parce que certains des critères sont prévus dans la loi et d'autres seront établis par le groupe d'experts.
Nous savons maintenant que la crédibilité de ce groupe serait minée par la participation d'Unifor. C'est la perception qui compte, notamment l'impression que les journalistes pourraient être influencés par les propriétaires de l'entreprise ou par certains critères d'admissibilité. On subventionnerait directement les journalistes parce qu'il y a un crédit d'impôt pouvant aller jusqu'à 55 000 $ pour compenser un salaire. Cela donne environ 13 750 $ pour un employé. C'est une subvention directe pour un employé.
Le groupe décidera qui peut être admissible à titre de journaliste au Canada. Je ne peux imaginer rien de pire pour l'indépendance et l'autonomie du journalisme au pays que la perception qu'un article est tendancieux d'une manière ou d'une autre à cause du contenu choisi.
Je ne vois pas d'inconvénient à ce que les journalistes écrivent des articles percutants. Je ne m'offusque pas si on cite mal mes propos, si on ne s'adresse pas à moi ou si on n'explore pas une piste qui mériterait de l'être. Rien de tout cela ne me pose problème. Les journalistes sont indépendants et autonomes et ils peuvent faire comme bon leur semble. Ces choix leur appartiennent. Idéalement, ils trouveront des lecteurs prêts à lire ce qu'ils ont écrit. J'aime lire le National Observer. On pourrait dire qu'il s'agit d'un journal plutôt gauchiste, mais je n'y vois pas d'objection parce que j'y trouve beaucoup d'informations utiles. J'ignore toutefois si le National Observer serait admissible à la mesure en question. Tout ce qui concerne autre chose que l'actualité serait exclu, comme les sports ou les divertissements. Le groupe d'experts serait appelé à prendre toutes ces décisions.
Je n'ai pas pu trouver un autre crédit d'impôt qui n'est pas directement géré par l'Agence du revenu du Canada. C'est ce fameux groupe qui sera indirectement responsable de son administration. J'ai entendu tous les membres du caucus libéral qui ont répété que les décisions relèveront du groupe. Dès qu'un demandeur serait admissible, il aurait droit à ces autres mesures.
Pourquoi ne pas laisser l'Agence s'en occuper? Elle le fait pour le crédit d'impôt pour personnes handicapées. Au bout du compte, elle décide qui est admissible. Elle détermine les dépenses pour les enfants. Pourquoi l'Agence ne sera-t-elle pas responsable de l'administration de la loi? D'ailleurs, la loi prévoit beaucoup de marge de manœuvre. Je me demande pourquoi l'Agence ne prend pas les décisions de A à Z. Ne serait-ce pas là l'approche la plus transparente, non partisane, détachée et indépendante qui soit, tout en ayant recours à une entité à proximité? Ne serait-ce pas préférable à l'inclusion d'Unifor dans le groupe alors que le syndicat a explicitement affirmé qu'il se consacrera jusqu'au 21 octobre prochain à la défaite de l'un des partis politiques enregistrés du Canada?
Il est ridicule qu'Unifor puisse siéger au groupe qui déterminera les organes de presse qui seront admissibles et qui auront droit aux trois mesures que j'ai mentionnées. Nous ne pouvons en aucun cas prétendre qu'il s'agira d'un exercice complètement non partisan. C'est impossible. Le gouvernement a essentiellement affecté au comité une organisation qui va l'aider directement. C'est ce que j'ai entendu du côté du comité des finances. Ce que j'ai entendu au cours du débat d'aujourd'hui ne me fera aucunement changer d'avis sur le fait que le gouvernement essaie encore de faire pencher la balance de son côté, comme il l'a fait avec le système judiciaire. Il use de manoeuvres et essaie d'obtenir la meilleure protection possible, parce qu'une grande partie de l'argent n'affluera pas immédiatement. C'est la possibilité de rentrées d'argent ultérieures qui garantirait l'appui des grandes entreprises médiatiques.
Par conséquent, j'appuierai cette motion, car il est très important que tous les députés prennent position sur cette question et se prononcent au nom des habitants de leur circonscription en faveur d'une presse libre sans aucune intervention directe du gouvernement. Nous ne devrions pas subventionner les activités de la presse. Nous voulons une presse libre, oui, mais pas une presse subventionnée à même l'argent du gouvernement et des contribuables.