Je vous prie de m'excuser, monsieur le Président. Je dirai donc que cela illustre son manque de connaissances de base sur les consultations auprès des Autochtones et l'incidence du projet de loi C-69. Rien dans le texte de loi ni les amendements du Sénat ne remédie à la situation.
Pendant des décennies, le Canada a été un chef de file mondial dans l'intégration des connaissances traditionnelles et le savoir-faire autochtones dans l'examen de projets et les partenariats avec les communautés autochtones, surtout quand on regarde les 10 plus grandes régions productrices de pétrole dans le monde. Il est indéniable que les gouvernements doivent mieux s'acquitter de leurs devoirs à cet égard. Cela dit, le premier ministre a tort sur la question de même que sur le projet de loi C-69.
Les amendements proposés par le Sénat et ceux rejetés par les libéraux venaient répondre aux préoccupations des communautés autochtones en donnant plus de poids à leur voix à titre de personnes directement touchées grâce à une mobilisation précoce puis tout au long du processus d'examen.
Mark Wittrup, vice-président des affaires environnementales et réglementaires au cabinet Clifton Associates, a insisté sur ce point. Selon lui, le projet de loi C-69 « causera des retards importants, empêchera les gens de saisir des occasions et aura vraisemblablement des répercussions sur ceux qui ont le plus besoin de projets de développement économique, c’est-à-dire les collectivités nordiques et autochtones ».
Depuis trois ans et demi, les libéraux nourrissent l'incertitude autour de l'exploitation des ressources avec l'imposition de coûts et d'étapes bureaucratiques supplémentaires par l'intermédiaire de politiques comme la taxe sur le carbone. Le Canada est le seul pays parmi les 10 plus grands producteurs de pétrole à avoir une telle politique.
La nouvelle norme sur les combustibles des libéraux est une mesure irresponsable, qui aura de graves conséquences financières sur le raffinage, le traitement pétrochimique, la fabrication, et cetera. Par ailleurs, les libéraux ont imposé unilatéralement une interdiction de forage en mer et ils ont aussi interdit unilatéralement les activités pétrolières et gazières sur de vastes superficies. Leur moratoire sur les pétroliers, soit le projet de loi C-48, s'attaque directement à une industrie précise et il nuit particulièrement à une région du pays. Il a déjà chassé des emplois, des entreprises et des capitaux du Canada à un rythme presque sans précédent, ce qui a empêché la construction d'un seul centimètre de pipeline utilisable.
Le rejet délibéré par les libéraux des suggestions constructives de promoteurs du secteur privé, d'économistes, d'experts de la réglementation et de divers gouvernements se traduira encore par des pertes d'emplois, des annulations de projets, de même que des contrats et des investissements perdus pour une génération.
Les sociétés énergétiques nous préviennent des effets dévastateurs de ces mesures sur leurs travailleurs et leurs activités. Le secteur pétrolier et gazier a déjà perdu plus de 100 000 emplois. Si les statistiques tenaient compte des travailleurs dans le Sud, ce serait probablement plus près de 200 000 emplois. Depuis 2015, des projets énergétiques représentant plus de 100 milliards de dollars ont été annulés.
Pour mettre ces chiffres en perspective, il importe de noter qu'ils équivalent ni plus ni moins à la perte des emplois créés par l'ensemble du secteur de l'aérospatiale et par presque tout le secteur de l'automobile. Les investissements perdus correspondent à huit fois la contribution annuelle du secteur de l'aérospatiale au PIB et à cinq fois celle du secteur de l'automobile.
Si l'un ou l'autre de ces deux secteurs devait subir les mêmes pertes d'emplois et d'investissements, il y a fort à parier que le gouvernement fédéral leur accorderait toute son attention et qu'il prendrait des mesures, comme il se doit et comme il l'a déjà fait. Toutefois, les répercussions catastrophiques sur le secteur de l'énergie et les travailleurs du secteur pétrolier et gazier et leur famille n'ont donné lieu qu'à de beaux discours et à des déclarations creuses, ainsi qu'à une série de politiques et de lois, comme le projet de loi C-69, qui sont tout à fait pernicieuses et qui aggravent la situation.
Les préoccupations au sujet du projet de loi C-69 concernent tous les secteurs et toutes les régions.
Dans une lettre collective de l'Association des administrations portuaires canadiennes, de la chambre de commerce de Calgary, de l'Association canadienne des producteurs pétroliers, de l'Association canadienne de pipelines d'énergie, de l'Association canadienne du gaz, de l'Association canadienne de l'industrie de la chimie, de l'Explorers and Producers Association of Canada, de l'Independent Contractors and Businesses Association of British Columbia et de l'Association canadienne des services pétroliers, on peut lire que le projet de loi C-69 fera ce qui suit:
mènera à davantage d'incertitude dans les processus d'évaluation et d'examen [parce qu'il] exigera que les évaluations et les décisions soient fondées sur des enjeux stratégiques larges qui vont au-delà de la portée des différents projets. Le projet de loi comprend des échéanciers plus longs et des critères imprécis qui feront croître le risque de contestation judiciaire.
C'est l'avertissement donné par des promoteurs du secteur privé.
Ils en ont aussi contre le fait que le projet de loi C-69 « donne au ministre de l'Environnement et du Changement climatique de vastes pouvoirs discrétionnaires, qui pourraient ajouter à l'incertitude concernant les grands projets d'infrastructure ». De plus, le projet de loi « met en péril les investissements requis pour permettre au Canada de créer des emplois et les recettes gouvernementales qui contribuent à notre qualité de vie ».
Certains critères sont nécessaires pour attirer et retenir les investisseurs au Canada, par exemple la stabilité des règlements et leur durabilité, la certitude quant aux échéanciers, des politiques fondées sur le rendement qui garantissent des retombées pour les collectivités en joignant des incitatifs aux mesures axées sur le rendement comme la création d'emplois, la recherche-développement, l'innovation et l'investissement de capitaux.
Pendant des décennies, ces critères ont été les traits marquants du cadre de réglementation du Canada, de même que des évaluations des plus rigoureuses, des normes élevées et des protections environnementales qui figurent parmi les plus rigoureuses au monde. Toutefois, depuis le début de l'étude du projet de loi C-69, qui a commencé lorsque les libéraux lui ont fait franchir à toute vapeur les étapes du processus à la Chambre, il y a un an et demi, les promoteurs ont soulevé des préoccupations majeures relativement à chacun des principaux éléments, dont les délais.
Le projet de loi C-69, dans la version que feront adopter les libéraux, permet au gouverneur en conseil de prolonger les délais sans fournir de justification, ce qui crée la possibilité de retards. Il n'y a pas de durée maximale prévue pour l'ensemble du processus. Les motifs d'une telle prolongation seront définis dans la réglementation. Il demeurera donc une incertitude concernant les délais, car ils seront établis après que les libéraux auront forcé l'adoption du projet de loi à la Chambre.
Ainsi, le Cabinet sera littéralement le seul autorisé à retarder un projet. Voilà qui politise clairement le processus et crée encore plus d'incertitude pour les promoteurs. Voilà pourquoi un grand nombre des amendements proposés par le Sénat sont grandement nécessaires. En effet, ils proposent d'inscrire dans la loi des délais maximaux, de retirer le pouvoir accordé au gouverneur en conseil de prolonger indéfiniment les délais et d'obliger le gouverneur en conseil à présenter les motifs de la suspension d'un délai. Les délais maximums inscrits dans la loi réduisent l'incertitude pour les promoteurs. Le temps, c'est de l'argent.
En refusant les amendements proposés par le Sénat, les libéraux indiquent clairement leur intention de revenir à des échéanciers ouverts. Leur mesure législative permet au Cabinet fédéral de ramener le processus à la case départ, obligeant les promoteurs à reprendre la même étape à de multiples reprises. C'est ce qu'on appelle faire traîner le processus jusqu'à ce que le projet tombe à l'eau, une tactique qui sera prévue dans une loi grâce aux libéraux. Cette tactique est employée par les militants anti-ressources qui s'efforcent d'empêcher les projets canadiens d'exploitation des ressources d'aller de l'avant.
Sans les amendements proposés par le Sénat, le projet de loi C-69 conférerait également à un seul ministre jusqu'au pouvoir de refuser qu'une évaluation soit effectuée. Le ministre aurait entière discrétion pour désigner ou non un projet aux fins du processus d'évaluation long et incertain prévu au projet de loi C-69. Cela entraînerait une grande incertitude pour les promoteurs, même lorsque les projets proposés ne seraient pas inscrits sur la liste des projets. Ces derniers pourraient simplement y être ajoutés par un ministre qui aurait ce pouvoir à lui seul, le ministre de l'Environnement.
Ce genre d'incertitude politique est inacceptable. Un ministre pourrait à lui seul torpiller un projet en le retardant de plusieurs années et en en augmentant les coûts de centaines de millions de dollars. Les choses ne peuvent pas vraiment être plus politiques que cela. C'est pour cette raison que, si on veut que ce projet de loi fonctionne, il faut conserver un si grand nombre des amendements proposés par le Sénat.
Cela rejoint évidemment l'une des grandes préoccupations de l'industrie, des provinces et des municipalités sur laquelle les conservateurs avaient fait des mises en garde, je veux parler de l'incertitude découlant du caractère vague des critères. Le libellé original des libéraux qui, encore une fois, ont l'intention de faire adopter à toute vapeur le projet de loi C-69, rendra les processus réglementaires et judiciaires, qui présentent déjà de grands défis pour mener à bien et en temps voulu de grands projets d'exploitation des ressources, encore plus longs et plus incertains.
Les examens réglementaires exigent déjà — et c'est normal — un engagement significatif et une diligence exceptionnelle de la part des promoteurs et des collectivités, mais ils sont souvent extrêmement complexes, entraînent des chevauchements et coûtent cher, provoquant quelquefois de profondes divisions.
Des critères clairs et concis garantissent la prévisibilité pour toutes les parties et permettent aux projets approuvés d'être menés à bien, au lieu d'avoir à reprendre des parties essentielles du processus ou de perdre des années à défendre une approbation devant les tribunaux.
Or, le projet de loi C-69 des libéraux multiplie les critères qui ne relèvent pas directement du promoteur et qui sont si vagues qu'on n'arrive pas à déterminer à quoi ils se rapportent précisément, de sorte que les promoteurs sont incapables de les intégrer ou d'en tenir compte dans leurs soumissions.
S'ils ne sont pas aussi concis que le souhaiteraient les conservateurs, les amendements du Sénat représentent quand même une vaste amélioration par rapport au libellé original des libéraux. Ils retireraient du processus d'examen les grands débats politiques, en l'axant sur des faits et des données probantes, assortis de critères mesurables, quantifiables et prévisibles.
Les libéraux rejettent tous les correctifs proposés par le Sénat, mais le problème, c'est que les critères qu'ils proposent dans le projet de loi C-69 impliquent que les commissions d'examen fassent des choix fondés sur des enjeux subjectifs, liés aux priorités politiques du gouvernement et qui sont donc intrinsèquement politiques.
Comment un promoteur qui propose un projet concret fondé sur des principes d'ingénierie et représentant des avantages sur les plans techniques, économiques, environnementaux et de la sécurité peut-il anticiper les objectifs politiques du gouvernement du jour afin d'en tenir compte? C'est impossible. Cette incertitude empêchera les promoteurs de proposer de grands projets et des infrastructures essentielles au Canada.