Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole à la Chambre au nom des résidants de Cowichan—Malahat—Langford en cette dernière semaine de la 42e législature. J'interviens au sujet de la motion présentée par les conservateurs à l'occasion de la dernière journée de l'opposition, qui se lit comme suit:
Que, étant donné que, à son taux actuel, la taxe sur le carbone ne réduira pas les émissions et qu’elle fait déjà augmenter le coût de la vie pour les Canadiens, la Chambre demande au gouvernement d’abroger la taxe sur le carbone et de la remplacer par un véritable plan pour l’environnement.
La formulation de la motion pose certains problèmes. Premièrement, elle nous demande, fondamentalement, de poser un geste important, c'est-à-dire d'éliminer la taxe sur le carbone, pour accorder plutôt notre confiance à ce qui sera supposément un « véritable plan pour l'environnement ». Si nos collègues conservateurs avaient voulu que nous réfléchissions sérieusement à leur motion, peut-être auraient-ils pu publier leur plan environnemental aujourd'hui au lieu de le faire seulement demain, une fois le débat sur la motion terminé. Nous aurions alors eu quelque chose de concret à comparer à la taxe sur le carbone, et nous aurions pu voir si cette nouvelle option permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre du Canada, conformément au but visé.
C'est ma principale critique. Si la Chambre doit débattre d'une motion visant à abroger quelque chose pour le remplacer par quelque chose d'autre, il serait bon de savoir par quoi au juste.
Une bonne partie du débat entourant la taxe sur le carbone a porté sur les coûts et j'aurais quelques points à ajouter à ce sujet. D'abord, en ce qui concerne mes collègues conservateurs, je crois qu'ils font une réaction épidermique à la taxe sur le carbone, parce que c'est une mesure proposée par un gouvernement libéral et c'est là que le bât blesse. On dirait parfois que l'opposition réagit au quart de tour à tout ce que font les libéraux. Nous voulons étudier la valeur réelle de ces politiques pour savoir si elles permettront d'accomplir quoi que ce soit. Je crois que la prémisse des arguments concernant les coûts de la taxe sur le carbone est fondée sur la croyance qu'il serait possible de lutter contre les changements climatiques sans dépenser un sou.
Je suis désolé, mais tout politicien qui dit qu'il peut s'attaquer à ce problème sans frais pour nous, pour le gouvernement et pour la société dans son ensemble ne dit simplement pas la vérité. Un effort important sur tous les fronts sera nécessaire. De plus, lorsqu'on examine les coûts proposés d'une taxe sur le carbone, on sait qu'à 20 $ la tonne, cela équivaudra à 4 ¢ le litre. Lorsqu'elle atteindra 50 $ la tonne, ce qui, selon moi, sera le cas dans trois ans, il en coûtera jusqu'à 11 ¢ le litre, ce qui veut dire que, dans trois ans, nous paierons environ 7 $ de plus pour un plein d'essence. Nous nous disputons au sujet de quelque chose qui n'est même pas encore en vigueur, mais qui le sera dans trois ans.
La raison pour laquelle je tiens à parler des coûts, c'est que nous nous querellons actuellement à propos du coût d'une taxe sur le carbone que la plupart des experts du monde entier jugent bien trop faible pour avoir une incidence significative. C'est pourquoi je tiens à situer ce propos dans le contexte des coûts qu'auront des changements climatiques non atténués et de l'incidence qu'ils auront sur les recettes fiscales futures.
Si nous pensons que les changements climatiques sont coûteux actuellement, il suffit de voir ce qu'il en coûtera lorsque la planète se réchauffera de deux, trois ou quatre degrés Celsius. Nous en voyons déjà les effets. Dans ma province, la Colombie-Britannique, le budget de lutte contre les incendies de forêt explosera. C'est la tendance à long terme.
Je vis dans une forêt pluviale de ma circonscription, Cowichan-Malahat-Langford, et, en mars, nous avons reçu 30 % des précipitations normales. Le niveau des lacs et des rivières se trouve à 30 % de ce qu'il devrait être. Dans les années à venir, il faudra investir massivement dans les infrastructures pour construire un nouveau barrage afin de retenir l'eau du lac et de s'assurer que la rivière coule à un débit adéquat. Cette situation entraîne des coûts très réels.
Je ne parle même pas des sécheresses de plus en plus longues que de nombreuses régions du Canada connaîtront, des inondations ainsi que des mesures d'atténuation et d'adaptation que nous allons devoir prendre.
Certains des biens immobiliers les plus coûteux au pays se trouvent à Vancouver, une plaine inondable.
Avant de poursuivre, je mentionne que je vais partager mon temps de parole avec le député d'Esquimalt—Saanich—Sooke.
L'aéroport international de Vancouver est situé sur une plaine inondable qui jouxte le fleuve Fraser. Que se passera-t-il dans les années à venir lorsque la crue des eaux du fleuve Fraser se conjuguera à l'élévation du niveau de l'océan, et que nous devrons soudainement construire d'énormes digues anti-inondations?
Il s'agit d'un scénario qui risque de se reproduire à maintes reprises. J'insiste sur le fait que pendant que nous nous chamaillons sur les coûts actuels, nous manquons à nos devoirs envers les générations futures et nos successeurs, ici au Parlement, qui vont devoir débloquer des sommes énormes pour lutter contre ces enjeux liés au climat.
Par ailleurs, les efforts que nous allons devoir déployer pour lutter efficacement contre les changements climatiques devront s'apparenter à ceux que notre pays a consentis pour sortir de la Grande Dépression et gagner la Seconde Guerre mondiale. Prenons l'exemple de la Seconde Guerre mondiale, car j'entends souvent comme argument que les efforts du Canada ne pèseront pas lourd dans la balance. La solution doit être mondiale, dit-on. C'est en partie vrai.
La réalité est que pendant la Seconde Guerre mondiale, notre contribution à l'effort de guerre a été assez petite par rapport à celle d'autres pays. Toutefois, le Canada s'est-il dérobé à ses obligations? Avons-nous dit qu'à nous seuls, nous n'allions pas gagner la guerre et qu'il fallait donc interrompre nos efforts? Non. Nous avons mobilisé une économie de guerre. Nous avons créé des emplois. Nous avons construit des usines. Nous avons augmenté les effectifs de nos forces armées et nous avons envoyé nos soldats à l'étranger pour être sûrs de gagner la guerre. Nous ne nous sommes pas dérobés à nos obligations. C'est exactement ce type de mobilisation que nous allons devoir lancer à l'échelle du pays pour bien nous attaquer au problème. Voilà le contexte historique que je voulais fournir. Comme pays, nous avons pu faire bien plus que notre part, et c'est encore le cas aujourd'hui.
Je voudrais aussi parler de l'oléoduc Trans Mountain et de la motion sur l'urgence climatique dont nous avons débattu hier. Nous venons d'apprendre que le gouvernement libéral a approuvé l'expansion de l'oléoduc Trans Mountain. Cela sape absolument tout ce qu'il a dit hier concernant son appui à la motion sur l'urgence climatique, car les champions de la lutte contre les changements climatiques ne construisent pas d'oléoducs. L'expansion de cet oléoduc signifie que le promoteur — soit le gouvernement du Canada, car il en est le propriétaire — envisage de l'exploiter pendant encore 10, 20 ou 30 ans. Cela veut-il dire que d'ici 2050, malgré toutes les données probantes dont nous disposons au sujet des changements climatiques, nous voudrons toujours exporter du bitume dilué, et dans des quantités qui seront le triple des exportations actuelles? Est-ce que nous voulons vraiment investir nos milliards de dollars dans ce projet? Non, ce n'est pas ce que nous voulons faire.
Pensons à toutes les initiatives que nous pourrions lancer dans l'économie de l'énergie renouvelable de l'avenir avec tout cet argent et en éliminant les subventions pétrolières et gazières que nous continuons honteusement à verser année après année. Le gouvernement a beau dire tous les bons mots, lorsqu'on examine les détails, sa crédibilité fait cruellement défaut.
Je suis très fier du travail accompli par mon parti au fil des ans. En 2006, Jack Layton a proposé la loi sur la responsabilité en matière de changements climatiques. En 2009, Megan Leslie a parlé du New Deal vert. Bien sûr, il y a aussi la députée d'Edmonton Strathcona, qui a été avocate spécialiste du droit environnemental pendant des décennies et qui a proposé un projet de loi visant à inscrire les droits environnementaux dans la loi. Voilà l'héritage de notre parti.
Notre parti a proposé la création d'un poste d'ombudsman du pétrole et du gaz chargé de surveiller les prix de l'essence à la pompe, afin que les consommateurs sachent s'ils se font exploiter par les sociétés pétrolières et gazières. Ce n'est pas une taxe sur le carbone qui fait fluctuer le prix de l'essence, mais plutôt le contrôle qu'exercent les sociétés pétrolières sur l'approvisionnement depuis la raffinerie jusqu'aux détaillants. Elles empochent ainsi des milliards de dollars de profits à nos dépens. Si nous avions un ombudsman, les consommateurs canadiens pourraient vérifier les prix de l'essence et obtenir la certitude qu'ils méritent.
En conclusion, j'aimerais dire ceci. Je suis extrêmement fier de la proposition que nous présentons dans le document « Le pouvoir de changer », parce que nous ne nous attaquons pas au problème seulement avec une taxe sur le carbone. Nous suggérons une stratégie à plusieurs volets, dont les rénovations écoénergétiques et la formation des employés du secteur pétrolier et gazier afin d'assurer leur transition vers l'économie de l'avenir axée sur les énergies renouvelables.
Il faudra déployer des efforts herculéens et concertés, mettre de côté les considérations partisanes et prendre conscience que le problème nous dépasse tous. Nous devons collaborer pour régler ce problème correctement.