Monsieur le Président, je suis honorée de prendre la parole au cours de la dernière semaine de la 42e législature pour représenter ma circonscription, Windsor—Tecumseh, et pour exprimer nos préoccupations au sujet des accords de libre-échange en général, et plus particulièrement du projet de loi C-100, Loi portant mise en œuvre de l’Accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis du Mexique.
Les néo-démocrates comprennent l'importance de notre relation commerciale avec les États-Unis, qui sont notre principal partenaire commercial, et nous croyons qu'un meilleur ALENA peut améliorer le bien-être de tous les Nord-Américains. Les néo-démocrates appuient les accords commerciaux internationaux qui respectent les droits de la personne, les droits des travailleurs, l'environnement et l'ensemble de nos obligations internationales. En fait, nous avons appuyé le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture et nous avons proposé d'excellents amendements, qui auraient permis de conclure un accord de libre-échange vraiment progressiste, le genre d'accord que le gouvernement actuel prétend appuyer, mais ne semble jamais signer.
Les autres partis aiment bien décocher des flèches simplistes au NPD, comme le secrétaire parlementaire l'a fait plus tôt ce soir en disant que le NPD n'a jamais appuyé un seul accord de libre-échange. Eh bien, je demanderais aux autres partis de me nommer un seul accord commercial qui respecte les droits de la personne, les droits des travailleurs, l'environnement et l'ensemble de nos obligations internationales, notamment à l'égard des Autochtones. Les autres partis ne peuvent pas en nommer parce que nous n'en avons pas encore conclu. Toutefois, nous avons eu l'occasion d'améliorer cet accord commercial important, de faire en sorte qu'il améliore la vie des Canadiens et qu'il permette de tisser des liens en vue de créer des emplois durables et de vraiment tirer parti de notre relation.
À titre de vice-présidente du Sous-comité des droits internationaux de la personne, une question liée aux accords commerciaux qui est importante à mes yeux, c'est la transparence de la chaîne d'approvisionnement, ou la diligence raisonnable dans la chaîne d'approvisionnement. Comment un pays peut-il s'assurer qu'aucun produit fabriqué en ayant recours au travail des enfants ou au travail forcé ne parvienne à ses frontières? La question de l'esclavage moderne est complexe et comporte de multiples facettes.
Selon des données récentes publiées par l'Organisation internationale du travail, un total de 152 millions d'enfants, soit 64 millions de filles et 88 millions de garçons, sont victimes du travail forcé dans le monde, ce qui représente presque un enfant sur 10, parmi tous les enfants du monde. Près de la moitié de ceux qui sont victimes du travail forcé — c'est-à-dire 73 millions d'enfants — accomplissent un travail dangereux qui nuit directement à leur santé, leur sécurité et leur développement. Le nombre d'enfants travailleurs, un indice plus général qui comprend à la fois le travail forcé et les formes d'emploi permises pour les enfants en âge de travailler, s'élève à 218 millions. Les cas largement déclarés d'enfants travailleurs et de travail forcé dans les chaînes mondiales d'approvisionnement de produits du quotidien, comme le café, les fruits de mer, les vêtements, l'huile de palme et les métaux utilisés dans les appareils électroniques, ont lié certaines multinationales à ces violations des droits de la personne.
Les entreprises canadiennes n'échappent pas à ces risques. Selon les recherches menées par Vision mondiale, en 2015, quelque 1 200 entreprises exploitées au Canada ont importé des biens qui risquaient de provenir du travail des enfants ou du travail forcé. Ces produits atteignaient une valeur d'environ 34 milliards de dollars. La majorité des entreprises au Canada divulguent très peu de renseignements utiles sur leurs politiques, leurs pratiques et la diligence raisonnable qu'elles exercent pour éviter le travail des enfants et le travail forcé dans leurs chaînes mondiales d'approvisionnement. Il va sans dire que nos alliés de la société civile — sans parler des consommateurs, des investisseurs et des syndicats — ont du mal à leur demander des comptes sur leurs responsabilités au chapitre des droits de la personne.
Ce n'est pas le manque de solutions possibles qui nous empêche de mettre fin au travail forcé dans ces chaînes d'approvisionnement. D'abord et avant tout, il faut envoyer les enfants à l'école. Quand les taux d'inscription scolaire augmentent, le nombre d'enfants travailleurs diminue. Depuis 2000, les gouvernements ont augmenté le nombre d'enfants qui fréquentent l'école de 110 millions. Ces jeunes sont beaucoup moins susceptibles de se retrouver sur le marché du travail.
Ensuite, il faut adopter un solide cadre juridique. Lorsque les gouvernements appliquent les lois sur le travail des enfants, grâce à des inspections efficaces et des sanctions pour les employeurs qui exploitent les enfants, le travail des enfants est beaucoup moins susceptible de proliférer.
Faute de loi exigeant davantage d'informations sur les chaînes d'approvisionnement des entreprises, difficile de déterminer si les abus commis par les entreprises canadiennes à l'étranger, tels qu'allégués dans des poursuites au civil devant des tribunaux canadiens, sont choses courantes ou incidents isolés. On ne peut que faire des hypothèses.
Human Rights Watch demande l'amorce d'un processus en vue d'adopter de nouvelles normes internationales juridiquement contraignantes qui obligeraient les gouvernements à exiger des entreprises qu'elles fassent preuve de diligence raisonnable en matière de droits de la personne dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. L'UNICEF a fait le même genre de recommandations.
Les accords de libre-échange sont des traités internationaux qui devraient mettre les droits de la personne au cœur du texte principal plutôt que de les reléguer dans des accords parallèles. Voilà les enjeux qui devraient former la base de renégociation des accords commerciaux. L'ALENA 2.0 en est l'exemple parfait.
L'ALENA originel a été négocié par les conservateurs et signé par les libéraux en 1994. On avait promis aux gens des emplois, la hausse de la productivité et un accès au plus grand marché du monde. Au lieu de cela, le Canada a perdu plus de 400 000 emplois dans le secteur de la fabrication, ainsi que son industrie textile. En plus, le Canada a payé des millions de dollars en frais de justice et amendes lors de poursuites intentées par des sociétés invoquant le mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et l'État.
Aux États-Unis, les démocrates travaillent fort pour obtenir un meilleur ALENA. Ils essaient d'améliorer les dispositions qui permettront de protéger les emplois. Ils veulent lutter contre les multinationales pharmaceutiques qui cherchent à faire prolonger la durée des brevets pour faire augmenter les prix des médicaments. Ils veulent assurer la protection de l'environnement et des mécanismes qui garantissent l'application précise et pertinente des lois.
Les Canadiens s'attendent à ce que le gouvernement libéral réclame ces changements progressistes. Le nouvel ALENA — ou l'ACEUM— a donné lieu à l'imposition de droits de douane illégaux sur l'aluminium et l'acier pendant plus d'un an, ce qui a eu des effets dévastateurs sur des entreprises et des travailleurs canadiens. Ces droits de douane ont été levés le 20 mai 2019, mais les dommages sont extrêmement graves. Au Canada, la fermeture d'entreprises a entraîné la perte de plus de 1 000 emplois bien rémunérés, qui contribuent au développement communautaire.
Dans ma circonscription, Windsor—Tecumseh, et dans le reste du comté de Windsor-Essex, nous connaissons les effets dévastateurs des accords commerciaux mal négociés, comme première version de l'ALENA. C'est le nivellement par le bas. À l'époque, les libéraux se sont moqués de nos mises en garde et, maintenant, ils présentent la nouvelle mouture de l'ALENA, soit l'ACEUM.
Le nouvel ALENA vise avant tout à accorder plus de pouvoirs aux entreprises. En effet, il consent des droits exécutoires aux investisseurs et restreint les pouvoirs des gouvernements actuels et futurs, ainsi que des citoyens qui les élisent. Pour que les néo-démocrates appuient l'ACEUM, il faudrait qu'il ferme la porte à l'exploitation et qu'il protège les membres les plus pauvres et les plus marginalisés de la société. C'est pour cette raison que je souhaite présenter un amendement:
Que la motion soit modifiée par substitution, aux mots suivant le mot « Que », de ce qui suit: « la Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-100, Loi portant mise en œuvre de l’Accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis du Mexique, parce qu’il:
a) n’améliore en rien les dispositions sur la main-d’œuvre nécessaires pour protéger les bons emplois;
b) prolonge la durée des brevets de médicament, ce qui entraînera une forte hausse du prix des médicaments pour les Canadiens;
c) laisse l’environnement vulnérable à cause de l’absence de dispositions précises et applicables qui le protège;
d) subit un passage accéléré à travers le processus législatif, sans le temps et l’attention nécessaire pour l’étude d’un accord commercial aussi primordial;
e) transfère les leviers de pouvoir dans l'économie au détriment des gouvernements et des travailleurs en accordant davantage de pouvoir aux entreprises, car il fragilise la réglementation en santé publique et en environnement;
f) met les Canadiens les plus démunis et les plus marginalisés encore plus en danger, puisqu’il ne protège pas les droits de la personne, l’égalité hommes-femmes et une croissance économique inclusive. »