Monsieur le Président, je ne suis pas sûr de bien suivre mon ami de Sackville—Preston—Chezzetcook. Je vais essayer de nommer des faits plutôt que de parler quantités. Il sait que ma famille, qui vit dans sa circonscription, Fall River, a beaucoup de respect pour lui, comme moi-même d'ailleurs. Malheureusement, le discours qu'il nous fait ce soir sur l'ALENA ne correspond pas à ce qui s'est réellement passé dans les négociations et l'entente.
À titre de député néo-écossais, il devrait savoir que l'avenir du développement économique de la province et la réussite que l'on y constate aujourd'hui sont attribuables à deux facteurs. Premièrement, on peut l'imputer à l'extraordinaire potentiel des institutions et des entrepreneurs du Canada atlantique en général, et de la Nouvelle-Écosse en particulier. Deuxièmement, il est imputable à l'accent stratégique mis sur les échanges et les infrastructures, sous le gouvernement Harper. En particulier, le Canada atlantique n'a jamais vu d'investissement aussi important que l'octroi du contrat au chantier naval d'Halifax. Le plus gros investissement de l'histoire du Canada atlantique est imputable aux conservateurs.
Je suis très fier de cela, ayant servi à bord d'une des frégates dont le dernier gouvernement conservateur majoritaire de Brian Mulroney avait fait l'acquisition. Les gouvernements conservateurs sont obligés de moderniser l'équipement des Forces armées canadiennes à chaque génération. Le gouvernement actuel, lui, achète des avions d'occasion vieux de 40 ans de l'Australie et fait rire de lui sur la scène internationale, mais l'investissement au chantier naval d'Halifax est impressionnant. Je vais d'ailleurs aller y faire un tour encore une fois cet été.
Autre fait intéressant à propos de la municipalité régionale d'Halifax, un lieu que le député de Sackville—Preston—Chezzetcook devrait bien connaître puisque sa circonscription est contiguë à l'aéroport d'Halifax, est que Peter MacKay avait fait une priorité du prolongement des pistes de l'aéroport international Stanfield d'Halifax. Ces pistes plus longues ont permis d'accroître le nombre de vols de transport de marchandises qui acheminent les exportations des provinces de l'Atlantique dans le monde, des produits comme le homard vendu en Corée du Sud. En tant que secrétaire parlementaire au sein du gouvernement Harper, c'est avec fierté que je me suis rendu à l'aérogare de fret de l'aéroport pour voir, dans les premiers mois, un vol qui transporterait le homard de la Nouvelle-Écosse pêché de l'île du Cap-Breton jusqu'à la région de South Shore puis à Yarmouth, vers de nouveaux marchés en Asie afin d'obtenir un meilleur prix pour le produit.
L'Accord économique et commercial global a par ailleurs été particulièrement avantageux pour un certain nombre d'industries importantes du Canada atlantique, surtout celle des fruits de mer, tout comme l'a été l'accord commercial bilatéral avec la Corée du Sud, à la négociation duquel j'ai participé.
Si nous faisons le bilan, les étangs bitumineux du Cap-Breton dont on a parlé pendant des générations, lorsque je faisais mes études à la Faculté de droit de l'Université Dalhousie ou lorsque je servais à Shearwater, ont finalement été nettoyés par les conservateurs. Le problème, c'est qu'une fois que nous avons terminé ces projets, une fois que nous avons fait le gros du travail, nous n'en récoltons pas les fruits autant que le font les nouveaux. Toutefois, j'aimerais que le député prenne un moment pour faire des recherches à ce sujet.
À l'heure actuelle, je ne peux pas cibler un investissement majeur de la part du gouvernement actuel. En fait, lorsqu'ils ont vu que le ministre responsable de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique était basé à Mississauga et que les libéraux ont tenté de rompre avec une tradition de 80 ans pour empêcher la nomination d'un juriste du Canada atlantique à la Cour suprême du Canada au mépris des précédents constitutionnels, les Canadiens de l'Atlantique, à mon avis, ont compris que leurs besoins n'étaient pas du tout prioritaires aux yeux du gouvernement. Il y a beaucoup de séances de photos et d’égoportraits, mais les gens commencent à s'en lasser.
J'aimerais que le député fasse des recherches sur les points que je viens d'aborder. Si je me trompe lorsque je dis que l'investissement dans la construction navale du chantier naval d'Halifax constitue le plus important projet d'infrastructure d'approvisionnement public de l'histoire du Canada atlantique, j'aimerais que quelqu'un le dise à la Chambre des communes. J'ai habité, j'ai servi et j'ai étudié dans le Canada atlantique, et je suis très fier de ce bilan.
Je participe maintenant à la suite du débat sur le projet de loi C-100 et l'amendement proposé par le NPD. J'aborderai sans détour le noeud du problème auquel nous sommes confrontés.
Les conservateurs ont négocié 98 % des marchés d'exportation dont bénéficie le Canada. Autrement dit, 98 % des ententes ont été négociées par les conservateurs. C'est notamment le cas de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, de l'ALENA, de l'Accord économique et commercial global et du Partenariat transpacifique, sur lequel tous les participants se sont entendus au milieu de la campagne électorale de 2015. Les États-Unis ont toutefois décidé de se retirer, ce qui a entraîné des changements. Les conservateurs ont aussi conclu un accord avec la Corée du Sud et une multitude d'accords bilatéraux. En fait, seuls deux ou trois accords de libre-échange n'ont pas été négociés par un gouvernement conservateur. Je pense par exemple à l'accord de libre-échange avec Israël, que nous avons modernisé, et peut-être à celui avec le Chili. Mais dans l'ensemble, 98 % de l'accès aux marchés d'exportation a été négocié par les conservateurs. Nous avons donc été contrariés de voir le peu d'attention qui était accordé au commerce, aux exportations et à des marchés essentiels dans le cadre des nouvelles négociations de l'ALENA. L'amendement proposé soulève une foule de questions.
Le principal problème durant la négociation de l'ALENA ne portait pas sur les conséquences pour les travailleurs, car les États-Unis se préoccupaient surtout des salaires au Mexique. En fait, le Canada est signataire de plus de traités de l'Organisation internationale du travail que les États-Unis. Ce qui est intéressant, c'est que pas plus tard qu'aujourd'hui, au Congrès américain, le représentant américain au Commerce, l'ambassadeur Lighthizer, a considéré comme un succès le fait que le Mexique procédera aux élections syndicales par scrutin secret, une approche démocratique à laquelle les libéraux s'opposent pour l'élection des représentants syndicaux. S'ils s'y opposent, il est fort probable que ce soit parce que Jerry Dias semble être un conseiller principal du premier ministre, quelqu'un qui lui donne des conseils sur la façon de dépenser le fonds des médias, d'une valeur de 600 millions de dollars. Cela devrait inquiéter les Canadiens.
Cependant, le problème qui était au cœur des négociations de l'ALENA, c'était le bois d'œuvre, l'éternel écueil dans nos relations avec les États-Unis. En fait, le bois d'œuvre canadien permet à plus de gens d'accéder à la propriété aux États-Unis. Si les droits de douane sur le bois d'œuvre canadien, que le gouvernement actuel avait acceptés, n'ont pas frappé aussi durement qu'ils l'auraient pu, c'est strictement parce que les États-Unis ont en ce moment un appétit vorace pour la construction et pour le bois d'œuvre en général. Conséquence: le prix et la demande sont assez forts pour que les gens composent avec les droits de douane imposés.
Les députés se rappellent peut-être que, lorsque le gouvernement Harper est arrivé au pouvoir, il a pris la décision inhabituelle de demander à David Emerson de changer de parti pour l'aider à conclure une entente sur le bois d'œuvre. C'est le dernier accord ferme que nous avons été capables de conclure avec les États-Unis. Par conséquent, ce dossier a été une source continue d'irritation dans la relation commerciale avec le Canada, en grande partie à cause d'une poignée d'intervenants aux États-Unis qui exercent une grande influence à Washington et qui empêchent des millions d'Américains de payer moins cher. Les libéraux auraient dû profiter de la réouverture de l'ALENA pour régler l'un des principaux irritants en matière de commerce. Tant qu'à moderniser l'accord, aussi bien éliminer une source de discorde constante entre nous et les Américains. Or, ce n'était même pas mentionné dans les priorités des libéraux, pas plus que le secteur de l'automobile.
Comme je l'ai dit plus tôt, le Pacte automobile de 1965 a été le premier accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. N'eût été Pacte de l'automobile, il n'y aurait pas d'ALENA ni d'accord de libre-échange entre les États-Unis et l'Australie.
La majeure partie du secteur de l'agriculture n'est pas mentionnée. Pour être juste, je dois dire que la ministre a bien mentionné la gestion de l'offre, sauf qu'elle n'a pas riposté aux déclarations exagérées du président Trump sur les contingents tarifaires de 200 %. Les États-Unis dépensent plus en subventions au secteur agricole que nous pour notre armée. Quand avons-nous protesté? Si les États-Unis versent des milliards de dollars en subventions directes aux agriculteurs, les règles de la concurrence ne peuvent pas jouer librement.
Nous avons laissé de côté l'agriculture, l'automobile et le bois d'œuvre. Nous avons carrément exclu des secteurs sur lesquels nous aurions dû nous concentrer dès le début. C'est ce que les conservateurs ont dit. C'est ce que notre chef a dit. C'est ce que j'ai dit. C'est ce qu'un grand nombre de députés conservateurs ont dit.
Nous avons aussi exhorté les libéraux à inclure la défense antimissile balistique et la modernisation du NORAD, afin de rappeler aux États-Unis qu'ils ne devraient pas imposer au Canada des droits de douane au titre de l'article 232 pour des motifs de sécurité, puisque le Canada est leur seul partenaire en matière de défense et de sécurité nationales. Ils ne l'ont pas fait. En fait, ils ont défendu des positions contraires à celles des États-Unis.
Le Canada a décidé de retirer les avions qu'il avait déployés dans le cadre de la lutte contre le groupe État islamique, alors que la France et les États-Unis nous demandaient d'en faire davantage en matière de sécurité. Le premier ministre a fait adopter cette décision lors d'un deuxième vote au Parlement, avec l'aide de l'ancien whip de son parti, qui était l'ancien dirigeant de notre armée. Je souligne qu'il se retire de la politique. Il était le whip. Je peux m'imaginer à quel point il a dû être difficile de se retirer du combat pendant que nos alliés voulaient redoubler d'efforts.
Le président Obama, avec qui le premier ministre se vantait d'entretenir une belle amitié, voulait que nous restions. Sous le gouvernement du premier ministre actuel, le Canada n'était pas perçu comme un partenaire fiable et digne de confiance en matière de sécurité. Lorsqu'on a parlé d'imposer des droits de douane au titre de l'article 232 pour des motifs de sécurité, nous n'avons pas su faire valoir notre point de vue.
J'ai aussi une autre recommandation, particulièrement pour la ministre de l'Environnement et du Changement climatique, qui nous a expliqué que les libéraux essaient de tromper les Canadiens en se montant obstinés, en criant et en faisant du bruit, car ils pensent que c'est ainsi que les Canadiens les croiront dur comme fer. Le grand mythe de la modernisation de l'ALENA concerne la modernisation de l'industrie du camionnage et du transport en Amérique du Nord. Nous savions que le président Trump avait de sérieuses réserves concernant le camionnage mexicain et certaines règles sur la circulation transfrontalière qui touchent les États frontaliers et la réglementation sur le camionnage.
Lorsque le gouvernement Mulroney a négocié l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, qui a été conclu lors des élections de 1988, Air Canada appartenait encore à l'État fédéral. Nous n'avions pas libéralisé le transport aérien de passagers. C'était toujours une société d'État. Aujourd'hui, en 2017, 2018 et 2019, nous constatons que des gains d'efficacité résultent de l'ouverture des espaces aériens. J'aimerais que nous réalisions encore d'autres gains semblables. Nous constatons que les chemins de fer nord-américains font des gains d'efficacité, eux aussi, notamment les compagnies canadiennes comme le CP et le CN, qui ont grandement bénéficié de la libéralisation des règles de transport.
Si le gouvernement souhaite changer la donne, nous l'exhortons à vraiment moderniser l'ALENA en modernisant l'industrie du camionnage parce que, dans bien des cas, en raison des règles des États ou des provinces, lorsqu'on expédie des marchandises du Québec en Californie ou de l'Ontario au Massachusetts, les conteneurs doivent souvent revenir vides ou ne peuvent pas transporter des marchandises entre les États des États-Unis.
Fait intéressant — et je sais la chef du Parti vert écoute attentivement —, si nous avions négocié pour inclure le cabotage et le camionnage dans l'accord, nous aurions réalisé la plus importante réduction de gaz à effet de serre de l'histoire de l'Amérique du Nord, en modernisant le transport par camion.
J'ai fait cette recommandation et, lorsque David Emerson, un ancien ministre des transports qui jouit d'un grand respect dans l'industrie, a comparu devant le comité des transports, je lui ai demandé si cela n'aurait pas constitué une victoire sur le plan du commerce et sur le plan de l'environnement. Il a convenu qu'on aurait pu ainsi réaliser la plus grande réduction d'émissions de gaz à effet de serre qui soit.
Malgré les beaux discours du gouvernement, le plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre du gouvernement est en fait une taxe. Nous aurions pu l'inclure dans l'ALENA. Le moment aurait été bien choisi. Comme je l'ai dit, on n'envisageait pas de libéraliser la réglementation sur le camionnage dans les années 1980, entre autres parce que les compagnies aériennes appartenaient encore aux États. De nos jours, comme le transport aérien est libéralisé, de même que le transport ferroviaire et le transport maritime à courte distance dans bien des cas, nous aurions pu inclure le camionnage dans l'accord. Non seulement cela aurait permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais cela aurait aussi accru l'efficacité des entreprises et peut-être réduit les coûts et maximisé l'utilité des infrastructures de camionnage du pays.
Cela faisait partie des recommandations que nous avons présentées à propos de l'accord, sachant que le président aime se vanter d'être un leader du milieu des affaires. Nous aurions pu faire valoir l'avantage pour le consommateur et sur le plan de la compétitivité, ainsi que la réduction des émissions en raison d'une circulation réduite des camions. Modernisons l'ALENA en ce sens.
Toutefois, nous ne l'avons pas fait non plus. Nous n'avons pas mentionné les industries de base, comme l'automobile, le bois d'œuvre ou les secteurs agricoles clés. Nous n'avons même pas obtenu l'accès aux États-Unis pour les capacités modernisées de travail intellectuel. Nous n'avons pas obtenu la modernisation numérique. Nous n'avons pas obtenu la sécurité et les garanties en ce qui concerne les données et l'endroit où elles seraient stockées aux fins de protection de la vie privée. Nous ne tirons absolument rien de cet accord parce que nous n'avons pas entamé les négociations d'une manière stratégique.
Le gouvernement libéral a sous-estimé l'issue des négociations, et il est arrivé avec les grands airs qu'on associe au premier ministre, avec son fameux programme progressiste. Les libéraux ont laissé entendre qu'ils travailleraient aussi avec le Mexique. Le premier ministre s'est rendu au Mexique pour dire que nous allions travailler avec le gouvernement là-bas. Qu'est-il arrivé? Le gouvernement du Mexique ont eu 85 réunions directes avec des fonctionnaires de l'administration de la Maison-Blanche.
À la fin, au cours des deux derniers mois, nous n'étions plus à la table de négociation, et le député de Fredericton devrait savoir — parce qu'il a particulièrement laissé tomber les exportateurs du Nouveau-Brunswick dans ce dossier — que, lorsque le Canada n'est pas présent lors des négociations d'un accord trilatéral, lorsque seulement deux parties sont présentes, c'est un échec pour la partie qui a quitté la table de négociation.
Je comprends pourquoi le député de Fredericton est fâché. Il est possible qu'il soit le prochain député libéral qui en est à son premier mandat à annoncer sa retraite. Je ne sais plus combien il y en a. Aujourd'hui, c'était le député de Pierrefonds—Dollard. Je pense qu'il y en a eu quelques autres. J'aimerais bien que la Bibliothèque du Parlement effectue une recherche à ce sujet, car je ne suis pas certain, mais le député de Fredericton pourrait peut-être aussi effectuer la recherche. Je pense qu'aucun gouvernement majoritaire n'a vu autant de nouveaux députés partir que le gouvernement actuel.
Des voix: Oh, oh!