Monsieur le Président, je discuterai aujourd’hui du projet de loi C-7, Loi modifiant le Code criminel au chapitre de l’aide médicale à mourir.
Il est très intéressant pour moi d’être ici, au début de cette nouvelle législature, à discuter d’un sujet dont nous avons parlé lors de la législature précédente. J’étais députée depuis assez peu de temps lorsque la Chambre a été saisie du projet de loi C-14. Beaucoup de Canadiens appelaient à mon bureau ou m'envoyaient des lettres et des courriels au sujet de cette question très importante. J’ai passé de nombreuses heures à répondre aux gens, à leur parler au téléphone et à écouter leurs histoires. J'ai été frappée par leur prévenance. Il y avait bien sûr des préoccupations, ce qui est légitime, mais il y avait aussi beaucoup d’espoir pour certaines personnes.
Nous y revoilà. Cela me rappelle un ami très cher qui a eu recours à l'aide médicale à mourir pour son grand voyage. Il s'appelait Joey. Quand je pense au nœud du débat, qui est selon moi la souffrance inutile, et aux valeurs qui le sous-tendent, je ne peux m'empêcher de penser à Joey.
Joey souffrait d'une maladie qui le tuait à petit feu. En fait, il souffrait tellement qu'il a pris cette décision. Il a choisi le moment de sa mort pour que je puisse être avec lui, ce qui fut un immense honneur pour moi. Je lui étais extrêmement reconnaissante.
Je pense à ce que nous avons vécu ensemble ce jour-là. C'était beau, mais difficile. Ce fut très difficile en partie parce qu'il ne pouvait pas prendre d'analgésiques ce jour-là. Il devait demeurer totalement apte à répondre à la grande question. Après avoir discuté de sa décision longuement et de façon approfondie, il a dû accepter de souffrir toute la journée. Nous avons passé la journée avec lui, mais c'était difficile de le voir souffrir ainsi.
J'espère que tous les Canadiens et tous les parlementaires auront cette réalité en mémoire pendant l'examen du projet de loi devant nous aujourd'hui. Nous sommes ici pour que plus personne n'ait à supporter inutilement de pareilles souffrances.
Une chose m'a vraiment étonnée le jour où Joey est décédé: son médecin est venu le trouver. Il lui avait fait savoir auparavant qu'il ne voulait pas être celui qui administrerait l'aide à mourir, mais il est venu. Beaucoup de larmes ont été versées et beaucoup de souvenirs ont été échangés entre ces deux hommes qui se connaissaient depuis longtemps. Nous devons également parler des relations à long terme que nous avons parfois avec notre médecin. Certains nous suivent pendant des années, et c'était le cas de Joey. Un autre médecin était présent pour administrer l'aide à mourir, mais le médecin de Joey était là, avec lui. Ceux qui l'aimaient étaient autour de lui. Il nous a quittés en douceur.
Nous sommes ici aujourd'hui pour effectuer ce travail important. J'espère que le projet de loi sera renvoyé au comité. J'ai discuté avec des médecins de ma circonscription qui administrent l'aide médicale à mourir, et ils m'ont dit beaucoup de bien du projet de loi, même s'ils y trouvaient aussi certains défauts sur lesquels ils aimeraient que nous nous penchions, et j'espère que nous le ferons.
Lorsque ce processus a été enclenché, les gens ont recommencé à m'écrire. Nous avons fait de la sensibilisation. Nous voulions que les gens sachent qu'un processus leur permettrait de faire connaître leur opinion sur le sujet au gouvernement. Un grand nombre de gens de ma circonscription ont participé au processus en ligne et ont insisté pour que leur rétroaction soit transmise à mon bureau. J'ai devant moi une petite partie des commentaires formulés par les gens et des histoires qu'ils ont racontées.
Je tiens à être claire sur un point qu'il ne faut pas oublier dans notre examen du projet de loi: je représente une circonscription rurale et éloignée. Les médecins prennent parfois toute une journée pour se rendre à l'endroit où ce service très important est requis.
Les localités rurales et éloignées font face à des obstacles particuliers et nous ne voulons pas qu'elles soient laissées pour compte dans aucune de nos lois.
Trois médecins administrent l'aide médicale à mourir dans ma région. Ma circonscription couvre un peu moins de 60 000 kilomètres carrés et elle compte plusieurs traversiers et de nombreuses petites îles. Les médecins qui la desservent couvrent aussi une partie de la circonscription voisine. Ils fournissent ce service à une population énorme, répartie sur un vaste territoire.
Les messages que j'ai reçus étaient tous des messages de remerciement. En fait, les patients ont aimé leurs interactions avec le Dr Daws, un médecin de ma circonscription. Ils l'ont trouvé fort compatissant et respectueux. Certains patients m'ont écrit avant de recevoir l'aide médicale à mourir pour me dire que le Dr Daws les avait grandement aidés.
Je tiens à souligner le travail extraordinaire des fournisseurs de soins de santé de notre pays, qui assurent ce service avec sensibilité et élégance. Ils accompagnent les gens dans l'un des moments les plus importants de leur vie.
Je veux parler de Margaret. Elle nous a raconté l'histoire de son neveu, qui a lui-même décidé d'avoir recours à l'aide médicale à mourir. Ce que Margaret déplore le plus, c'est l'absence d'une disposition de demande anticipée. Son neveu avait le choix de passer à l'acte deux mois plus tôt ou de ne jamais pouvoir le faire. Les médicaments qu'il allait devoir prendre à cause de sa maladie l'auraient automatiquement empêché de fournir son consentement.
Ce qui me dérange le plus dans ce dossier, c'est que des gens sont obligés de nous quitter plus tôt qu'ils ne le voudraient de peur de perdre la capacité de donner leur consentement.
J'ai une pensée pour Megan, qui nous a raconté l'expérience qu'elle et sa famille ont vécue. Ils étaient présents pour la mort d'un ami. Voici ce qu'elle a écrit:
Je suis entièrement favorable à l'idée qu'une personne puisse donner son consentement préalable pour obtenir l'aide médicale à mourir dans le cas où elle sait qu'elle ne sera pas capable de consentir à cette aide juste avant de l'obtenir ou dans le cas où elle souffre beaucoup et veut pouvoir vivre ses derniers jours plus calmement, en prenant des médicaments qui atténueront sa douleur.
Cela me rappelle l'expérience que j'ai vécue avec Joey. J'ai été témoin de ses souffrances physiques et je l'ai vu attendre d'être soulagé. C'était très difficile. Le consentement préalable est une question très importante relativement à l'aide médicale à mourir.
Je pense à Dolores, qui m'a envoyé un magnifique message. Elle souhaite que le processus soit clair pour tous, qu'il soit facilement accessible et qu'il soit décrit dans une trousse d'information. Sa plus grande crainte, c'est que son médecin de famille ne croit pas au processus et qu'il ne lui communique pas l'information dont elle aurait besoin pour prendre une décision éclairée. Elle a ajouté qu'il serait bien d'avoir une trousse d'information un peu plus efficace, de telle sorte que si le médecin a du mal à accepter ce choix personnel, il n'y ait aucune incidence pour le patient.
C'est dans des moments comme celui-ci que je suis pleinement consciente du rôle qui m'appartient en tant que parlementaire dans un contexte totalement différent. Les gens me parlent des précieuses expériences qu'ils ont vécues dans leur vie.
Une autre famille m'a parlé de son beau-père qui a été atteint de démence pendant sept ans. Il a reçu d'excellents soins, mais son état s'est détérioré rapidement pendant sa dernière année de vie. Sa dignité en a souffert énormément. Un de ses fils aimants m'a dit être convaincu que, s'il avait su que son état de santé allait se détériorer à ce point pendant les dernières années de sa vie, son beau-père aurait choisi l'aide médicale à mourir, si cette option lui avait été offerte.
Ensuite, il y a Milt, dont l'épouse se trouve dans une maison de santé. Comme elle est atteinte de la maladie d'Alzheimer, elle ne pourra pas s'exprimer. Il a peur qu'elle souffre beaucoup trop longtemps, ce qu'il veut éviter.
Une autre famille a parlé d'une amie atteinte d'un cancer du cerveau qui a fait un accident vasculaire cérébral. Elle a craint après cela de ne pas être capable d'exprimer sa volonté si elle en faisait un deuxième. Elle a donc demandé l'aide médicale à mourir plus tôt qu'elle l'aurait voulu pour cette raison.
On parle d'une décision très importante. Les gens la prennent avec leurs proches et les professionnels de la santé qui les traitent. Je vais appuyer le projet de loi parce que je pense que les gens ne devraient pas souffrir indûment. Il présente certains points à régler qui seront clarifiés je l'espère, surtout en ce qui concerne la réalité des régions rurales ou éloignées. Il reste que, quand les gens nous racontent ce qu'ils ont vécu, il y a des choses qui reviennent constamment: on ne veut pas que les gens souffrent, on ne veut pas qu'ils perdent leur dignité et on veut que leur volonté soit respectée.
Je suis heureuse d'être ici pour parler du projet de loi. Je remercie tous les habitants de ma circonscription qui ont communiqué avec moi. Je suis toujours ravie d'entendre les belles histoires, et aussi les histoires plus difficiles, dont les gens me font part.