Madame la Présidente, j'interviens aujourd'hui afin d'exprimer mon appui pour la motion à l'étude.
Je vais d'abord parler de la pandémie de COVID-19. Elle sert à nous rappeler que nous sommes tous des citoyens du monde et que nous sommes tous liés les uns aux autres. La santé des Canadiens est liée à celle des gens partout dans le monde. Il se peut même que, certains jours, nous tenions pour acquis notre santé et notre système de santé, bien que ce ne soit évidemment pas le cas aujourd'hui. Cette pandémie mondiale nous rappelle cruellement que la santé est fragile, tout comme notre système de santé.
À l'échelle mondiale, les pays possédant les infrastructures et les capacités requises pour isoler et traiter rapidement des patients sont ceux qui ont le mieux réussi à infléchir la courbe de l'infection. Au bout du compte, ces pays réussiront probablement à sauver des milliers, voire de dizaines de milliers, de vies. Même si les Canadiens sont fiers à juste titre de notre système national de soins de santé, il nous manque un élément crucial que les autres pays possèdent: la capacité d'offrir des soins médicaux de longue durée à l'aide de médicaments. Comme je l'ai dit, nous sommes tous liés. Mes problèmes de santé influent sur la santé d'autrui. Si je ne peux pas accéder aux médicaments dont j'ai besoin, d'autres personnes pourraient en subir les conséquences. Les Canadiens en sont conscients.
Je suis une députée nouvellement élue. Je fais partie des députés qui n'avaient jamais présenté leur candidature auparavant. C'était un véritable privilège de faire du porte-à-porte dans ma circonscription, Edmonton Strathcona, pour apprendre certaines choses en parlant aux électeurs. J'ai été particulièrement touchée par l'intelligence et la générosité des Edmontoniens qui m'ont donné leurs opinions. Ce sont de toute évidence des gens qui comprennent bien l'écart grandissant entre les riches et les pauvres au Canada.
Edmonton Strathcona est une circonscription très diversifiée, où résident des Canadiens de toutes les régions du monde et où coexistent des gens issus d'un éventail aussi varié de milieux socio-économiques que dans les autres grandes villes du Canada. Alors que je faisais du porte-à-porte pour parler des priorités du Nouveau Parti démocratique, je n'ai pas été surprise de constater que ceux qui peinaient à subvenir à leurs besoins appuyaient fortement notre plateforme. Cependant, j'ai été un peu surprise de voir à quelle fréquence les gens qui n'éprouvaient pas de difficultés se souciaient des mêmes questions.
Je n'oublierai jamais un jeune homme en particulier, un entrepreneur prospère qui habite une belle maison sur un terrain intercalaire. Il m'a dit que l'accès aux soins médicaux pour les Canadiens en difficulté figurait en tête de ses priorités. Nous avons parlé longtemps du régime d'assurance-médicaments, du régime d'assurance dentaire et de l'accès aux soins de santé mentale que préconise le Nouveau Parti démocratique. Il m'a parlé de ses deux fillettes et des enfants qui fréquentaient la garderie et l'école avec elles. Il était très préoccupé par le bien-être de ses filles, bien sûr, mais il a souligné que c'était directement lié à celui de leurs amis.
Il m'a parlé des gens qu'il connaît, dont beaucoup sont des néo-Canadiens qui n'ont pas accès aux médicaments dont ils ont besoin. Les parents ou les enfants n'ont pas les médicaments nécessaires parce qu'ils n'ont pas d'assurance-médicaments. Il m'a regardé droit dans les yeux et a dit que c'était ridicule que la santé de ses enfants soit menacée parce que ces gens ne peuvent pas se payer leurs médicaments. Il m'a dit que je devais faire quelque chose. Je suis ici en espérant pouvoir aider.
La semaine dernière, on pouvait voir que l'Alberta était aux prises avec une crise économique. Le taux de chômage y a grimpé en flèche au cours des neuf derniers mois. Edmonton affiche le plus haut taux de chômage au pays. Des milliers d'Albertains ont perdu, en tout ou en partie, leur assurance-médicaments fournie par l'employeur.
Comme si la situation n'était pas déjà assez pénible, le gouvernement de Jason Kenney, formé par le Parti conservateur uni, a décidé d'enlever l'assurance-médicaments à des milliers d'aînés et à leurs personnes à charge. Il vient d'éliminer l'aide financière aux aînés pour les appareils médicaux et les appareils fonctionnels et de réduire l'accès de milliers d'autres personnes aux produits biologiques dont elles ont besoin. En tout, 46 000 Albertains ont perdu leur assurance-maladie ou leur assurance-médicaments ou ont vu celles-ci modifiées de façon draconienne. Maintenant, ces Albertains devront payer de leur propre poche, s'ils le peuvent, sans quoi ils paieront de leur santé, voire de leur vie.
Une famille touchée par les compressions cruelles de Jason Kenney a communiqué avec moi récemment. Helen a passé 35 ans au service de la collectivité à titre d'infirmière. Elle a dû prendre sa retraite avant d'avoir 65 ans en raison d'une lésion cérébrale. Heureusement, son fils et elle étaient couverts par l'entremise de son époux, Steve, qui est âgé de plus de 65 ans, grâce au régime provincial d'assurance-médicaments pour aînés. Les trois membres de cette famille ont des problèmes de santé. Lorsque Jason Kenney a exclu les personnes à charge du régime, Helen et son fils ont perdu leur couverture.
Aujourd'hui, cette famille doit payer 4 000 $ de plus en médicaments. Je parle de 4 000 $ par mois. Helen et Stan cherchent désespérément des solutions. En ce moment, ils envisagent de vendre leur maison pour payer les coûts additionnels, mais ils ne savent pas si ce sera suffisant. Étant donné le taux de chômage élevé en Alberta, les prix des maisons à Edmonton sont vraiment à la baisse.
Les membres de cette famille se trouvent devant la décision la plus difficile de leur vie. Ils doivent choisir entre leur maison et leur santé. Cette famille et des centaines de milliers d'autres partout au pays font face à de terribles dilemmes parce que le Canada n'a pas de régime national d'assurance-médicaments universel.
En coupant l'assurance-médicaments de cette famille, Jason Kenney a permis au gouvernement de l'Alberta d'économiser des millions de dollars, plus précisément 72 millions de dollars. C'est beaucoup d'argent. Toutefois, si nous tenons compte du contexte, les dépenses et les économies sont loin de correspondre. Pour chaque dollar que Jason Kenney a cédé aux actionnaires étrangers par l'entremise d'une réduction de l'impôt des sociétés, il a obtenu 1,5 ¢ de gens comme Helen et Stan. Une telle cruauté est ahurissante.
Pour se faire une idée du nombre de personnes dans une situation semblable à celle de Helen et Stan, on peut poser la question à un travailleur de la santé. Les médecins sont au courant, et c'est pourquoi ils appuient un régime d'assurance-médicaments universel. Les infirmiers sont au courant, et c'est pourquoi ils appuient un régime d'assurance-médicaments universel. Pratiquement tous les professionnels de la santé du pays sont en faveur d'un régime d'assurance-médicaments universel.
Comme je l'ai déjà mentionné à la Chambre, j'ai survécu à un cancer. D'ailleurs, j'ai une excellente nouvelle. La semaine dernière, on m'a annoncé que je n'ai plus de cancer. Normalement, j'aurais dû célébrer cette nouvelle, mais j'avais de la difficulté à le faire parce que je me suis rendu compte de la chance que j'ai eue d'avoir accès aux médicaments et aux soins dont j'avais besoin pour survivre à cette maladie. Ce n'est pas le cas de nombre de résidants de ma province.
L'autre jour, j'ai eu la chance de rencontrer ma pharmacienne et de discuter de cette question avec elle. Elle m'a dit que les gens seraient étonnés d'apprendre combien de personnes se passent de médicaments parce qu'elles n'ont pas les moyens de se les procurer. Ces gens font la file, ils présentent leur ordonnance, mais lorsqu'ils découvrent combien coûte leur médicament, ils s'en vont. Ce sont les cas les plus faciles pour elle. Ce qui est beaucoup plus difficile, c'est de voir ceux qui ne se décident pas à partir, ceux qui essaient d'acheter une ou deux pilules, ceux qui offrent de payer une partie du coût maintenant et une autre partie plus tard, ceux qui pleurent et ceux qui supplient.
Elle m'a parlé d'une femme qui, après avoir payé le médicament sur ordonnance dont son enfant avait besoin, a simplement pris son enfant et son sac à main avant de s'en aller, laissant son chariot plein de marchandises derrière elle. Cela ne s'est pas produit dans un quartier pauvre d'Edmonton, mais au cœur d'Edmonton Strathcona, un endroit où les jolies maisons et les gens instruits ne manquent pas.
Les choses ne sont pas appelées à s'améliorer. Elles vont s'aggraver. La semaine dernière, l'économie de l'Alberta faisait face à une crise. C'était la semaine dernière. Cette semaine, l'économie de l'Alberta s'effondre.
Tommy Douglas, le père de l'assurance-maladie, savait que notre régime de soins de santé était incomplet sans l'assurance-médicaments. Il y a plus de 40 ans, il a reconnu que les soins de santé ne sont pas universels si les Canadiens ont à payer leurs médicaments de leur poche. En 1984, il a déclaré:
N'oublions pas que le but ultime de l'assurance-maladie doit être de maintenir les gens en bonne santé plutôt que de simplement les remettre sur pied lorsqu'ils tombent malades. Cela veut dire qu'il faut des cliniques. Cela signifie rendre les hôpitaux disponibles uniquement pour les cas de traitement actif, placer les patients chroniques dans des maisons de repos, poursuivre les programmes de soins à domicile qui sont beaucoup plus efficaces, rendre les bilans annuels et les vaccinations accessibles à tous. Il s'agit d'étendre et d'améliorer l'assurance-maladie en proposant des programmes d'assurance-médicaments et de soins dentaires. Il s'agit de promouvoir la forme physique par le biais du sport et d'autres activités.
L'absence de l'assurance-médicaments est un trou béant dans notre système de soins de santé, qui laissent tomber des Canadiens.
Depuis 23 ans, les libéraux fédéraux accordent une importance prioritaire à l'assurance-médicaments, c'est du moins ce qu'ils disent. Elle a été l'une des pièces maîtresses de toutes leurs plateformes électorales des deux dernières décennies. Le premier ministre a promis en 2015 et en 2019 qu'il instaurerait un régime d'assurance-médicaments, et je soupçonne qu'il répétera la même promesse pendant la prochaine campagne. Il faut un immense cynisme pour continuer à traiter les Canadiens de la sorte. Il est temps que l'assurance-médicaments passe du rang de promesse à celui de réalité.