Monsieur le Président, c'est pour moi un grand honneur de prendre la parole aujourd'hui. Je songe à quel point le monde a changé depuis la dernière fois que je me suis trouvé ici. Je viens de passer un peu plus de 40 jours en isolement, grosso modo, ce qui m'a donné l'occasion de réfléchir au terme « quarantaine », qui signifie 40 jours. Cela renvoie à l'histoire biblique de la traversée du désert de Jésus, qui a duré 40 jours. Des tempêtes ont déferlé pendant 40 jours et 40 nuits. Les Israélites ont erré dans le désert pendant 40 ans. Fait particulièrement intéressant, le mot « quarantaine » nous vient de l'époque de la peste noire, car c'était l'un des seuls moyens de lutter contre cette pandémie. En plein XXIe siècle, nous devons revenir aux moyens employés au Moyen-Âge pour combattre une pandémie que nous ne comprenons pas tout à fait. Voilà qui porte à réfléchir, tout comme la vitesse à laquelle ce virus a bouleversé le monde et mis à mal des vérités que nous pensions indiscutables. Ainsi, 40 années de politiques économiques et sociales se sont effondrées aussi vite que le mur de Berlin.
Quelles idées sont tombées au cours de la première semaine de la pandémie de COVID? La croyance en la supériorité naturelle de la mondialisation et la conviction que nous n'avons pas besoin d'activité industrielle au Canada pour subvenir à nos besoins parce que nous pouvons faire confiance à nos alliés. La saisie par Donald Trump de matériel médical destiné au Canada a sonné le glas du programme de mondialisation. La réception de produits de santé de qualité inférieure de la Chine a sonné le glas du programme de mondialisation. Nous avons entendu des gens de toutes les allégeances politiques parler de la nécessité d'établir une politique industrielle afin que le Canada ne se trouve plus jamais dans une telle situation.
Nous avons tout appris au sujet du programme de privatisation, c'est-à-dire l'idée que le gouvernement doive laisser le champ libre parce que ce qui est à but lucratif est si naturellement supérieur. Nous avons vu les taux de mortalité horribles dans les foyers pour personnes âgées à but lucratif, où il faut maintenant envoyer l'armée pour essayer de garder les personnes âgées en vie. Nous ne devons plus jamais nous retrouver dans une telle situation. Nous ne devons plus jamais nous retrouver dans une situation où les travailleurs médicaux de première ligne ont recours à l'externalisation ouverte sur Facebook pour obtenir du matériel médical afin de se protéger au cours d'une pandémie.
Ce n'est pas tout ce que nous avons appris. Nous avons appris que les Canadiens savent se montrer d'une incroyable solidarité, qu'ils se soucient les uns des autres, qu'ils n'adhèrent pas à la notion de rentabilité à tout prix, qu'ils savent faire preuve d'esprit d'entraide. Quand je suis arrivé à Ottawa, hier soir, ma fille m'a dit que des voisins étaient venus mettre un message sur sa porte disant qu'ils savaient qu'il y avait là des étudiants qui n'avaient peut-être pas de famille ici et de les appeler s'ils avaient besoin d'aide. Voilà un bel exemple de ce que c'est qu'être Canadien.
Nous avons également pris conscience de l'immense pouvoir économique du gouvernement. Après toutes les railleries entendues au sujet des dépenses du fédéral et du Trésor public et après que les conservateurs nous eurent constamment répété que le salut passait par les sociétés, le secteur privé et les entrepreneurs, à peine une semaine après l'arrivée du coronavirus, tout le monde voulait que des mesures soient mises en place pour contenir la pire catastrophe économique à survenir de mémoire d'homme.
Les mesures dont nous débattons ici concernent le fait que les dépenses publiques ont le pouvoir de garder nos villes habitables et d'aider les familles canadiennes à tenir le coup. Je fais remarquer à la Chambre que, à mon avis, il n'y aura pas de retour à la normale et que le monde dont nous débattions au début du mois de mars n'existe plus. Nous devons décider de l'orientation que prendra notre pays. Croire que le marché se rétablira par miracle est évidemment une chimère.
Pour nous sortir de la crise de la COVID, il faudra des investissements publics massifs au cours des prochaines années. Or, si nous devons faire des investissements publics pour relancer l'économie canadienne, la question fondamentale qu'il faut se poser est celle du type d'investissements que nous devrions faire, car il s'agit des deniers publics et du bien commun. Chaque mesure que nous prenons, qu'il s'agisse de l'aide aux étudiants universitaires ou du revenu de base mensuel de 2 000 $ que nous avons appuyé, devra constituer le nouveau seuil minimal nous permettant de garantir que plus jamais nous ne nous retrouverons dans une situation aussi précaire et que plus jamais nous ne laisserons le système de santé dans un si piètre état.
Je pense à l'Ontario. Je félicite le premier ministre Doug Ford. Il a certainement pris la situation à bras-le-corps. Pourtant, juste avant la pandémie, on fermait tous les services de santé publique de la province parce qu'on ne pensait pas en avoir besoin. Or, ces mêmes services de santé publique ont constitué la première ligne de défense pour nous; ce sont eux qui nous sauvent en ce moment. On ne va pas revenir en arrière pour recommencer à saigner la santé à blanc. Nous y veillerons.
En ce qui concerne l'idée d'un revenu de base de 2 000 $, les conservateurs, leurs groupes de réflexion de droite et le National Post nous disent que cela va inciter les gens à ne rien faire et à se prélasser dans leur hamac. C'est comme si les conservateurs attendaient impatiemment de pouvoir décider qui sera jeté en dehors du canot de sauvetage.
La réalité, c'est que moins d'une semaine après que la COVID-19 a frappé, des millions de Canadiens n'avaient pas les moyens de payer leur loyer. C'est une véritable mise en cause du système économique. Ce dernier ne peut pas nous assurer un mode de vie convenable. Ces 2 000 $ par mois ne sont certainement pas venus des conservateurs; ces derniers étaient trop occupés à s'en prendre aux personnes d'origine asiatique. L'idée d'un revenu minimum de 2 000 $ par mois est venue des néo-démocrates. Nous avons expliqué que c'est la nouvelle base, et nous avons obtenu l'appui du gouvernement.
Comment pouvons-nous dire aux gens qu'ils devront revenir à des emplois minables et à des contrats minables dans une économie où les emplois vont se faire rares encore longtemps?
Lorsqu'on parle de nouvelle normalité, il s'agit de veiller à ce que l'argent que nous dépenserons serve à bâtir une meilleure société. Nous devons saisir l'occasion en or qui se présente. Qu'allons-nous faire des milliards de dollars qu'il faudra consacrer aux infrastructures pour que les villes offrent une meilleure qualité de vie et soient plus viables et pour que notre société soit plus inclusive et équitable? Nous pourrions verser cet argent à de grandes entreprises privées, comme nous l'avons fait année après année, mais je pense qu'il s'agirait d'un terrible échec compte tenu de la situation dans laquelle se trouvent les Canadiens à l'heure actuelle.
Voici les questions que nous, les néo-démocrates, avons soulevées pendant que les conservateurs faisaient autre chose. Nous avons dit que 2 000 $ par mois était le minimum. Puis, nous nous sommes rendu compte que le gouvernement ne travaillait toujours pas avec nous à rendre ce revenu universel. Il voulait qu'il y ait des limites à ce montant. Nous avons demandé ce qui se passerait si quelqu'un gagnait un peu d'argent. Cette personne serait-elle écartée? Qu'en serait-il des personnes faisant de petits boulots et gagnant un peu d'argent? La prestation de 2 000 $ et la possibilité de gagner jusqu'à 1 000 $, c'était une mesure juste, et le gouvernement l'a reconnu. Ce sont les néo-démocrates qui ont dit que la subvention salariale à hauteur de 10 % n'était pas suffisante et qu'elle devrait être de 75 %. Pendant que les conservateurs nous sommaient de déclencher une nouvelle guerre froide avec la Chine, en agitant leur drapeau et en brandissant le poing, nous parlions des petites entreprises et demandions un traitement équitable pour elles, et nous avons obtenu les changements que nous demandions.