Merci beaucoup, monsieur le président, de me donner l'occasion de présenter au Comité le point de vue de l'industrie vinicole canadienne sur le nouvel ALENA, aussi connu sous le nom de l'ACEUM.
La modernisation ou la renégociation de l'ALENA a été une expérience commerciale sans précédent. Non seulement le Canada a fait l'objet d'une contestation devant l'OMC concernant l'accès des vins américains aux épiceries de la Colombie-Britannique, mais l'industrie vinicole américaine a aussi utilisé ce processus commercial pour demander des changements à presque tous les éléments de la version initiale de l'ALENA, ce qui aurait pu être désastreux pour l'avenir de plus de 700 établissements vinicoles au Canada. En tant que pays, le Canada n'est pas seulement le cinquième pays en importance dans le monde pour la valeur des importations de vin et le huitième pour le volume; il se classe également parmi les marchés de vente de vin les plus attrayants au monde.
Comme la culture vinicole est en croissance partout au Canada et que le climat et le sol dans différentes régions du pays sont propices à la production de vins de classe mondiale, l'exemption de la taxe d'accise de 2006 qui a été établie pour les vins 100 % canadiens a permis de stimuler l'investissement pour plus de 400 nouveaux établissements vinicoles au cours de la dernière décennie. De plus, elle a permis de favoriser une demande substantielle de raisins cultivés au Canada, ce qui a fait augmenter la production de vins canadiens de qualité supérieure de 28 millions de litres par année. En 2018, cette nouvelle production en pleine croissance a généré 3,1 milliards de dollars de retombées économiques annuelles supplémentaires pour l'économie canadienne, tout en soutenant 37 000 emplois.
Les demandes présentées par l'industrie vinicole américaine dans le cadre de l'ALENA étaient un scénario du type David contre Goliath. Comme notre avenir était en jeu, l'Association des vignerons du Canada était en communication presque tous les jours avec l'équipe de négociation responsable du vin d'Affaires mondiales et lui a fourni tous les détails statistiques et tous les renseignements qu'elle pouvait trouver et a assisté à chaque ronde de négociations pour veiller à ce que ses intérêts demeurent une priorité pour le gouvernement. Il était essentiel de remettre les pendules à l'heure. Peu importe les critères utilisés, l'ALENA a été une manne pour l'industrie vinicole américaine et en a fait le premier importateur de vin au Canada, dépassant la France et l'Italie; la valeur des importations est d'ailleurs passée de 19 millions de dollars en 1988 à 504 millions de dollars en 2018.
Comme beaucoup d'entre vous le savent, les changements mis en œuvre dans l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis de 1988 étaient si importants que beaucoup pensaient que l'industrie vinicole canadienne n'y survivrait pas. Pour soutenir la concurrence, nous avons trouvé de nouvelles variétés de raisins, replanté des vignes, investi dans de nouvelles technologies et techniques, entrepris des recherches viticoles et créé le système VQA. Aujourd'hui, nos vins de qualité supérieure représentent une part de marché de 10 % à l'échelle du Canada et jouissent d'une renommée croissante sur les marchés clés partout dans le monde.
Compte tenu des changements importants que nous avons subis au cours des 30 dernières années, l'ALENA a été moins avantageux pour notre secteur; en effet, les exportations de vin embouteillé aux États-Unis n'ont augmenté que de 8,2 millions de dollars, soit 25 000 caisses. Néanmoins, les États-Unis demeurent un marché d'exportation clé, et nous y voyons un potentiel de croissance. Il est important de souligner que, comme les importations représentent 70 % du marché des ventes de vin au Canada, nous continuons de mettre l'accent sur la croissance des ventes de vin sur notre territoire. Bien que nous ayons appuyé et accueilli favorablement le commerce libre et équitable avec les États-Unis et le Mexique dans le cadre de la renégociation, notre principal objectif était de protéger ce qui se trouvait déjà dans l'ALENA tout en améliorant la rationalisation et la modernisation de la réglementation. Nous pouvons dire mission accomplie. Les avantages qui faisaient partie de l'accord initial depuis 1988 n'ont pas été perdus dans l'ACEUM. L'accord comprend également l'annexe la plus complète sur le vin de tout accord commercial négocié dans le monde. Nous sommes satisfaits des dispositions sur le vin de l'ACEUM, et nous appuierons sa ratification en parallèle avec les États-Unis et le Mexique.
Cela dit, il est important de rappeler à tous les membres du Comité que, avec la ratification de l'AECG et du PTPGP et la renégociation de l'ALENA, 91 % des importations de vin entrent maintenant en franchise de droits au Canada. C'est une grande préoccupation pour tous les producteurs de vin au Canada, étant donné que les importations ont représenté environ 75 % de la croissance totale des ventes de vin au pays au cours de la dernière décennie. Pour tirer parti de l'ACEUM, de l'AECG, du PTPGP et des futurs accords commerciaux, nous devons soutenir et protéger la croissance des ventes de vin canadien au pays et à l'étranger. Par exemple, depuis le 1er janvier, l'Agence canadienne d'inspection des aliments exige que les établissements vinicoles canadiens adoptent un Plan de contrôle préventif pour l'obtention d'un « certificat de vente libre » en vue de l'exportation de leurs vins; il s'agit d'une démarche importante et coûteuse pour les petits et moyens établissements vinicoles pour un produit alimentaire à faible risque. Les modifications proposées à l'étiquetage « Produit du Canada » nécessitent que le produit soit composé de 85 % de contenu canadien, mais nous acceptons un seuil de 75 % pour la mention « Produit des États-Unis ». Pendant plus d'une décennie, le Canada a permis à l'Union européenne, aux États-Unis et à d'autres pays du Groupe mondial du commerce du vin d'exporter au Canada des produits même si des additifs ou des auxiliaires technologiques que les établissements vinicoles canadiens ne sont pas autorisés à utiliser ont été utilisés. Le Canada doit accepter les preuves scientifiques de ces pays pour accélérer l'approbation afin que les établissements vinicoles canadiens aient accès aux mêmes outils pour la fabrication de vin.
Le financement des programmes de commercialisation agroalimentaire au Canada se limite à la promotion des exportations et ne peut servir à la promotion au pays, marché sur lequel les vineries canadiennes font face à leur plus grande concurrence. Des restrictions datant de l'époque de la prohibition sont toujours en vigueur dans sept des dix provinces et limitent la livraison de vin directement aux consommateurs d'une province à l'autre.
Ces problèmes doivent être réglés à court terme afin que nous puissions tirer pleinement profit de l'ACEUM.
En outre, il est absolument essentiel que le gouvernement se concentre immédiatement sur la résolution de la contestation de l'Australie devant l'OMC contre les mesures canadiennes relatives au vin. Comme les travaux du groupe spécial de règlement des différends de l'OMC sont déjà bien entamés, un résultat négatif mettrait en péril non seulement les avantages négociés dans le cadre de l'ACEUM, mais aussi 700 établissements vinicoles d'un océan à l'autre ainsi que les emplois et les investissements permettant d'assurer l'avenir du secteur à plus forte valeur ajoutée de l'industrie agricole canadienne.
À de nombreuses reprises, le gouvernement australien a déclaré publiquement qu'il était disposé à trouver avec le Canada une solution en marge de l'OMC. L'industrie vinicole australienne m'a informé qu'une résolution est possible si le Canada offre de ne plus ajuster annuellement le droit d'accise sur le vin en fonction de l'inflation comme il est prévu dans la loi et comme le prévoit le budget de 2017.
Le gouvernement australien a également fait allusion à sa déception à l'égard de l'indexation prévue par la loi dans un exposé présenté récemment devant l'OMC. Ce qui est clair, c'est que l'offre d'abrogation mettrait probablement fin à la contestation devant l'OMC. Elle n'empêcherait pas le gouvernement fédéral de modifier dans le futur les droits d'accise. Elle ne ferait que rendre obligatoire la tenue d'un vote au Parlement pour toute décision sur les futures augmentations du droit d'accise dans le cadre du processus de la loi d'exécution du budget.
En conclusion, nous appuyons sans réserve l'adoption du projet de loi C-100 et la ratification de l'ACEUM. Toutefois, si le gouvernement du Canada n'offre pas d'abroger l'indexation annuelle du droit d'accise prévue dans la loi en vue d'un règlement négocié en marge de l'OMC, nous craignons que l'industrie vinicole canadienne ne perde non seulement les avantages qu'elle a gagnés dans le cadre de l'ACEUM, mais aussi d'autres mesures fédérales et provinciales, ce qui mettrait en péril des milliers d'emplois et des centaines d'établissements vinicoles dans toutes les régions du pays.
Merci, monsieur le président.