Merci.
Bonjour à tous et à toutes. C'est un grand plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui.
Monsieur le président et membres du Comité, je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée à vous parler au nom des membres du Conseil des affaires canado-américaines. Je viens de Washington, où j'ai aussi grandi. Je représente donc le marécage, qu'apparemment on est en train de drainer. Nous pourrons parler de tout cela et du rôle que nous y jouons.
Il est très intéressant de nous pencher sur les enjeux politiques qui relient le Canada et les États-Unis à l'heure actuelle. Il est bon de nous concentrer sur les intérêts communs de nos deux pays et sur l'amitié très spéciale qui nous lie depuis longtemps et qui caractérise les relations durables, affectueuses et productives entre le Canada et les États-Unis.
Au cours des 100 journées qui ont suivi son arrivée au pouvoir, le président Donald Trump a brisé plusieurs des grandes promesses qu'il avait faites pendant sa campagne électorale. Les deux professeurs en ont témoigné devant vous aujourd'hui. Je vais donc relever ces faits pour vous les présenter en détail.
Le président a décidé de ne pas traiter la Chine de manipulatrice de devises. Il a choisi de ne pas lever les sanctions imposées à la Russie. Il a renoncé à déménager l'ambassade américaine en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem. Il a décidé de ne pas s'écarter de la politique que les États-Unis suivent depuis des années sur la Chine et Taiwan en adoptant ce qu'on appelle la politique d'une seule Chine. Il a décidé de ne pas se retirer de l'accord sur le programme nucléaire iranien, de ne pas fermer la banque EXIM — la banque d'import-export des États-Unis — et de ne pas compromettre les tractations diplomatiques que le président Obama avait entamées à Cuba. Le président a même trahi ses prétentions d'isolationnisme et de non-intervention quand il a renforcé la ligne rouge qu'avait tracée le président Barack Obama en ordonnant que l'on envoie des missiles sur la Syrie pour punir le régime Assad des atrocités qu'il y perpétrait.
Toutes ces volte-face ont attiré l'attention des personnes qui, comme nous, appuient l'Accord de libre-échange nord-américain. De même, le président — comme vous le savez bien — a soudainement renoncé à sa menace de résilier l'ALENA. Il est cependant encore trop tôt pour pousser un soupir de soulagement. Le 45e président des États-Unis a maintes fois démontré qu'il est avant tout une personne absolument imprévisible. Pour le moment, les États-Unis ne se retirent pas de l'ALENA. Mais ils se préparent — c'est d'ailleurs pour cela que nous sommes tous ici — à s'engager dans une renégociation de taille.
Il est évident que l'ALENA a maintenant 23 ans et qu'il a été négocié à une époque entièrement différente de la nôtre. Personne ne connaissait encore le mot Internet. Il faudra attendre 10 ans pour voir apparaître un iPhone. Certains des secteurs les plus importants et les plus solides de l'économie nord-américaine n'existaient pas lors des négociations de l'ALENA. Il est évident qu'il a besoin d'une bonne remise à niveau.
Comme les circonstances semblent favoriser une bonne révision de l'ALENA, l'organisme que je représente, le Conseil des affaires canado-américaines, a dressé une liste de 10 recommandations sur les dispositions à insérer dans l'ALENA pour faire prospérer l'économie canado-américaine. Ces recommandations ne visent que la relation bilatérale entre nos deux pays. Nous comprenons les avantages d'une négociation trilatérale. Mais aussi désirable qu'elle puisse être, je doute que la situation politique actuelle ne permette de mener une négociation ouvertement trilatérale. S'il faut que nous menions deux ou trois négociations bilatérales — États-Unis—Canada, États-Unis—Mexique et Canada—Mexique —, alors qu'il en soit ainsi.
Notre première recommandation est simple. Ajouter à l'ALENA un chapitre sur la coopération réglementaire pour codifier et renforcer le Conseil de coopération Canada—États-Unis en matière de réglementation, le CCR, afin qu'il devienne un organe permanent. Ce travail bilatéral est infiniment lent, mais il est crucial pour maintenir la santé économique des deux pays, car il éliminera les coûts extravagants de la bureaucratie en harmonisant les règlements des deux côtés de la frontière. Un peu plus tard aujourd'hui, je présenterai à un autre comité des recommandations précises sur la cohérence réglementaire. Je suis convaincue que cela vous intéressera vivement. En reconnaissant officiellement le CCR dans la nouvelle version de l'ALENA, on forcerait les gouvernements à coopérer pour créer de nouveaux règlements qui harmoniseraient les règlements actuels.
Certains préconisent aussi ce qu'on appelle une « liste négative » des nouveaux règlements. Cette approche présuppose que tous les nouveaux règlements du Canada et des États-Unis sont harmonisés, à moins qu'ils ne se trouvent dans la liste négative. C'est un concept monumental, mais nous l'appuyons.
Notre deuxième recommandation suggère à nos deux pays de reconnaître les normes, les mises à l'essai et les homologations volontaires de l'autre et d'éliminer les tarifs sur tous les produits afin de créer un accord de libre-échange réel. Nous avons entendu plus tôt dans ce comité une question à ce sujet. Comme les secteurs des produits laitiers et du bois d'oeuvre ne pourront probablement pas éliminer tous leurs tarifs, nous les encourageons à conclure de nouvelles ententes que chaque partie sera en mesure d'accepter. En fait, notre troisième recommandation préconise une résolution rapide des différends sur les produits laitiers et sur le bois d'oeuvre.
Notre quatrième recommandation vise la restructuration des dispositions du Buy American en une exigence d'acheter les produits américains ET canadiens, de considérer le Canada comme une région des États-Unis aux fins de l'approvisionnement américain. Il en existe déjà un modèle. En 1956, le Canada et les États-Unis ont signé une entente de partage de la production militaire exigeant que les fournisseurs canadiens soient traités de la même manière que ceux des États-Unis aux fins de l'approvisionnement. À notre avis, cette réciprocité devrait être réelle et elle devrait promouvoir, des deux côtés de la frontière, l'établissement de règles égales pour toutes les entreprises canadiennes et américaines.
En cinquième lieu, nous recommandons de soutenir davantage l'intégration des marchés nord-américains de l'énergie en construisant des réseaux d'infrastructure robustes et interconnectés pour relier l'offre et la demande. Cela exigera des régimes de réglementation prévisibles, efficients et rapides pour assurer la mise en place de l'infrastructure transfrontalière en temps voulu. C'est peut-être une évidence, mais il est étonnant de voir combien il y a peu de coordination entre les réseaux d'électricité et d'énergie pourtant intégrés et les systèmes transfrontaliers de transmission.
En sixième lieu, nous recommandons d'améliorer la protection de la propriété intellectuelle, et notamment d'explorer les options politiques à la disposition du Canada pour contrer les interprétations judiciaires des règles régissant la propriété intellectuelle, qui servent à invalider des brevets de longue date, surtout dans le secteur des sciences de la vie. Il est temps que le Parlement canadien explore en profondeur les options juridiques dont on a confié entièrement la responsabilité aux tribunaux canadiens, ces dernières années, au détriment de l'innovation et de l'investissement étranger au Canada. Si cela vous intéresse, nous examinons cette question dans le cadre d'une discussion approfondie sur la politique en matière d'innovation figurant dans le site Web du Conseil des affaires canado-américaines. Je me ferais un plaisir d'en parler plus longuement avec vous, si vous le souhaitez. Je mentionnerais à cet égard que depuis une vingtaine d'années, les tribunaux ont rendu des décisions dans ce domaine, mais le Parlement ne s'est pas prononcé. Il n'a pas établi de politique. Nous pensons qu'il est temps de le faire.
La septième recommandation consiste à établir des règles pour promouvoir et régir le commerce numérique, y compris des dispositions interdisant la localisation des données et les droits de douane numériques, permettant la transmission transfrontière des données et garantissant les principes fondamentaux de non-discrimination pour les produits numériques.
Notre huitième recommandation porte sur la mise à jour des règles régissant le passage des personnes à travers notre frontière commune afin de tenir compte des nouvelles catégories d'emplois, y compris pour celles qui travaillent dans l'économie numérique. Vous avez tous traversé la frontière canado-américaine pour vous rendre aux États-Unis. Certains d'entre vous ont eu quelque difficulté à traverser cette frontière. Il est temps de mettre à jour les listes et la collaboration.
Notre neuvième recommandation porte sur l'amélioration et la modernisation de nos dispositifs de sécurité conjoints afin de faciliter la circulation transfrontalière des marchandises et des services et de rendre les formalités douanières plus fiables et plus prévisibles. Je veux surtout parler ici des mesures sur le précontrôle que le Congrès américain a adoptées. Je sais que la Chambre des communes se penche actuellement sur la question. Je reviendrai, dans quelques semaines, parler de l'importance du précontrôle devant un autre comité, mais je me ferai également un plaisir d'en parler avec vous si vous le désirez.
En dernier lieu, étant donné que le nouvel ALENA pourrait servir de modèle pour des accords futurs, comme c'était le cas de son prédécesseur, nous suggérons de prendre position contre la manipulation des devises. Bien entendu, ce n'est pas un problème ici, en Amérique du Nord, mais cela peut en poser un dans les autres économies. Même si le président Trump n'est pas prêt à s'attaquer à la Chine pour le moment, nous pensons que c'est important.
Ces 10 recommandations ne sont pas faciles à appliquer, mais c'est possible. Si nous réussissons à le faire, cela pourrait stimuler les échanges commerciaux, le rythme du commerce et la prospérité économique du Canada et des États-Unis — ainsi que du Mexique s'il fait partie de l'accord. Cela entraînerait des bouleversements minimes et allégerait le fardeau réglementaire d'un très grand nombre d'entreprises, de citoyens et d'industries des deux côtés de notre frontière commune. Nous réduirions les coûts et la paperasserie. Des nouveaux marchés lucratifs s'ouvriraient aux secteurs auquel des régimes protectionnistes s'appliquent depuis trop longtemps.
Nous nous dirigeons vers une nouvelle ère de progrès technologiques qui exigent que les États-Unis et le Canada travaillent ensemble plus que jamais. Ces nouveaux progrès sont presque aussi imprévisibles que les prochains 100 jours de l'administration Trump. Néanmoins, dans les deux cas, il vaut la peine de centrer les efforts sur les mises à jour que l'ALENA exige et l'établissement d'une feuille de route permettant à nos deux pays de faire des affaires ensemble au cours des générations à venir.
Je vais conclure en vous remerciant de m'avoir accordé la parole.
Merci de me recevoir en ce jour du 4 mai. Je dois finir en disant, en anglais, « May the fourth be with you ».
Des voix: Oh, oh!
Merci.