Monsieur le Président, pour une néophyte, disons que ce fut tout un baptême de la politique fédérale. Ce qui compte vraiment pour les gens qui habitent dans ma circonscription, les rouages de l'appareil gouvernemental, ma contribution personnelle: j'ai dû tout apprendre, et vite.
Après l'effervescence de la période postélectorale, la réalité nous rattrape et il faut vite se monter un bureau, ici et dans notre circonscription. Il faut aussi former une équipe pour mieux servir les gens de notre circonscription, Fredericton dans mon cas, et représenter les Canadiens.
Durant les cinq mois qui ont suivi les élections, soit jusqu'à ce que le Canada soit frappé par la pandémie que l'on sait, les travaux du Parlement ont suivi leur cours normal. Depuis, nous avons consacré autant de temps à régler les urgences sanitaires, sociales et économiques occasionnées par la COVID-19.
Comme le savent bon nombre de députés, je suis enseignante de formation. Je sais que je ne suis pas le cheminement de carrière traditionnel des politiciens, mais à mes yeux, la 43e législature n'a absolument rien de traditionnel. Pendant 10 ans, j'ai montré aux jeunes à exercer leur esprit critique, à défendre ce en quoi ils croient et à refuser l'injustice. J'ai appliqué les mêmes principes à mon travail de députée, et c'est un honneur pour moi de les partager avec mes collègues.
Même si j’ai changé de carrière, j’ai gardé les mêmes priorités et les mêmes passions. Je suis venue ici dans le but de créer un monde meilleur pour les enfants et les jeunes et de créer de meilleures collectivités dans lesquelles ils pourront grandir. Dans le débat exploratoire d’aujourd’hui, je veux parler des familles, des étudiants, de certaines réalités de la pandémie et des moyens que nous pouvons prendre pour aller de l’avant ensemble.
Ma famille est tout pour moi, et elle m’a accompagnée dans ce voyage intense. La pandémie a représenté pour nous des mois d’isolement intermittent, une bulle familiale, des journées en auto pour venir ici et retourner au Nouveau-Brunswick, et seulement huit heures environ, depuis le mois de mars, où j’ai été sans mes deux enfants, à l’exception des heures passées à siéger à la Chambre. Voilà peut-être pourquoi j’ai l’un des meilleurs bilans d’assiduité.
Si mes collègues n’ont pas compris l’humour dans ce que je viens de dire, ils peuvent quand même être rassurés sur le fait que j’aime mes enfants et que mes enfants m’aiment, mais que nous avons bien hâte de reprendre le cours normal de nos vies. Le fait est que, en tant que maman qui travaille, ne pas avoir eu d’écoles ou de services de garde au cours des derniers mois a été comme avoir un congé de maternité sans congé. Travailler à temps plein tout en supervisant des enfants et en en prenant soin d'eux est tout simplement impossible, tout particulièrement s’il faut en plus faire l’école à la maison.
Beaucoup de parents m’ont fait part de leurs difficultés et de leurs préoccupations quant à l'éducation de leurs enfants en temps de pandémie. Les parents canadiens ont besoin d’une pause, tout particulièrement les parents d’enfants handicapés, autistes ou d’enfants aux prises avec des problèmes de comportement qui ont besoin d’une aide pour l’éducation, d’enseignants ressources et de conseillers.
Les enfants ont également besoin de prendre congé de leurs parents, surtout ceux qui sont peut-être victimes de négligence ou de maltraitance. J'ai souvent pensé à ces enfants au cours des derniers mois. Les enfants ont besoin d’interagir avec d’autres adultes, des conseillers et des modèles. Profitons de ce temps d’arrêt pour apprécier à leur juste valeur nos systèmes d’éducation pour la petite enfance et nos écoles publiques ainsi que les gens sur lesquels nous comptons pour les faire fonctionner.
En tant que gouvernement, nous devons nous engager à ce que les parents, les enfants, les enseignants et les employés se sentent en sécurité lors du retour en classe.
Les familles sont stressées et redoutent les choix difficiles qui devront être faits. Je sais que des solutions et des idées novatrices existent, et j’ai bonne confiance que le gouvernement aidera les provinces lorsqu’elles rouvriront les écoles en fournissant des conseils de santé clairs et avisés.
Je pense également aux familles séparées à cause de la fermeture de nos frontières. Des ressortissants étrangers partenaires de longue date et des enfants adultes ne peuvent toujours pas entrer au Canada pour voir leurs proches. Ces familles ont déjà passé cinq mois séparées. Tout en imposant des quarantaines de deux semaines, nous pourrions alléger les restrictions de voyage pour les étudiants et les membres immédiats des familles, en leur permettant de revenir chez eux, dans leurs collectivités canadiennes. Ces changements, en plus de rappeler que le Canada accueille des gens de partout dans le monde, aideraient beaucoup à combattre l’isolationnisme qui, on le sait, nourrit le mépris, dont les étudiants étrangers ont déjà fait les frais dans notre pays.
Deux campus universitaires et plusieurs collèges sont basés à Fredericton.
Les étudiants étrangers qui viennent à Fredericton chaque année forment une composante essentielle de nos collectivités locales. Cette année, la majorité d'entre eux ne reprendront pas leurs cours, ce qui constitue une énorme perte pour la région. Les universités dans ma province ont annoncé des protocoles de lutte contre la pandémie qui seront mis en place au prochain semestre. Les établissements d'enseignement subissent d'énormes pressions, mais je ne peux m'empêcher de penser aux répercussions sur les étudiants.
En plus de toutes les craintes qui ont été suscitées en nous au cours des cinq derniers mois, les étudiants doivent prendre la décision de continuer à accumuler des dettes d'études à un moment où ils ne savent pas du tout dans quel genre de climat économique ils obtiendront leur diplôme. Le gouvernement actuel, et probablement le gouvernement à venir, devra demeurer solidaire envers ces étudiants qui devront rembourser la dette étudiante qu'ils ont contractée à ce stade-ci de leur vie.
Parlant de dettes d'études, l'initiative du gouvernement permettant aux nouveaux diplômés de remettre à plus tard le remboursement de leurs dettes tire à sa fin. Cela veut dire qu'ils devront recommencer à rembourser leur dette à hauteur de centaines de dollars par mois. Le programme devrait être prolongé d'au moins six mois, et nous devrions commencer à envisager sérieusement une remise de dette pour les étudiants.
Nous devons soutenir les familles, particulièrement les enfants, les adolescents et les jeunes adultes, durant ces temps incertains.
Les derniers mois ont été marqués non seulement par une urgence de santé publique, mais aussi par des troubles civils et des actions civiles. Nous avons été témoins de décès dans nos rues; nous avons aussi vu une oppression et une injustice constantes. Je pense au monde dont hériteront mes enfants et tous les enfants, au monde dont hériteront les jeunes et les étudiants du Canada. Je regarde autour de moi, je regarde les nouvelles et je lis les commentaires publiés dans les médias sociaux, ce que je ne devrais peut-être pas faire puisqu'ils me laissent perplexe. Nos enfants auront des questions à propos de tout cela, et il vaudrait mieux avoir des réponses acceptables à leur proposer.
Nous devons saisir l'occasion qui nous est offerte, prendre la responsabilité qui nous revient en tant que parlementaires et nous attaquer à des problèmes qui nous aveuglent: le racisme systémique généralisé, qui rend invisibles les nombreuses micro-agressions et les nombreux gestes ouvertement racistes du quotidien; la masculinité toxique, qui mène à une acceptation silencieuse de la culture du viol et de la violence à l'endroit des femmes, des filles et des membres de la communauté LGBTQ2IA+; la situation de privilège qui restreint notre vision du monde et qui rend invisibles les personnes qui vivent dans la pauvreté et n'ont pas de logement sûr, les personnes handicapées, celles qui luttent contre une dépendance et celles qui ont vécu des traumatismes. Nous devons recommencer à voir les gens et à trouver de la compassion pour nos voisins.
Depuis mon élection au Parlement, je milite activement pour l'égalité et pour un changement systémique. Récemment, compte tenu des événements tragiques qui se sont produits à l'échelle internationale et locale, j'ai appuyé la tenue d'une enquête nationale du Sénat sur les contrôles de bien-être qui sont effectués par la police en réponse aux problèmes de santé mentale au Canada, j'ai participé à une marche de la guérison en hommage à Chantel Moore et Rodney Levi, j'ai pris l'engagement public de dénoncer le racisme lorsque je le vois, que ce soit en ligne ou ailleurs, j'ai signé une pétition visant à réclamer une étude sur le racisme systémique au sein des services de police, je vous ai adressé une lettre, monsieur le Président, afin que nous nous penchions sur le racisme dans cette institution, j'ai interrogé la ministre de la Santé au sujet des mesures qu'elle compte prendre pendant son mandat pour combattre le racisme dans le système de santé, et j'ai demandé au ministre de la Sécurité publique d'exprimer son indignation et de s'engager à protéger tous les Noirs, tous les Autochtones et toutes les personnes de couleur contre l'injustice raciale.
Voilà les promesses que j'ai faites aux jeunes étudiants avec qui j'ai travaillé. Je leur ai appris à devenir des militants. Si nous voyons quelque chose de mal, nous devons agir. Si quelqu'un n'arrive pas à se faire entendre, nous devons trouver des façons de lui donner voix au chapitre.
Alors que je me prépare à renvoyer mes enfants à l'école, je réfléchis à l'immense responsabilité qui reposera sur les épaules des enseignants au cours de cette année scolaire. Ils devront trouver un juste équilibre entre les protocoles de santé publique, les programmes scolaires et le changement dans la composition des classes. Ils devront aussi répondre aux questions de jeunes esprits curieux au sujet du monde dans lequel nous vivons. Leurs réponses contribueront à façonner l'esprit de la prochaine génération de dirigeants.
Les enseignantes et les enseignants ont besoin de notre soutien, de notre patience et de nos encouragements.
Tout comme les professionnels de la santé se sont mobilisés pour lutter contre la pandémie, on demande aux enseignants de se mobiliser dès maintenant pour effectuer un travail important: aider à élever des enfants, contribuer à leur éducation et les aider à renforcer leur résilience devant l'incertitude. Je les remercie de leur service et je suis solidaire des familles canadiennes.
Je tiens à dire aux jeunes penseurs et apprenants de partout au Canada que je suis à leur écoute. Nous avons besoin de votre leadership pour relever les défis qui se présentent à nous, et nous relèverons ces défis ensemble. N'hésitez pas à communiquer avec nous en tout temps.