Monsieur le Président, je suis vraiment désolé pour le premier ministre. Il est clair que personne au sein de son Cabinet, de son caucus ou de son bureau n’a le courage de lui dire la vérité. La vérité, c’est que ce nouvel accord n’est pas mieux que l’ALENA original.
Il y a deux ans et demi, quand le premier ministre s’est engagé à renégocier l’ALENA, il a promis aux Canadiens qu’il obtiendrait un « meilleur accord ». Voyons comment nous en sommes arrivés là, puisque la stratégie du premier ministre était vouée à l’échec dès le départ.
Dans sa toute première discussion avec le président élu, le jour même de son élection, le premier ministre a dit à Donald Trump qu’il était « plus qu’heureux » d’amorcer les négociations sur l’ALENA, sans conditions préalables. Au lieu de chercher une solution rapide avec un minimum de perturbations, comme l’a fait la Corée du Sud dans ses accords avec les Américains, le premier ministre a décidé de renégocier la totalité de l’accord.
Le premier ministre a lancé sa stratégie de négociation en mettant en évidence certains points de son programme et en insistant pour incorporer au nouvel accord une série de conditions qui n’avaient absolument rien à voir avec l’accès au marché ou le commerce.
Le Canada s’est très vite retrouvé à l’écart, pendant que le Mexique et les États-Unis négociaient un accord auquel le Canada n'a été convié qu'à la toute fin.
Au lieu de rechercher quelques rapides modifications et une perturbation minimale, le premier ministre voulait une renégociation complète de l'accord. Le premier ministre a lancé sa stratégie de négociation en mettant en lumière son soi-disant programme commercial progressiste, insistant pour que le nouvel ALENA se conforme à une série de conditions qui n'ont rien à voir avec le commerce. Très vite, le Canada s'est retrouvé en retrait, pendant que le Mexique et les États-Unis concluaient une entente. Le Canada n'a participé qu'à la fin.
Quel gâchis! Le premier ministre appelle cet accord l’ALENA 2.0. Il est le seul à l’appeler ainsi. Tout le monde l’appelle l’ALENA 0.5.
Ce nouvel accord impose aux fabricants d’automobiles de nouvelles règles restrictives quant au contenu et réduit leur compétitivité. De plus, les États-Unis ont fixé un plafond plus élevé sur le nombre d’automobiles qui peuvent provenir du Canada, au cas où des droits seraient imposés.
Les Canadiens auront un accès réduit à des médicaments essentiels et devront payer plus cher les médicaments d’ordonnance.
Les États-Unis exerceront désormais une influence sans précédent sur nos futures négociations avec d’éventuels nouveaux partenaires commerciaux.
Les agriculteurs américains vont avoir un accès sans tarifs à une part considérable du secteur soumis à la gestion de l'offre au Canada, alors que les États-Unis n'ont pas fait une seule concession relativement à leur propre industrie laitière subventionnée et protégée.
Le premier ministre vient de dire que cet accord est en harmonie avec les accords antérieurs signés par les conservateurs. C’est tout à fait faux. Les libéraux ont fait beaucoup plus de concessions. Aucun accord commercial conclu par les conservateurs n’a jamais imposé de limite à nos exportations vers d’autres pays. Contrairement aux belles promesses faites par le premier ministre au début des négociations, il n’y a carrément rien dans cet accord qui soit meilleur que l’accord précédent.
Les libéraux aiment parler de la clause de cliquet. Je ne doute pas qu’il y ait eu de longues et intenses négociations, d’innombrables soirées durant lesquelles l’équipe s’est réunie pour discuter en détail de cette clause et qu’elle ait travaillé tard dans la nuit pour expliquer au premier ministre en quoi consistait cette clause avant même que l’on commence à en parler.
Les seules prétendues victoires du premier ministre dans ces négociations sont les dispositions qui étaient déjà en place, celles qu'un gouvernement conservateur antérieur avait mises en place dans l’ALENA initial. Certains mécanismes binationaux de règlements des différends et le maintien de la flexibilité des programmes culturels existaient déjà avant même le début des négociations. Les libéraux ne peuvent dire qu’il s’agit là d’une victoire, puisqu’ils n’ont fait qu’empêcher que ces acquis soient cédés. Les Américains ont mesuré leurs victoires à l’aune des gains qu’ils ont faits dans cet accord. Le premier ministre mesure la sienne à l’aune de ce qu’il n’a pas été forcé de céder.
N’oublions pas qu’il a donné son accord à tout cela pendant que les droits sur l’acier et l’aluminium étaient toujours en vigueur.
Une fois l'entente conclue, le premier ministre a affirmé qu'il n'allait pas assister à la cérémonie de signature de l'ALENA si les tarifs sur l'acier et l'aluminium n'étaient pas levés. C'était une solide affirmation.
Jouant la dernière carte de son jeu, le premier ministre a garanti qu’il ne se laisserait pas photographier à la cérémonie de signature si les tarifs sur l’acier et l’aluminium n’étaient pas levés. Encore une fois, il a fini par se laisser amollir, il s’est assis à côté de Donald Trump, et les tarifs sur l’acier et l’aluminium sont restés en vigueur. Cela m’amène à la capitulation finale du premier ministre face à l’élimination de ces tarifs.
Évidemment, les conservateurs sont heureux que ces tarifs aient enfin été éliminés. Dans ma circonscription, j’ai rencontré des métallurgistes qui avaient la vie vraiment dure. Je sais à quelles difficultés ils faisaient face. Toutefois, cet accord est loin d’être la « très bonne nouvelle » que le premier ministre a annoncée. Les gens ne le voient pas ainsi. Leo Gerard, président du Syndicat des Métallos, s’est exclamé à propos de ce qui a été conclu qu’il n’y avait pas matière à se vanter, mais c’est exactement ce que le premier ministre fait.
Cet accord permet à Donald Trump de rétablir les tarifs sur l’acier et l’aluminium s’il constate une augmentation importante des importations qui dépasse les niveaux du passé. Qui déterminera ce degré d’importance? Donald Trump. Il y a cependant pire. Cet accord empêche le Canada de réagir en imposant des droits de rétorsion sur les principales industries américaines, ce qui aurait été son meilleur pouvoir de négociation. Un député libéral a même demandé des éclaircissements à ce sujet pendant la période des questions. Il louait l’imposition stratégique de tarifs sur d’autres secteurs afin d’appliquer des pressions qui ont réussi à faire éliminer les tarifs sur l’acier et l’aluminium. Qu’ont fait les libéraux? Ils ont renoncé à leur meilleure tactique de riposte.
Normalement, le Canada réagirait aux tarifs en imposant lui-même des tarifs sur les produits qui ciblent stratégiquement d'importants politiciens ou secteurs industriels comme le bourbon, le ketchup, le yogourt et les produits agricoles. Le premier ministre a aussi renoncé à cela. Imaginons le cas d'un investisseur qui veut prendre de l'expansion au Canada et qui a besoin d'une rentabilité au cours des 10 à 20 prochaines années pour récupérer son investissement. Le premier ministre a non seulement donné aux États-Unis le pouvoir de limiter nos exportations, mais il a renoncé à notre meilleure tactique de riposte.
Pourquoi prendre ce risque maintenant? Nous savons que le premier ministre a désespérément besoin d’exposer toutes les victoires possibles, alors il a mis les bouchées doubles pour célébrer ce nouvel ALENA. Mais les gens ne le voient pas ainsi, et ils ne voient pas non plus le premier ministre comme il voudrait être perçu.
Le premier ministre avait une occasion unique de renégocier cet accord, et il a échoué. Il a donné à Donald Trump tout ce qu’il exigeait et plus encore. Malheureusement, c’est l’accord avec lequel nous devons maintenant composer.
Dès le 21 octobre, notre nouveau gouvernement s’efforcera de réparer les dommages qu’aura causés cet accord. Comme le Parti conservateur l’a toujours fait, nous aborderons un problème à la fois. Nous nous attaquerons à nouveau au sempiternel différend sur le bois d’œuvre, que ce premier ministre n’a pas réussi à régler. Nous négocierons les dispositions relatives à l’achat aux États-Unis et les régimes réglementaires incohérents de ce pays. Nous négocierons en position de force en mettant l’accent sur la coopération en matière de sécurité et de défense et en imposant des mesures de protection pour protéger l’acier nord-américain contre le dumping chinois. Nous allons diversifier nos partenaires commerciaux, comme nous l’avons fait dans le passé, pour réduire notre dépendance des États-Unis.
Quand ils étaient au pouvoir, les conservateurs ont négocié des accords de libre-échange et d’investissement avec 53 nations. Nous réduirons les impôts des Canadiens et le fardeau réglementaire des entreprises afin que le Canada devienne un endroit attrayant pour les investisseurs et qu’un plus grand nombre d’entre eux se disputent l’accès commercial au Canada. Nous rétablirons ainsi la force concurrentielle des entreprises canadiennes afin qu’elles prospèrent dans les marchés mondiaux.
Autrement dit, les conservateurs vont une fois de plus nettoyer le gâchis que les libéraux leur auront laissé.