Madame la Présidente, je suis heureuse de prendre de nouveau la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C‑35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada, plus particulièrement au sujet de l'amendement proposé par le Sénat.
Tout d’abord, je tiens à répéter que le Parti conservateur appuie les services de garde d’enfants et les mesures d’aide destinées aux femmes qui entrent sur le marché du travail, ou qui y reviennent, tout en trouvant un équilibre avec leur vie familiale. Ce que nous voulons, c’est que les Canadiens aient un accès égal aux services de garde dans les formes qui conviennent à leur famille, ce qui va bien au-delà des places en garderie à 10 $ par jour des libéraux. Il peut s'agir de garderies traditionnelles, de garderies offrant des services prolongés, à temps partiel ou de nuit, de pouponnières, de services de garde flexibles, de haltes-garderies, de services de garde avant et après l'école, de centres d'éducation préscolaire, de services de garde coopératifs, de services de garde confessionnels, de programmes de soutien adaptés aux enfants handicapés, de services de garde en milieu familial, de bonnes d'enfants en garde partagée ou non, de gardiens d'enfants au pair, de parents ou de tuteurs au foyer qui élèvent leurs propres enfants, ainsi que des membres de la famille, d'amis ou de voisins qui fournissent des services de garde. Voilà ce qu'on entend par former et soutenir une communauté, quand on sait que nos enfants et nos petits-enfants comptent parmi les membres les plus vulnérables de nos collectivités. Ils méritent tous de recevoir des soins de haute qualité dans le style choisi par leurs gardiens.
Toutefois, mes collègues libéraux ont clairement indiqué qu'ils ne souhaitaient pas amender le projet de loi dans son ensemble pour y inclure le choix des parents. Ce refus pose problème pour plusieurs raisons. Il y a énormément de parents canadiens qui ne sont pas en mesure d'envoyer leurs enfants dans des garderies traditionnelles pendant les heures de travail habituelles. Les premiers intervenants, le personnel médical, les militaires, les camionneurs et de nombreuses autres personnes qui doivent travailler la nuit, les fins de semaine et les jours fériés, alors que de nombreuses garderies traditionnelles sont fermées, ont donc besoin de services de garde spécialisés. Ne méritent‑ils pas d'avoir accès à des options flexibles qui répondent à leurs besoins, d'autant plus que nombre de leurs emplois sont axés sur la collectivité? Toute personne qui travaille selon des horaires atypiques pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille mérite tout autant de bénéficier de services de garde d'enfants abordables et de qualité que les personnes qui travaillent de 9 h à 17 h, du lundi au vendredi.
J'ai de l'expérience dans ce domaine. J'ai élevé mes deux filles tout en voyageant beaucoup pour mon travail d'ingénieure chimiste. J'ai déjà évoqué à la Chambre les difficultés que j'ai rencontrées pour faire garder mes enfants tout en composant avec mon emploi du temps chargé, surtout si l'on tient compte des réalités des déplacements, à savoir les retards, les changements d'horaires et l'annulation pure et simple de certains vols. Les familles ont impérativement besoin qu'on leur propose des solutions adaptées à leurs besoins individuels. Lorsque les conservateurs formeront le gouvernement, ils honoreront les ententes conclues avec les provinces et les territoires, et ils veilleront à ce que les parents aient le choix et la flexibilité qu'ils méritent pour se débarrasser des entraves idéologiques des libéraux, s'ils le souhaitent.
En ce qui concerne l'amendement du Sénat au projet de loi C‑35, le projet de loi contenait déjà des références aux communautés de langue officielle en situation minoritaire lorsqu'il a été renvoyé au Sénat. Cependant, le projet de loi n'en faisait pas mention à l'origine jusqu'à ce que les amendements des conservateurs soient apportés lors de l'étude article par article au comité des ressources humaines et que nous mettions en place ces mesures de sauvegarde. Les références aux communautés de langue officielle en situation minoritaire dans le projet de loi comprennent maintenant une disposition selon laquelle les investissements fédéraux liés aux programmes et aux services d’éducation et de garde des jeunes enfants devraient être guidés par les engagements énoncés dans la Loi sur les langues officielles. Le projet de loi exige aussi que le Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants inclue des membres de ces communautés et des peuples autochtones.
Nous sommes reconnaissants envers le sénateur de l'Acadie, qui a proposé un amendement pour inclure une mention à l'article 8 visant à éliminer toute ambiguïté devant les tribunaux, et nous continuons d'appuyer sa proposition d'amendement aujourd'hui. L'amendement ajouterait les mots « et aux communautés de langue officielle en situation minoritaire » à la première phrase de l'article 8, après « le financement à long terme des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, notamment ceux destinés aux peuples autochtones », et scinderait l'article 8 en deux paragraphes. Le premier paragraphe présenterait l'engagement financier du gouvernement, tandis que le deuxième préciserait les mécanismes par lesquels le gouvernement fédéral assurerait le financement. Pour dissiper les hésitations qui subsisteraient, il n'est question en aucun cas de créer un nouveau mécanisme de négociation directe entre le gouvernement fédéral et les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Le texte de l'amendement est très clair à ce sujet. De plus, le fait de mentionner les communautés de langue officielle en situation minoritaire après le mot « notamment » ne diminuerait en rien les droits des autres minorités ou des peuples autochtones.
L'article 3 du projet de loi mentionne explicitement que la loi ne porterait pas atteinte aux droits des peuples autochtones « reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ». L'amendement vise simplement à clarifier l'intention pour garantir la prise en compte des communautés de langue officielle en situation minoritaire, comme il est précisé aux articles 7 et 11.
De nombreuses études ont démontré que l'éducation préscolaire est une période cruciale du développement du langage et de l'identité chez les enfants. L'accès à des services d'éducation préscolaire en français est souvent une condition nécessaire à la transmission de la langue et de la culture au sein des communautés francophones. Ces services aident les jeunes enfants à acquérir les compétences langagières requises pour recevoir une éducation, en particulier les enfants qui fréquenteront une école francophone ou une école d'immersion française où que ce soit au pays. Tout cela respecte le droit à l'instruction prévu à l'article 23 de la Charte des droits et libertés.
Afin d'apaiser les craintes des députés d'en face, je dirai que cet amendement n'ajoute pas de nouveau mécanisme de financement. Il vise simplement à clarifier des engagements financiers. C'est crucial. Comme Sarnia—Lambton vient d'obtenir officiellement la désignation de communauté francophone et comme le français est en danger partout au pays, il est d'autant plus crucial de créer et de protéger ces services pour nos communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Cet amendement a été adopté par une vaste majorité de sénateurs qui, manifestement, comprennent et reconnaissent le besoin d'augmenter le nombre de places en garderie, d'en améliorer l'accès et d'offrir des services dans les deux langues officielles partout au pays. L'importance des services de garderie n'a jamais été aussi criante. Plus que jamais auparavant, lorsqu'on est assez chanceux pour en avoir, l'accès à ces services et leur maintien est essentiel au recrutement et au maintien en poste des femmes sur le marché du travail.
Le taux d'emploi chez les jeunes femmes est en forte baisse depuis février dernier, avec une baisse cumulative de 4,2 % au cours de cette période. Il est à son plus bas depuis mai 2020, abstraction faite de la pandémie. Plus de 46 % des parents ont déclaré avoir de la difficulté à trouver une place en garderie en 2023, alors qu'en 2019, ils n'étaient que 36,4 %. Ainsi, à l’ère des garderies à 10 $ par jour des libéraux, le nombre de parents qui ont de la difficulté à trouver une place en garderie est plus élevé qu’avant.
Dans un article paru la semaine dernière dans le Financial Post, on allègue que le programme national de services de garde des libéraux est « une débâcle coûteuse qui entraîne des pénuries généralisées tout en saccageant les garderies privées ». Ce problème touche tout le pays, de Terre‑Neuve‑et‑Labrador à la Colombie‑Britannique.
Cette semaine, il y a eu dans tout le pays une série de reportages dont les manchettes désespérantes faisaient état du manque d’accès aux services de garde, y compris au programme de services à 10 $ par jour des libéraux. Les exploitants de garderies, notamment le propriétaire de la garderie Little Heroes, ici à Ottawa, disent qu’ils n'arrivent plus à faire de profits ou même à équilibrer leur budget depuis qu’ils ont adhéré au programme à 10 $ par jour. Ils y ont adhéré afin d'aider les familles, mais ils l'ont fait à leurs propres dépens.
Dans le cadre de l'étude actuelle du Comité permanent de la condition féminine sur l'autonomisation économique des femmes, la directrice générale de l'Association of Day Care Operators of Ontario, qui représente les garderies indépendantes et agréées, a dit: « [N]ous avons un secteur de l'économie qui a été créé en grande partie par des femmes. Il est essentiel à l'égalité des femmes sur le marché du travail. C'est l'un des seuls secteurs économiques du pays où les femmes sont équitablement représentées en tant que propriétaires et gestionnaires, et il est non seulement sous-évalué par le gouvernement, mais voué à être remplacé par un système géré par l'État. »
Les libéraux affaiblissent une fois de plus leur propre économie et imposent des coûts aux contribuables tout en refusant aux Canadiens la liberté de choisir ce qui convient le mieux à leur famille. Qui plus est, l'un des principaux objectifs du programme de garderies à 10 $ par jour était de permettre aux femmes d'intégrer le marché du travail en plus grand nombre. Cependant, selon un récent rapport de l'Institut Fraser sur cette question, il y a peu de preuves que le programme libéral atteint ses objectifs déclarés. On peut y lire: « Rien ne permet de supposer que le gouvernement fédéral remplit son [deuxième] objectif, c'est-à-dire accroître la participation des femmes avec enfants à la population active. »
Comme le montrent les données de Statistique Canada que j'ai citées plus tôt, le taux d'emploi des jeunes femmes est en baisse. C'est un autre exemple du problème que pose le féminisme de façade du premier ministre.
Je serai accommodante et conviendrai que la pandémie a exacerbé les problèmes de garde d’enfants, et que de nombreux parents bien intentionnés ont modifié leurs plans et leurs habitudes de vie pour s’adapter à un monde plus précaire, en modifiant leurs heures de travail pour garder leurs enfants, en changeant d’emploi ou en quittant purement et simplement le marché du travail. Cependant, après avoir laissé tomber les parents et les familles du Canada, les libéraux ont une responsabilité encore plus grande envers eux.
Quand les conservateurs formeront le gouvernement, ils feront passer les Canadiens en premier et accorderont la priorité à la liberté de choix et à la vie de famille, en donnant aux parents le pouvoir de prendre les décisions qui répondent le mieux à leurs besoins en matière de services de garde, plutôt que de leur imposer les choix du gouvernement.
Si je porte un regard rétrospectif sur mon propre parcours en matière de garde d'enfants, je dois dire que c'est très difficile quand seulement une famille sur dix peut bénéficier du programme existant. Autrement dit, neuf familles sur dix n'y ont pas accès. Des gens téléphonent à mon bureau pour demander si je peux les aider à trouver une place en garderie. C'est pratiquement impossible.
J'ai eu d'excellents fournisseurs de services de garde, et d'autres qui l'étaient moins. Mme Betty était une enseignante qui avait arrêté de travailler pour s'occuper de ses propres enfants. Elle était probablement meilleure mère que je ne le serai jamais, ce qui la rendait déjà formidable. Elle faisait preuve de souplesse: je pouvais déposer les enfants à 5 h 30 du matin si je devais prendre l'avion à 6 heures. Si un vol était annulé ou en retard, ou si les enfants devaient rester plus tard, elle faisait preuve de souplesse. C'est vraiment important pour beaucoup de travailleurs aujourd'hui.
Il y a aussi eu Joanne, qui faisait des merveilles. Elle était femme au foyer avec ses propres enfants. Elle aussi était flexible et offrait d'excellents services. Cependant, elle a déménagé et je me suis retrouvée dans un cycle de recherche de services de garde. J'ai d'abord trouvé Sarah, la mère d'un enfant qui allait à la même maternelle que mes enfants sauf que, un jour, j'ai vu mes enfants manger de la nourriture pour chats dans l'escalier devant chez elle, alors j'ai dû trouver quelqu'un d'autre. Il y a eu une étudiante, mais elle fumait du pot et s'occupait de son petit ami. Je ne l'ai pas gardée. Il y a ensuite eu Karen. J'aurais peut-être dû me méfier simplement à cause de son nom, mais quand je suis arrivée un jour, elle regardait des téléromans et m'a dit qu'elle avait laissé mes enfants aller se baigner chez un homme du quartier. Je n'étais pas très contente. J'ai eu une expérience merveilleuse avec la garderie Generations à Petrolia. C'était cher, mais cela valait le coût. La plus extraordinaire a été Andrea, une éducatrice de la petite enfance qui est devenue ma gouvernante. Elle pouvait dormir chez moi, au besoin, préparer les repas quand j'étais à l'extérieur de la ville et faire tout le nécessaire. Quand mes enfants ont grandi et sont allés à l'école secondaire, elle a ouvert sa propre garderie et mes enfants ont travaillé pour elle, alors c'était fantastique.
Les besoins sont grands. Il faut créer des places en garderie. Il faut renforcer le régime des garderies à 10 $ par jour et offrir plus de choix aux parents. Il faut trouver un moyen d'y parvenir, car j'estime que c'est ce qui est juste.
Il faut également tenir compte du fait que l'inflation fait monter le prix des aliments et du chauffage et que les taux d'intérêt sont élevés. Tout cela fait augmenter le coût de la prestation des services de garde d'enfants. Lorsque le comité de la condition féminine a étudié ce dossier, nous avons examiné le modèle du Québec. À l'époque, le Québec offrait des garderies à moins de 10 $ par jour alors que le coût de prestation réel des services était plutôt de 47 $ ou 48 $ par jour. De nos jours, ces chiffres seraient bien supérieurs. Quoi qu'il en soit, il y avait tout de même de longues listes d'attente. Par conséquent, je ne crois pas qu'il soit bon d'avoir des garderies à 10 $ par jour s'il n'y a pas de places disponibles. Nous devons en créer plus. Nous devons trouver des moyens créatifs d'aider les gens à trouver une garderie pour leurs enfants et leur donner la liberté de choisir le type de garderie qui leur convient, de sorte que les gens qui travaillent à des heures différentes puissent aussi bénéficier de services de garde à prix réduit, et que les gens dont les enfants ont des besoins spéciaux puissent obtenir des services de garde qui répondent à leurs besoins. Je crois que toutes ces choses seront importantes.
Je sais que des ententes ont été conclues avec toutes les provinces et tous les territoires. J'entends toujours les libéraux se plaindre que les conservateurs font perdre du temps à la Chambre avec des motions d'adoption, et nous voilà en train de débattre au sujet d'ententes qui ont déjà été signées. Dans ce cas, pourquoi alors devons-nous tous déclarer publiquement que nous soutenons le programme? Nous devrions passer à autre chose.
Enfin, je tiens à rappeler certaines choses qui ont été sous-entendues. Les députés d'en face ont laissé entendre que les conservateurs ne soutenaient pas le programme. C'est faux. Nous appuyons les services de garde d'enfants. N'importe qui peut consulter openparliament.ca et constater que nous avons tous voté en faveur du projet de loi C‑35.
Je pense qu'il reste du travail à faire dans ce domaine. J'aimerais vraiment que le gouvernement propose quelque chose qui permettrait non seulement d'augmenter le nombre de places, mais aussi d'aider les moins fortunés. Nous constatons que 71 % des personnes qui se prévalent des services de garde à 10 $ par jour ont un revenu élevé, tandis que seulement 41 % ont un faible revenu. Cela ne me semble pas juste. Je pense qu'il doit y avoir une évaluation des moyens financiers. Il faut un mécanisme qui favorise les personnes qui ont le plus besoin d’aide; il n'y a manifestement pas assez de places, il faut donc fixer des priorités.
Si nous pouvions travailler avec les provinces et les territoires pour créer une certaine souplesse, je pense que cela aiderait les garderies privées. Un plus grand nombre de places est nécessaire. On ne peut pas se permettre de perdre les places que l'on a, et c'est ce qui est en train de se produire. Des fournisseurs de services de garde qui ne sont pas admissibles à ce programme me disent qu'ils éprouvent des difficultés, et bon nombre d'entre eux cessent même leurs activités. Ceux qui participent au programme me disent qu'ils ont des problèmes de liquidités en raison des modalités de la rémunération.
Je pense qu'il reste du travail à faire à cet égard, mais nous devons assurément nous engager dans cette voie. On veut voir plus de femmes sur le marché du travail. J'ai certainement connu des hauts et des bas en matière de services de garde et je préférerais nous voir nous diriger vers des hauts.