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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 21 octobre 1997

• 1234

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte.

Conformément à l'article 83.1 du Règlement, le Comité des finances tient des consultations prébudgétaires partout au pays pour obtenir l'avis des Canadiens. Comme vous le savez, nous sommes entrés dans une nouvelle ère économique qui ne manque pas de défis et de choix à l'heure où nous nous approchons d'un budget équilibré et même d'un excédent budgétaire. L'un des défis que doit relever notre comité, bien sûr, consiste à identifier les priorités, qui sont normalement liées aux valeurs et aux attentes des Canadiens.

• 1235

Donc, sans plus attendre, nous allons entendre les exposés de Résultats Canada et de Chris Cann, professeur de gestion à l'Université Mount Allison.

Bienvenue.

M. Roger Wehrell (Résultats Canada): Merci. En fait, nous sommes deux. Je m'appelle Roger Wehrell. Je suis professeur de gestion à Mount Allison et Chris Cann, mon collègue, est un éducateur en développement international de Nouvelle-Écosse. Comme vous dites, nous représentons Résultats Canada.

Nous allons parler de microcrédit. Pour expliquer ce que c'est, le président aurait-il l'obligeance de m'accorder deux minutes de plus que les cinq qui nous ont été imparties.

Le président: Oui. Allez-y.

M. Roger Wehrell: Je tâcherai de bien utiliser mon temps.

Résultats Canada est un groupe qui encourage le développement de la microentreprise dans les nations industrialisées ainsi que dans le tiers monde. Nous croyons que le microcrédit est le principal moteur du développement de la microentreprise, et nous pensons que le développement de la microentreprise permet de remédier à la pauvreté, et avec l'encouragement au développement communautaire, économique et social, on peut même remédier au problème de la faim dans un grand nombre de pays du tiers monde.

Donc qu'est-ce que la microentreprise? Par microentreprise, on entend les entreprises dont les activités génératrices de revenus sont à très petite échelle. Certaines de ces entreprises sont à peine visibles. Elles vivent en marge de l'économie.

Je vais vous donner l'exemple d'un projet-pilote que nous menons dans le nord du Nouveau-Brunswick. Je dirai quelques mots au sujet de Diane. Elle a 29 ans, elle est ménagère, elle a fait ses études secondaires et elle est mariée à un travailleur de l'industrie des pâtes et papiers depuis maintenant près de six ans. Ils ont fondé une famille.

Lui, bien sûr, est sans travail depuis la compression et la restructuration de l'industrie des pâtes et papiers dans le Nord. Depuis quelques années, elle essaie de grossir le revenu familial, qui n'est pas très élevé, en gardant chez elle des animaux familiers. Elle aime les animaux familiers. Elle gagne quelques centaines de dollars par année à faire cela.

Lorsqu'elle s'est adressée à notre programme, elle aspirait à se professionnaliser un peu plus, à structurer son entreprise, à être reconnue comme une entreprise, et peut-être même à offrir une ligne plus complète de services pour les animaux familiers et générer ainsi quelques milliers de dollars par année au lieu de quelques centaines. C'est le genre de chose qu'on entend lorsqu'on parle de microentreprise.

Et qu'est-ce que le microcrédit? Le microcrédit, c'est le prêt à l'entreprise, en très petits montants—500t, s$, 1t, s000t, s$, peut-être jusqu'à 5t, s000t, s$. On vise ici les personnes entreprenantes dont les projets ne peuvent être pris au sérieux par les institutions prêteuses habituelles. C'est parce que ces entreprises sont trop petites, ou parce que les antécédents en matière de crédit de certaines de ces personnes laissent à désirer si elles sont au chômage ou n'ont pas acquis de biens importants, ce qui les rend peu attrayantes pour les prêteurs habituels. Certaines de ces personnes sont au chômage ou même bénéficiaires de l'assistance sociale.

Le microcrédit leur permet de fonder une petite entreprise quelconque qui les aidera à améliorer leur situation financière personnelle. C'est aussi un outil qui encourage les gens à entreprendre des activités qui les aideront à s'en sortir et qui n'auraient rien fait de la sorte autrement. On atteint donc deux buts ici.

Qui dispense du microcrédit au Canada? Comme je l'ai dit, on en est encore au stade expérimental. On en trouve des cas dans plusieurs petites localités du Canada et dans certaines grandes villes. Dans la région de l'Atlantique, il existe des projets très visibles pilotés par la Calmeadow Foundation à Lockeport, à Sherburne, et dans d'autres régions de la Nouvelle-Écosse. La Banque mondiale des femmes pilote un projet à Sydney. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick et l'APECA financent l'un de nos projets-pilotes à Campbellton, dans le nord du Nouveau-Brunswick. Et la Fédération des coopératives de Terre-Neuve et du Labrador a quelques projets en marche à Terre-Neuve.

On trouve aussi d'autres projets du même genre aux États-Unis. Le gouvernement américain subventionne directement et indirectement plusieurs programmes de microcrédit, beaucoup plus que le gouvernement canadien au Canada.

Il s'agit maintenant de savoir pourquoi le gouvernement devrait en faire une priorité au titre de ses dépenses sociales. Pour répondre à cette question, je vais céder la parole à mon collègue, Chris Cann, qui vous dira très brièvement ce qu'il en est.

M. Chris Cann (Résultats Canada): Merci beaucoup. Je m'appelle Chris Cann. Je suis moi aussi associé à Results, qui est essentiellement un réseau populaire et international qui milite en vue de mettre un terme à la faim et au dénuement.

• 1240

Nous reconnaissons que l'économie canadienne est peut-être mieux gérée que bien d'autres à une époque où l'économie globale émergente nous réserve des temps incertains et souvent tumultueux, à l'heure où les économies de nombreux États sont durement secouées par les vents puissants du changement. Le vaisseau de l'État canadien fonce avec résolution et audace dans la tempête.

Nous, Canadiens, grâce à des échanges comme celui-ci, sommes préparés à relever les défis qui nous attendent.

Comme la plupart d'entre nous le savons, notre navire avance dans des eaux inconnues. Le milieu économique semble se réorienter de façon définitive et révolutionnaire grâce aux technologies d'information puissantes et nouvelles qui nous mèneront aux nouvelles réalités économiques du village global.

De petites équipes formées de cybernautes d'élite sont en train de transformer le lieu de travail et le marché et de produire des gains de productivité sans précédent. D'énormes quantités de richesses sont créées. Pour la première fois depuis des années, le gouvernement fédéral nous demande ce qu'il faut faire de nos excédents budgétaires. Étonnant, n'est-ce pas?

Et pourtant, à l'heure où nous discutons confortablement entre nous, émerveillés par les splendeurs que nous promet ce phénomène nouveau, une force sinistre s'avance dans l'ombre—à savoir, une incertitude et une anxiété croissantes qui sont nées des promesses et des engagements qui n'ont pas été tenus, de l'augmentation visible et douloureuse de la pauvreté, à l'heure où 33t, s000 enfants meurent encore tous les jours de causes que l'on pourrait prévenir.

Ils sont nombreux les laborieux travailleurs à se demander si eux aussi bientôt ne seront pas exclus de cette nouvelle ère économique, condamnés à vivre dans la crainte et la privation, et dont les enfants vont manquer du nécessaire?

Bien avant qu'on explique tout par la mondialisation, le village global était synonyme d'interdépendance entre les gens, les cultures et les destins. Les plus pauvres du monde et les pauvres du Canada sont ceux qui combattent le mieux la pauvreté, qui est leur pauvreté à eux, puisque le Canada a adhéré à la théorie de la mondialisation et aux objectifs de l'inflation zéro.

Dernièrement, nos investissements sociaux n'étaient rien moins qu'un processus de confiscation au détriment des démunis. Depuis que les pays se soucient exagérément de leur déficit, on a institué des réformes qui obligent des milliards de personnes à se doter de programmes très ciblés, avec résultats mesurables à l'appui, pour faire le moindre progrès humain.

Si on leur donne l'accès voulu aux ressources, les gens, y compris les plus pauvres, vont trouver la créativité voulue pour améliorer la qualité de leur vie et celle de leur milieu.

Il est en train de se produire un miracle qui illustre le véritable esprit de la mondialisation. Au sommet du microcrédit de Washington de février 1997, des citoyens les plus divers se sont engagés à fournir une ressource critique—à savoir, l'accès au crédit—ainsi que le soutien nécessaire à la microentreprise pour 100 millions des familles les plus pauvres de notre planète d'ici l'an 2000.

Le Canada était très bien représenté à ce sommet, et à vrai dire des collègues de personnes ici présentes assistaient au sommet et ont créé au Canada un comité de parlementaires voué à la promotion du microcrédit et des objectifs du sommet.

Ce que nous devons faire dans notre pays, c'est reconnaître que, par l'investissement, nous allons atteindre 5 p. 100 des familles en question. Ce qui représente 5 millions de ces 100 millions de familles que nous nous engagerions ainsi à soutenir. En plus, au Canada, étant donné que nous venons de commencer à remédier au problème du 1,5 million d'enfants qui vivent aujourd'hui dans la pauvreté, 5 p. 100 de ces 5 millions de familles, soit 250t, s000 familles au Canada, pourraient aussi bénéficier du microcrédit dans un avenir proche.

Résultats Canada, avec des groupes affiliés en Allemagne, en Australie, au Japon, au Mexique, aux États-Unis et au Royaume-Uni, appuie depuis longtemps le principe du microcrédit et a contribué au financement de l'extraordinaire Grameen Bank du Bangladesh, qui a lancé ce mouvement en faveur du microcrédit.

Nous avons consacré environ cinq minutes à vous expliquer ce qu'est le microcrédit et nous demandons que le Canada assume 5 p. 100 de l'objectif prévu au sommet du microcrédit qui consiste à atteindre 100 millions de familles. Il faudra en outre préciser que 5 p. 100 d'entre elles seront des familles canadiennes.

Nous sommes prêts à répondre à vos questions et à entendre vos observations. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup. Quand tous les exposés auront été présentés, nous aurons une période de questions et réponses. Je suis sûr qu'on vous adressera des questions.

Nous accueillons maintenant le groupe suivant, la Corporation canadienne des retraités concernés: Myrna Slater, ex-présidente nationale et Joan F. Lay, présidente.

Soyez les bienvenues.

• 1245

Mme Joan F. Lay (présidente, Corporation canadienne des retraités concernés, Nouvelle-Écosse): J'aimerais apporter une correction. Nous sommes la Corporation canadienne des retraités concernés de la Nouvelle-Écosse. Nous avons apporté un changement de nom dans notre province.

La réduction du déficit s'est faite trop rapidement pour que les Canadiens âgés puissent adapter leur régime de retraite, de même que pour les travailleurs à revenus fixes, d'où une détérioration de leur train de vie à tous les niveaux. Ses effets sur l'emploi, l'éducation et la santé sont criants. Le transfert des dépenses du niveau fédéral aux provinces et aux municipalités a entraîné une augmentation des coûts pour l'ensemble des personnes âgées.

La méthode était-elle appropriée? En fait nous estimons qu'elle ne l'était pas, et nous faisons en outre remarquer que la TVH est une affaire entre le fédéral et le gouvernement provincial de la Nouvelle-Écosse. Elle a durement touché les personnes âgées, augmenté le coût du carburant, des vêtements, de l'électricité, du téléphone, du panier à provisions et de l'essence.

Compte tenu de l'accueil négatif réservé à la TVH par ceux qui ont été affectés dans les provinces Maritimes et étant donné qu'elle n'est pas acceptée dans d'autres provinces pour l'instant, il faudrait l'abolir.

Vous demandez comment le gouvernement devrait établir ses priorités en ce qui a trait à la réduction de la dette. Le gouvernement doit nécessairement continuer de la réduire, à une cadence moindre mais constante, et sans accabler davantage ceux qui ne peuvent plus porter le fardeau qu'entraîne la réduction des revenus fixes.

Vous constaterez que je parle essentiellement au nom des personnes âgées. C'est parce que j'estime qu'il y a des gens ici présents qui peuvent parler au nom du reste de la population de la Nouvelle-Écosse.

Comme le gouvernement fédéral a accepté des recommandations du Forum national sur la santé, et eu égard aux répercussions de projets-pilotes sur le Programme national de garde à domicile et d'assurance-médicaments, quand pourrons-nous constater qu'il sera donné suite à ces recommandations?

Pour ce qui est de l'augmentation des dépenses, tout le monde comprend bien qu'il faut réinjecter des fonds fédéraux dans les programmes de santé et d'éducation, et nous vous prions d'attacher une attention particulière à ceux qui visent plus particulièrement les personnes âgées.

Enfin, pour ce qui est des allégements fiscaux, comme nous l'avons déjà mentionné, il faudrait en accorder pour un bon nombre de Canadiens, et surtout aux personnes âgées, étant donné que leur revenu disponible est maintenant inférieur à ce qu'il était en 1990, et que tout, les impôts compris, a beaucoup augmenté. Il faut faire quelque chose pour remédier en partie à ce problème.

C'étaient là mes notes d'allocution. Je ne veux pas trop m'en éloigner pour tenir compte de l'interprétation, mais je pense que je pourrais poursuivre encore un peu. J'attire votre attention sur le fait que j'ai inclus un historique du démantèlement des prestations aux personnes âgées de 1986 à 1994, qui est sont annexé au résumé d'une page.

Merci beaucoup pour votre attention.

Le président: Merci beaucoup, madame Lay. Je remercie tous les membres de votre organisation pour leur participation.

Nous allons maintenant entendre la représentante du Conseil consultatif sur la condition féminine de la Nouvelle-Écosse. Stella Lord, je vous souhaite la bienvenue.

Mme Stella Lord (attachée de recherche, Conseil consultatif sur la condition féminine de la Nouvelle-Écosse): Merci. En fait, je prends la parole au nom de Patricia Doyle-Bedwell, qui malheureusement est retenue par un rendez-vous chez son médecin.

Je tiens à remercier le comité pour m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui. Je lis ce texte à la première personne comme si j'étais Patricia Doyle-Bedwell, présidente du conseil consultatif.

• 1250

Quand j'ai comparu l'année dernière, j'avais bien dit que les femmes en Nouvelle-Écosse commençaient à ressentir les effets négatifs de la restructuration du gouvernement, de la réduction du déficit, et du pelletage des coûts des programmes sociaux sur la province. Je viens vous dire que depuis un an la situation s'est aggravée.

Nous ressentons maintenant pleinement les répercussions de deux années de réduction du financement fédéral des programmes sociaux dans le cadre du TSC, outre les réductions déjà imposées avant l'introduction de ce dernier. Les réductions continuent d'être imposées en Nouvelle-Écosse aux programmes, aux organisations et aux services financés conjointement par le fédéral et les provinces. Ces réductions se font principalement aux dépens des femmes, prises individuellement, des travailleurs, des mères de famille, des membres de la collectivité et des bénévoles.

Je me réjouis toutefois parce qu'il semble y avoir une lueur d'espoir au bout de ce tunnel de réduction du déficit, et nous pouvons prévoir que le gouvernement fédéral investira davantage de ressources dans les programmes sociaux dans un avenir rapproché. Nous avons désespérément besoin de cet investissement dans notre province, car nous commençons à voir poindre une crise relativement aux services et programmes offerts.

Cette situation nuit gravement aux femmes, surtout celles qui sont déjà pauvres et vulnérables. On en voit les effets préjudiciables sous forme d'une pauvreté accrue, d'un accroissement du stress et d'un manque de possibilités. Je vais vous en donner quelques exemples.

La politique qu'adopte le gouvernement en matière de pêches et dans d'autres domaines vise à évincer les petits pêcheurs du secteur de la pêche. Ce qui veut dire que des familles de pêcheurs ont de plus en plus de mal à survivre. De nombreuses femmes et des hommes dans ces familles ont aussi de plus en plus de mal à prouver leur admissibilité à l'assurance-emploi ou à trouver du travail qui puisse vraiment remplacer leurs activités de pêche. Cette situation est très difficile pour les femmes de ces familles de pêcheurs et pour ceux qui vivent et travaillent dans les communautés côtières.

En raison des réductions de dépenses du fédéral dans les programmes sociaux, les femmes qui dépendent de l'assistance sociale, notamment les mères seules, voient augmenter le nombre de restrictions à l'accès au régime d'assistance sociale. Tous les jours, des femmes nous disent qu'on a mis en doute leur admissibilité à une forme d'aide ou qu'on la leur a refusée ou qu'on les a menacées de diminuer leur chèque de prestations avant l'audition d'un appel.

Les femmes qui ont besoin de soutien ou d'aide pour sortir du cycle de la pauvreté estiment que des services comme l'alphabétisation, le perfectionnement professionnel, les services de counselling en matière d'emploi et les programmes de formation sont moins accessibles ou n'existent tout simplement pas. Par exemple, des réductions imposées aux programmes de formation du développement des ressources humaines du Canada et au programme d'extension des services de main-d'oeuvre signifient que les femmes qui n'ont pas droit à l'assurance-emploi ni à l'assistance sociale disposent de moins de programmes de formation ou de transition au marché du travail. Plusieurs n'ont aucun autre recours.

Des jeunes femmes qui fréquentent l'université, notamment des mères seules qui essaient d'échapper à la pauvreté, doivent payer des frais de scolarité de plus en plus élevés alors qu'elles ont moins d'aide financière et elles accumulent ainsi des dettes encore plus lourdes. Tout cela fait que les études universitaires, comme le disait l'autre jour le président de la St. Mary's University, sont de plus en plus réservées à ceux qui viennent de familles riches ou à revenu moyen.

Les organismes de services sociaux, comme les maisons de transition et les centres pour femmes et d'autres organismes communautaires au service des femmes et de leurs enfants reçoivent de plus en plus de demandes, mais ont de moins en moins de ressources pour faire face aux besoins croissants.

Les compressions budgétaires en matière d'éducation, de soins de santé et de services sociaux touchent aussi les travailleuses. Par exemple, les infirmières, les enseignantes et les travailleuses sociales sont confrontées à des mises à pied ou à une augmentation de leur charge de travail dans les hôpitaux, les centres de santé, les écoles et les organisations communautaires. Une plus grande partie de la prestation des soins et du travail de soutien doit être assurée par des femmes et les familles ou par des volontaires, dont la plupart encore sont des femmes.

Nous espérons qu'étant donné le renouvellement de l'engagement du gouvernement fédéral en ce qui a trait aux programmes sociaux, vous travaillerez de concert avec les provinces pour vous assurer qu'elles aient la capacité financière d'offrir les services et les programmes nécessaires qui répondent vraiment aux besoins des femmes et de leurs familles dans les communautés locales.

Nous constatons que le gouvernement a ajouté à ses priorités celles de répondre aux besoins des familles à faible revenu ayant des enfants et que vous comptez mettre au point des programmes qui mettent l'accent sur le fait d'«investir» dans l'enfance. Il est évidemment important que les gouvernements et les collectivités assument leurs responsabilités à l'égard des enfants et reconnaissent que la question n'intéresse pas seulement les parents. Cependant, nous devons également reconnaître que, par rapport à leurs enfants, ce sont les parents qui sont les «investisseurs initiaux». Nous ne pouvons investir dans l'enfance sans également investir dans les parents, surtout les mères. Les mères seules ont tout particulièrement besoin d'aide pour s'acquitter de leur rôle de parent.

• 1255

Nous sommes particulièrement heureux de constater que vous avez l'intention de créer dans les réserves des centres de jeunesse et d'y élargir les programmes Bon départ, de manière à ce que les enfants autochtones puissent avoir un bon départ dans la vie. Mais, ici encore, les besoins des enfants ne peuvent être séparés de ceux de leurs parents, de leurs familles, et de leurs collectivités. Si le gouvernement a vraiment l'intention de bâtir un avenir pour les enfants autochtones et pour tous les enfants du Canada, il doit accorder le sérieux voulu aux recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones et agir en conséquence.

Nous sommes favorables à l'idée de centres d'excellence pour le développement de l'enfant. Nous estimons toutefois que de tels centres doivent faire porter leurs efforts sur les mesures de soutien et de développement social et économique des mères, y compris les mères seules. Nous espérons également qu'un tel centre permettra de repenser la recherche récente—mise trop en lumière par les médias et décontextualisée—concernant les problèmes que vivent les enfants de familles monoparentales, de manière à mettre davantage l'accent sur des objectifs de recherche qui donneront des résultats plus constructifs et qui auront moins tendance à donner aux parents seuls, qui sont pour la plupart des femmes, une image négative stéréotypée.

Nous accueillons favorablement votre intention de mieux soutenir, sur le plan financier et autrement, les familles dont les parents travaillent grâce à la prestation nationale pour enfants. Cependant, nous entretenons certaines réserves au sujet de ses répercussions possibles sur les mères seules qui devront continuer à dépendre de l'aide sociale.

Par exemple, bien que le programme soit censé réorienter des montants d'aide sociale pour venir en aide aux parents qui travaillent par le biais du cadre national d'investissement, on ne voit pas tout à fait quels en seront les avantages en bout de ligne pour les femmes qui ne peuvent trouver autre chose qu'un travail au salaire minimum, qui n'ont pas accès à un programme d'alphabétisation ou de perfectionnement, qui ne peuvent obtenir de formation en cours d'emploi, qui ne sont pas admissibles aux prestations d'emploi et qui ne bénéficient pas de services de garde subventionnés. Ces femmes, nous semble-t-il, risquent non seulement de bénéficier très peu du programme mais encore de voir leur situation empirer, compte tenu de l'insuffisance des normes de prestation d'aide sociale au Canada. Il n'est pas non plus évident que la prestation nationale pour enfants arrivera à compenser toutes les compressions qui ont été imposées aux programmes fédéraux depuis trois ou quatre ans, y compris les transferts aux provinces au titre des programmes sociaux. Ces compressions ont réussi à détruire radicalement l'infrastructure déjà fragile des services et des programmes destinés aux femmes qui souhaitent participer au marché du travail.

Puisque le gouvernement cherche maintenant des moyens de bâtir au lieu de détruire nos programmes et nos services sociaux, je tiens à rappeler que les femmes constituent toujours 51 p. 100 de la population. Certaines d'entre elles jouissent d'une certaine indépendance économique et d'une situation stable et on voit davantage de femmes au Parlement et même parmi les cadres intermédiaires et supérieurs de l'administration publique, cette réalité n'est pas celle de la majorité des femmes du Canada, et la chose est particulièrement vraie dans le Canada atlantique.

Que vous soyez blanche, noire, autochtone, nouvelle arrivante ou handicapée, si vous êtes une femme, vous risquez bien davantage d'être pauvre, d'être agressée, d'être en mauvaise santé, et il est beaucoup moins probable que vous occupiez un poste de directeur. Non, nous n'avons pas encore résolu le problème de l'inégalité des femmes dans notre société.

Il ne suffit pas de prévoir des programmes axés sur les enfants. Il faut également soutenir les femmes—en tant que mères, membres de la famille et de la collectivité, travailleuses, bénévoles et même militantes dans des organisations féminines. Les femmes ont beaucoup à offrir. Nous pouvons contribuer à assurer à tous un avenir meilleur grâce aux qualités et aux compétences qui sont les nôtres mais, pour cela, il nous faut le soutien continu de notre gouvernement, de manière à ce que nous puissions véritablement cheminer vers l'égalité dans tous les domaines où nous avons un rôle à jouer.

Merci encore une fois de nous avoir invitées et de nous avoir écoutées aujourd'hui.

Le président: Merci beaucoup, madame Lord.

• 1300

Nous entendrons maintenant la représentante de la Disabled persons Commission de la Nouvelle-Écosse, Nita Irvine, qui en est la présidente. Bienvenue.

Mme Nita Irvine (présidente, Disabled persons Commission, Nouvelle-Écosse): Bonjour. Je suis heureuse de participer à la consultation budgétaire 1997 au nom de la Commission des personnes handicapées de la Nouvelle-Écosse.

Il est urgent et extrêmement prioritaire que les préoccupations des représentants des personnes handicapées soient entendues et que l'on prenne des mesures en conséquence. La commission se félicite d'avoir pu participer aux consultations du groupe de travail fédéral de 1996 sur les questions intéressant les personnes handicapées. Les membres du comité se souviennent sans doute que le mandat de ce groupe de travail fédéral était d'examiner les nombreuses et diverses façons dont on pourrait améliorer la vie des personnes handicapées.

Dans son rapport d'octobre, le groupe de travail a présenté 52 recommandations préconisant une réforme législative et des modifications à l'approche fédérale envers les personnes handicapées, leur intégration au marché du travail, des programmes de rentes d'invalidité et du régime fiscal visant les coûts dus à une incapacité. La Commission des personnes handicapées de la Nouvelle-Écosse de même que les personnes handicapées elles-mêmes se félicitent de la visions et du leadership qui se dégagent de ce rapport.

L'année dernière, quand j'ai comparu devant le Comité permanent des finances au nom de la Commission des personnes handicapées, j'étais extrêmement optimiste car je comptais beaucoup sur la mise en oeuvre des recommandations du groupe de travail. Toutefois, même si le budget fédéral de 1997 a retenu dans certains secteurs les recommandations du groupe de travail, il y a encore beaucoup à faire.

Le rapport dit clairement que les personnes handicapées souhaitent que le gouvernement fasse preuve de vision et d'initiative. Il énonce en outre des principes et des valeurs de qbase concernant les personnes handicapées. Certes, nous avons appuyé entièrement toutes les mesures concernant les personnes handicapées prévues dans le budget fédéral de 1997 mais il faut bien dire qu'il s'agit-là d'un début bien modeste.

La Commission des personnes handicapées de la Nouvelle-Écosse exhorte le gouvernement fédéral à poursuivre la mise en oeuvre des recommandations du groupe de travail, en particulier dans les secteurs suivants. Il s'agirait tout d'abord d'instaurer un crédit pour dépenses reliées à l'incapacité et qui remplacerait le crédit d'impôt pour handicapés et le crédit d'impôt pour frais médicaux. Deuxièmement, il s'agirait de supprimer l'assujettissement à l'impôt des étudiants bénéficiant de l'aide aux étudiants ayant une invalidité permanente offerte dans le cadre du programme canadien des prêts aux étudiants. Troisièmement, il faudrait que le gouvernement s'engage à effectuer à intervalles réguliers un examen du crédit pour frais médicaux afin de veiller à ce que les biens et services pris en compte pour les déductions reflètent l'évolution technologique et scientifique. Quatrièmement, il faudrait prévoir un supplément au revenu de travail, supplément remboursable à l'intention de ceux qui sont admissibles au crédit d'impôt pour handicapés ou une déduction pour emploi pour ceux qui doivent avoir recours à des services et du matériel adaptés à leur incapacité.

Il y a assurément un grand nombre de mesures supplémentaires, outre les quatre que je viens de citer, que vous pourriez envisager d'inclure dans le prochain budget en 1998, en vous inspirant en particulier des recommandations du groupe de travail.

Au cours des quelques minutes qu'il me reste, j'aimerais aborder brièvement trois autres questions cet après-midi. Tout d'abord, l'aide fournie aux personnes handicapées pour améliorer leur aptitude à l'emploi, connue autrefois sous le nom de programme de réadaptation professionnelle des personnes handicapées. Je vais vous en parler davantage dans un instant. Ensuite, il y a l'infrastructure pour faciliter la pleine intégration des personnes handicapées et l'harmonisation des programmes de soutien du revenu.

Pour les personnes handicapées de la Nouvelle-Écosse, il est indispensable que le gouvernement fédéral prennent des initiatives à l'égard des domaines que je viens d'énumérer et qu'il contribue à la mise en oeuvre de ces initiatives. Le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral doit intervenir pour garantir l'équité dans l'application de ces programmes à l'échelle du pays. Quand le gouvernement fédéral intervient, deux critères sont essentiels, la sécurité et l'équité et la Nouvelle-Écosse veut pouvoir compter là-dessus.

Voyons quelle est la position de la Commission des personnes handicapées de la Nouvelle-Écosse à l'égard du programme de réadaptation professionnelle des personnes handicapées que l'on vient de rebaptiser, aide à l'employabilité des personnes handicapées. Nous nous félicitons des propositions visant à mettre en place un cadre multilatéral, mais nous craignons que si ce cadre multilatéral ne fait pas l'objet de dispositions législatives, les deux principes clés que nous considérons essentiels, l'équité et la sûreté, ne seront pas garantis.

• 1305

Il nous faut également des budgets. Il est impossible de songer à un programme qui réponde aux besoins des personnes handicapées en respectant le critère d'égalité et de permanence à l'échelle du pays à moins que le gouvernement fédéral n'affecte des ressources à la mise en oeuvre de ce programme. Pour une province comme la Nouvelle-Écosse, l'apport du fédéral est essentiel car, contrairement aux provinces qui ont les reins plus solides en matière fiscale, nous ne disposons pas dans bien des cas de programmes complémentaires.

L'année dernière, j'ai fait remarquer aux membres du comité—mais il y a beaucoup de nouveaux visages cette année—que la Nouvelle-Écosse a par habitant, le taux le plus élevé d'invalidité comparé au reste du pays. Nous avons fait des recherches pour trouver une explication à cela et je serai heureuse de répondre à vos questions à ce sujet.

Permettez-moi de passer rapidement aux deux autres points que je voulais aborder.

Quand je parle d'infrastructure permettant de faciliter la pleine intégration des personnes handicapées, je songe à des moyens de transport accessibles, à des services et à des installations accessibles, à des régimes de services de soutien et à des programmes de formation bien réfléchis, financés adéquatement, en dehors des établissements médicaux. À cette fin, le mot essentiel ici est «intégré». Il faut qu'un tel programme soit offert à l'échelle nationale, il faut pouvoir compter sur les initiatives du gouvernement fédéral et ses ressources, il faut des normes nationales mais les provinces doivent toutes participer, de même que les personnes handicapées ou leurs représentants. Il faut donc une participation aux trois niveaux.

Encore une fois, un financement adéquat de la part du gouvernement fédéral peut déterminer s'il y aura activité ou inertie. Il peut également être déterminant pour l'instauration d'un programme à court terme ou à long terme. Si l'on veut donner des garanties de sécurité et d'équité aux personnes handicapées, il est capital que le gouvernement fédéral soit le chef de file et qu'il assortisse son action du financement nécessaire.

Quant à l'harmonisation des programmes de soutien du revenu, la Commission des personnes handicapées appuie l'orientation générale et les objectifs d'ensemble proposés à cet égard, qu'il s'agisse d'harmoniser ou d'intégrer les programmes de soutien du revenu des personnes handicapées. Il faut essentiellement ici procéder à des consultations sérieuses aboutissant à une participation dans la conception, la mise en oeuvre et l'évaluation des mesures d'harmonisation envisagées.

Récemment, la Commission des personnes handicapées de la Nouvelle-Écosse a organisé une consultation de quatre jours sur l'harmonisation des programmes comme les services communautaires, le Régime de pensions du Canada et le programme d'indemnisation des accidentés du travail. J'ai été renversé de constater à quel point les quelque 30 personnes réunies et représentant divers groupes de personnes handicapées étaient désabusées. Les programmes actuels sont perçus comme très complexes, très morcelés, très bureaucratisés. On a fait valoir qu'à moins d'une meilleure formation à l'intention de ceux qui dispensent ces services, qu'à moins qu'on utilise une langue plus claire et plus cohérente dans la définition des critères d'admissibilité, et dans l'énoncé des règles régissant l'emploi et le revenu gagné, lÂharmonisation des programmes ne nous sera d'aucune utilité. Donc, si nous voulons que l'harmonisation soit couronnée de succès il faut dissiper toute attitude désabusée car en Nouvelle-Écosse, nous comptons une grande partie de la population qui doit pouvoir travailler de concert avec les personnes physiquement aptes de façon juste et équitable.

Avant de terminer, je tiens à signaler un programme que nous appuyons de tout coeur et que nous estimons être essentiel à l'amélioration de la vie des personnes handicapées. Il s'agit du programme d'assurance-médicaments. Bien des gens ayant des incapacités doivent compter sur des programmes d'aide qui ne sont pas très généreux en l'occurrence, en ce qui a trait aux produits pharmaceutiques, aux ordonnances et aux soins de santé. Encore une fois, à moins de pouvoir compter sur l'argent du gouvernement fédéral, nous ne pouvons pas être sur un pied d'égalité avec les autres.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, madame Irvine.

Je vais demander aux témoins de s'en tenir aux cinq minutes qui leur sont imparties. Quand ce temps de parole est dépassé, cela rogne sur le temps des questions.

• 1310

Nous accueillons maintenant le représentant de la Nova Scotia League for Equal Opportunities, M. Lorne Ryan, qui en est le directeur exécutif.

Bonjour et bienvenue.

M. Lorne Ryan (directeur exécutif, Nova Scotia League for Equal Opportunities): Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de m'adresser à vous cet après-midi et nous vous remercions de nous donner cette possibilité pour la quatrième fois consécutive.

Avant de vous présenter mon exposé, je voudrais toutefois dire quelque chose au sujet du fait que nous avons reçu les sujets de discussion jeudi après-midi, soit le 16 octobre. Le temps qui nous était imparti était donc nettement insuffisant pour nous permettre d'élaborer une analyse complète des questions que vous posiez.

Je commencerai par la question de la réduction du déficit. La réduction s'est-elle fait trop vite? Je réponds à cela par un oui catégorique. La réduction s'est faite beaucoup trop vite. Les compressions ont été décidées uniquement en fonction de l'importance des économies qui pourraient être réalisées. On n'a pas du tout tenu compte des conséquences à long terme de ces compressions.

Je songe, par exemple, à l'enseignement. Nous entendons sans cesse dire que pour obtenir un emploi bien rémunéré à l'avenir, il faut être instruit et continuer à s'instruire toute sa vie durant. Cependant, les compressions imposées au financement fédéral de l'enseignement ont fait augmenter les frais de scolarité pour les études universitaires et postsecondaires. Dans bien des cas, les étudiants sortent de l'université avec une dette de 60t, s000t, s$. Pour beaucoup, c'est là un niveau d'endettement qui paraît excessif même pour les étudiants qui réussissent à décrocher des emplois bien rémunérés.

Personne ne semble tenir compte du fait que, si les étudiants ont une dette de 60t, s000t, s$ à rembourser pendant les premières années où ils travaillent, ils n'auront pas d'argent pour autre chose. Ils n'auront pas les moyens d'épargner en vue de leur retraite ni d'acheter des articles comme des nouvelles voitures, des téléviseurs, des réfrigérateurs, des logements, etc. Si les jeunes ne peuvent pas acheter ces articles, la demande de production baissera et des emplois seront perdus. Par conséquent, le taux de chômage augmentera et le nombre d'assistés sociaux aussi. Il est donc possible de soutenir que la hausse des frais de scolarité se traduit par un chômage accru.

Si les jeunes ne sont pas prêts à s'endetter pour faire des études universitaires, ils ne pourront avoir accès qu'à des emplois mal rémunérés. Le Canada aura donc une main-d'oeuvre relativement peu instruite et les entreprises de technologie de pointe qui offrent des emplois bien rémunérés ne voudront pas venir s'installer chez nous. Les jeunes qui auront des emplois faiblement rémunérés ne pourront pas non plus se payer autant de nouveaux articles ou d'articles chers qu'ils auraient pu le faire s'ils avaient un diplôme universitaire. Ainsi, les ventes d'articles chers baisseront, ce qui se traduira par une production à la baisse et par la perte d'emplois.

Les compressions budgétaires ont touché une multitude de programmes, notamment le Régime d'assistance publique du Canada, qui comptait de nombreuses composantes permettant d'aider les provinces à assumer les dépenses engagées à cet égard. Ces programmes dits «à frais partagés», étaient financés moitié-moitié par le gouvernement fédéral et la province concernée. Y étaient notamment inclus les appareils pour les personnes handicapées pris en charge par le gouvernement, les services de garde, les programmes éducatifs, les soins de santé et bien d'autres programmes encore. Tout cela est maintenant chose du passé et les provinces doivent dorénavant assumer seules tout le financement. Beaucoup de programmes utiles ont donc pris fin.

Je passe maintenant à la question du bien-fondé des moyens utilisés. On demande dans la deuxième partie de la question si les moyens utilisés étaient les bons. La réponse, encore là, est très claire: non. Les moyens utilisés n'étaient pas vraiment les bons. Des milliers de personnes ont été mises à pied. Ces personnes ne payaient plus d'impôt au gouvernement et devaient plutôt dépendre de l'assurance-emploi. Il aurait mieux valu s'en remettre à l'attrition qui aurait permis de réduire la taille de la fonction publique fédérale sur une période plus longue, de telle sorte que les gens et l'économie auraient pu s'adapter à la perte d'un grand nombre d'emplois plus graduellement, les effets étant échelonnés dans le temps.

La réduction de la fonction publique fédérale s'est soldée par une réduction des services offerts à bien des gens qui en ont absolument besoin.

Quand on veut régler une dette, il faut bien sûr y affecter des fonds. La question toutefois est de savoir d'où proviendront ces fonds, et il faut aussi savoir en fonction de quels critères la décision sera prise. Les critères qui ont servi de base aux décisions concernant la réduction du déficit semblent se résumer au principe voulant qu'on comprime partout où on le pouvait, peu importe les conséquences.

Avant de décréter quelque réduction que ce soit, il faudrait examiner quelles en seront les conséquences à court et à long termes pour ceux qui bénéficient d'un programme. Il faut se demander si ces personnes y gagneront ou y perdront.

J'essaie de m'en tenir aux directives qu'on m'a données, et je vais donc sauter jusqu'à la page 5 et parler de réduction de la dette.

La dette n'a pas diminué à cause des compressions de dépenses dans les programmes sociaux. Après tout, ceux-ci ne représentent que 6 p. 100 du budget fédéral.

Le déficit a diminué en grande partie à cause d'un changement dans les taux d'intérêt. C'est la Banque du Canada qui contrôle les taux d'intérêt au Canada. Elle ne peut évidemment pas contrôler les taux d'investissement étrangers, mais elle peut néanmoins contrôler le pourcentage de la dette nationale qu'elle détient.

• 1315

La Banque du Canada devrait acheter une plus grande part de la dette étrangère du Canada dans le cadre d'un plan de réduction du déficit. Autrement dit, tout remboursement partiel de la dette qui se trouverait entre les mains de la banque aurait pour conséquence que le Canada se rembourserait lui-même.

Nous ne savons absolument pas combien d'argent rapporte la taxe de vente harmonisée ou la TPS. L'argent recueilli devrait servir uniquement à rembourser le déficit, ce qui permettrait de faire diminuer le déficit à raison de centaines de millions de dollars par an, sans pour autant augmenter les taxes ou changer les taux d'imposition.

Pour ce qui est des augmentations de dépenses, il faudra augmenter les dépenses dans le budget consacrées à certains secteurs comme l'assistance sociale, les soins de santé et l'éducation. En effet, au titre d'un accord signé aux Nations Unies en 1992, le Canada s'est engagé à adhérer aux normes d'égalisation des chances pour les personnes handicapées. Si vous voulez vérifier, vous n'avez qu'à vous reporter à la référence que je vous ai donnée à la fin de mon mémoire.

On considère généralement l'allégement fiscal comme une diminution de taxe. Or, ce dont on a besoin, ce n'est pas tant d'allégement fiscal que de modifier les lois fiscales afin qu'il n'y ait plus d'échappatoires excessives. Je vous donne deux exemples.

Prenons d'abord la Loi sur les REER. Il est permis d'injecter 13t, s500t, s$ de revenu chaque année dans un REER. Mesdames et messieurs, quiconque peut se permettre de ne pas dépenser 13t, s500t, s$ et de le mettre de côté pour assurer son avenir peut certainement payer plus d'impôt.

Deuxièmement, je me reporte à un commentaire fait par le vérificateur général en 1997: il disait alors qu'il fallait mettre l'accent sur les grandes sociétés et particulièrement celles qui, grâce à des transactions d'envergure au Canada et à l'étranger, avaient toutes les occasions d'éviter de payer des taxes.

Or, en 1992—dernière année pour laquelle j'ai des chiffres—66t, s000 sociétés ont évité de payer de l'impôt. Elles avaient réalisé collectivement des profits de 14,7 milliards de dollars et elles n'ont pas payé un sou d'impôt.

En guise de conclusion, pour répondre à votre dernière question, ce ne sont pas des diminutions d'impôts qu'il nous fait, mais une réforme fiscale qui oblige ces 66t, s000 sociétés à payer leur part d'impôt. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ryan.

Nous passons maintenant aux représentants de la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse (Nova Scotia Federation of Labour), et à son président M. Rick Clarke.

M. Rick Clarke (président, Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse): Merci, monsieur le président. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître, mais je voudrais surtout me faire l'écho de celui qui m'a précédé: ce n'est qu'hier matin que nous avons reçu confirmation de notre comparution. La confirmation nous est parvenue par télécopie samedi après-midi, mais notre bureau était fermé.

Le président: Je suis sûr que vous saurez quoi faire avec les dividendes financiers.

M. Rick Clarke: Je m'excuse de n'avoir fourni aux interprètes qu'un résumé en style télégraphique, mais je n'ai pu faire mieux.

Je sais également que le Congrès du travail du Canada participera à votre comité, et j'ajouterai que nous souscrivons au point de vue émis par le Congrès du travail du Canada, de même qu'au point de vue de bon nombre des témoins d'aujourd'hui. En effet, ces questions nous tiennent tous activement à coeur, puisqu'elles ont une incidence directe sur les citoyens.

Comme j'ai déjà pu le faire, j'exhorterais votre comité à tenir compte de près du budget fédéral de rechange qui contient d'excellentes suggestions et qui a d'ailleurs été adopté.

Ces dernières années, on a fait des calculs pour voir si ces propositions marcheraient et il a été prouvé qu'elles arriveraient mieux à résorber le déficit et la dette que les mesures prises par le gouvernement.

Je suis d'accord avec ce qui a été dit sur la question de savoir si on a procédé trop rapidement ou pas assez pour réduire le déficit. À notre avis, le sabrage du gouvernement a été mal choisi et n'était pas nécessaire, surtout si l'on sait que le principal facteur de la réduction du déficit a été les taux d'intérêt peu élevés. Si la Banque du Canada ou le gouvernement de l'époque avait vu à ce qu'ils restent à bas niveau il y a trois ans, on n'aurait peut-être pas à affronter des problèmes dans le secteur de l'enseignement et des soins de santé et de l'emploi partout dans la région.

• 1320

Comme d'autres l'ont dit, ce que nous reprochons à la démarche du gouvernement c'est le coût humain qu'il a fallu payer. Il y a eu des conséquences. On ne s'intéressait qu'au résultat recherché sans se préoccuper des effets que cela aurait sur les gens.

Cela me rappelle le ministre à la chaîne parlementaire. Il parlait de la libre entreprise aujourd'hui et des raisons pour lesquelles l'État doit participer à certains de ces programmes. Il a dit—je ne le cite pas textuellement—que la libre entreprise est guidée par la recherche du profit et ne se préoccupe pas forcément de ceux qui restent derrière. Les compressions dans le domaine de la santé et de l'enseignement ainsi que la réduction de l'effectif du gouvernement fédéral reflètent exactement ses propos: le gouvernement a fait ce que le ministre dit être le rôle de la libre entreprise.

Telles sont nos préoccupations. Je vais maintenant parler des priorités. Je vais vous envoyer des copies d'une partie de mes documents. Ce ne sont pas nos études à nous; elles ont été faites par d'autres groupes.

Même si l'on s'est vanté que des emplois avaient été créés partout au pays, et nous en sommes évidemment reconnaissants, je vous rappelle que dans notre région et aussi ailleurs au pays il y a une forte tendance à la création d'emplois à temps partiel. Cela s'est surtout vu en 1995, lorsque la quasi-totalité des 99t, s000 emplois créés étaient à temps partiel. Au même moment, le pays a subi une perte nette de 22t, s000 emplois à temps plein. Ce ne sont pas nos chiffres à nous, ils viennent de Statistique Canada.

Et puis, le Conseil économique des provinces de l'Atlantique a publié deux rapports sur l'emploi dans la région et d'un bout à l'autre du pays. D'après ses membres, c'est une tendance qui fait peur, le temps partiel par rapport au temps plein. Il y a une augmentation considérable de l'emploi à temps partiel forcé. Pour des raisons de famille ou autres, il y a des gens qui choisissent le temps partiel. Au cours des dernières décennies, on constate la multiplication par quatre du nombre de personnes qui occupent un poste à temps plein et qui sont obligées de prendre un emploi à temps partiel.

Aussi bien comme parents que comme militants, je veux dire que même si j'ai beaucoup de crainte aujourd'hui à propos du chômage élevé et de ce qui attend les chômeurs—je parle de la Nouvelle-Écosse—je ne peux pas m'abstenir de parler de mes craintes pour l'avenir de nos jeunes.

Déjà les témoins d'aujourd'hui vous ont parlé de l'endettement personnel. Ça m'agace d'entendre les économistes et d'autres dire que le gouvernement doit prendre des mesures fermes en faveur des jeunes et qu'on ne peut pas leur léguer la dette et le déficit. J'ai ici des coupures de presse qui parlent du nombre record de faillites des jeunes qui sortent de l'université. En moyenne, la dette personnelle des étudiants diplômés est de 25t, s000t, s$.

Quelle sorte d'héritage laissons-nous aux jeunes lorsqu'on leur impose un fardeau de 25t, s000t, s$ à 50t, s000t, s$ de dette personnelle alors qu'ils ne peuvent qu'espérer obtenir un emploi à temps partiel? Quelle sorte de contribution vont-ils pouvoir apporter à notre économie?

Je suis moi-même père de deux enfants, l'un à l'école secondaire et l'autre en deuxième année d'université. Je crois qu'ils seraient heureux d'avoir accès à une instruction abordable menant à un emploi à temps plein sérieux qui leur permette de payer leur part de la dette nationale plutôt que de crouler sous des dettes personnelles de 30t, s000t, s$ ou de 50t, s000t, s$ et de ne jamais pouvoir s'acheter une voiture, une maison ou quoi que ce soit d'autre. De toute évidence, ils ne pourront pas apporter une contribution significative à la société.

En terminant, j'estime que la priorité du gouvernement est de déterminer ce qu'il fera avec l'excédent. Manifestement, nous devons investir dans les gens. C'est ce qu'on a négligé. Nous devons trouver des façons de créer de bons emplois, nous devons aussi trouver des façons de rétablir les programmes sociaux et les services publics qui ont été ravagés par la réforme fiscale.

J'aimerais d'ailleurs vous dire quelques mots de la réforme fiscale. Pour le citoyen moyen, la réforme fiscale semble une bonne idée. Or, il n'est pas nécessaire de changer l'impôt sur le revenu; ce qu'il nous faut, c'est un système fiscal juste.

• 1325

Je ne répéterai pas ce que Lorne a dit au sujet des grandes sociétés, mais si tout le monde payait sa part d'impôt, il y aurait suffisamment d'argent pour tous.

Il faudrait réformer le système de façon à supprimer certaines des taxes très injustes. Il y a la TPS. En Nouvelle-Écosse, nous avons la taxe de vente harmonisée, dont le nom ne nous plaît guère. Toute taxe à la consommation est foncièrement injuste. Elle touche ceux qui ont le moins d'argent à dépenser et permet au gouvernement d'aller littéralement chercher l'argent dans les poches des gens.

L'hiver approche; c'est la saison du chauffage. Des gens à revenu faible ou moyen verront leur facture d'électricité et de mazout augmenter considérablement en raison de la taxe de 15 p. 100 qu'on appliquera dorénavant. Si on veut véritablement réinjecter de l'argent dans l'économie, on devrait envisager un régime fiscal plus juste.

J'aimerais vous donner rapidement quelques statistiques qui en disent long sur les taxes. On dit souvent, à tort, qu'en accordant les allégements fiscaux, on favorise la création d'emplois. Nous estimons qu'il est préférable que ce soit le gouvernement qui se serve de cet argent pour créer directement des emplois, car pour chaque milliard de dollars de réduction des dépenses, il en coûte de 10t, s000 à 20t, s000 emplois de plus qu'il n'en serait créés grâce à des allégements fiscaux.

Plusieurs grandes sociétés réclament une réduction des charges sociales. Avec une réduction des charges sociales équivalentes à un milliard de dollars, on estime que 20t, s000 emplois pourraient être créés au pays. Si ces milliards de dollars étaient redonnés aux gens sous forme de réduction d'impôt sur le revenu des particuliers, on croit que 12t, s000 emplois seraient créés. Si le gouvernement utilisait ces millions de dollars pour étoffer ses services publics et ses programmes sociaux, comme on le préconise dans le budget fédéral de rechange, soit dit en passant, il y aurait environ 56t, s000 nouveaux emplois au pays.

Alors, si nous voulons dépenser, nous devons consacrer cet argent aux gens et certainement pas à des allégements fiscaux pour les grandes sociétés comme cela a généralement été le cas dans le passé.

En dernier lieu, j'ajouterai que nous sommes d'avis que la Banque du Canada devrait oublier l'inflation et se concentrer sur des taux d'intérêt bas, la création d'emplois et le recours au travail d'un plus grand nombre de gens possible. Gardons les taux d'intérêts à un niveau raisonnable car, manifestement, ils contribuent à réduire le déficit. Mais il faut que les gens aient un emploi, qu'ils aient de bonnes perspectives d'emploi et du travail bien rémunéré grâce auquel ils contribuent à l'économie et, du coup, participent à la création d'autres emplois. C'est pourquoi nous sommes préoccupés par cette tendance vers le travail à temps partiel; parce que dans notre région ou s'orienter vers une économie à temps partiel.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Clarke.

Nous allons maintenant entendre les représentantes de Community Action Program for Children Projects de la Nouvelle-Écosse, nommément Joanna LaTulippe-Rochon et Pauline Raven. Est-ce bien cela?

Mme Joanna LaTulippe-Rochon (membre la coalition, Association of Family Resource Projects de la Nouvelle-Écosse): Oui, c'est bien cela. Merci beaucoup.

Le président: Je vous souhaite la bienvenue.

Mme Joanna LaTulippe-Rochon: Je voudrais d'abord signaler la présence de Pauline Raven et Joyce Beaudry, mes collègues qui m'accompagnent aujourd'hui. Dans un esprit d'entraide, Pauline interviendra pendant la période des questions de la séance d'aujourd'hui.

Nous nous présentons aujourd'hui devant le Comité permanent des finances au nom des enfants les plus vulnérables du Canada. Nous sommes venues demander à notre gouvernement fédéral de faire un investissement social dans l'avenir de ses enfants. Nous sommes une coalition de projets de ressources familiales de la Nouvelle-Écosse qui est financée par le Programme d'action communautaire pour les enfants, mieux connu sous le sigle PACE.

Le PACE est un programme national de promotion de la santé financé par Santé Canada et administré en partenariat avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Le PACE finance 12 projets en Nouvelle-Écosse, 40 projets dans les provinces de l'Atlantique et environ 450 projets dans l'ensemble des provinces et territoires. D'un bout à l'autre du Canada, le PACE fait fonctionner des milliers de programmes communautaires d'éducation et de soutien s'adressant aux enfants, aux parents et aux dispensateurs de soins. Dans tous les coins de la Nouvelle-Écosse, le PACE est bien connu car il fournit aux familles de l'éducation parentale et du soutien et donne aux enfants une expérience d'apprentissage précoce qui répond à leurs besoins physiques, intellectuels, sociaux et affectifs.

Nous sommes venues ici pour vous sensibiliser aux besoins des familles que nous servons et pour vous dire que les montants minimes dont dispose le Programme d'action communautaire pour les enfants de la Nouvelle-Écosse sont à peine suffisants pour faire fondre la pointe d'un énorme iceberg. Après quatre ans de programme, les projets du PACE ont maintenant une meilleure idée de la taille et de la dureté de cet iceberg.

• 1330

En comparaison des autres provinces, la Nouvelle-Écosse avait, en 1988, le troisième plus bas taux de pauvreté chez les enfants âgés de 17 ans et moins, soit 14,2 p. 100. En 1994, la situation de nos enfants avait empiré, la Nouvelle-Écosse venant désormais au quatrième rang pour le taux de pauvreté à 20,2 p. 100. En 1995, ce chiffre a encore grimpé d'un point de pourcentage pour atteindre 21,4 p. 100.

Depuis une vingtaine d'années, il est devenu de plus en plus difficile pour les parents de fournir ne serait-ce que les biens de première nécessité à leurs enfants. Par exemple, en 1976, un parent seul ayant un enfant devait travailler 41 heures par semaine au salaire minimum pour que sa famille atteigne le seuil de pauvreté. En 1993, le même parent devait travailler 73 heures par semaine pour atteindre le même niveau de vie très bas. Beaucoup de familles qui font appel aux services dispensés par le PACE vivent dans un milieu de violence, d'agressions sexuelles, de pauvreté; ces gens-là manquent d'estime de soi, ont peu d'instruction et, de façon générale, n'ont guère de prise sur leur sort. Cela réduit leur capacité de vivre des vies fructueuses et saines et d'être d'aussi bons parents qu'ils voudraient l'être.

Pour les parents qui sont dans cette situation, les jours, les semaines, les mois et même les années se suivent, remplis d'un désespoir muet qui, trop souvent, est transmis aux enfants. Le racisme vient exacerber la situation et fait ressortir encore davantage le besoin d'offrir des services et un soutien appropriés. En dépit de tous ces problèmes difficiles et complexes, qui affligent tant de nos jeunes familles aujourd'hui, nous sommes témoins d'un grand mouvement politique vers la réduction du déficit. Cette lutte contre le déficit est essentiellement livrée au détriment de programmes sociaux valables visant à éliminer la pauvreté ou à remédier à ses conséquences catastrophiques. Par exemple, l'année dernière, il a fallu exercer de fortes pressions sur le gouvernement fédéral afin d'obtenir que l'on laisse tomber la réduction de 51,9 p. 100 que l'on avait proposée pour le PACE. Hier, le Daily News de Truro rapportait des coupes sombres aux programmes d'éducation pour adultes, financés provincialement et visant à aider les femmes chômeuses ou sous-employées de façon chronique.

Par conséquent, au sujet de la réduction du déficit, nous ne saurions trop insister sur le fait que les progrès réalisés à ce jour ont été opérés trop vite et au moyen de méthodes mal avisées. Si nous ne répondons pas aux besoins des familles pauvres, les conséquences désastreuses de cette pauvreté continueront de faire payer un lourd tribut. Tant que la pauvreté n'aura pas été éliminée, elle continuera de faire payer un prix énorme sur le plan affectif aux personnes en cause et un coût financier encore plus lourd à l'ensemble de la société.

Chose remarquable, le gouvernement actuel a récemment établi ses priorités en matière de santé en consultant un forum national, lequel a réclamé une hausse des dépenses à ce chapitre. Soyez assurés que notre coalition souscrit à la recommandation du Forum national sur la santé de mettre l'accent sur des méthodes préventives visant à assurer un résultat optimal pour les enfants et à prévenir les problèmes. De nombreuses recherches viennent corroborer les constatations du Forum, à savoir que les privations subies durant la prime enfance ont d'importantes répercussions sur la santé physique et mentale des enfants et que les interventions menées plus tard dans leur vie ne peuvent que compenser partiellement ces conséquences. Donc, nous croyons qu'il faut plutôt voir l'argent consacré au PACE comme un investissement que comme une dépense.

Comme le dr Paul Steinhauer, de l'hôpital pour enfants de Toronto, l'a souligné, nous devons opérer un choix important qui ne saurait être différé. Il dit qu'en tant que société, nous pouvons ou bien fournir le soutien dont les familles éprouvées ont besoin pour préparer leurs enfants à réussir à l'école et dans la vie, ou bien nous pouvons nous dérober à cette obligation, auquel cas nous en paierons le prix plus tard alors que nous nous efforcerons de réparer les pots cassés attribuables à un épanouissement tronqué.

Au moment où le ministre des Finances élabore la stratégie de notre gouvernement pour la réduction de la dette, il a l'obligation morale de mettre dans la balance d'une part cet objectif louable et d'autre part notre responsabilité de prendre soin de nos enfants. Quand le gouvernement établira ses priorités pour les augmentations de dépenses, les enfants doivent être les premiers sur la liste. Il doit donner suite à ses propres recommandations énoncées après une consultation considérable auprès de la population canadienne dans le cadre du Forum national sur la santé. Il doit renforcer considérablement son engagement financier à l'égard d'initiatives de prévention primaire, notamment le Programme d'action communautaire pour les enfants et le programme canadien de nutrition prénatale qui lui est associé.

Le Forum national sur la santé recommande la création d'une fondation nationale pour renforcer l'action communautaire. Seul un engagement ferme du ministre des Finances permettra de donner suite à cette recommandation. Par exemple, si l'on n'augmente pas les montants consacrés à lutter contre une pauvreté envahissante, comment le régime des soins de santé peut-il réagir à l'évolution de l'environnement et aux besoins des Canadiens? Comment peut-on garantir que l'état de santé de la nation ou que les gains réalisés au chapitre de la santé depuis le début du siècle ne seront pas menacés? Comment peut-on répondre aux besoins urgents des enfants et des familles, surtout des enfants autochtones, au moyen de programmes ciblés et de soutien du revenu? Comment le système peut-il établir un meilleur équilibre entre les impératifs économiques à court terme et la santé et le bien-être à long terme des Canadiens?

• 1335

Nous croyons que les projets du PACE correspondent à ce que le Forum national sur la santé appelle des interventions couronnées de succès au Canada et qui démontrent que les particuliers et les collectivités peuvent surmonter l'adversité et améliorer la santé au moyen d'une foule d'interventions non médicales diverses.

M. Paul Martin, dans son exposé budgétaire de février 1997, a qualifié le PACE d'élément essentiel d'une économie sociale de plus en plus importante. Il sait donc pertinemment que le PACE mérite un soutien financier accru. Aujourd'hui, alors que les résultats préliminaires des évaluations nationales et régionales commencent à paraître, nous pouvons fournir des preuves de plus en plus solides que ce programme fédéral correspond tout à fait aux meilleures pratiques en matière de programmes préventifs.

En terminant, nous devons attirer votre attention sur une autre recommandation. Nous voulons faire en sorte que les décisions d'intérêt public soient fondées sur le meilleur intérêt des familles. Nous ne pouvons plus permettre de mettre en oeuvre des solutions ponctuelles et temporaires qui, à long terme, se révèlent inefficaces et constituent donc un gaspillage de nos maigres ressources.

Depuis bon nombre d'années, le système des services pour les enfants et les familles a fait l'objet de sévères critiques. Les professionnels et les familles ont constamment exprimé leurs préoccupations à propos des mandats contradictoires de ces organisations. Ils soutiennent que lorsqu'un organisme a légalement la responsabilité de prendre en charge des enfants, il ne peut pas administrer des programmes préventifs efficaces, parce que ces deux activités correspondent à des priorités contradictoires. Les femmes vulnérables qui ont besoin d'aide pour assumer leur rôle de parents perçoivent les organismes de protection de l'enfance non pas comme des sources d'aide, mais plutôt comme des obstacles à éviter.

Nous croyons que le gouvernement fédéral doit fixer les normes les plus élevées possibles pour la prestation de programmes efficaces de prévention et d'intervention. Pour les familles, ces programmes doivent être opportuns, souples, stables et sans parti pris.

En partant de ces principes pour réaliser ses programmes, les projets du PACE en Nouvelle-Écosse ont prouvé qu'ils étaient éminemment capables de s'attaquer aux nombreux problèmes auxquels parents et enfants ont à faire face de nos jours. C'est en grand nombre que les gens s'adressent à nous pour les aider à rechercher des solutions abordables et à leur portée dans les difficultés qu'ils éprouvent face à la pauvreté, au développement des enfants, à la discrimination raciale ainsi qu'aux nombreuses formes de mauvais traitements dont ils peuvent être victimes. Au PACE de Nouvelle-Écosse, nous avons fait notre devise de ce sage proverbe: prends soin de la mère, et elle prendra soin de l'enfant.

Nous avons pu constater la rigidité des programmes et des règles qui obstruent la voie à ceux qui sont en quête d'aide, de soutien et d'orientation. Aussi le PACE, dans ses projets, propose-t-il une action amicale, centrée sur la famille, qui prend appui sur ce qu'il y a de positif et traite avec respect les besoins, tels qu'ils se présentent et peuvent être déterminés.

Nous considérons que les économies que compte réaliser le budget provincial, à la suite des modifications qui seront apportées, en juillet prochain, au crédit d'impôt pour enfants, doivent être suivies de près. Nous craignons en effet que si ces économies sont dirigées vers les organismes de protection de l'enfance, elles ne soient pas utilisées aussi efficacement qu'elles devraient l'être.

Nous nous rendons bien compte que les dépenses sociales ne portent pleinement leur fruit que lorsque chaque dollar est utilisé aussi judicieusement que possible. Nous nous demandons quel sera le coût final, tant humain, social et financier, si nos ressources limitées ne vont pas là où elles ont le plus de chances de porter fruit. Si les sommes engagées pour la prévention sont mises entre les mains de notre province, le gouvernement fédéral devrait insister, à notre avis, sur une reddition de comptes accrue pour encourager une meilleure efficacité.

Le programme d'action communautaire pour les enfants représente la réaction spécifique du gouvernement du Canada aux besoins criants des enfants de notre pays, besoins qu'a fait ressortir le Sommet mondial pour les enfants, de septembre 1990. À l'époque le Canada s'est engagé, en présence de 70 pays, à éliminer la pauvreté chez les enfants et à en éradiquer les conséquences.

Le Programme d'action communautaire pour les enfants a été conçu à la suite de ce Sommet, en mai 1992, quand on a voulu définir les rôles principaux des gouvernements, des parents, voire des enfants. La population qui est la cible de ce programme est restée la même: ce sont les enfants vulnérables, de plus en plus exposés au risque dans leur santé et leur bien-être. Cinq ans plus tard, le ministre actuel des Finances a rendu un hommage bien mérité au PACE ainsi qu'au Programme canadien de nutrition prénatale, qui lui est apparenté, en lui attribuant un financement stable. Ce faisant il a clairement reconnu la sagesse d'assurer aux groupes communautaires les ressources financières nécessaires pour maintenir des programmes destinés à améliorer la santé et le développement, dans la société, de jeunes enfants et de leurs familles, victimes des vicissitudes de la vie.

Nous demandons au gouvernement de veiller à ce que des organisations communautaires telles que le PACE et le PCNP restent candidats à tout supplément de fonds quand ceux-ci se dégagent. Je vous remercie.

• 1340

Le président: Merci de vos réflexions intéressantes.

Nous allons maintenant passer à la représentante du Nova Scotia Council for the Family, à savoir Sue Wolstenholme, membre de l'exécutif. Bienvenue, madame.

Mme Sue Wolstenholme (membre de l'exécutif, Nova Scotia Council for the Family): Je vous remercie.

Le Conseil familial de la Nouvelle-Écosse est une organisation provinciale à but non lucratif qui représente les organismes de cette province qui sont au service des familles et des enfants. Il est également l'affilié provincial de la Ligue canadienne pour la protection de l'enfance.

Je n'ai pas préparé de mémoire à vous distribuer, mais j'ai des notes à partir desquelles je vais vous faire mon exposé, tout en tenant compte du temps.

Comme le mentionnait le précédent intervenant, la Chambre des communes, en novembre 1989, a voté à l'unanimité un engagement de faire disparaître, avant l'an 2000, la pauvreté chez les enfants. Elle a concurremment signé la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant. Huit ans plus tard, le taux de pauvreté, chez les enfants de notre pays, a augmenté de 46 p. 100, ce qui représente 428t, s000 nouveaux cas de pauvreté chez les enfants. Si l'on veut vraiment concevoir une stratégie nationale pour diminuer la pauvreté chez les enfants, il faut se pencher sur des problèmes tels que les maigres salaires, la précarité de l'emploi, les taux élevés de chômage, l'insuffisance de l'aide sociale, la désintégration des services sociaux, et les carences du logement et des soins aux enfants.

Comparé aux dix-sept autres pays industrialisés du monde, le Canada se place au second rang pour la pauvreté enfantine, précédé seulement par les États-Unis. Dans la population enfantine de notre pays, les enfants autochtones sont beaucoup plus menacés que les autres de vivre dans la pauvreté. Je pourrais encore mentionner bien d'autres faits, mais je m'en tiendrai là.

Campagne 2000, qui est une coalition de partenaires nationaux mise sur pied pour éliminer la pauvreté chez les enfants, a démontré clairement que les taux de pauvreté fluctuent selon le taux de chômage. Les enfants sont donc extrêmement vulnérables aux conséquences du chômage élevé. Pour régler le problème de la pauvreté infantile, les familles canadiennes doivent avoir accès à des emplois stables, à des programmes de formation et des possibilités d'éducation postsecondaire adéquats, à un niveau de revenu et de soutien social suffisant.

Nous recommandons que le gouvernement mette au point des stratégies destinées à créer des emplois durables, à assurer les prestations fiscales pour enfants adéquates, et à mettre en place un système qui réponde aux besoins de la collectivité y compris des services de garde d'enfants.

Je pourrais vous parler des différentes conséquences que la situation financière actuelle a sur les enfants et les familles, mais j'ai décidé de me limiter à trois points. Le deuxième concerne l'aide sociale à l'enfance, un domaine auquel bien des organismes membres du Conseil de la famille s'intéressent beaucoup.

Les enfants pris en charge par les services d'aide sociale sont victimes de négligence et de sévices. Si l'on investit tôt dans les programmes de soutien des familles, on permet à un plus grand nombre d'enfants de rester en sécurité chez eux, et ce faisant on diminue considérablement les coûts tant humains que financiers que doit payer la société. Je pense que les programmes que l'intervenant précédent a mentionné sont des exemples des investissements qu'on pourrait faire pour permettre aux enfants de rester en sécurité chez eux. Nous savons que chaque jour de l'année des centaines et des milliers de familles canadiennes obtiennent les services d'organismes d'aide sociale à l'enfance. Au Canada cela coûte 24t, s000t, s$ par an pour prendre un enfant en charge. Les autres solutions, qui sont nombreuses, coûtent beaucoup moins cher.

En 1996, le gouvernement fédéral a remplacé le Régime d'assistance publique du Canada par un système de financement global. En même temps il a réduit de façon draconienne le niveau de financement accordé au régime d'assurance-maladie, à l'enseignement postsecondaire, et au service d'assistance sociale. La promesse de mettre en place un nouveau programme national de prestations pour enfants, pour alléger certaines des pressions financières que ressentent les parents, ne suffit pas. Ces familles ont besoin d'éducation parentale, de soins prénataux adéquats, de visites postnatales à domicile, et d'autres services de développement des jeunes enfants et de soins d'enfants. Nous recommandons que le gouvernement veille à mettre en place les services de soutien social dont les familles et les enfants à risque élevé ont besoin.

Troisièmement, l'investissement dans des services de garde accessibles et abordables témoigne d'un sens de responsabilité financière et sociale. Cela représente un investissement dans les jeunes enfants et dans la création de collectivités saines pour l'avenir. Les recherches scientifiques démontrent clairement que les six premières années de la vie d'un enfant revêtent une importance primordiale pour son développement ultérieur.

• 1345

Nous savons que le Canada se classe derrière au moins 16 autres démocraties industrialisées pour ce qui est du pourcentage d'enfants, âgés de trois à cinq ans, qui reçoivent des services de garde subventionnés par l'État. Dans la plupart de ces 16 pays, les services de garde subventionnés par l'État sont offerts à tous les enfants, que les parents fassent partie de la population active ou qu'ils soient au chômage. On offre ces services dans le cadre d'un programme de développement de l'enfant car les recherches indiquent clairement que les expériences des enfants au cours des six premières années de leur vie jouent un rôle crucial dans leur développement ultérieur.

Depuis plusieurs années les familles canadiennes ont de plus en plus de difficultés à maintenir un niveau de vie acceptable faute les services de garde dont elles ont besoin et qu'elles méritent.

L'accessibilité à de bons services de garde varie énormément au Canada. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux n'ont pas encore manifesté la volonté politique d'établir un cadre national pour orienter la prestation de services. Les services de garde d'enfants sont extrêmement morcelés au Canada. Ils varient beaucoup d'une province à l'autre. D'ailleurs, la qualité de ces services diminue dans beaucoup de provinces en raison des modifications apportées aux ententes financières fédérales-provinciales. Nous recommandons que le gouvernement veille à établir un cadre national de garde d'enfants de qualité à l'intention de toutes les familles de notre pays.

En guise de conclusion, j'aimerais signaler que M. Martin aurait affirmé récemment que l'éducation est la clé de la nouvelle économie. Permettez-moi de vous rappeler que l'éducation commence à la naissance et que nous devons nous assurer qu'au cours de leurs premières années tous les enfants reçoivent les soins qu'ils méritent, surtout s'ils n'ont pas toujours leurs parents à leurs côtés. Aujourd'hui, tous les enfants méritent une bonne qualité de la vie.

Et pour ce qui est de la garde d'enfants comme soutien aux parents qui travaillent, et à tous ces autres besoins, il ne faut jamais oublier que la garde d'enfants est un programme destiné aux enfants qui leur donne la possibilité d'une bonne qualité de vie.

La plupart des enfants dont les parents travaillent se retrouvent trop souvent dans des services inférieurs de garde d'enfants, qui sont souvent les seuls services disponibles ou abordables. Il faut conclure que la plupart de ces enfants n'ont pas une très bonne qualité de vie.

Depuis au moins 25 ans, toutes sortes de groupes de travail, comités parlementaires et commissions royales ont recommandé à tous les gouvernements fédéraux d'instituer pour les enfants canadiens des services de garde d'enfants accessibles et abordables. Pour le moment, ils n'en ont pas. Les enfants et les parents écoutent les promesses, et nous recommandons fortement au gouvernement de tenir enfin ces promesses.

Le président: Merci beaucoup, madame Wolstenholme.

Maintenant, passons aux questions des députés, en commençant par M. Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops): Merci beaucoup, monsieur le président. Ces mémoires étaient extrêmement bien pensés, et très bien présentés. Nous aurons tous l'occasion de les étudier plus en détail.

J'ai surtout apprécié les commentaires de Rick et de Lorne.

Votre proposition sur le microcrédit sera très appréciée par les gens qui veulent établir une entreprise à domicile ou se lancer dans des initiatives à leur propre compte.

Comme je sais que nous avons très peu de temps, je vais poser ma question à Nita. Vous avez promis de répondre à une question. Pour ce qui est du taux de croissance et du développement de l'invalidité dans cette région du Canada, vous allez nous aider à comprendre pourquoi cela se produit.

Mme Nita Irvine: On m'a posé la même question après mon exposé l'année passée, donc j'ai bien réfléchi à ma réponse, et on en a discuté. Les statistiques à ce sujet-là sont assez difficiles à obtenir.

Comme nous savons d'après des exposés que nous avons déjà entendus ici cet après-midi, la pauvreté est depuis bien des années une préoccupation très réelle dans le Canada atlantique. La pauvreté affecte bien sûr la santé, et la santé affecte bien entendu l'invalidité. Le manque de santé cause ou aggrave des handicaps, et pas les gens handicapés. Et avec l'âge bien sûr il y a plus d'invalidité, et cela augmente les statistiques, d'après nous.

• 1350

De plus, ici nous avons la réputation d'exporter nos gens physiquement aptes du Canada atlantique vers le reste du pays. Nous avons toujours dit que nous exportions des cerveaux, mais nous exportons aussi les gens qui sont physiquement aptes, tandis que la plupart des gens qui sont âgés ou invalides, et qui résident dans la province depuis longtemps dans des régions rurales, et qui n'ont pas eu accès à l'alphabétisme ou à l'éducation à des niveaux plus élevés, restent ici. On est content de les avoir, mais on n'a pas ces intrants de ressources. Et encore, comme le montrent certaines statistiques que nous avons étudiées—l'agglomération de Halifax a probablement une des meilleures installations médicales du Canada, donc nous attirons beaucoup de gens handicapés ou invalides qui viennent subir des traitements.

Mais bien sûr le dernier véritable rapport de recensement disponible à ce sujet c'est l'étude détaillée qui faisait partie du recensement de 1986. Statistique Canada a fait une étude en 1991. En 1996, il n'y avait que quelques questions sur le long formulaire.

Donc voilà ce que nous voyons. L'écart est marqué—21,3 p. 100. Je n'ai pas vu les statistiques les plus récentes, mais d'après le recensement de 1991, le pourcentage pour le Canada n'était que 15,6 p. 100 en moyenne.

M. Lorne Ryan: Vous ne le savez peut-être pas, mais le ministère de la Santé a publié ce mois-ci un document intitulé «Disability Profiles for Nova Scotia and Canada: Why the Discrepancy?» C'est la réponse à deux questions que j'avais posées au ministère de la Santé: pourquoi la Nouvelle-Écosse a-t-elle depuis 10 ans le taux d'incapacité le plus élevé au Canada? Est-ce que cela est évitable dans une certaine mesure?

Il faut bien se souvenir que tous les cas d'incapacité ne sont pas inévitables. Très souvent, il s'agit d'une incapacité acquise. Après une longue étude, on a conclu dans le rapport que les accidents industriels, les accidents de voiture et les accidents liés à la consommation d'alcool n'étaient pas vraiment plus fréquents, mais par contre, là où l'incidence est la plus élevée, c'est la mobilité. À part cela, le rapport ne donne pas de conclusions, et chacun est libre de tirer ses propres conclusions.

Mme Nita Irvine: C'est une chose à laquelle je m'intéresse depuis un certain temps; je m'informe et je lis tout ce que je peux trouver à ce sujet.

Le président: Merci, monsieur Ryan et madame Irvine.

Nous passons maintenant à M. Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): J'ai une question très courte. La semaine dernière et cette semaine encore, on nous a dit que l'accès au capital posait un problème grave et que le système bancaire canadien ne s'intéressait pas suffisamment aux besoins des petites entreprises.

J'ai beaucoup apprécié vos observations au sujet des microprêts; pourriez-vous développer un peu les avantages de ces microprêts destinés aux femmes, aux minorités, et également aux handicapés? Le système bancaire canadien actuel semble défavoriser particulièrement ces groupes-là, et ce qui me frappe, c'est que le microprêt offre un moyen de servir ces gens-là, tout comme les gens des communautés rurales et tous les Canadiens de la région atlantique.

M. Roger Wehrell: Si on considère les avantages de ce système pour certains groupes en particulier, c'est une question assez complexe que vous posez. Effectivement, le système profite à de nombreux groupes, mais probablement pour des raisons différentes.

Si on en juge par les statistiques sur les nouvelles entreprises, les femmes lancent proportionnellement beaucoup plus d'entreprises que les hommes. La plupart du temps, ce sont des entreprises qui ont moins de capital que celles qui sont lancées par des hommes. Comme le capital investi est moindre, ces entreprises-là ne sont pas des candidates de prédilection pour les prêteurs conventionnels qui considèrent le capital net comme un critère fondamental. Évidemment, dans le cas des femmes, ce sont souvent des entreprises à domicile, et également des industries de service. Sur ce plan-là également, c'est un problème pour les prêteurs conventionnels qui insistent beaucoup sur ce qu'ils considèrent être un risque, etc.

• 1355

Certains programmes de microcrédits sont destinés spécifiquement aux femmes, comme la Banque mondiale des femmes. Certains autres ne sont pas destinés spécifiquement aux femmes, mais on s'aperçoit que de 65 à 75 p. 100 de leurs clients sont souvent des femmes. Il est certain que les programmes de microcrédits sont très avantageux pour les femmes qui veulent se lancer en affaires.

Il y a d'autres groupes aux caractéristiques un peu différentes, comme les groupes ethniques, etc, qui sont défavorisés par le système bancaire du fait de leur appartenance à ce groupe. La plupart du temps, cela tient au fait que, dans l'ensemble, le statut économique du groupe est inférieur au statut économique de la moyenne des gens qui se lancent en affaires. C'est donc une autre raison.

Les régions rurales sont un facteur intéressant du fait que beaucoup de programmes de microcrédits exigent que les emprunteurs se réunissent en groupe pour obtenir des prêts ou encore qu'ils appartiennent à un réseau dont les différents membres partagent la responsabilité du remboursement. Comme on l'a vu, ce type de programme de microcrédit fonctionne particulièrement bien dans les régions rurales, simplement parce que les gens appartiennent à un groupe de parents et d'amis plus étroits et qu'il est donc plus facile de constituer un tel réseau que dans de nombreux milieux urbains.

Dans la région de l'Atlantique, pratiquement tous les fonds de microprêts se trouvent en région rurale et c'est là également qu'on trouve les plus grands succès. À part cela, il y a Sydney, si on considère que c'est une région urbaine, et un fonds également à Halifax.

Dans le reste du pays, le système a remporté pas mal de succès dans les communautés autochtones, encore une fois en milieu rural, et dans quelques autres cas. Le secrétariat rural d'Agriculture Canada vient de commander une étude nationale sur les microprêts en milieu rural; on espère ainsi trouver des réponses un peu plus détaillées à toutes ces questions.

Le président: Je donne maintenant la parole au dernier intervenant.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je vous remercie tous pour votre précieuse contribution. Notre travail est délicat, nous devons trouver un point d'équilibre entre les besoins et les priorités sans oublier d'être responsables.

Comme vous le savez, nous nous déplaçons dans tout le pays et nous entendons l'opinion des diverses régions; l'intérêt et les sujets abordés varient selon les régions. Comme vous pouvez l'imaginer, nous avons eu des gens qui nous ont dit d'arrêter cette péréquation qui ne sert qu'à récompenser la médiocrité.

Nous devons supporter tout cela en souriant et quand nous arrivons ici, nous entendons le contraire. C'est donc une bonne chose, cela nous donne le recul dont nous avons besoin. Mais en effet, nous entendons des opinions contradictoires.

Je m'y connais un peu en impôt sur le revenu et je sais qu'une compagnie qui fait des pertes une année et des bénéfices l'année suivante peut reporter une partie de ses pertes d'une année sur l'autre pour ne pas avoir à payer d'impôts non plus la seconde année, en dépit des bénéfices réalisés.

Je peux vous assurer qu'il y a 66t, s000 compagnies au Canada qui n'ont pas réussi à ne pas payer un cent. Peut-être n'ont-elles pas payé un cent cette année-là, mais à cause de la récession, elles ont pu reporter des pertes massives. Cela va se rectifier très lentement, cela dépend de la façon dont on joue avec les chiffres.

On nous a beaucoup parlé également des frais de scolarité et de l'université. Au sujet de l'éducation postsecondaire, vous devez savoir que le taux de chômage chez les diplômés d'université de moins de 25 ans est de 6,8 p. 100 seulement. Au Canada les diplômés d'université ont un taux de chômage de 4,5 p. 100.

Au Canada, un étudiant sur quatre seulement a un prêt étudiant, c'est-à-dire une dette. Seulement un sur quatre. Le prêt moyen est de 22t, s000t, s$. C'est à peu près le prix d'une automobile. Si vous leur demandiez s'ils préféreraient payer 22t, s000t, s$ pour une automobile qui durera cinq ou six ans ou 22t, s000t, s$ pour une éducation qui durera toute leur vie et qui leur permettra de gagner 50 p. 100 de plus que le salaire moyen pour le reste de leur vie, que choisiraient-ils? C'est une question de priorités.

• 1400

C'est le sujet qui me tient le plus à coeur. J'ai écrit un livre qui s'intitule Strong Families... Make a Strong Country. Cette notion de famille est très importante. En avril de cette année, la dernière étude sur le développement des enfants a été publiée par la Maison Blanche et je vais vous en citer un passage car cela me semble terriblement important. Je cite:

    Les fondements neurologiques de la pensée rationnelle, les mécanismes de solution des problèmes et du raisonnement général semblent pratiquement établis à l'âge d'un an...

Cela signifie que la santé physique, mentale et sociale de nos enfants est déjà en place et va...

Fraser Mustard, de l'Institut canadien de recherches avancées, disait toujours que dès l'âge de trois ans, 80 p. 100 du cerveau humain a atteint son développement maximum. En fait, cela se produit plus tôt qu'on ne le pensait.

Les premières années sont donc particulièrement importantes, et je me dis que les garderies jusqu'à l'âge de six ans ne sont qu'un pis-aller. Lorsqu'une situation n'est pas idéale, on peut seulement essayer de réparer.

J'espère que vous aurez des commentaires, mais à mon avis, ce qui est important, ce sont les statistiques sur le taux de divorce annoncé la semaine dernière par Statistique Canada. Soixante—quinze pour cent des couples de fait se séparent pendant les cinq premières années, 33 p. 100 des gens mariés, et d'autre part, 85 p. 100 des parents qui sont seuls—et qui représentent environ 11,3 p. 100 de toutes les familles canadiennes—élèvent 42 p. 100 des enfants qui vivent dans la pauvreté. La désintégration de la famille est probablement la plus grande cause de dépendance sociale au Canada, et pourtant, elle est le fait d'une très petite proportion de la population.

Je vais donc vous soumettre cette idée; nous devons trouver un point d'équilibre, et à mon avis, nous ne pouvons pas mettre tous nos oeufs dans le même panier. Nous avons besoin de recherche et de développement dans les universités, nous devons réduire la dette, nous devons cibler un peu notre système fiscal, mais d'un autre côté, nous devons également tenir compte du risque. Si la famille continue à se désagréger et à éclater, nos enfants n'auront pas l'environnement favorable qui pourrait les préparer à devenir les dirigeants de l'avenir.

Pour ma part, je vous suis reconnaissant de nous avoir aidé à fermer la boucle. Nous avons commencé à Vancouver, nous avons entendu beaucoup de choses à Edmonton, et même à Toronto. On nous a parlé de la pauvreté chez les enfants, de l'avenir des enfants, des questions de famille, même dans ces grandes villes. Nous vous en remercions donc.

Le président: Merci, monsieur Szabo. Des commentaires?

Mme Stella Lord: J'aimerais dire qu'il ne faut pas trop simplifier quand on parle de la désagrégation de la famille et du tort que cela cause aux familles. Malheureusement, quand on voit de près comment les choses se passent, on se dit souvent que la séparation est une bonne chose. C'est très souvent le résultat des circonstances très désagréables dans lesquelles les femmes vivent.

En ce qui concerne les bases qui sont établies chez l'enfant avant l'âge d'un an, je reconnais que la recherche est renversante, mais vous parlez des bases neurologiques qui contribuent à la santé future. Toutefois, il y a beaucoup d'autres éléments qui entrent en jeu.

Les familles ont besoin de soutien pendant la période prénatale, mais ce soutien doit continuer pour qu'on ne perde pas plus tard le terrain qu'on a gagné en intervenant très tôt. Avec le soutien de leurs communautés, je suis convaincue que les familles sont capables, d'elles-mêmes, de faire des choses excellentes. Elles ont besoin de savoir qu'on les soutiendra, quel que soit leur choix personnel en ce qui concerne leur situation familiale.

L'étude nationale longitudinale sur les enfants canadiens a fait ressortir que les problèmes ne venaient pas du fait qu'une famille était monoparentale. Les problèmes tiennent à un manque de soutien. Dans les familles monoparentales financièrement à l'aise ou encore celles qui ont un réseau familial auquel elles peuvent faire appel, il n'y a pas de différence notable entre la performance des enfants dans ces familles-là et dans les familles où il y a deux parents. Nous devons donc réfléchir à toutes les complexités de ces situations avant d'élaborer des programmes appropriés.

Mme Pauline Raven (Community Action Program for Children Projects in Nova Scotia): J'aimerais seulement citer une phrase d'une femme qui élevait ses enfants seule et qui m'a fait remarquer un jour qu'on disait de ses enfants qu'ils étaient élevés dans une famille «brisée». Elle a répondu qu'en fait ils étaient élevés dans une famille «réparée».

Mme Stella Lord: J'aimerais revenir sur ce qu'on vient de dire, et en particulier sur le message du Conseil consultatif sur la condition féminine de la Nouvelle-Écosse que j'ai essayé de transmettre. Les parents seuls, les gens qui sont vulnérables à la pauvreté, sont le plus souvent des femmes. Il faut cesser de parler de la pathologie de la famille monoparentale, et commencer à essayer d'aider les femmes à soutenir leurs familles, et à atteindre plus rapidement un statut d'égalité.

• 1405

Merci.

Le président: Monsieur Ryan, une dernière observation.

M. Lorne Ryan: J'aimerais répondre aux observations qu'on vient d'entendre. Vous avez dit que 6,5 p. 100 des étudiants d'université étaient au chômage. Vous n'avez pas parlé du type d'emplois qu'ils occupent, mais je n'insisterai pas. J'aimerais signaler que 13,2 p. 100 seulement de notre population a la chance d'avoir une éducation postsecondaire, et parmi les handicapés, la proportion diminue encore de moitié.

Vous avez dit qu'il en coûtait 25t, s000 dollars par étudiant. C'est probablement seulement pour un diplôme de premier cycle. Pour une maîtrise ou un doctorat, il faudrait compter de 50t, s000 à 60t, s000 dollars. Dans ces conditions, si vous voulez être médecin ou avocat, il s'agit d'une dette de 60t, s000 dollars, et c'est le chiffre que j'ai cité.

J'aimerais mentionner deux choses en guise de conclusion. On a beaucoup parlé de pauvreté chez les enfants, mais je n'ai rien entendu au sujet des enfants handicapés. Vous avez parlé du développement avant l'âge d'un an, mais n'oublions pas non plus l'importance de la nutrition. Si vous n'avez pas suffisamment d'argent pour acheter des aliments décents, vous ne pouvez pas nourrir votre enfant convenablement, vous ne pouvez pas nourrir une future mère convenablement, et pour l'enfant, cela peut être la cause d'un handicap qui le suivra toute sa vie. Quand on est à l'assistance sociale, le budget de l'alimentation est un des domaines où on a une certaine marge. Allez donc voir le prix des oeufs, du beurre, du lait et des légumes frais. Une livre de bananes coûte aujourd'hui 59 cents. Est-ce que quelqu'un se souvient de l'époque où c'était moins cher? Un litre de lait coûte plus d'un dollar, plus les taxes, évidemment. En effet, il ne faut pas oublier les taxes.

En conclusion, messieurs et mesdames, si vous voulez lutter contre la pauvreté chez les enfants, il faut commencer par s'occuper de l'ensemble de la famille, car ce ne sont pas les enfants qui gagnent l'argent, ce sont les parents. Ce sont les parents qui nourrissent leurs enfants dans la mesure de leurs moyens, et cela se répercute sur la façon dont ils apprennent, dont ils grandissent, dont ils se développent. Je vous en prie, n'oubliez pas cela.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ryan.

Je vous remercie tous pour ces exposés extrêmement utiles. Personnellement, et au nom du comité, je tiens à remercier les gens de Halifax et de Nouvelle-Écosse pour leur contribution à cette consultation prébudgétaire.

Je tiens également à mentionner une chose très importante; ce n'est pas la fin des consultations prébudgétaires. Ce comité a demandé aux députés au Parlement d'organiser des assemblées publiques locales pour entendre l'opinion des gens de leur circonscription. J'espère que vous appellerez votre député pour savoir quand cette assemblée aura lieu, ce qui vous permettra de réitérer ce que vous avez dit devant ce comité. Nous essayons sincèrement de faire une consultation vraiment nationale. Avec 301 députés organisant au moins 301 assemblées publiques locales dans leur circonscription, cela pourrait être la consultation la plus exhaustive jamais tenue.

Merci infiniment.

La séance est levée.