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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 octobre 1997

• 1233

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tous.

Comme vous le savez, conformément à l'article 83.1 du Règlement, le Comité des finances tient des audiences afin de consulter les Canadiens. Vous savez peut-être que nous sommes allés d'un bout à l'autre du pays pour ces consultations et que nous avons entendu des analyses fort intéressantes sur ce qu'il conviendra de faire du dividende fiscal et sur la manière de procéder pour créer des emplois dans la nouvelle économie.

Nous avons le plaisir cet après-midi de recevoir plusieurs personnes à cette table ronde. Nous allons entendre d'abord le porte-parole de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé, le Dr Barry McLennan. Soyez le bienvenu.

Dr Barry McLennan (Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): Merci, monsieur le président.

Je tiens à remercier le comité d'avoir invité notre coalition à comparaître.

Il y a quelques jours, le 15 octobre, l'honorable Paul Martin a clairement énoncé la tâche: faire du Canada un chef de file de l'économie moderne axée sur le savoir une priorité nationale, créer des emplois et générer la croissance et maintenir les programmes sociaux auxquels nous tenons tant, en particulier notre régime de soins de santé, au XXIe siècle. Il reconnaissait clairement que le gouvernement devait jouer un rôle de chef de file dans la promotion du savoir et de l'innovation par le biais de la recherche fondamentale.

Le Conseil de recherches médicales, le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie et le Conseil de recherche en sciences humaines sont, monsieur le président, les trois conseils subventionnaires fédéraux qui soutiennent la majorité de la recherche fondamentale effectuée dans les universités, les hôpitaux d'enseignement et les instituts de recherche dans tout le pays. Ils sont les gardiens des normes d'excellence du Canada en matière de recherches scientifiques. Leur système d'examen indépendant et externe par des pairs est réputé partout dans le monde et respecté au pays.

Toutefois, ils ne sont pas de simples organismes subventionnaires. Ils sont la clé pour faire du Canada un chef de file de l'économie moderne fondée sur le savoir, non seulement aujourd'hui, mais aussi au XXIe siècle. Ils sont bien placés pour répondre à la tâche qu'a énoncée l'honorable Paul Martin.

• 1235

Il existe de nombreuses études sur le lien entre la recherche financée par l'État et la performance économique. C'est important, car ce n'est pas quelque chose que nous avons entrepris pour servir nos propres fins. Je vous renvoie à la page 3 de notre document où vous trouverez la liste des avantages économiques de la recherche fondamentale, tels que les a constatés le ministère des Finances du Royaume-Uni.

Comme l'avait dit l'ancien ministre de la Santé, l'honorable Diane Marleau, et confirmé le ministre actuel, le Canada doit se fixer des priorités pour combler les écarts importants dans le financement de la recherche qui menacent notre capacité concurrentielle à l'échelle internationale dans le domaine de la recherche en santé. La recherche fondamentale est le point de départ des activités de recherche appliquée et de commercialisation. Elle constitue le combustible essentiel pour faire tourner le moteur.

Comme nous le montrons à la page 3 de notre mémoire, dans tous les pays du G-7, sauf au Canada, l'État joue un rôle prédominant et croissant. Vous le verrez au tableau de la page 3. Voyez ce qui se passe au Canada et ce que font nos concurrents.

Instrument économique fondamental pour toute société industrialisée, la protection de la propriété intellectuelle est essentielle lorsqu'il s'agit d'offrir les stimulants financiers nécessaires pour transposer les idées en réalité. Vous en trouvez une illustration très claire à l'annexe I de notre mémoire.

Permettez-moi d'illustrer le fonctionnement de ce concept par un exemple canadien. L'Université de la Colombie-Britannique a récemment publié un rapport qui retrace l'histoire de 13 ans d'activités économiques locales produites par des sociétés fondées sur les technologies découlant de la recherche fondamentale entreprise par l'université. Selon ce rapport, chaque tranche de 1,25 million de dollars investis dans la recherche fondamentale a produit une divulgation. Le résultat est encore meilleur que ce qu'indique le graphique de notre document puisque celui-ci indique qu'il y a une divulgation pour chaque tranche de 2 millions de dollars investis. L'UBC a donc fait mieux. Elle obtient une divulgation pour chaque tranche de 1,25 million de dollars.

Et cet avantage compétitif n'est pas le seul fait de l'UBC. Il pourrait se reproduire n'importe où au Canada. C'est l'avantage dont jouit le Canada en recherche fondamentale. C'est dans le secteur des sciences de la vie, et principalement dans les sciences de la santé, que le lien entre la recherche et la création d'emplois est le plus évident. En 1996, ce secteur employait 70 000 personnes, contre 60 000 dans l'aérospatiale, par exemple.

On commence à voir d'autres exemples au Canada des avantages qu'a généré la recherche fondamentale. Je mentionnerai brièvement BioChem Pharma au Québec, TerraGen en Colombie-Britannique et Vascular Therapeutics à Hamilton; trois exemples parmi bien d'autres qui montrent combien un investissement de départ dans la recherche fondamentale génère une activité économique importante. BioChem Pharma, par exemple, employait une poignée de personnes dans un laboratoire universitaire et dix ans plus tard compte 1 000 employés, dont plus de 700 Canadiens.

Si le gouvernement fédéral n'avait pas joué son rôle de principal soutien à la recherche fondamentale au Canada, rien de cela n'aurait été possible. Nous devons donc continuer d'alimenter la pompe, c'est-à-dire de financer la recherche fondamentale.

Il y a quelques années, le Canada était très fort en recherche fondamentale et plutôt faible dans les activités de commercialisation. Nous nous sommes améliorés sur ce dernier point. Je félicite le gouvernement d'avoir organisé un financement permanent pour les centres nationaux d'excellence. J'applaudis le Dr Friesen et d'autres pour ce qu'ils ont fait avec le programme de la santé CRM-ACIM, les partenariats technologiques du Canada et, plus récemment, la Fondation canadienne pour l'innovation, créée par le gouvernement.

Ce sont toutes d'excellentes initiatives. Elles sont cependant axées davantage sur le transfert technologique et la modernisation de l'infrastructure que sur le maintien en état de la pompe génératrice de connaissance, de l'infrastructure intellectuelle, qui elle nécessite un investissement dans les personnes.

Pourquoi le Canada est-il le seul pays du G-7 à aller dans la mauvaise direction? À quoi cela sert-il d'avoir un moteur sophistiqué pour la commercialisation et pas de combustible pour le faire tourner? Les coupures budgétaires au CRM ont été dévastatrices. Nous nous vidons de notre sang. L'exode de scientifiques canadiens qui s'ensuit... L'annexe IV de notre document, qui montre la pauvreté des subventions approuvées lors des derniers concours montre ce qui s'est passé. Actuellement, le moral des chercheurs canadiens est si bas que l'on peut parler de dépression.

Récemment, la CRBS a réalisé un sondage auprès des 16 centres de santé universitaires afin de connaître les dommages qu'ont causés les coupes budgétaires successives dans le financement de la recherche fondamentale. Les résultats sont clairs. Nous vous en donnons trois exemples dans le rapport. C'est la même chose dans les 16 centres universitaires mais la page 10 du rapport donne en exemple les situations des universités de l'Alberta, de Dalhousie et de Toronto.

• 1240

Il faut déterminer les cibles, concurrentielles sur la scène internationale, de l'investissement en se fondant sur un facteur déterminant objectif de la recherche fondamentale. Nous avons beaucoup de chance au Canada. Les trois conseils de subvention ont un excellent système d'examen par les pairs qui est hautement respecté. Il faut s'en servir pour attirer de nouveaux investissements et favoriser l'activité économique.

Cela m'amène à notre recommandation qui se trouve à la page 12, monsieur le président. Afin de solidifier la base scientifique nécessaire pour faire du Canada un chef de file de l'économie moderne fondée sur le savoir et pour ériger une fondation durable pour l'emploi, nous recommandons, dans le sens de la proposition détaillée plus tôt, que le comité exhorte le gouvernement à augmenter ses allocations budgétaires aux trois conseils subventionnaires fédéraux—CRM, CRSNG et CRSH—de façon prioritaire, à des niveaux concurrentiels avec ceux des autres pays du G-7. Plus précisément, nous demandons pour le CRM une augmentation de 240 millions de dollars du budget annuel et, puisque le secteur santé des sciences de la vie représente 54 p. 100 des dépenses totales, que ce montant soit doublé pour appliquer la proposition aux deux autres conseils subventionnaires, le CRSNG et le CRSH.

Enfin, monsieur le président, je tiens à féliciter le gouvernement de tout ce qu'il a fait jusqu'ici pour réduire le déficit et maintenir bas les taux d'intérêt, et aussi pour avoir ouvert le cercle vertueux qui comprend la recherche fondamentale, la croissance et l'emploi. Mais le temps presse. Les centres de santé universitaires se vident de leur sang. Il faut investir maintenant, dès le budget de 1998.

Nous vous remercions, monsieur le président, de nous avoir permis ces commentaires.

Le président: Je vous remercie, docteur McLennan.

Je tiens à remercier le Dr Clément Gauthier qui est également membre de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé.

Nous allons entendre maintenant M. Tom Brzustowski du Conseil canadien de recherche en sciences naturelles et en génie. Bonjour monsieur.

M. Thomas A. Brzustowski (président, Conseil canadien de recherche en sciences naturelles et en génie): Merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître devant votre comité à un moment aussi important.

[Français]

Monsieur le président, je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte de prendre la parole devant le comité. Si vous me le permettez, je ferai ma présentation en anglais.

[Traduction]

Monsieur le président, mon exposé sera bref et portera principalement sur la troisième des questions qui nous était posée dans votre invitation: Quelle est la meilleure façon pour le gouvernement de contribuer à ce que tous les Canadiens puissent bénéficier de nombreux débouchés dans la nouvelle économie? C'est une question extrêmement importante et nous y avons apporté une réponse dans un document que nous avons fait distribuer, monsieur le président, et qui s'intitule «Miser sur la jeune génération». Nous avons choisi nos mots avec soin, car c'est là-dessus que porte notre présentation.

En bref, notre réponse est la suivante. Donnez à nos jeunes la possibilité d'acquérir les meilleures compétences et les meilleures connaissances possible et encouragez-les à les mettre à profit au Canada. C'est la réponse que nous proposons à la question, mais comme notre responsabilité est de favoriser la recherche dans le domaine des sciences naturelles et du génie au niveau universitaire, voici plus précisément ce que nous entendons par là. Quels que soient leurs moyens économiques, l'endroit où ils habitent, leur origine, assurez-vous que tous les jeunes Canadiens qui ont le talent et les aptitudes voulus pour les sciences et la technologie puissent les développer et enrichir au maximum leurs connaissances, afin qu'ils puissent produire des travaux de classe mondiale, en sciences et en génie. Ils pourront alors entreprendre des activités à valeur ajoutée dans tous les secteurs de l'économie, dont certains n'existent même pas aujourd'hui ou qui sont difficilement prévisibles. Pour vendre les biens et services qu'ils produiront au Canada et de par le monde, il faudra s'assurer qu'ils puissent réussir ici, au Canada. Leur succès générera alors des richesses et des emplois de qualité pour beaucoup d'autres Canadiens aux compétences diverses.

Le fait est que si nous permettons aux jeunes qui ont ces talents de les développer pleinement, ils deviendront le moyen, le catalyseur, par lequel se créeront de nombreuses autres activités économiques à valeur ajoutée et des débouchés pour d'autres Canadiens. C'est un excellent exemple d'investissement stratégique des fonds publics et j'utilise les termes «investissement stratégique» en toute connaissance de cause. Il est important de bien définir ces termes. Pour nous, cela veut dire investir maintenant afin de permettre à nos jeunes d'acquérir les connaissances et les compétences qui leur permettront de créer des richesses et d'apporter la prospérité à tous les Canadiens à l'avenir. Investir maintenant pour leur donner les moyens de créer la richesse de l'avenir.

• 1245

Si nous voulons attirer davantage de jeunes talents canadiens en science et technologie au Canada, il nous faudra abattre les obstacles économiques qui les incitent à d'autres choix. Nous avons donné un exemple au bas de la page 1 de notre document de ces obstacles économiques que rencontrent les étudiants qui envisagent des études au-delà du premier cycle. Si vous le souhaitez, je pourrai vous donner des détails plus tard. Mais tout est là en un paragraphe.

Le CRSNG appuie la recherche universitaire en sciences naturelles et en génie et la formation supérieure des jeunes par la recherche. J'insiste bien sur le mot «en». Certains se préparent ainsi à devenir chercheurs, mais c'est aussi une excellente préparation pour bien d'autres qui auront à résoudre les problèmes les plus épineux du monde moderne dans de nombreux secteurs de l'économie et de la société, dans le commerce, l'industrie et le gouvernement.

Dans notre document de trois pages préparé à l'intention du comité nous avons indiqué le cheminement des jeunes Canadiens qui ont du talent et des aptitudes pour les sciences et la technologie. Nous commençons au premier cycle, nous les suivons durant leur formation supérieure jusqu'au placement en milieu industriel ou en recherches postdoctorales et, pour certains, jusqu'à une carrière universitaire où ils formeront d'autres jeunes et feront, bien sûr, des recherches. Pour ces derniers, la difficulté consiste à leur donner les moyens suffisants pour entreprendre la recherche et nous accueillons pour cela avec plaisir l'aide de la Fondation canadienne pour l'innovation. Mais il reste à couvrir le coût de fonctionnement de l'infrastructure et tous les coûts directs associés aux recherches.

Nous relevons dans notre document des besoins pressants à toutes les étapes du cheminement de ces jeunes vers la compétence en sciences et technologie et nous proposons des cibles réalistes. Dans chaque cas, nous tenons compte de deux types de besoins: tout d'abord, nous devons donner aux jeunes davantage de possibilités de développer leurs talents en S et T. Deuxièmement, il faut leur donner de meilleurs outils. Pour que le Canada tienne sa place dans la nouvelle économie, où les connaissances modernes et à jour sont plus importantes que jamais, il faudra faire les deux à la fois.

Nous estimons qu'il faudrait ajouter 160 millions de dollars par an au budget du CRSNG pour atteindre les objectifs que nous proposons en vue d'offrir de meilleures possibilités aux jeunes Canadiens en sciences et technologie. Les coûts nécessaires pour répondre à ces besoins, tels que nous les avons définis ici, représentent une grande part de la charge financière du CRSNG, mais ce n'est pas la seule.

Aujourd'hui nous avons préféré insister sur les besoins des jeunes. La recherche en sciences et technologie est une activité pour les jeunes. Je ne suis pas le premier à le dire. Bien d'autres l'ont déjà dit et il suffit de regarder dans les laboratoires des compagnies les plus à la pointe de la technologie pour le constater.

Nous avons donc choisi de mettre en relief les besoins des jeunes parce qu'il est urgent de les encourager. Il faut les convaincre que leur pays ne les abandonnera pas. Les jeunes Canadiens doivent savoir que s'ils ont des talents en sciences et technologie ils pourront réaliser leur potentiel et appliquer leurs connaissances et leurs compétences pour le bien du pays, comme le font d'autres jeunes dans d'autres pays. La nation non plus ne peut pas se permettre qu'ils lui rapportent moins que le maximum pour ce qu'elle a investi dans leur éducation.

Nous avons également identifié d'autres besoins pressants et nous en parlerions avec plaisir si nous avions davantage de temps. Je me ferai un plaisir de vous donner davantage de détails, monsieur le président.

C'est tout. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Brzustowski.

Passons maintenant à l'Association canadienne dentaire qui nous envoie deux représentants: le Dr Toby Gushue et le Dr Ray Wenn. C'est le Dr Gushue qui présentera l'exposé. Bonjour.

• 1250

Dr Toby Gushue (président, Association canadienne dentaire): Merci, monsieur le président.

Monsieur le président, membres du comité et participants à la table ronde, je suis le président de l'Association dentaire canadienne. Je suis dentiste et je pratique à St-Jean, Terre-Neuve. Je suis accompagné du Dr Ray Wenn, de l'Île-du-Prince-Édouard, notre représentant à la Coalition en faveur des régimes d'assurance médicale et à l'Alliance des REER.

L'Association dentaire canadienne représente 16 000 dentistes au Canada. C'est au nom de ses membres et pour défendre les intérêts des Canadiens et Canadiennes en matière de santé que nous sommes ici aujourd'hui.

L'ADC est membre de la Coalition en faveur des régimes d'assurance médicale qui cherche des solutions aux problèmes d'assurance médicale et dentaire. D'autres participants aborderont ces mêmes sujets. Nous sommes membres aussi de la Coalition pour le revenu de retraite et de l'Alliance des REER.

L'Association dentaire canadienne est heureuse de rencontrer à nouveau les membres du Comité des finances de la Chambre des communes et de participer à la table ronde prébudgétaire. Je suis certain que les membres du comité, anciens et nouveaux, ne seront pas surpris de constater que l'ADC vient aujourd'hui réitérer sa recommandation des deux dernières années.

L'Association dentaire canadienne recommande de conserver l'exonération fiscale des régimes d'assurance médicale et dentaire soutenus par les employeurs et d'étendre cette disposition pour y inclure des régimes à l'intention des travailleurs autonomes non constitués en société.

Nous remercions ce comité d'avoir encore une fois recommandé, aux termes de sa consultation prébudgétaire de l'an dernier, et comme il l'avait fait l'année précédente, que le gouvernement étende l'exonération fiscale des régimes d'assurance médicale et dentaire soutenus par les employeurs aux travailleurs autonomes non constitués en société. Le régime fiscal serait certainement plus équitable envers ces personnes si nous obtenions cette exonération.

Selon l'étude de Mercer présentée à votre comité, cette recommandation couvrirait environ 1 080 000 de Canadiens qui n'ont pas d'assurance complémentaire ou qui ne peuvent pas déduire les primes d'assurance comme dépenses d'entreprise. Selon l'Association canadienne d'assurance de personnes, que le comité a cité dans son rapport, cette déduction entraînerait pour le Trésor fédéral un manque à percevoir d'environ 35 millions de dollars.

Au Canada, la recherche d'un régime de soins médicaux abordable et accessible a toujours été menée en collaboration avec les professionnels, les gouvernements, le patronat et les syndicats. Cette collaboration a permis de créer dans le secteur privé un système qui incite à la prévention et au maintien de la santé bucco-dentaire.

Les associations dentaires provinciales oeuvrent d'arrache-pied dans leurs régions respectives et vous les entendrez lors de vos consultations un peu partout au pays. Elles nous disent cependant que très peu de dépenses en matière de santé publique sont affectées aux soins dentaires et que la réduction de l'aide provinciale a eu des effets négatifs pour les plus vulnérables parmi les Canadiens et Canadiennes.

Nous espérons que l'esprit de collaboration fédérale-provinciale que nous avons pu constater récemment incitera l'ensemble du secteur public à mieux assumer ses responsabilités et à faire en sorte que les personnes dans le besoin, et en particulier les enfants, reçoivent une aide adéquate pour l'obtention des soins bucco-dentaires.

L'ADC considère l'exonération des régimes d'assurance médicale et dentaire soutenus par les employeurs comme un encouragement fiscal afin que la population canadienne, par le biais du secteur privé, prenne en main sa santé bucco-dentaire et sa santé en général. La décision du gouvernement d'appuyer la disposition concernant l'exonération des régimes d'assurance offerts aux employés s'est avérée comme l'une des mesures les plus efficaces en matière de santé. Elle a aidé à étendre l'accès aux soins dentaires, encouragé la population canadienne à obtenir les soins nécessaires au moment opportun et apporté une amélioration spectaculaire de la santé bucco-dentaire de la population canadienne.

Dans votre rapport de 1995, vous avez demandé à l'ADC et au secteur des assurances de trouver des moyens pour aider les personnes qui ne bénéficient pas encore d'un régime privé ou public. Outre notre position concernant l'extension de l'incitation fiscale aux travailleurs autonomes non constitués en société, l'ADC a écrit au ministre des Finances pour lui signaler son intention de commencer à examiner, avec son ministère et Revenu Canada les moyens de mieux faire connaître les dispositions de la Loi de l'impôt et leur utilisation par les régimes de soins médicaux privés. Nous avons écrit au ministre à sujet. Vous trouverez la lettre en annexe à notre mémoire.

Le président: Docteur Wenn, allez-y.

Dr Ray Wenn (membre du Comité des relations gouvernementales, Association canadienne dentaire): Merci.

Nous mentionnons aussi dans notre mémoire la nécessité de revoir en profondeur le système de pensions privées et publiques. Cela nous intéresse tout particulièrement si nous voulons que nos membres puissent utiliser pleinement les REER. Nous participons activement à la Coalition pour le revenu de retraite, qui s'occupe de tout ce qui a trait au revenu de retraite. Il nous paraît essentiel d'examiner toute politique future dans une perspective d'ensemble et nous nous opposons fermement aux modifications ponctuelles et à la pièce d'éléments particuliers.

• 1255

L'Association dentaire canadienne s'inquiète profondément de ce que l'insuffisance du revenu des personnes âgées empêche celles-ci de recevoir des soins bucco-dentaires adéquats. La recherche indique clairement un rapport direct entre la santé bucco-dentaire et le revenu. Le système de pension et de revenu de retraite est donc un agent déterminant pour aider la population canadienne à maintenir une qualité de vie saine dans les années de retraite. Nous comprenons que les gouvernements participants doivent prendre des mesures pour stabiliser le RPC et le RRQ mais nous souhaitons être assurés qu'au niveau fédéral cette initiative s'inscrira dans le cadre d'un véritable examen public de toute la question du revenu de retraite.

Pour ce qui est des régimes privés, l'ADC maintient sa position qu'à l'avenir tout changement fondamental au système des REER ne saurait se faire sans examen officiel et débat public préalable. Nous demandons à votre comité de nous appuyer dans cette approche et nous espérons que le gouvernement en a terminé des bricolages sur les niveaux des cotisations au REER.

Dr Toby Gushue: L'ADC a fait savoir qu'elle appuie sans réserve la vigoureuse campagne qu'a engagée le gouvernement contre le déficit et la dette, et nous vous félicitons de l'initiative dont vous avez fait preuve. Nous savons que le Canada doit encore rembourser une dette importante, mais nous sommes aussi convaincus que, dans le climat actuel, des dégrèvements fiscaux judicieux et bien ciblés auraient un effet salutaire sur la vie quotidienne des Canadiens.

C'est dans cet esprit que nous vous demandons de maintenir votre appui pour un traitement fiscal équitable envers les travailleurs autonomes non constitués en société. Actuellement, ils ne peuvent pas déduire leurs frais d'assurance comme dépenses d'entreprise. L'iniquité est d'autant plus grande que ces entrepreneurs sont non seulement les plus petites des entreprises canadiennes, mais aussi le secteur de l'économie qui croît le plus rapidement. Le moment est donc venu de corriger cette injustice.

En conclusion, je tiens à vous rappeler notre recommandation. L'Association dentaire canadienne recommande de conserver l'exonération fiscale des régimes d'assurance médicale et dentaire soutenus par les employeurs et d'étendre cette disposition pour y inclure des régimes à l'intention des travailleurs autonomes non constitués en société.

Monsieur le président, merci de nous avoir entendus aujourd'hui.

Le président: Merci beaucoup, messieurs Gushue et Wenn, de votre exposé.

Nous allons entendre maintenant le Conseil pour la recherche en santé au Canada.

Bonjour.

Mme Audrey Vandewater (membre du comité exécutif, Conseil pour la recherche en santé au Canada): Bonjour, c'est un plaisir que de représenter ici aujourd'hui le Conseil pour la recherche en santé au Canada. Je m'appelle Audrey Vandewater et je suis présidente bénévole de la Fondation des maladies du coeur du Canada. Nous sommes un des membres fondateurs du conseil et l'un des principaux organismes philanthropiques canadiens dans le domaine de la santé.

Avec d'autres membres du conseil nous représentons littéralement des centaines de milliers de bénévoles qui croient en l'avenir du Canada et en sa capacité de devenir un chef de file mondial dans la recherche en santé. Notre conseil vise à favoriser l'excellence dans la recherche en santé par l'accroissement du financement.

Nous sommes venus devant votre comité l'an dernier et nous tenons à vous féliciter d'avoir pris trois mesures importantes depuis: tout d'abord, vous avez stabilisé les transferts de fonds aux provinces au chapitre des services sociaux et de santé; ensuite, vous avez uniformisé les règles du jeu entre les sociétés d'État provinciales et les organismes de charité en ce qui concerne les dons; et enfin, vous avez créé la Fondation canadienne pour l'innovation, dotée d'un budget de 800 millions de dollars et placée sous la présidence du Dr John Evans.

Ce sont là des étapes importantes pour permettre au Canada d'atteindre tout son potentiel dans le prochain millénaire, mais ce ne sont que des étapes. Il faut faire davantage. Aujourd'hui, nous vous présentons trois recommandations stratégiques fondées sur la conviction que la recherche en santé sauve des vies, épargne de l'argent et crée des emplois.

Que la recherche en santé sauve des vies, c'est évident. Qu'il suffise de penser à la découverte de l'insuline ou des vaccins contre la polio et la varicelle qui ont permis d'éradiquer ces maladies mortelles.

Que la recherche en santé permette des économies budgétaires, c'est plus difficile à démontrer, mais c'est tout aussi certain. Par exemple, le fait que nous soyons en mesure de comprendre et de contrôler des facteurs tels que l'hypertension, la cholestérolémie élevée, le tabagisme et d'autres facteurs de risque prouvés dans les maladies cardiaques permet au système de soins de santé canadien d'économiser trois milliards de dollars par an, et il ne s'agit-là que des coûts directs.

• 1300

Enfin, notre complément de chercheurs de classe mondiale a déjà contribué à favoriser la croissance dans trois secteurs essentiels de l'économie: la biotechnologie, la recherche pharmaceutique et les instruments médicaux.

Toutefois, comparé à d'autres pays, nous sommes en retard. Aux États-Unis, par exemple, des découvertes récentes dans le secteur biotechnologique ont permis de créer une industrie de 25 milliards de dollars qui l'an dernier employait 150 000 travailleurs qualifiés et dont le chiffre d'affaires augmente depuis six ans de plus de 25 p. 100 par an. Il est attesté que cette explosion est due aux recherches effectuées dans les universités américaines et financées par les National Institutes of Health, qui se comparent, par leurs rôles, sinon par la taille, aux modestes efforts que fait notre Conseil de recherches médicales.

Les récents succès du Fonds de découvertes médicales canadiennes, fonds de capital-risques, montrent bien le potentiel inexploité qui existe au Canada. Ce fonds a été créé dans le but d'engendrer une industrie de la santé au Canada. Il a déjà investi au cours des derniers mois de plus de 200 millions de dollars dans 25 entreprises. En effet, les conseils subventionnaires fédéraux constituent une «mine» de découvertes en matière de développement industriel au Canada. Cette «mine» est toutefois sérieusement menacée par les coupures successives qu'ont subies les conseils au cours des quatre dernières années.

Cela nous amène à la première des trois initiatives dont nous souhaitons vous parler aujourd'hui. Comme l'a dit plus tôt le Dr McLennan, le Canada a pris un retard considérable sur ses principaux partenaires commerciaux en matière de recherche en santé. De fait, comparé aux autres membres du G-7, nous sommes à peine dans la course.

Je ne crois pas nécessaire de rappeler aux personnes ici présentes combien notre position est fragile. Le capital-risques traverse les frontières à la vitesse de l'éclair. Bien que les gens soient moins mobiles, on constate déjà des tendances inquiétantes, par exemple dans le nombre de scientifiques cliniques qui font de la recherche. Nous estimons qu'il est encore temps—mais qu'il est urgent—de renverser ces tendances inquiétantes et de commencer à rapatrier nos meilleurs chercheurs dans le domaine de la santé.

Par conséquent, dans le cadre d'un effort intersectoriel concerté en vue d'atteindre la norme internationale minimale qui consiste à investir 1,5 p. 100 de la production dans la recherche, nous recommandons respectueusement que le gouvernement fédéral s'engage à majorer de 60 millions de dollars par an au cours des quatre prochaines années le budget du Conseil de recherches médicales afin qu'il ait doublé d'ici 2002.

Passons maintenant à des questions qui touchent plus spécifiquement les organismes de bienfaisance en santé et notre rôle dans le renforcement des activités de recherche en santé au Canada.

Dans un discours prononcé récemment devant la Coalition des organismes bénévoles ici à Ottawa, le ministre des Finances invitait les organismes de charité à se faire entendre sans quoi elles perdraient des fonds. Cette mise en garde prenait la forme d'une invitation à prouver la valeur de notre action pour la santé économique du Canada à long terme sur la scène internationale. Ce défi mérite quelques explications. Comme beaucoup d'organismes de charité dans le domaine de la santé, comme la Fondation des maladies du coeur du Canada ne reçoivent actuellement aucun financement direct du gouvernement, comment pourraient-ils le perdre? Pour les organismes de taille plus modeste, les subventions de soutien ont dans bien des cas déjà été ramenées à un tiers des niveaux antérieurs. Les 3,1 millions de dollars qu'ils reçoivent annuellement semblent tenir à un fil bureaucratique bien fragile.

M. Martin semblait aussi vouloir dire que certaines des excellentes recommandations fiscales présentées à ce comité l'an dernier et qui n'ont pas été retenues dans le budget pourraient encore être entendues. Je songe en particulier à toute la discussion concernant la proposition présentée par la Coalition des organismes bénévoles nationaux, et que notre conseil continue d'appuyer en principe. Donc, par souci de justice et d'équité, et dans le but d'encourager le Canadien moyen à faire des dons, ou à donner davantage à des organismes de charité officiels, notre conseil recommande respectueusement au gouvernement fédéral d'envisager des solutions, en se fondant sur les principes énoncés dans notre proposition de l'an dernier, d'encourager les revenus modestes à se montrer plus généreux.

Venons-en maintenant à notre troisième suggestion, que nous avons mentionnée l'an dernier. Le conseil estime que le Canada doit absolument se doter d'une vision claire en matière de recherche en santé. Nous semblons foncer à tête baissée vers le XXIe siècle plein de bonnes idées, mais sans véritable plan cohérent.

Si ce plan existe, c'est qu'il a été arrêté sans consultation des milieux de recherche, mais je ne crois pas qu'un tel plan existe.

Nous avons vu au cours des deux dernières années un certain nombre d'initiatives fédérales positives qui visaient à favoriser la recherche en général, notamment par la création de la Fondation canadienne pour l'innovation et la création d'un fonds de 65 millions de dollars pour la recherche dans les services de santé. Mais pour réussir, ces initiatives dépendent pour la plupart d'un bon partenariat. Elles sont également tributaires d'une vision générale et partagée de notre rôle à l'échelle internationale en vue de mettre la science au service de la santé.

• 1305

Nous recommandons que soient immédiatement enrichis les budgets de base des conseils subventionnaires et qu'ils soient accompagnés de changements de la politique fiscale qui permettent de reconstituer la masse critique de financement pour la recherche en santé. Simultanément, il importe que tous les principaux intervenants, de l'État, du secteur privé et de ce qu'il est convenu d'appeler le tiers secteur suivent la même orientation. Il faudra pour cela bien définir où se trouvent nos avantages et nos faiblesses comparatives dans un secteur de plus en plus compétitif mondialement.

Par conséquent, si nous voulons que le Canada réalise son potentiel de chef de file mondial dans la recherche en santé, notre conseil recommande respectueusement que le Conseil de recherches médicales et Santé Canada organisent en toute priorité, et en collaboration avec les organismes nationaux bénévoles dans le domaine de la santé, un sommet national sur la recherche en santé. Ce sommet aurait pour but de faire l'inventaire de toutes les initiatives stratégiques de recherche en santé au Canada; de préciser les termes du partenariat en recherche; de trouver d'autres moyens d'harmoniser la politique fiscale et les politiques de dépenses; et d'élaborer un plan quinquennal viable pour la recherche en santé au Canada.

En conclusion, ce comité a la possibilité, dès le début de cette session parlementaire, de contribuer à renforcer et à préciser notre programme de recherche en santé pour le siècle à venir. Le Conseil pour la recherche en santé au Canada sait que votre comité a fait preuve d'un intérêt constant et manifeste pour la santé des Canadiens et l'intégrité de nos activités de recherche.

Le greffier du comité m'a demandé de proposer des possibilités de réinvestissement stratégique au Canada. Nous croyons avoir relevé le défi et celui de M. Martin. Nous sommes arrivés à un point critique en ce qui concerne le réinvestissement dans la recherche en santé et nous savons que votre comité pèsera avec soin nos recommandations en vue de consolider un de nos principaux atouts: la recherche en santé.

Merci, monsieur le président. Le Dr Poznansky et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie.

Nous allons entendre maintenant M. Pierre Franche, de l'Académie canadienne du génie. Bonjour.

[Français]

M. Pierre Franche (directeur général, Académie canadienne de génie): Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais en tout premier lieu remercier les membres du comité pour l'occasion qui nous est encore une fois donnée de comparaître devant eux.

Certains d'entre vous se demandent peut-être ce qu'est l'Académie canadienne du génie. L'Académie canadienne du génie est un organisme indépendant autogéré et à but non lucratif créé en 1987 afin de servir le pays dans les dossiers qui impliquent le génie.

Les 223 membres de l'Académie, dont un est ici présent aujourd'hui, sont d'éminents ingénieurs canadiens de toutes les disciplines, lesquels sont élus par leurs pairs pour leur service émérite et leur contribution à la société, au pays et à leur profession. Le nombre total des membres ne doit jamais excéder 250.

La mission de l'Académie est de rehausser, par l'application et l'adaptation des principes de l'ingénierie et de la science, le bien-être et la création de la richesse au Canada.

[Traduction]

À propos de la réduction du déficit sur laquelle on nous a demandé de nous prononcer, les progrès réalisés jusqu'ici sont satisfaisants; cependant, le moment est venu d'envisager une nouvelle stratégie. Le Canada a besoin de stimulants pour s'adapter à ce que nous appelons la nouvelle économie. Si la lutte contre le déficit progresse très bien, il reste que la dette globale est encore trop élevée et doit être réduite.

Afin de libérer des fonds pour les programmes prioritaires nécessaires pour s'adapter à cette nouvelle économie, le gouvernement devra réduire encore davantage ses dépenses en donnant instruction à tous les ministères et organismes d'affecter les effectifs essentiels à leurs missions et responsabilités fondamentales. Ils devront ensuite mettre les autres employés, ceux qui ont une expertise unique, à la disposition du secteur privé, contre recouvrement total des coûts, dans le cadre d'un partenariat ou par d'autres ententes, mais toujours sous la direction du secteur privé. Cela devra se faire pour des initiatives visant le marché national et international.

Quant aux priorités financières, la première reste la réduction de la dette nationale, qui est trop élevée. Pour notre académie vient ensuite la réduction des dépenses traditionnelles en vue de libérer des fonds au profit des secteurs novateurs de l'économie.

Après la réduction, une partie de l'excédent budgétaire devra servir à améliorer le climat pour l'entreprise technologique au Canada. Les stimulants fiscaux seraient la mesure la plus importante à prendre. Si nous voulons réorienter complètement nos objectifs et nos attitudes face à la nouvelle économie, nous devons non seulement revoir nos priorités mais aussi susciter une culture de l'entreprise plus novatrice et imaginative. Le Canada a longtemps profité de ses énormes richesses naturelles. Il peut continuer de le faire. Il faut tout essayer pour préserver cette situation privilégiée. Pour cela, il faudra faire preuve d'imagination, de talent, de compétence, d'expérience, et investir des capitaux, principalement dans les nouvelles technologies.

• 1310

Il nous faut maintenant réorienter nos talents créateurs et notre énergie afin d'élaborer des produits et services à forte valeur ajoutée et d'utiliser pleinement les ressources humaines du pays en génie et autres domaines connexes.

Comme je le dirai à la fin de cette présentation, l'Académie reviendra sur cette question des priorités face à la nouvelle économie avec une série de recommandations présentées dans son rapport qui sera publié durant la première semaine de mars.

Parlons maintenant de cette nouvelle économie. J'entends par là cette économie qui est le résultat des innombrables nouvelles technologies de l'information et de la communication qui refaçonnent le monde. Elle se caractérise par un mouvement et un échange presque instantané de l'information, du capital et des communications culturelles, ainsi que par le rythme accéléré de l'innovation et des applications.

Dans cet esprit, l'Académie applaudit à la création de la Fondation canadienne pour l'innovation, mesure qui soutient la nouvelle économie; mais ce n'est qu'une mesure. Malgré son nom, la Fondation a pour but d'accroître la capacité de recherche plutôt que de favoriser directement l'innovation. De nouvelles infrastructures de recherche en elles-mêmes ne suffiront pas à générer des richesses. Il faut de nouveaux programmes afin de faciliter la transformation efficace des découvertes en applications innovatrices de manière constante.

La recherche doit conduire à la découverte, mais ces découvertes ne suffisent pas en elles-mêmes. Elles doivent amener des entreprises technologiques à innover en créant de nouvelles PME ou en lançant de nouvelles entreprises commerciales avec de plus grandes compagnies. Les avantages de la recherche scientifique, et en particulier en génie, dépendent du transfert efficace et des applications novatrices des nouvelles connaissances et technologies scientifiques à la nouvelle économie.

Dans cette nouvelle économie, la compétitivité internationale ne s'obtiendra que par une augmentation de la productivité. Pour ce faire, il faut: développer plus efficacement de nouvelles technologies et utiliser pleinement les transferts technologiques; faire preuve de plus d'imagination dans la gestion, le marketing et les finances; se montrer plus novateur en technologie, réduire le cycle de l'innovation et, surtout, encourager l'entrepreneuriat technologique; améliorer sans cesse les compétence des travailleurs et promouvoir l'apprentissage continu; et enfin, augmenter les incitatifs financiers afin d'encourager l'industrie à innover et à développer de nouvelles technologies.

Selon un rapport publié par l'OCDE en 1995, le Canada souffre d'un considérable retard dans l'innovation. Celui-ci est dû à un certain nombre de lacunes importantes par rapport aux autres grands pays industrialisés. Ce sont: un taux global d'adoption de nouvelles technologies plus faible; un plus faible pourcentage d'exportation de biens et services de moyenne et haute technologie; un déficit annuel d'environ 20 milliards de dollars dans la balance des paiements pour les biens manufacturés de moyenne et haute technologie; des PME insuffisamment dotées de personnel technique; une proportion beaucoup plus faible d'ingénieurs comparée aux autres pays avancés, mais une plus forte proportion de scientifiques; une plus faible part de R-D financée par l'industrie; un plus petit nombre de chercheurs par habitant; un plus petit nombre d'inventions par habitant; proportionnellement moins de programmes de cours d'entrepreneuriat dans nos universités qu'aux États-Unis; et encore par comparaison avec les États-Unis, des milieux financiers moins disposés à investir dans l'innovation technologique; un moins grand marché du capital-risques qu'aux États-Unis; une connaissance insuffisante de l'environnement mondial; et enfin, trop peu d'alliances sur le marché international pour les entreprises canadiennes.

• 1315

[Français]

Afin de maximiser pour tous les Canadiens les avantages provenant de cette nouvelle économie, le gouvernement doit être sensible aux besoins des entrepreneurs technologiques canadiens. À cet égard, l'Académie canadienne du génie offre sa pleine coopération. Ainsi, durant la Semaine nationale du génie, du 1er au 8 mars 1998, l'Académie présentera aux différents gouvernements et aux autres intervenants des recommandations afin de développer encore plus l'entrepreneurship technologique dans ce pays.

De plus, le mois prochain, nous publierons un rapport sur la formation continue. Entre-temps, permettez-moi, monsieur le président, de déposer un document de référence publié ce mois-ci et intitulé Technological Entrepreneurship and Engineering in Canada. J'en ai apporté 39 exemplaires.

Les objectifs de ce rapport sont d'expliquer comment le processus de changement technologique a créé de nouveaux fondements économiques pour les pays industrialisés et les a conduits vers la nouvelle économie, d'expliquer la nature et l'importance de l'entrepreneurship technologique et enfin de provoquer une réflexion et une discussion constructive sur l'entrepreneurship technologique. Ce document servira aussi de base aux consultations de l'Académie avec ses membres et les autres intervenants dans ce secteur.

Il m'est important de souligner ici que ce rapport est le fruit des efforts de nos membres qui ont travaillé bénévolement. Il me faut souligner aussi l'apport reçu d'Industrie Canada, du Conseil national de recherches du Canada, ainsi que du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Franche.

[Traduction]

Nous allons entendre maintenant le Dr Victor Dirnfeld de l'Association médicale canadienne.

Bonjour.

Dr Victor Dirnfeld (président, Association médicale canadienne): Merci, monsieur le président.

[Français]

L'Association médicale canadienne est heureuse de vous rencontrer aujourd'hui.

[Traduction]

Je suis fier de vous signaler que l'AMC est le porte-parole de la profession médicale canadienne depuis 130 ans.

L'AMC s'est engagée à promouvoir un régime de soins de santé solide, financé par les deniers publics. Nous sommes heureux que le gouvernement fédéral ait promis de réinvestir dans les soins de santé. Nous sommes encouragés par les mesures qui ont été présentées dans les récents budgets fédéraux, comme le Fonds pour l'adaptation des soins de santé et le Fonds pour la recherche en matière de santé, qui reconnaissent le besoin de préserver des services de santé de qualité.

Il reste toutefois, monsieur le président et membres du comité, que les médecins trouvent de plus en plus difficile aujourd'hui l'accès aux services de santé pour leurs patients—je parle en connaissance de cause. Les Canadiens ont l'impression que l'accès s'est détérioré dans la dernière année. Les sondages effectués par le groupe Angus pour l'AMC révèlent sans l'ombre d'un doute que les Canadiens perçoivent un fléchissement dans bon nombre de secteurs critiques des soins de santé.

Lorsqu'on regarde certains indicateurs depuis deux ans, comme le temps d'attente, il est évident que les Canadiens ont ressenti les compressions qui ont frappé le secteur des soins de santé cette année: 65 p. 100 disent que le temps d'attente à l'urgence s'est allongé, contre 54 p. 100 en 1996; 63 p. 100 indiquent que le temps d'attente pour une intervention chirurgicale s'est allongé, contre 53 p. 100; 64 p. 100 affirment que la disponibilité des infirmiers et infirmières dans les hôpitaux a diminué, contre 58 p. 100 l'année précédente; et 50 p. 100 font état de temps d'attente plus longs pour les examens, contre 43 p. 100 en 1996.

Dans les séances de consultation qu'elle a tenues avec le public cet été, l'AMC a entendu les Canadiens se demander sans cesse: Le système de santé sera-t-il disponible pour moi ou ma famille lorsque j'en aurai besoin?

La dégradation des soins de santé continue en raison du manque d'engagement et de la réduction du financement fédéral. En janvier, les ministres provinciaux et territoriaux de la Santé déclaraient:

    La réduction des paiements de transfert du gouvernement fédéral a entraîné pour les provinces et territoires une baisse du revenu qui a précipité la nécessité de modifier le régime et a sérieusement nui à leur capacité de maintenir les services actuels.

Le volet en argent du TCSPS est actuellement de 12,5 milliards de dollars, soit une diminution de 33 p. 100 par rapport aux 18,5 milliards de dollars de 1995-1996. Pour la période de trois ans allant de 1996 à 1998, il s'agit d'une réduction cumulative du financement de 15,5 milliards de dollars. Selon les plans du gouvernement, ces sommes resteront à 12,5 milliards de dollars pour les six prochaines années, c'est-à-dire jusqu'en 2002-2003. Cependant, des facteurs comme le changement technologique, le vieillissement, la croissance de la population et l'inflation éroderont davantage les fonds que le gouvernement fédéral s'est engagé à verser à ce titre s'il n'y a pas de mécanisme d'indexation pour préserver la valeur réelle de ces sommes.

• 1320

La recherche en santé, comme on vous l'a dit et je le souligne, est un élément critique du régime de soins de santé. Selon l'OCDE, les États-Unis, la France et, oui, même le Royaume-Uni investissent au moins trois fois plus que le Canada par habitant dans la recherche-développement en santé. L'Association médicale canadienne appuie une augmentation des investissements dans ce domaine. C'est essentiel.

Il faudrait également prévoir des fonds pour l'élaboration de programmes d'intervention clinique sur le tabagisme. Les études révèlent que les programmes de prévention et de renoncement au tabagisme sous la direction des médecins connaissent un très grand succès. Il doit aussi y avoir une collaboration entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux sur la signification et l'application de normes et principes nationaux. Les Canadiens s'attendent à ce que vous, nos députés, vous appliquiez à protéger notre régime de soins de santé et non à le détruire.

Pour que les Canadiens aient à nouveau accès à des soins de santé de qualité, l'Association médicale canadienne présente les quatre recommandations suivantes: premièrement, à tout le moins, que le gouvernement fédéral rétablisse le volet en argent du TCSPS aux niveaux de 1996-1997, c'est-à-dire qu'il passe de 12,5 milliards de dollars à 18,5 milliards; deuxièmement, à compter du 1er avril 1998, que le gouvernement fédéral indexe pleinement les paiements en espèces du TCSPS en utilisant une combinaison de facteurs qui tiendraient compte de la technologie, de la croissance économique, de la croissance démographique et des facteurs démographiques tels que le vieillissement; troisièmement, que le gouvernement fédéral fixe une cible nationale—soit par habitant, soit en pourcentage de l'ensemble des dépenses au titre de la santé—et un plan de recherche-développement dans le domaine de la santé comprenant toute la gamme des recherches en santé, des recherches biomédicales de base aux recherches appliquées sur les services de santé, afin d'améliorer la position du Canada par rapport à celle des autres pays du G-7, où nous nous classons actuellement au dernier rang des cinq pays du G-7 pour lesquels les données sont disponibles; et enfin, l'Association médicale canadienne demande au gouvernement fédéral de respecter sa promesse d'investir 100 millions de dollars au cours des cinq prochaines années dans la Stratégie de réduction de la demande de tabac, et de relever les taxes d'accise et d'exportation aux niveaux antécédents afin d'encourager une baisse de la consommation chez la population la plus sensible aux fluctuations de prix, soit nos enfants, adolescents et préadolescents.

[Français]

Monsieur le président, nous vous remercions, vous et tous les membres du comité, de nous avoir permis de contribuer à ce processus de consultation prébudgétaire.

[Traduction]

Je vous rappelle que les coupures dans le domaine de la santé ont fait mal, et que tôt ou tard, directement ou indirectement, elles font mal à tout le monde. Personne n'est à l'abri. Je vous implore donc de prendre des mesures dès maintenant pour empêcher que notre système ne se dégrade encore davantage. Merci.

Le président: Merci beaucoup, docteur Dirnfeld.

Nous allons entendre maintenant M. Marc Renaud du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.

[Français]

M. Marc Renaud (président, Conseil de recherches en sciences humaines du Canada): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis le nouveau président du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, le CRSHC. Je suis à Ottawa depuis à peine deux mois et je me suis dit que malgré tout, même si je ne connaissais pas encore cette organisation dans les moindres détails, il serait important que je vienne vous voir pour vous parler de ce que cette organisation a accompli et de ses priorités pour l'avenir.

• 1325

[Traduction]

Comme vous le savez sans doute, le CRSH est l'un des trois conseils subventionnaires. Nous attribuons des fonds aux meilleurs projets de recherche et aux meilleurs étudiants de deuxième cycle dans les universités canadiennes. Il ne faut pas oublier pourquoi le Canada a créé des conseils subventionnaires. Depuis la Seconde Guerre mondiale, nous avons consacré énormément d'énergie à doter le pays d'un réseau universitaire qui soit à l'égal de ceux que la France, l'Angleterre et l'Allemagne ont mis des siècles à créer. Nous avons essayé de créer des universités—ce que certains appellent des usines à savoir—dont nous puissions être fiers et qui mettraient en valeur une expérience et une perspective spécifiquement canadiennes. Nous avons essayé de mettre sur pied ce que d'autres appellent une armée intellectuelle à laquelle nous pourrions demander non seulement de construire de meilleurs ordinateurs ou de meilleurs sous-marins, mais aussi de s'attaquer à des problèmes comme la criminalité, la pauvreté, la stagnation économique ou l'apathie civique.

La recherche universitaire est l'un des moteurs de la création des connaissances. Ces connaissances sont ensuite transmises par les enseignants à tous les niveaux du système d'éducation. Afin d'aider les universités, le gouvernement fédéral a notamment créé les conseils subventionnaires.

Le CRSH, comme vous le savez sans doute, est le plus petit de ces trois conseils. Il reçoit 12 p. 100 des fonds qui leur sont alloués et pourtant il couvre 55 p. 100 des professeurs et des étudiants de deuxième cycle à plein temps dans les universités canadiennes. Plus précisément, sa clientèle est composée de 20 000 professeurs d'universités et de 40 000 étudiants de deuxième cycle en sciences humaines.

La collectivité canadienne des sciences humaines compte parmi les plus dynamiques et les plus compétentes au monde. Mon expérience professionnelle à l'Université de Montréal, à l'Institut canadien de recherches avancées et au Forum national sur la santé m'ont permis de voyager dans le monde entier. J'ai toujours été extrêmement fier de mes collègues canadiens, de ce qu'ils font et de leur réputation.

La communauté des sciences humaines touche à une grande variété de domaines, dont l'économie, le commerce, l'éthique, l'éducation, le droit, l'histoire, la littérature, la philosophie, l'anthropologie, la psychologie, la sociologie, les études environnementales, les études religieuses, etc.

[Français]

Si j'avais à résumer en seulement quelques phrases le travail de nos spécialistes en sciences humaines, je dirais qu'ils travaillent tous, d'une manière ou l'autre, sur les grandes transformations qui affectent les êtres humains et les sociétés à la fin du présent siècle. Vous savez, selon certaines personnes, nous serions en train de vivre le troisième changement le plus important du millénaire, pas du siècle mais du millénaire. En fait, nos arrière-petits-enfants n'auront peut-être pas la moindre idée du monde dans lequel nous avons vécu, tant ce monde se sera métamorphosé.

Après la Renaissance et la révolution industrielle, nous voici dans la révolution des communications. Ce que cette révolution des communications produit, au-delà des outils technologiques comme le World Wide Web, par exemple, et par-delà l'abolition des distances et des limites géographiques, c'est un phénomène absolument incroyable de mondialisation des marchés financiers, du commerce, des technologies, de l'immigration, des emplois, des idées, des maladies d'origine virale, etc.

Cette globalisation entraîne pour le moment toute une série de phénomènes sociaux extrêmement importants: dissociation entre création de richesse et création d'emplois, restructuration des entreprises de production, affaiblissement des classes moyennes, perte des solidarités communautaires, diminution du pouvoir des États nations, apparition des nationalismes, remontée des autoritarisme, etc. En réalité, les années 1990 sont un peu comme les années 1860 l'ont été, quand les peuples de l'Occident ont essayé de s'ajuster à la révolution industrielle.

Nous sommes confrontés à une série de problèmes qui demandent une réévaluation de nos besoins, de nos valeurs et de nos attentes. Qu'on pense par exemple aux énormes clivages économiques entre les régions du Canada. Qu'on pense aux nouveaux écarts de revenu entre les plus riches et les plus pauvres, et aux difficultés énormes des jeunes à s'inscrire sur le marché du travail. Qu'on pense à l'immigration. Qu'on pense à la misère et à la pauvreté qu'on voit dans un certain nombre de nos villes. Qu'on pense à la violence que l'on voit apparaître un peu partout.

[Traduction]

La principale tâche des sciences humaines consiste à développer la base de connaissances nécessaires pour maintenir la cohésion de la société face à un tissu culturel de plus en plus diversifié et aux énormes pressions qu'entraîne la mondialisation. On peut dire que nous avons besoin de nouvelles connaissances pour réinventer la société et ses institutions. C'est indispensable si nous voulons survivre au rythme effréné et à l'ampleur des changements que nous voyons dans le monde entier.

• 1330

C'est en partie grâce aux connaissances développées par les chercheurs en sciences humaines au Canada que nous avons pu progresser dans divers secteurs. Par exemple, c'est partiellement grâce à la recherche dans ces domaines qu'on a compris qu'il fallait faire de l'investissement dans nos enfants une priorité nationale, que toutes les provinces ont entrepris de s'attaquer à la restructuration du secteur hospitalier, et que plusieurs d'entre elles ont entrepris une refonte totale de leurs programmes scolaires.

La recherche nous a apporté les connaissances qui nous permettent d'affiner nos politiques en immigration, d'élaborer de nouveaux outils pour la prise de responsabilité au niveau communautaire et pour donner à nos fils et nos filles les moyens de communiquer et de forger de nouveaux liens sur l'autoroute de l'information sans quitter leur propre école.

Je veux dire essentiellement que le Canada tire un grand profit de ses excellentes universités et de ses éminents spécialistes en sciences humaines. Pays industrialisé, nous allons vers une économie—tout le monde l'a dit—qui n'est plus autant qu'autrefois tributaire de nos ressources naturelles. Nous allons vers une économie axée sur la connaissance. Il nous faut donc incorporer de nouvelles idées dans de nouveaux produits afin de saisir une part du marché et maintenir notre niveau de vie. Mais en même temps, il nous faut investir dans ces outils qui aideront les gens à s'adapter au progrès technologique. Il ne faut pas se limiter à axer l'économie sur la connaissance, mais aussi la société.

La discussion porte surtout jusqu'ici sur les machines, les câbles et les fibres, mais pour être intelligent il ne suffit pas de brancher une machine. Il ne faut pas négliger les êtres humains qui sont derrière ces machines et les institutions dans lesquelles ils oeuvrent.

Maintenant, parlons d'argent.

[Français]

Au cours des dernières années, le Canada a essayé, avec un certain succès, de faire le grand ménage dans les dépenses de l'État. Le CRSHC, comme les autres, a fait sa part dans cet effort d'assainissement des finances publiques. Le temps est maintenant venu, à notre avis, de donner un coup de barre pour remobiliser l'armée intellectuelle dans nos universités. Le Parlement canadien a décidé l'an dernier d'investir massivement dans la Fondation canadienne pour l'innovation. Au CRSHC, nous applaudissons cette initiative, même si elle servira surtout à l'instrumentation dans les sciences naturelles, le génie et la biomédecine, et très peu finalement aux sciences humaines.

Dans le discours du Trône de cette année, on a annoncé une fondation du millénaire pour aider les jeunes. Nous l'applaudissons aussi car, à notre avis, notre relève est vraiment en péril. Nous espérons d'ailleurs que le gouvernement utilisera le CRSHC pour l'aider à bien investir dans les étudiants les plus talentueux qui poursuivent jusqu'à la fin leurs études universitaires.

À l'heure actuelle, le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada finance seulement 5 p. 100 des étudiants diplômés dans son domaine, tandis que le CRSNG en finance 20 p. 100; nous ne finançons que 15 p. 100 des professeurs d'université dans nos domaines, tandis que le CRSNG en finance 60 p. 100.

Avec un niveau aussi faible de soutien aux activités universitaires, nous courons le risque, à notre avis, de décourager la relève, de manquer le bateau dans les innovations sociales que la conjoncture nous impose et de ne pas obtenir de bons rendements sur nos investissements massifs passés dans les institutions de haut savoir.

[Traduction]

Monsieur le président, la demande pour la recherche sociale est énorme, beaucoup plus importante que ce que le gouvernement serait prêt ou en mesure de financer. C'est la raison pour laquelle nous ne nous attendons pas à une augmentation spectaculaire de notre budget du jour au lendemain. Nous savons parfaitement que les finances publiques ne sont pas encore tout à fait assainies et que plusieurs priorités se disputent les fonds disponibles. De plus, nous ne nous attendons pas à ce que le gouvernement fasse tout pour nous. Nous avons bien d'autres détails là-dessus dans notre mémoire.

Mais pour l'an prochain, au CRSH nous jugeons tout à fait sensée la proposition présentée par l'AUCC et quelques autres. Il nous faut vraiment désespérément de nouveaux fonds pour accomplir notre mission. Cet argent serait investi dans les secteurs qui, selon moi et selon le conseil du CRSH ont les besoins les plus pressants.

D'abord, il faut investir dans la relève. Encore une fois, nous ne finançons que 5 p. 100 des 40 000 étudiants de deuxième cycle en sciences humaines. Nous voulons d'abord investir dans la relève des chercheurs et du personnel hautement qualifié afin d'assurer le renouvellement de l'excellence dans nos universités et d'assurer un haut niveau d'expertise dans les collectivités et les milieux de travail.

Deuxièmement, nous tenons à développer de nouvelles initiatives de partenariat afin de générer des connaissances pertinentes dans plusieurs domaines critiques. Par exemple, des discussions sont en cours en vue de créer des chaires d'entrepreneurship social dans nos universités, de préparer des demandes de proposition sur la cohésion sociale et le développement communautaire, de faire davantage d'évaluation de projets sur les programmes sociaux, de cibler la recherche sur les déterminants sociaux et économiques de la santé, l'évolution de la nature du travail et notre patrimoine culturel, ainsi que sur la place du Canada dans le nouvel ordre mondial, entre autres.

• 1335

Troisièmement, il nous faut accroître notre soutien aux recherches de classe mondiale que l'on appelle la recherche motivée par la curiosité. Au cours des dix dernières années, le nombre de projets que nous avons pu financer a diminué de 35 p. 100, ce qui a eu une incidence dévastatrice sur la capacité et le désir des professeurs universitaires à entreprendre des recherches vraiment novatrices.

Mesdames et messieurs, nous vivons une période unique de l'histoire humaine, une époque de changements qui, pour beaucoup de nos concitoyens, est aussi une époque très difficile. La connaissance est essentielle pour s'adapter à ce nouvel environnement. Le CRSH, et au-delà de lui, les universités et leurs étudiants, sont des instruments indispensables pour aider le Canada à bien s'adapter à ces changements. Nous avons besoin de votre aide pour préserver ce que nous avons pu accomplir dans nos universités. Nous avons également besoin de votre aide pour donner à nos éléments les plus brillants les moyens d'innover et de contribuer pleinement à façonner l'avenir du Canada. Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci, monsieur Renaud.

Nous commencerons cette fois avec Mme Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse au Dr Dirnfeld.

Lorsque nous avons tenu des audiences à travers le pays, on nous a dit que la lutte contre le déficit avait entraîné un coût humain, et vous le dites aussi dans votre mémoire. M. Martin, dans ses discussions prébudgétaires, disait que le partenariat est la voie de l'avenir.

Vous avez parlé de la réduction du volet en espèces des TCSPS. Selon mes statistiques, il s'élevait à 1,2 milliard de dollars ce qui correspond à 4,9 milliards de réduction d'impôt en Ontario. Dans certaines provinces, le partenariat qui s'est créé entre le gouvernement fédéral et les provinces dans le domaine de la santé suscite pas mal de scepticisme et d'inquiétude. Dans d'autres, on nous a réclamé le même type de normes que l'on fixe pour les programmes sociaux et le bien-être, autres éléments du filet de sécurité sociale.

Je représente Kitchener, en Ontario, et je peux donc vous parler des difficultés et des épreuves que traverse cette communauté. Nous avons vu notre conseil régional de santé pour la région de Waterloo fusionné avec celui du comté de Wellington. Croyez-moi, nous assistons à une restructuration massive du système de prestation des soins de santé. Nous redéfinissons le rôle des professionnels dans la prestation de ce type de soins. Cambridge, qui est dans la région de Waterloo, a été officiellement déclaré zone insuffisamment desservie bien que ce soit une région attrayante et économiquement dynamique.

Ma question est la suivante. Puisque les partenariats sont la voie de l'avenir et que l'on reconnaît que ce n'est pas seulement une question d'argent, même si l'argent entre en ligne de compte, l'Association médicale canadienne a-t-elle examiné son rôle dans la définition, en collaboration avec le gouvernement, parmi d'autres partenaires, d'une nouvelle réalité des systèmes de soins de santé au Canada?

Dr Victor Dirnfeld: Je vous remercie de me donner l'occasion d'aborder ce sujet. Comme vous le savez sans doute, Allan Rock a prononcé son premier discours en tant que ministre de la Santé devant l'Assemblée annuelle de l'Association médicale canadienne à Victoria, au mois d'août. Il a lancé comme un défi l'idée de le rencontrer et de travailler avec lui afin de cerner les besoins, les lacunes et les moyens d'améliorer l'affectation des fonds à ces secteurs là en particulier. Nous avons reçu l'invitation avec plaisir et nous l'avons acceptée.

J'ai personnellement rencontré M. Rock avec d'autres représentants de l'Association médicale canadienne. Nous avions déjà eu des contacts auparavant et nous tenons maintenant des consultations permanentes en vue précisément de définir où se trouvent les besoins et comment affecter les fonds afin de combattre les difficultés d'accès et la baisse de qualité des soins.

L'Association médicale canadienne s'allie cependant aussi à d'autres groupes dans la prestation des soins de santé. Nous avons formé des alliances avec l'Association des infirmières et infirmiers du Canada en ce qui concerne le traitement du VIH et du sida pour assurer la gestion complémentaire et coopérative de cette maladie. Nous avons forgé une alliance avec l'Association pharmaceutique canadienne en ce qui concerne les rôles respectifs complémentaires et de soutien en pharmacothérapie des médecins et pharmaciens.

• 1340

Aux niveaux provincial et communautaire, nous poursuivons le dialogue et continuons de forger des alliances. Je conviens avec vous que la réalité a changé et que la collaboration est essentielle pour le maintien de la prestation des soins de santé.

Mais il n'en reste pas moins que dans les faits, comme l'a dit le ministre de la Santé, Allan Rock, et aux yeux des Canadiens, l'accès aux soins et la qualité de ces soins a énormément souffert non seulement en raison de la restructuration et de la réduction des effectifs, mais aussi à cause de la baisse du financement due en grande partie à la réduction par le fédéral des paiements de transfert aux provinces.

Bien entendu, les gouvernements des provinces sont libres de répartir leurs fonds comme ils veulent. Mais ce que nous demandons c'est que le financement soit suffisant au total pour répondre aux besoins des Canadiens en matière de santé.

Mme Karen Redman: Je comprends. Je voudrais souligner encore une fois que nous faisons face à une réduction de 1,2 milliard de dollars, mais que pour la province de l'Ontario, cela s'est traduit par une diminution d'impôt de 4,9 milliards. C'est une amplification énorme des réductions que vous mentionnées.

Dr Victor Dirnfeld: Je comprends ce que vous voulez dire, et je comprends que chaque province voudra assainir ses finances et celles de la population par ses propres méthodes. Ce n'est pas moi qui vous apprendrez que la réduction d'impôt encourage le commerce et augment le pouvoir d'achat des citoyens, et c'est peut-être pour cette raison que l'Ontario a agi ainsi.

Je suis venu simplement pour rappeler—et pour m'inscrire en faux contre ce fait—que les fonds disponibles pour répondre aux besoins critiques des Canadiens, c'est-à-dire leurs besoins en matière de santé—ont diminué.

Mme Karen Redman: Merci.

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): J'aimerais poursuivre dans la même veine.

Vous avez tout à fait raison, docteur Dirnfeld, mais quand nous allons dans tout le pays entendre les Canadiens, et que des groupes viennent ici, on semble s'arrêter surtout aux transferts en espèces du TCSPS, sans tenir compte des points d'impôt qui y sont associés.

Mme Redman a souligné un point très important en disant que l'an dernier, la réduction des transferts en espèces à la province de l'Ontario ne s'élevait qu'à 1,2 milliard de dollars alors que pendant la même période, le gouvernement de cette province a réduit l'impôt pour une valeur de 4,9 milliards de dollars. Donc, sur le manque à percevoir de 6,1 milliards de dollars, 1,2 milliard seulement sont attribuables au TCSPS.

Vous avez présenté un excellent exposé au nom de l'AMC. Vous avez dit exactement ce qu'il fallait pour défendre les soins de santé des Canadiens, surtout en ce qui concerne le tabagisme.

Docteur Gushue, j'ai une petite question pour vous. Nous ne serions pas en période prébudgétaire si nous n'étions pas inondés de télécopies que nous envoient les dentistes du pays tout entier pour nous dire de ne pas toucher à la déduction... mais vous et moi savons tous deux que l'imposition des prestations payées par l'employeur constitue une injustice.

Vous avez aussi dit très clairement que 80 p. 100 environ des Canadiens sont directement ou indirectement assurés. Donc en intervenant, on risque, par inadvertance, de ne pas inciter les Canadiens à veiller à leur santé bucco-dentaire.

Conscient de l'inégalité que crée le système actuel, vous demandez que les dentistes jouissent d'un traitement fiscal semblable ou équivalent en ce qui concerne vos coûts.

On ne saurait vous reprocher de vouloir votre part de cet appétissant gâteau que représentent les régimes d'assurance collective. Mais pensez-vous qu'il serait tout aussi important d'élargir le geste aux 20 p. 100 environ de Canadiens qui n'ont pas d'assurance mais qui n'ont qu'un crédit d'impôt non remboursable à raison de 3 p. 100 du revenu? Peut-être qu'ils devraient bénéficier d'un dégrèvement équivalent, par exemple, en éliminant la franchise et en leur permettant de transformer le total des coûts en crédit d'impôt non remboursable.

• 1345

Dr Toby Gushue: Je demanderais au Dr Wenn de vous répondre car c'est lui qui nous représente au sein de la coalition qui se penche sur cette question.

Dr Ray Wenn: Et bien, voyons si je peux vous répondre en dix minutes ou moins.

Tout d'abord, selon nos recherches—l'étude Mercer que nous avons réalisée il y a un an et demi ou deux—près de 88 p. 100 des Canadiens ont une assurance-santé et dentaire, ce qui est donc beaucoup plus que 80 p. 100.

L'iniquité tient davantage au système fiscal qu'à l'étendue de la couverture. Si un million seulement de Canadiens n'ont pas accès à la déduction, ce sont les travailleurs indépendants non constitués en société—et c'est là l'élément clé «non constitués en société»—qui sont pénalisés. Ils doivent payer leurs soins de santé et leurs soins dentaires en totalité, sur leur revenu net d'impôt.

Il nous faut bien comprendre qu'au Canada aujourd'hui—je n'ai pas l'intention d'entrer dans une discussion avec l'AMC sur le coût des soins de santé—les soins dentaires font partie de la santé, et si on y regarde de plus près, on constate que bien des choses viennent grever le budget des soins de santé. Environ 28 p. 100 de ce budget est dépensé en dehors des régimes de soins de santé, et il faut bien comprendre que tout ce qui touche les 72 p. 100 a des répercussions aussi sur le reste. Plus les gens doivent payer pour certains soins, moins ils ont d'argent pour les autres.

Nous essayons donc de mettre sur pied un régime grâce auquel de plus en plus de gens pourront se permettre d'acheter les services qu'ils doivent payer eux-mêmes, et qui ne s'arrêtent pas aux soins dentaires. C'est une prestation de santé générale et de santé bucco-dentaire; c'est les deux à la fois.

Si le gouvernement pouvait étendre cet avantage aux travailleurs autonomes non constitués en société, dont le nombre ne cesse d'augmenter... c'est là que sont les petits entrepreneurs et c'est là qu'est la croissance actuellement. Les grandes entreprises licencient et ces travailleurs deviennent autonomes, d'où la croissance. Le gouvernement a là une excellente occasion de faire preuve de compassion envers le Canadien ordinaire et il devrait envisager la possibilité.

Le président: Merci.

Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Ritz?

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je tiens à remercier les témoins de leur excellente présentation. Mais j'aimerais signaler un sujet à leur attention.

À mesure que l'accès aux services médicaux est plus difficile et que les listes d'attente s'allongent, les gens dans ma région se tournent davantage vers la médecine complémentaire et préventive. Ces services ont-ils une place dans les soins de santé au Canada?

Le financement est privé. L'accès est facile. Il semble y avoir suffisamment de guérison, que l'on y croie ou non, pour susciter la demande.

J'aimerais avoir votre avis ou vos commentaires.

Dr Victor Dirnfeld: L'Association médicale canadienne, la profession médicale, sont parfaitement au courant des thérapies complémentaires. Nos patients y ont parfois recours pour diverses raisons. La principale étant, je crois, que la médecine traditionnelle n'a pas répondu à leurs besoins, ou encore que certains troubles sont moins facilement traités par les thérapies conventionnelles, ne sont pas traitables parce qu'il n'existe pas de thérapie pour cette maladie, ou encore parce qu'ils veulent mieux maîtriser leur vie, et c'est leur droit. Les médecins canadiens n'y voient aucune objection.

Mais nous avons certaines préoccupations et nous estimons qu'un certain nombre d'exigences fondamentales s'imposent. Il faut que ces thérapies fassent leurs preuves, qu'elles apportent un bienfait, et que le critère de la preuve soit le même qui est imposé à la médecine conventionnelle: une norme de validation scientifique fondée sur des preuves. Deuxièmement, nous voulons nous assurer qu'elles ne fassent pas de mal, c'est-à-dire qu'elles soient sans danger.

• 1350

À ces deux normes fondamentales s'ajoute une norme corrélative, et c'est que le patient doit être bien informé et ne doit pas se voir nier une thérapie dont nous savons qu'elle pourrait lui être bénéfique. Ces critères étant respectés, nous n'avons aucune objection à la médecine complémentaire.

J'ai d'ailleurs prononcé un discours lors de l'inauguration de l'Institut Tzu Chi de Vancouver qui reçoit—M. Riis s'en souvient peut-être—6 millions de dollars de l'Association bouddhiste et qui se consacre justement à la médecine alternative. Nous sommes prêts à l'appuyer dans la mesure où elle fait ses preuves et ne présente aucun danger. Les dirigeants de Tzu Chi partagent certainement ces sentiments.

Le président: Docteur McLennan.

Dr Barry McLennan: Je m'associe à ce que vient de dire le Dr Dirnfeld, mais j'aimerais ajouter une chose.

Les 16 écoles de médecine canadiennes réexaminent sans cesse le programme d'études du premier cycle. Et, nous avons pu le constater lors des dernières assemblées annuelles de l'AMC, les facultés accordent maintenant une plus grande place à ces thérapies dans le programme d'études des étudiants en premier cycle de médecine.

Toutefois, vous avez parfaitement raison de dire qu'il nous faut des preuves. Il nous faut faire des recherches pour savoir si ces thérapies sont utiles ou non. Et c'est cela qui manque. Nous savons que beaucoup de Canadiens dépensent autant d'argent de leur poche en thérapies complémentaires que le système conventionnel consacre aux soins de santé. C'est inquiétant, mais cela ne fait que souligner combien il est important de mieux financer la recherche en santé.

Encore une chose. Le CRM, l'Institut national du cancer du Canada, ainsi que la Fondation des maladies du coeur du Canada, sauf erreur, ont récemment élargi leur mandat et ont étendu leurs recherches à des domaines qui correspondent à une définition plus large de la santé: résultats, santé de la population et thérapie alternative, notamment. Ils ont pris un risque car leur budget de base a été coupé, et leurs efforts ont donc été entravés, mais l'intention est bonne, et je les en félicite, car il nous faut examiner ces autres aspects de la santé, les thérapies complémentaires n'étant qu'une facette.

Le président: Merci, docteur.

[Français]

Monsieur Perron.

M. Gilles-A. Perron (Saint-Eustache—Sainte-Thérèse, BQ): Docteur Dirnfeld, j'apprécie le fait que vous ayez mis la pendule à l'heure. Vous êtes l'un des rares qui aient osé parler des compressions cumulatives effectuées dans les transferts sociaux aux provinces, lesquelles ont fait énormément mal à chaque gouvernement provincial dans les domaines de la santé et des services sociaux. Les données dont vous avez fait état sont exactement les mêmes que les miennes. Nous sommes donc sur la même longueur d'onde.

J'aimerais ajouter que le total des compressions cumulatives qui se feront dans les provinces d'ici l'an 2000 seront de l'ordre de 42,4 milliards de dollars. C'est beaucoup de sous.

Je ne suis pas prêt à poser un jugement et à dire que c'est la province ou le gouvernement fédéral qui fait le bon ou le mauvais travail, mais je suis prêt à dire que ces 42,4 milliards de dollars, ce sont des sous.

Pourriez-vous préciser votre pensée sur le fait qu'au lieu de toujours sabrer dans les transferts sociaux et de s'attaquer la santé, on pourrait peut-être réviser la fiscalité des sociétés et des particuliers, ce qui n'a pas été fait depuis 1962? On pourrait peut-être aussi mieux gérer nos affaires et arrêter de gaspiller indûment l'argent des contribuables, tant canadiens que québécois ou ontariens.

J'aimerais que vous nous fassiez part de votre vision. Comment le gouvernement devrait-il combattre le déficit sans trop taxer nos Canadiens?

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Perron.

Docteur Dirnfeld.

Dr Victor Dirnfeld: Il est effectivement important d'être aussi efficaces que possible dans la gestion de notre système de soins, et de n'utiliser que des thérapies qui ont fait leurs preuves. On ne peut le savoir exactement, mais l'on estime entre 15 p. 100 et 25 p. 100, certains disent 30 p. 100, le nombre de traitements qui ne reposent sur aucune preuve. Nous continuons cependant sans cesse de rechercher des preuves pour voir si tel traitement, tel test, est utile. Dans l'intervalle, nous faisons de notre mieux en nous fiant à l'expérience anecdotique de nos médecins les plus expérimentés et des jeunes qui essaient de nouvelles thérapies et de nouveaux types de diagnostic.

• 1355

Mais pour l'essentiel, le système des soins de santé est devenu très efficace suite à ces énormes compressions, ces années de vaches maigres et d'austérité budgétaire qui nous ont été imposées. Nous avons innové dans bien des secteurs, et je pourrais vous citer de nombreux exemples, tels la chirurgie ambulatoire, la chirurgie par endoscope, qui remplacent la traditionnelle incision dans l'abdomen et qui ont raccourci les séjours en hôpital de deux semaines à 24 heures. Des améliorations remarquables ont été réalisées dans tous les secteurs des soins médicaux, qui sont de plus en plus efficaces et rentables. J'en suis fier, et nous continuerons d'améliorer les efficiences, mais je crois que nous avons fait beaucoup de progrès. Désormais, en coupant, on n'élimine plus du gras, mais on touche aux muscles et aux os, et c'est ce qui m'inquiète.

Quant à votre question concernant le régime fiscal, je partage votre inquiétude face à l'importante diminution des transferts. Comme vous l'avez dit, certains ont évalué cette baisse à quelque 42 milliards de dollars sur six ou sept ans, soit le cycle financier du gouvernement. Et cela ne s'applique pas seulement à l'Ontario, qui a déjà fait ses propres manipulations fiscales, mais à l'ensemble du pays. D'un bout à l'autre du Canada, patients, médecins et autres fournisseurs de soins de santé, infirmiers et physiothérapeutes dans toutes les provinces sont atterrés devant l'ampleur et la profondeur des changements et la difficulté d'accès à des soins de qualité. Partout, on me raconte des cas graves de résultats insatisfaisants à cause de cela.

Je ne m'aventurerais pas à proposer des modifications au régime fiscal, car ce n'est pas mon domaine d'expertise. J'ai mes idées personnelles, mais justement, elles sont personnelles.

Le président: Merci, docteur.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Merci, monsieur le président. J'ai deux petites questions seulement.

La première s'adresse à M. Renaud et concerne les 5 p. 100 de financement pour les sciences humaines. Vous dites dans votre rapport que vous vous efforcez de trouver de nouvelles sources de financement pour la recherche. Je suis sûr que c'est probablement plus facile d'obtenir des fonds du secteur privé pour d'autres domaines. Y parviendrez-vous?

Je pose tout de suite ma deuxième question. Docteur Dirnfeld, à propos de ce que vous appelez les tendances alarmantes du gouvernement fédéral face au financement de la recherche fondamentale en biomédecine clinique et en santé, vous avez présenté des graphiques. Nous les avons déjà vus, et l'écart entre le Canada et les États-Unis est effarant. Est-ce dû en partie au fait qu'au cours des ans les chercheurs n'ont pas su faire autant de lobbying que d'autres? Autrement dit, il semble y avoir un tel écart dans ce secteur, alors qu'il est beaucoup moins important dans d'autres—si l'on compare le Canada et les États-Unis dans le secteur financier, par exemple. Je ne sais comment le formuler, car ce n'est pas une critique, mais est-ce parce que vous n'avez pas fait autant d'efforts de lobbying auprès des députés, fédéraux ou provinciaux, et ainsi de suite?

Le président: Quelle réponse souhaitez-vous avoir d'abord?

M. Nelson Riis: Monsieur Renaud.

[Français]

M. Marc Renaud: Il y a plusieurs sources de fonds qu'on peut essayer de générer.

[Traduction]

Il y a plusieurs sources de fonds et essentiellement trois secteurs: les organismes gouvernementaux, les fondations communautaires et le secteur privé.

Le CRSH a récemment obtenu de bons résultats auprès d'autres organismes gouvernementaux tels Immigration Canada ou les Archives nationales. Ces organismes nous proposent de collaborer sur certaines études, ou pour élaborer des programmes postdoctoraux, en particulier des bourses de recherche ou des chaires, par exemple. Nous réussissons assez bien de ce côté-là, mais nous devons encore tenter une meilleure collaboration avec les organismes provinciaux.

Nous n'avons jusqu'ici pratiquement pas exploré les possibilités qu'offrent les fondations, et nous devons le faire.

Le secteur privé pose un problème délicat. J'ai été pendant six ans président de la Commission de la recherche sociale au Québec, et je n'ai jamais oublié une expérience que j'ai vécue alors. Le gouvernement du Québec avait organisé une conférence sur l'abus des médicaments par les personnes âgées, et il y avait parmi les participants plusieurs compagnies pharmaceutiques et des chercheurs. Nous avons conclu qu'il y avait effectivement un problème puisque les personnes âgées consommaient trois à quatre fois plus de médicaments qu'il y a dix ans, alors que les médicaments n'avaient pas changé.

• 1400

Après la conférence, j'ai parlé aux représentants des compagnies pharmaceutiques de ce problème. Je leur ai suggéré de nous unir, et d'utiliser des fonds publics et leur propre argent pour étudier le comportement psychosocial face aux médicaments, ou pour se pencher sur la vigilance pharmaceutique ou l'économie pharmaceutique. Ils pensaient comme moi que c'était une priorité mais ils voulaient une exonération fiscale.

Or il n'est pas possible d'obtenir des dégrèvements fiscaux pour la recherche sociale, et cela ne nous facilite pas la tâche auprès du secteur privé. C'est très différent pour la biomédecine ou le génie.

Dr Victor Dirnfeld: Si nous devons faire plus de lobbying—et je comprends ce que vous dites—et bien nous le ferons. L'industrie bioscientifique, les universités, les milieux de la recherche font constamment et depuis longtemps un considérable effort de lobbying pour obtenir des fonds suffisants.

Je rappelle encore une fois que nous sommes en bas de liste. Nous avons devant nous le Japon, la France et les États-Unis, pas seulement les États-Unis. Il serait trop facile de ne comparer notre situation qu'avec les Américains car ils sont très riches. Mais même le Royaume-Uni dépasse les États-Unis et le Canada pour ce qui est de l'investissement par habitant dans la recherche.

Ce que vous dites est juste, et nous redoublerons d'effort si c'est ce qu'il faut. Et nous espérons que nous serons entendus.

Le président: Comme toujours, docteur.

Monsieur Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): Merci beaucoup, monsieur le président.

Tout d'abord, je tiens en haute estime le secteur des soins de santé. J'y ai eu recours il y a quelques années, et les médecins, les infirmières, tout était parfait.

À Mme Redman et M. Szabo, je dirais que si vous voulez critiquer ce qu'ont fait M. Harris et M. Eves, peut-être devrions-nous les inviter à venir devant le comité justifier leurs décisions car selon moi ils ont fait un excellent travail.

Avez-vous effectué des recherches sur l'aspect prévention, afin de démontrer qu'avec des programmes de sensibilisation dans les écoles, d'instructions sur la santé et le régime alimentaire, on dépenserait probablement beaucoup moins en soins de santé?

Je suis allé à une soirée vendredi et l'un des médecins—j'oublie son nom, mais c'était un éminent docteur—disait que si nous consacrions davantage d'efforts à éduquer les gens sur leur régime alimentaire et l'obésité, nous économiserions un tiers sur nos dépenses de santé. Avez-vous des idées là-dessus?

Dr Victor Dirnfeld: Je pratique la médecine depuis plus de 35 ans. Je consacre une bonne partie de mon temps, dans mon cabinet, et auprès des patients dans les communautés où je pratique et dans le voisinage, à parler de cela, du style de vie. Mes collègues, les organismes médicaux, et les autres professionnels de la santé le font également depuis 20 ou 30 ans.

Il est vrai que nous avons la preuve que des changements dans l'hygiène de vie, une alimentation saine, une consommation réduite de lipides et de sel peut contrôler et réduire considérablement l'incidence de cardiopathies. Et, de fait, l'incidence de décès par infarctus a diminué de 40 à 45 p. 100 au cours des 20 à 25 dernières années, et les décès par accident cardiovasculaire ont diminué encore davantage, de 50 à 60 p. 100. C'est dû en grande partie à des changements dans le comportement, l'hygiène de vie, le régime alimentaire, l'exercice physique, le renoncement au tabac, mais aussi à l'intervention de médicaments et de divers traitements.

Je ne suis pas à l'aise quand on dit que si l'on consacrait suffisamment de ressources à la prévention on finirait par pratiquement éliminer la maladie.

• 1405

Tout d'abord, les patients ont beaucoup de mal à se tenir à ces nouveaux régimes. Comme vous le savez, c'est très difficile de les y faire adhérer longtemps. Il y a d'ailleurs dans le monde, et surtout en Amérique du Nord, une industrie florissante du régime alimentaire qui ne se porterait pas si bien si les gens respectaient les régimes que nous leur recommandons et perdaient du poids. Mais c'est très difficile; et puis il y a bien des maladies qui ne réagissent pas au changement d'hygiène de vie: les maladies dégénératives, certains cancers, les traumatismes, accidents, etc.

Dans la mesure où c'est possible—et nous suivons les tendances et cherchons toujours les preuves—nous consacrons beaucoup de temps et d'argent à ce genre d'activités que vous mentionnez, mais il y a des limites à ce que cela peut nous apporter.

Dr Barry McLennan: J'aimerais répondre à M. Riis sur la question du lobbying. Si vous voulez bien vous reporter à page 10 de notre document. Je crois que vous en avez un exemplaire.

Vous constaterez que nous ne nous sommes pas trop mal débrouillés jusqu'en 1994. Nous étions tout en bas du graphique, mais au moins nous allions dans la bonne direction.

Suite aux recommandations que nous avons présentées ces deux ou trois dernières années, votre comité—et je l'en félicite, ainsi que vos prédécesseurs—a recommandé au cabinet une augmentation importante du financement de la recherche en santé, ce qui montre donc que notre lobbying a réussi jusque-là. Mais il n'a pas eu d'effet auprès du cabinet, et c'est pourquoi nous disparaissons du tableau.

En ce qui concerne votre comparaison avec d'autres pays, c'est toujours un peu difficile de comparer car les systèmes ne sont pas identiques. Par exemple, aux États-Unis, les National Institutes of Health sont le principal organisme de financement, et on serait tenté de les comparer avec le Conseil de recherches médicales du Canada. Il y a cependant une différence de taille. Leur financement est différent.

Deuxièmement, le NIH paie le salaire des chercheurs, ce qui n'est pas permis au Canada. C'est-à-dire que le CRM ne paie pas les salaires des principaux chercheurs. Il y a donc des différences. Je voudrais cependant signaler que beaucoup de ces pays qui figurent au tableau ont connu des récessions, tout comme le Canada, et cela montre donc que c'est une question de priorité. Où voulez-vous investir et voulez-vous vraiment dépenser pour des choses auxquelles tiennent les Canadiens?

Comme je le disais, et je peux apporter des précisions si vous le souhaitez, les faits démontrent au Canada également que l'investissement dans la recherche en santé rapporte doublement. Nous n'en tirons pas seulement les avantages du point de vue de la santé qui régleront les situations que mon collègue de droite mentionnait, mais nous obtenons également un rendement économique. Le FDMC est admirable. C'est fantastique. Mais permettez-moi de vous rappeler que ça ne touche qu'une extrémité de la gamme. Nous récoltons actuellement les fruits des investissements faits il y a 15 ou 20 ans. Il faut continuer d'alimenter la pompe, sans quoi il n'y aura plus de capital-risques investi au Canada dans les dix prochaines années. C'est pour cela qu'il faut maintenir l'élan.

Dr Mark J. Poznansky (président, Conseil pour la recherche en santé au Canada): Nous avons une expression qui dit que le pluriel d'anecdote n'est pas donné, et l'un des problèmes que nous avons dans le domaine de la prévention, disons-le, c'est que ni les provinces ni le fédéral ne consacrent suffisamment d'argent à la recherche sur la prévention et son taux de réussite. C'est un élément fondamental.

Deuxièmement, il y a la question du lobbying. Barry, moi et quelques autres, nous avons passé dix jours et plus à faire du lobbying à Ottawa. Je suis de retour au Canada depuis 20 ans maintenant, et je peux vous nommer 20 ou 30 sénateurs américains, 20 ou 30 membres de la Chambre des représentants qui continuent de défendre avec vigueur les intérêts de la recherche médicale auprès des médias et au Congrès. Je suis désolé de devoir dire que je peux difficilement nommer un seul membre du Parlement canadien qui, au cours des 20 dernières années, ait vigoureusement et fermement défendu nos efforts. Ce n'est donc pas une voie à sens unique.

Dr Toby Gushue: J'aimerais dire un mot à propos de la prévention. Depuis au moins un quart de siècle, les dentistes canadiens ont donné l'exemple en matière de prévention. Nous avons appris à nos patients les fondements de l'hygiène bucco-dentaire. Nous avons pu convaincre les collectivités d'utiliser le fluor. Nous avons appuyé la législation sur le tabac au cours des dernières années à cause de l'effet du tabac sur les gencives.

• 1410

En ce qui concerne la prévention, les dentistes sont fiers de ce qu'ils ont fait pour la santé des Canadiens, et ils continueront en ce sens.

Merci, monsieur le président.

Dr Ray Wenn: J'aimerais ajouter quelques mots pour bien faire comprendre ce point-là.

Au cours des 20 dernières années, le nombre de caries a diminué de 50 p. 100 au Canada. C'est énorme. Imaginez combien on dépenserait aujourd'hui en soins dentaires sans cette diminution. On dépenserait beaucoup plus d'argent pour soigner les dents des enfants.

Environ 70 p. 100 des enfants atteignent l'âge de 17 ou 18 ans sans carie, et ceux qui en ont, n'en ont que très peu. À l'âge que nous avons autour de cette table, leur situation sera tout à fait différente. Ils n'auront pas peur du dentiste comme la plupart d'entre vous sans doute.

Le président: Merci, docteur Wenn.

Madame Vandewater, voulez-vous faire un dernier commentaire?

Mme Audrey Vandewater: Oui, monsieur le président, même si je sais qu'il nous reste peu de temps.

À propos de la prévention, je tiens à dire que les organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé jouent un rôle très important. Je peux vous parler surtout du point de vue de la Fondation des maladies du coeur. Grâce aux recherches, nous avons pu cerner un certain nombre de facteurs de risques dans les maladies cardiovasculaires. Notre mission consiste notamment à informer le public et à promouvoir une bonne hygiène de vie. Nous avons énormément d'informations et de documents que nous nous efforçons sans cesse de diffuser auprès du public pour lui permettre de reconnaître les facteurs de risques, repenser son style de vie et le modifier afin de mener une vie plus saine et d'éviter certaines maladies extrêmement débilitantes.

Le président: Je vous remercie.

Voilà qui met fin à notre table ronde. Au nom du comité, je vous remercie. Par vos exposés, raisonnés et intéressants, vous nous avez fourni d'importantes informations sur la façon d'établir les priorités dans notre rapport et les recommandations à présenter au ministre des Finances.

Je vous remercie.