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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 3 novembre 1997

• 0953

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte.

Comme tout le monde le sait, conformément à l'article 83.1 du Règlement, le Comité des finances tient des audiences de consultation prébudgétaire pour connaître les points de vue des Canadiens de tout le pays quant aux mesures à inclure dans le prochain budget dans le but, en substance, d'améliorer la qualité de la vie de tous les Canadiens et de promouvoir les intérêts de diverses catégories de personnes dans notre pays.

Nous recevons aujourd'hui des représentants de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, du Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes, de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, de l'Association de télévision spécialisée et payante, de la Société Radio-Canada et de l'Association canadienne de télévision par câble.

Je vous souhaite la bienvenue à tous. Je crois que nous allons suivre une procédure différente cette fois-ci. Une personne fera une déclaration au nom de tous les témoins, et ensuite tout le monde participera à la période de questions.

Je vous présente M.Peter Herrndorf. Soyez le bienvenu, monsieur. Vous avez la parole pour votre exposé.

M. Peter Herrndorf (président intérimaire, Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes): Merci beaucoup.

Monsieur le président et membres du comité, je me nomme Peter Herrndorf, je suis président-directeur-général de TV Ontario et je comparais aujourd'hui en ma qualité de président intérimaire du Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes.

Je suis accompagné par un certain nombre de collègues représentant les secteurs de la production canadienne, de la radiodiffusion et de la câblodistribution et, si vous le permettez, j'aimerais les présenter tour à tour.

Tout d'abord, Elizabeth MacDonald est la présidente de l'Association canadienne des producteurs de films et de télévision et elle représente également l'APFTQ aujourd'hui.

André Provencher est le vice-président chargé de la programmation du réseau TVA et représente l'Association canadienne des radiodiffuseurs.

Loren Mawhinney est la vice-présidente chargée de la production canadienne de Global Television et représente également l'Association canadienne des radiodiffuseurs.

Phyllis Platt est directrice générale des émissions artistiques et distractives de CBC.

Charles Ohayon est le directeur général de la programmation de Radio-Canada.

Jay Thomson est vice-président chargé des affaires juridiques et réglementaires de l'Association canadienne de télévision par câble.

• 0955

Jane Logan est la présidente de l'Association de télévision spécialisée et payante.

Garry Toth est le directeur général du Programme de droits de diffusion du Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes.

Enfin, Danny Chalifour, de Téléfilm, représente le Programme de participation au capital du Fonds.

Monsieur le président, je veux vous remercier d'avoir fait place à notre groupe dans ce que je sais être un calendrier très chargé pour votre comité. Nous sommes heureux de cette occasion de nous entretenir avec vous du Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes.

Nous voulons remercier tout d'abord le gouvernement canadien d'avoir pris l'initiative de créer ce Fonds et, deuxièmement, souligner l'utilité de celui-ci pour les téléspectateurs canadiens et son importance pour l'industrie nationale de la production. Nous espérons, de cette manière, vous faire comprendre pourquoi il est absolument essentiel que le gouvernement maintienne son appui à ce fonds.

Je sais que notre temps est limité et que vous souhaiterez nous poser des questions, et c'est pourquoi je vais me contenter de vous indiquer brièvement l'origine du Fonds, son fonctionnement et sa contribution jusqu'à ce jour à la télévision dans notre pays.

Le Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes, que j'appellerai en abrégé le Fonds, a été lancé par l'honorable Sheila Copps, ministre du Patrimoine canadien, en septembre 1996. Il s'agit d'un partenariat entre secteurs public et privé unique en son genre qui assure l'exécution d'une bonne politique publique en combinant un apport de l'État aux investissements du secteur privé.

Lorsque le Fonds a été créé, le gouvernement a ajouté 100 millions de dollars aux crédits qu'il allouait à deux organisations antérieures, l'une privée et l'autre publique, dont chacune avait précédemment un budget de fonctionnement annuel d'environ 50 millions de dollars. Le Fonds disposait ainsi de quelque 200 millions de dollars par an.

Le Fonds administre deux programmes distincts mais complémentaires. Tous deux ont pour but d'accroître la capacité des Canadiens de réaliser et de voir des émissions de télévision de haute qualité. Ces émissions doivent être des vecteurs de l'expression culturelle canadienne, doivent refléter toutes les parties du Canada, doivent être d'une haute qualité constante et doivent amplifier l'impact économique de ce secteur sur le marché canadien, particulièrement sur le plan de la création d'emplois.

Permettez-moi de vous donner un rapide aperçu de chacun des programmes de financement. Le Programme de participation au capital, connu sous le nom de PPC, a un budget équivalant à environ la moitié du fonds total. Il prend le relais de l'ancien Fonds de télévision de Téléfilm Canada et continue d'être administré par Téléfilm pour le compte du FTCPEC. Comme son nom l'indique, le PPC investit dans la production d'émissions de télévision et de films de long métrage, ce qui lui permet de recouvrer sa mise de fonds et de reconstituer sa caisse. Le PPC applique des critères subjectifs à ses décisions de financement. Ces décisions prennent en compte tant les mérites qualitatifs des projets d'émission que leur potentiel de succès sur le marché commercial.

Le Programme de droits de diffusion, ou PDD, est issu du fonds de production des câblodistributeurs, une initiative privée de l'industrie canadienne de la câblodistribution datant de 1994. Le PDD applique des critères d'admissibilité objectifs arrêtés de concert avec l'industrie. Il applique le principe du premier arrivé, premier servi et son apport prend la forme d'un complément aux droits de diffusion payés par les radiodiffuseurs canadiens. Il est géré par l'organisation qui administrait antérieurement le fonds de production des câblodistributeurs.

Voilà donc la structure et les principes directeurs. Mais pourquoi est-il nécessaire de stimuler la production télévisuelle dans notre pays au moyen d'un fonds de 200 millions de dollars, sans parler des divers autres fonds provinciaux et privés et des stimulants fiscaux? La réponse est toute simple.

• 1000

Il se trouve, en effet, que les marchés télévisuels canadiens —l'anglais et le français—sont de taille trop restreinte pour financer la création de tous les types d'émissions de la qualité et dans la quantité que nos auditoires et les contraintes concurrentielles exigent. Je sais que je ne vous apprends rien, mais c'est une réalité que l'on ne soulignera jamais assez.

D'un point de vue purement commercial, l'acquisition d'une émission étrangère ne coûte qu'une fraction du prix d'un produit canadien comparable, et la dure réalité est que l'on ne peut tout simplement pas espérer recouvrer le coût d'une dramatique destinée aux heures de grande écoute et réalisée au Canada sous la forme de droits de distribution et de recettes publicitaires, même à long terme. Il faut pouvoir vendre l'émission à l'étranger et, pour cela, il est souvent nécessaire de diluer sa spécificité canadienne.

Le marché télévisuel canadien, et particulièrement le marché anglophone, est le plus concurrentiel du monde. Dans un environnement où les trois quarts de la population sont câblés et où les services de satellite directs connaissent une expansion rapide, les émissions canadiennes doivent affronter la concurrence de virtuellement tout ce que le système américain peut offrir, sans parler aussi des autres émissions canadiennes.

Pour placer cela dans un contexte statistique, il faut savoir que moins de 40 p. 100 des émissions que les téléspectateurs canadiens voient sur leurs écrans sont réalisées au Canada, et cela englobe tous nos journaux télévisés et émissions sportives. Dans la catégorie des dramatiques, celle qui présente une haute importance culturelle, ce chiffre tombe à seulement 7 p. 100 des émissions dramatiques disponibles sur nos écrans. Pour exprimer les choses un peu différemment, si vous êtes un téléspectateur canadien et voulez regarder des dramatiques canadiennes, ces dernières ne représentent que 7 p. 100 de l'offre.

Le FTCPEC a été créé dans le but de remédier à ce déséquilibre et de nous aider à reconquérir nos ondes, et je dois dire que sa réussite est remarquable. Permettez-moi de vous citer quelques chiffres significatifs portant sur l'année écoulée.

Le Fonds a contribué à financer 376 projets d'émissions en 1996-1997. Ces projets ont été concrétisés par la production de 2 221 heures supplémentaires de programmes canadiens de haute qualité diffusés aux heures de grande écoute, et j'entends là des émissions s'adressant tant aux adultes qu'aux enfants. Cela représente une hausse de 92 p. 100 de la production canadienne financée par le Fonds, par rapport à ce qu'ont pu faire les fonds originaux les années précédentes.

Toutes les émissions assistées se situent dans les catégories sous-représentées que sont les dramatiques, avec 29 p. 100 du total, les documentaires, avec 24 p. 100 et les émissions pour enfants, avec 33 p. 100. Les émissions de variété et artistiques représentent les 14 p. 100 restants.

Sans la contribution du Fonds, bon nombre de ces émissions n'auraient pu être produites. Nous n'aurions pas eu les dramatiques à succès telles que Due South, Black Harbour, Omertà, Traders, Urgence, North of 60, et Riverdale. Nous n'aurions pas produit des émissions pour enfants telles que Dudley the Dragon, Pimpon et Theodore Tugboat. Nous ne ririons pas de nous-mêmes en regardant les loufoqueries satiriques de Red Green, This Hour Has 22 Minutes, et les séries comiques Just for Laughs ou Juste pour rire. Et nous n'aurions pas vu toute une gamme de documentaires sur des problèmes de société canadiens, des événements canadiens et la vie de certaines de nos personnalités les plus fascinantes qui, grâce à ces crédits, sont aujourd'hui un peu mieux connus des téléspectateurs qu'auparavant.

Si Toronto et Montréal restent les principaux centres de production du pays, plus de 28 p. 100 des crédits du Fonds sont allés à des projets basés dans les régions, et certaines des incitations que nous avons mises en place pour l'année 1997-1998 encouragent davantage encore la production régionale.

Cette activité de production a des retombées très importantes au niveau de l'emploi. Les sommes investies dans les productions canadiennes en 1996-1997 par le Fonds ont soutenu des projets dont les budgets totalisent 625 millions de dollars. À leur tour, ces dépenses ont financé quelque 19 600 emplois à temps plein et partiel pour des Canadiens, soit directement dans la production soit indirectement dans les biens et services connexes. Il faut signaler, en outre, que les emplois dans le secteur de la production tendent à être hautement qualifiés et à s'adresser particulièrement aux jeunes.

• 1005

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les avantages que ce financement présente pour notre industrie de la production cinématographique et télévisuelle, pour nos spectateurs et, en fin de compte, pour notre identité collective canadienne. Je suis sûr que mes collègues souligneront eux aussi ces avantages en réponse à vos questions. Cependant, vu les contraintes de temps, je vais conclure mon propos en passant directement à la raison d'être de notre intervention ce matin.

Si le gouvernement s'en tient à son plan actuel, l'injection de fonds de 100 millions de dollars dans le FTCPEC en 1996 sera ramenée à 50 millions de dollars l'année prochaine et à zéro l'année suivante. Si ce plan est appliqué, les progrès vitaux que nous avons réalisés au cours des deux premières années du Fonds seront à peu près perdus. Nous retournerions au point de départ, lorsque ces fonds ne pouvaient offrir que la moitié du niveau de l'assistance actuelle, et peut-être même pire. Mesdames et messieurs, cela aurait des conséquences sérieuses pour cette industrie et, pensons-nous, pour le pays.

Nous sommes donc venus, en tant que représentants de toute l'industrie, vous demander de recommander au ministre des Finances de suspendre la réduction prévue, de s'engager à maintenir la contribution actuelle de 100 millions de dollars par an, et ce à long terme. Ce financement a apporté au Canada une multitude d'avantages culturels et économiques hautement tangibles. Mettre en scène nos propres récits d'une côte à l'autre, dans les deux langues officielles, nous seuls pouvons le faire. Mais nous sommes encore très loin d'avoir rapatrié les ondes canadiennes, et c'est une chose que nous ne pouvons faire sans votre aide.

Monsieur le président, merci encore d'avoir pris le temps de nous recevoir ce matin. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie, monsieur Herrndorf.

Nous allons maintenant passer à la période des questions, en commençant par M. Harris.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président.

Merci de votre exposé, monsieur Herrndorf.

Tout d'abord, je dois reconnaître la vérité de certaines de vos observations. Le marché télévisuel est hautement concurrentiel, avec l'abondance du câble, avec toutes les émissions en provenance des États-Unis passant par le câble et avec les satellites de radiodiffusion directe. Je pense que d'ici peu les services de radiodiffusion directe par satellite jusqu'au domicile des Canadiens seront chose courante, en provenance du monde entier. C'est donc un marché très concurrentiel.

Permettez-moi de préfacer ma question ainsi: je ne sais plus qui a eu ce mot à l'époque où Las Vegas s'est édifiée: «Si nous le construisons, les gens viendront». La question, je suppose, est donc de savoir si, dans la mesure où vous avez les crédits pour produire les émissions, les gens vont les regarder en grand nombre, connaissant l'énormité du choix dont ils disposent? Est-ce que le maintien des crédits qui vous permettraient de poursuivre les productions à tous les niveaux de l'industrie signifiera nécessairement que la part de marché peut et va augmenter? En d'autres termes, les montants dépensés se traduiront-ils par un auditoire accru, ou bien peut-on espérer un auditoire accru vu la concurrence qui existe aujourd'hui?

M. Peter Herrndorf: Monsieur Harris, je suis ravi que vous ayez posé la question sous la forme: «Si vous le construisez, viendront-ils?» Je pense que nous tous, qui représentons les secteurs de la production, de la radiodiffusion et de la câblodistribution sommes convaincus—et mes collègues vous le confirmeront dans un instant—que nous construisons depuis de nombreuses années et qu'ils viennent depuis de nombreuses années. L'objet de ce fonds est de nous permettre, en fait, de produire davantage d'émissions canadiennes de haute qualité dans davantage de régions du pays pour davantage de téléspectateurs. Nous en avons maints exemples et nous pensons que, pour peu qu'on leur offre des émissions canadiennes de haute qualité, les spectateurs afflueront.

• 1010

Permettez-moi de demander d'abord à Elizabeth MacDonald, qui dirige l'association des producteurs, de dire quelques mots.

Mme Elizabeth MacDonald (présidente, Association canadienne des producteurs de films et de télévision): Je pense qu'il convient de faire ressortir plusieurs éléments ici.

Premièrement, du fait de la structure de l'organe de supervision du Fonds, soit le conseil dont nous sommes tous membres, une relation nouvelle a été instaurée avec l'industrie. Cela signifie que nous parlons des priorités des radiodiffuseurs, priorités que ces derniers établissent par rapport à leur auditoire. Lorsque mes producteurs parlent avec la SRC, ou parlent à Loren chez Global, Loren fait état de ses besoins en matière d'auditoire, de ses possibilités de programmation etc. Cela se fait parce que l'industrie se retrouve collectivement au FTCPEC et que nous laissons à la porte nos susceptibilités personnelles dans l'intérêt du système de radiodiffusion canadien. Cela change certainement le type de programmation que l'on obtient.

Deuxièmement, nous investissons dans des émissions de qualité, la qualité étant un facteur prépondérant pour nous tous, au conseil. Meilleures sont les émissions et mieux nous pouvons concurrencer nos homologues américains. Il faut regarder les choses en face: nous sommes le pays qui jouxte la plus grosse machine à divertir du monde.

Je pense que nous avons également pu investir dans ce qui nous rend compétitifs, à savoir des séries dramatiques comportant un plus grand nombre d'épisodes. Treize épisodes d'une série canadienne contre 26 épisodes de ER ou Chicago Hope n'ont pas le même poids, mais 22 épisodes de Traders nous donnent les moyens de capturer un auditoire. Jusque-là, nous avions 13 épisodes qui s'arrêtaient début décembre, et il fallait attendre jusqu'en septembre prochain pour savoir ce que mijotaient les financiers de Bay Street. Cette année, les Canadiens pourront suivre cette série toute l'année, et ils le font.

Nous pensons que c'est là une occasion de créer des émissions compétitives. L'industrie canadienne de la production a certainement mûri jusqu'au point où elle sait faire des émissions dont nous puissions tous être fiers, avec nos partenaires radiodiffuseurs. Je pense donc que tous les éléments tombent en place pour cela.

Nous commençons également à travailler sur la promotion. C'est une tâche indépendante du Fonds. Si vous regardez certains des réseaux représentés ici, vous verrez qu'ils promeuvent ces émissions canadiennes parce qu'ils y ont investi leur âme et ils veulent s'assurer que les Canadiens vont les regarder. L'une des difficultés que nous rencontrons, c'est toujours de faire connaître aux Canadiens l'existence de ces émissions.

Le président: Je crois savoir que Mme Lill a une question.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): J'ai été heureuse d'entendre votre intervention. Je remplace Nelson Riis, qui siège ordinairement au Comité des finances. Mais je suis la critique néo-démocrate pour la culture et les communications et je ne me sens donc pas déplacée.

Est-ce que 100 millions de dollars suffisent, à votre avis? Nous avons assisté, au fil des ans, à des coupures massives dans l'infrastructure de nos industries culturelles, avec les compressions budgétaires de la SRC, de l'ONF et de Téléfilm. Je sais que toutes ces choses ont eu des conséquences énormes sur votre travail. J'aimerais donc savoir où s'arrête votre liste de souhaits. Est-ce que 100 millions de dollars suffisent pour la tâche qui vous attend dorénavant?

Mme Phyllis Platt (directrice générale, programmation artistique et distractive, réseau anglais, Société Radio-Canada): Il importe de placer cette question dans le contexte actuel et de s'interroger sur le soutien donné à la culture par le biais d'un programme comme celui-ci et l'importance de ce soutien pour la société canadienne.

À un moment où le débordement de la culture américaine par-dessus notre frontière prend les allures d'un raz-de-marée, je trouve qu'il importe de plus en plus de faire en sorte que les Canadiens puissent voir un reflet de leur propre culture sur leurs propres ondes. Mon sentiment est que c'est là un début merveilleux. Cela a fait une différence énorme. Cela a été absolument essentiel pour la SRC. Mais avec le passage du temps, je pense que la question de savoir comment soutenir la concurrence sur un marché toujours plus encombré, comment assurer une bonne promotion, amène la question de savoir combien il nous importe, par exemple, que nos enfants voient notre société.

À la SRC, nous avons beaucoup mis l'accent sur les émissions pour enfants au cours des dernières années. Grâce au fait que nous offrons des émissions pour enfants canadiennes reflétant leur culture de différentes façons, nous avons vu le taux d'écoute de nos émissions enfantines augmenter de presque 50 p. 100. Nous avons également canadianisé l'année dernière notre horaire aux heures de grande écoute et constaté que les Canadiens sont au rendez-vous. Notre part de marché a même augmenté, au lieu de reculer.

• 1015

Nous pensons que si vous construisez l'édifice, les gens viendront, mais je pense que si on le construit plus beau, plus solide, avec davantage de moyens à un moment où nous affrontons cette concurrence... je pense que ce programme est un renfort important, si je puis présenter les choses ainsi.

M. Peter Herrndorf: Si vous le permettez, j'aimerais demander également à André Provencher, le chef de la programmation du réseau TVA, de donner son avis là-dessus.

[Français]

M. André Provencher (vice-président, Programmation, Télé-Métropole Inc., Association des producteurs de films et de télévision du Québec): La composante francophone de notre système de radiodiffusion s'appuie depuis toujours sur le contenu canadien principalement. Je pense que c'est un élément de stratégie qui a beaucoup contribué au succès phénoménal de la télévision francophone au Canada.

Pour ce qui est de la question que M. Harris posait, il est clair qu'aujourd'hui, si les radiodiffuseurs conventionnels réussissent à à maintenir une part du marché équivalant à 75 ou 76 p. 100 de l'écoute totale des francophones, c'est certainement en raison de l'appel qu'ils font aux producteurs canadiens ou aux créateurs canadiens pour fournir des émissions de grande qualité à leurs auditoires.

Je pense que, sans cette contribution des émissions canadiennes, il serait à peu près impossible de maintenir un système francophone qui soit performant, qui soit le reflet de ce que vivent les Canadiens dans toutes les régions du pays et qui permette d'offrir une programmation qui soit à la fois distinctive et de grande qualité.

Le président: Monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): J'aimerais compléter ce que disait M. Provencher. Contrairement à M. Harris, je suis pleinement convaincu que, si on a une offre de produit de qualité, il y a un marché. On n'a qu'à jeter un regard sur les grandes réussites du passé, et vous l'avez mentionné plus tôt, monsieur Herrndorf, lorsque vous avez parlé d'Omerta et d'Urgence. Il n'y a pas de doute que les cotes d'écoute sont là, que le marché est là et que le goût de s'identifier à des personnages et à des émissions de production québécoise et canadienne est là. Donc, moi, je n'ai aucun problème devant cela.

Lorsque je regarde le fonds mis sur pied par Mme Copps, je suis obligé de reconnaître que c'est une grande réussite. Il y a 376 projets, soit une augmentation de 92 p. 100 de la production dans certains segments où il y avait plusieurs lacunes en termes de production nationale. Je trouve aussi que c'est vraiment une performance prodigieuse. Donc, vous pouvez être assurés que le Bloc québécois va appuyer votre demande de maintien d'un fonds de 100 millions de dollars par année pour la création de productions québécoises et canadiennes.

J'ai une question à vous poser. Vous parlez de 376 projets et d'un budget total de 625 millions de dollars. Comment peut-on séparer la production anglophone de la production francophone dans ces projets-là?

M. André Provencher: Tout d'abord, le tiers des fonds qui sont administrés par les deux composantes du programme est dirigé vers les producteurs francophones. Donc, il y a au moins 66 millions de dollars qui servent à mieux financer et à générer de nouveaux projets francophones au pays. L'impact de cet investissement est réel et considérable. Dans les chiffres qui vous sont présentés ici, on peut voir des proportions de un tiers et deux tiers.

M. Yvan Loubier: Si le fonds n'existait pas, cet investissement de 625 millions de dollars n'existerait pas non plus, si j'ai bien compris M. Herrndorf plus tôt.

M. André Provencher: Certainement pas, et Charles Ohayon voudra peut-être compléter cette réponse. Il est clair que, sans l'investissement qui est fait dans la production francophone... Vous savez, c'est extrêmement difficile, parce que le marché francophone au Canada est un marché assez contraignant, assez faible au plan démographique. Il y a de 6 à 7 millions de personnes qui parlent français et qui peuvent consommer les produits. Il est également difficile de concevoir et de produire des émissions de grande qualité parce que les émissions francophones sont difficilement exportables.

Donc, l'ensemble des coûts doit être amorti uniquement sur le marché francophone. S'il est vrai que certaines émissions dramatiques atteignent parfois les marchés internationaux, je dirais que la majorité des émissions qui sont produites au Québec, notamment les téléromans, les émissions plus humoristiques et certains types de documentaires, ne sont vues généralement que par les téléspectateurs francophones. Le défi est donc encore plus considérable, plus important. C'est un défi économique important. Amortir les coûts de productions de qualité sur un auditoire de six millions de personnes, cela tient du miracle.

• 1020

Depuis 25 ou 30 ans au Québec, l'évolution du système de radiodiffusion a été, à mes yeux, exceptionnelle. Plus la concurrence se développe, plus notre territoire est envahi par les signaux étrangers et plus nos téléspectateurs sont confrontés à des choix de programmation importants et multiples, plus cette question de l'investissement dans la production francophone devient importante.

M. Charles Ohayon (directeur général, Programmes, Télévision française, Société Radio-Canada): Je pourrais ajouter, pour renchérir sur ce qu'André vient de dire, que la télévision est le reflet d'une culture et que, parce qu'elle est le reflet d'une culture, elle se doit d'abord et avant tout de s'exprimer à sa population. Quand on regarde ce qui se fait un peu partout dans le monde, on voit que les produits de télévision ne s'exportent pas sur nos ondes. Nous n'avons pas d'émissions françaises. Il n'y a pas d'émissions britanniques, ou très rarement, principalement parce que la télévision ne s'exporte pas. Elle s'adresse à sa population.

Ce que nous faisons au Canada est une télévision qui remporte énormément de prestige vis-à-vis de son auditoire. C'est une télévision qui marche. C'est une télévision qui est écoutée. Lorsqu'on parle de la télévision de langue française, qui s'adresse, comme le disait André, à une population de 6 ou 7 millions d'habitants, il est évident que ce que nous faisons est absolument incomparable à ce qui se fait dans tous les autres pays du monde. Si on devait se comparer à des pays qui nous ressemblent en termes de population, ce serait plutôt la Belgique et la Suisse. Quand on voit les résultats, on doit dire que nous sommes extrêmement performants à ce niveau-là.

Donc, nous avons besoin d'un appui, et cet appui, c'est celui qui nous vient de ce fonds qui nous permet de maintenir une télévision de qualité, une télévision qui va continuer d'être écoutée par les Canadiens.

M. Yvan Loubier: Je vous assure, encore une fois, de l'appui enthousiaste de la part du Bloc québécois.

Le président: Merci, monsieur Loubier. Monsieur Jones.

[Traduction]

M. Jim Jones (Markham, PC): Veuillez excuser mon retard. J'ai raté mon vol ce matin.

J'ai une courte question sur les possibilités de conquête du marché américain. Quel pourcentage de vos recettes provient de la vente de productions aux États-Unis? Parvenez-vous à récupérer pas mal de vos coûts, ou bien votre production est-elle si typiquement canadienne qu'elle ne peut être exportée?

M. Peter Herrndorf: Je pourrais peut-être demander à Elizabeth MacDonald de parler de façon générale de notre capacité à exporter nos émissions dans le monde et les répercussions pour le Fonds.

Mme Elizabeth MacDonald: Dans l'ensemble, les producteurs indépendants ont pu exporter dans le monde pour environ 1,2 milliard de dollars, mais il s'agit là de l'ensemble de la production effectuée au Canada et non pas exclusivement de celle réalisée avec l'aide de ce Fonds.

Le but premier du Fonds est de créer pour notre marché, avant tout. Cependant, le conseil s'efforce d'ajouter d'autres aspects, particulièrement sur le plan du nombre d'épisodes. Je reviens sans cesse là-dessus, car c'est un gros facteur de la compétitivité et du maintien des cotes d'écoute.

Par exemple, vous pouvez voir une émission comme Traders en Afrique du Sud aujourd'hui, un nouveau marché télévisuel anglophone émergent. La série est appréciée et les téléspectateurs seront très heureux de suivre les 22 épisodes cette année et nous pourrons les fixer chaque année.

Au-delà, nous vendons agressivement sur le marché américain, particulièrement le marché câblé. La réalité est que nous avons cédé à peu près 85 p. 100 de notre marché aux Américains, et de récupérer même un petit pourcentage de ce marché représente un gros défi pour nous. Si vous regardez les Cable Ace Awards, etc., vous verrez que bon nombre d'émissions canadiennes sont en tête, mais les États-Unis sont sans doute le marché le plus difficile à conquérir, car il n'est pas ouvert.

• 1025

Sur le marché britannique, sur le marché australien, où 50 p. 100 des émissions sont australiennes, on achète et recherche néanmoins des émissions canadiennes, davantage que sur les autres marchés européens, et nous nous y montrons très agressifs.

Vous remarquerez que Due South a obtenu des crédits de ce fonds pour sa résurrection. La série tire également des ressources de nombreux marchés étrangers. La série va donc continuer.

Nous nous montrons donc aussi agressifs que possible sur le marché américain. Nous réussissons particulièrement avec les émissions enfantines, avec l'aide de certaines règles du FCC régissant les émissions à caractère familial. C'est là réellement un nouveau marché pour nous et nous en tirons réellement parti.

Voilà donc la situation générale en matière d'exportation.

M. Peter Herrndorf: Puis-je demander à Loren Mawhinney, de Global, d'intervenir?

Mme Loren Mawhinney (vice-présidente, production canadienne, Global Television; Association canadienne des radiodiffuseurs): J'aimerais juste ajouter quelques mots à ce que disait Elizabeth.

La croissance et la maturation de tout notre secteur de la production ont été remarquables au cours des dix dernières années. Un chiffre à signaler est que les producteurs canadiens sont les deuxièmes plus gros exportateurs au monde, derrière seulement les États-Unis. Évidemment, il y a un gros écart entre nous et les États-Unis, mais c'est néanmoins quelque chose dont nous avons lieu d'être très fiers. C'est en partie un fléau et en partie une bénédiction que d'être leur voisin, car nous savons ainsi ce qui marche bien en matière de télévision commerciale, nous savons comment bien produire des émissions et à moindres frais.

Je voulais donc juste confirmer ce qu'elle disait. Premièrement, ce marché est le plus difficile à fracturer, car il a l'industrie télévisuelle la plus grosse du monde et y on tend à ne pas vouloir que les étrangers viennent empiéter: tout ce qu'ils n'ont pas inventé eux-mêmes, ils n'en veulent pas. Mais nous réussissons néanmoins très bien à vendre sur ce marché.

Due South, en revanche, se vend en Grande-Bretagne et en Australie et retire de gros bénéfices de ces territoires, ce qui contribue une grosse part du financement. Les budgets de cette série sont de 1,2 million à 1,4 million de dollars par épisode, et on ne peut amortir de telles sommes sur le marché canadien. Nous n'avons simplement pas les capitaux.

Pour reprendre ce qu'elle disait, il est réellement important que nos séries canadiennes aient autant d'épisodes que possible afin de ne pas nous retrouver dans la même situation que l'an dernier. Traders s'arrête en décembre, alors que ER continue jusqu'à la fin du printemps. Il faut donc créer un terrain de jeu égal pour nos merveilleuses émissions nationales.

En réponse à la question de M. Harris qui demandait si les Canadiens vont regarder ces émissions, Due South marche très bien sur notre marché intérieur, en sus de son succès international; Traders marche très bien au Canada. De fait, au cours des trois dernières années, le taux d'écoute des émissions canadiennes a augmenté de 100 p. 100 chez Global. Donc, a) nous ne voulons pas commander quelque chose que nul ne voudra regarder, car il ne sert à rien de gaspiller le temps et l'argent de tout le monde, et b) je pense que nous parvenons de mieux en mieux à créer des produits de qualité.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): M. Herrndorf a clairement indiqué que l'absence de ce fonds aurait un impact énorme sur la télévision de langue anglaise et française. Mais je voudrais demander plus particulièrement à Mme Platt quelles seraient les répercussions d'une réduction de ce fonds, ou sa suppression en 1999. Quelles seront les conséquences sur la canadianisation de la programmation anglaise de CBC?

Je suppose que vous allez dire que c'est un gros impact. Mais qu'en est-il de vos concurrents? Qu'en pense Global, s'il y a bien un marché nouveau pour la production canadienne? Par ailleurs, quels groupes sous-représentés essayez-vous d'aider particulièrement avec ce fonds?

Ma dernière question: faites-vous partie des missions commerciales Équipe Canada? D'autres témoins nous ont dit l'autre jour que certaines des autres industries culturelles estiment qu'il y a un marché viable à l'étranger et qu'elles devraient être englobées dans les missions commerciales. Je me demandais simplement si vous en faites déjà partie.

Mme Phyllis Platt: Il n'est pas excessif de dire que sans le Fonds nous ne parviendrons pas à réaliser la canadianisation complète. Lorsque nous avons canadianisé la grille des heures de grande écoute l'automne dernier, c'était encore une fois...

Pour replacer les choses en contexte, avec les compressions budgétaires, nos crédits ont chuté d'environ 25 p. 100 sur trois ans. Nous avons donc dû, simultanément, nous efforcer de devenir le réseau canadien distinctif et absorber des coupures majeures. Nous avons réussi dans la tranche horaire de grande écoute, mais poursuivre le mouvement et passer à la pleine canadianisation des émissions de jour sera absolument impossible sans le Fonds.

• 1030

La canadianisation est terriblement importante, non seulement lorsqu'il s'agit de définir clairement la SRC et le rôle de la télévision de la SRC, mais pour le pays. Je suis sincèrement convaincue que, lorsque les Canadiens regardent la télévision plus de 23 heures par semaine, c'est là qu'ils retirent une énorme partie de leur information sur le monde. S'ils n'y voient pas reflétées les valeurs canadiennes, comment la société pourra-t-elle maintenir sa cohésion?

J'ai déjà mentionné les enfants, et j'ajouterai aussi les néo-Canadiens. Comment les immigrants deviennent-ils des citoyens de ce pays, au lieu de simples consommateurs? Aujourd'hui, du fait que la télévision est un médium si dominant, cette identification se fera, nous l'espérons, lorsqu'ils verront de plus en plus leur propre vécu à la télévision.

Les groupes sous-représentés sont principalement les dramatiques, les documentaires et les émissions enfantines, de même que les émissions artistiques et de variétés. Le Fonds nous a permis, par exemple, d'accroître très sensiblement la programmation artistique à la CBC, en partie parce que le Fonds s'adresse réellement aux producteurs indépendants. Ce n'est pas une règle absolue, mais la SRC n'a pas directement accès à ces crédits. L'argent va aux producteurs indépendants et nous coproduisons avec eux. Le Fonds a accru le nombre d'émissions artistiques produites par des indépendants car ceux-ci disposent maintenant d'un financement supplémentaire qui leur permet de réaliser des émissions artistiques sans devoir nécessairement les exporter.

Pour revenir rapidement sur la question des exportations, il faut bien voir, comme Elizabeth l'a dit, que nous sommes très agressifs à l'exportation. Mais certaines émissions ne se prêtent tout simplement pas à l'exportation. This Hour has 22 Minutes en est un parfait exemple. Ce n'est pas une émission qui voyage bien, mais elle est très importante ici et nous fait tous rire.

Du point de vue de la cohésion sociale et de la représentation des régions du pays, nous avons considérablement accru notre programmation régionale, grâce au Fonds. Avant lui, nous produisions des émissions artistiques et divertissantes dans cinq provinces, aujourd'hui nous produisons dans neuf et augmentons le niveau de production dans les régions, en dehors des grands centres.

Si le Fonds n'est pas reconduit, nous ne pourrons pas canadianiser et les émissions produites par les indépendants seront de plus en plus dépendantes de l'exportation et seront donc de moins en moins typiquement canadiennes.

M. Peter Herrndorf: Permettez-moi juste d'ajouter, pour ce qui est des missions commerciales, que notre industrie a joué un rôle très actif dans les délégations commerciales dans le monde entier. Pour revenir à la question antérieure, nous avons été très fiers de planter le drapeau canadien dans toutes les régions du monde, de montrer ce que c'est que d'être Canadien, et je pense que cette industrie continuera de le faire.

Le président: Quelqu'un d'autre souhaite-t-il répondre à cette question? Bien.

Cela met fin à cette table ronde. Au nom du Comité des finances, je veux vous remercier grandement d'avoir exposé la situation de manière très réfléchie. Je pense que vous avez fait valoir des arguments très forts en faveur du Fonds. Vous avez clairement montré les avantages sociaux, économiques et culturels du Fonds.

J'ai une question concernant ce que vous avez appelé, monsieur Herrndorf, le financement à long terme du Fonds. Qu'entendez-vous par long terme?

• 1035

Mme Loren Mawhinney: Nous aimerions que le Fonds devienne une institution permanente. Nous pensons que le Fonds donne d'excellents résultats, contribuant directement à ce qui est projeté à l'écran et sans être accaparé par les frais généraux des sociétés de production, ni rien du genre. Nous pensons également qu'il représente une collaboration très intéressante entre la mentalité du secteur public et celle du secteur privé. Il y a eu quantité d'échanges d'information sur les besoins de chacun. Nous espérons que ce Fonds deviendra permanent et je crois savoir que cela se traduirait par des enveloppes quinquennales ou quelque chose du genre.

Le président: C'est donc cinq ans. La question est de savoir comment nous traitons cela au Comité des finances. Comme vous le savez, M. Martin lance des projections budgétaires tous les deux ans, et un financement quinquennal nous pose un petit problème.

J'ai un peu de mal à parler dans un même souffle de culture canadienne et de bilan financier, mais, comme vous le savez tous, nous sommes confrontés à des défis et à des choix et un pays comme le Canada présente des défis particuliers dans tout le domaine de la culture. Encore une fois, au nom du comité, merci d'avoir si bien milité en faveur du Fonds.

M. Peter Herrndorf: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Je vais suspendre la séance pour environ cinq minutes.

• 1036




• 1043

Le président: Nous sommes de retour et je vais rouvrir la séance.

Pour cette table ronde, nous avons des représentants du Conseil canadien de développement social, du Conseil des Canadiens avec déficiences, de Dialogue Canada, des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, de l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance, de REAL Women of Canada, du Sierra Club du Canada, de la Canada Family Action Coalition, de la Canadian Living Fondation, et du Pembina Institute.

Bienvenue à tous. Comme vous le savez, vous avez environ cinq minutes pour faire vos exposés et nous aurons ensuite une période de questions.

Nous commencerons avec les représentants du Conseil canadien de développement social, M. David Ross. Bonjour.

M. David Ross (directeur général, Conseil canadien de développement social): Merci beaucoup, monsieur le président.

Les participants à cette table ronde ont été invités à réfléchir aux nouveaux investissements stratégiques qui seraient appropriés, et ce à un moment où d'aucuns prétendent qu'il n'y a pas lieu d'en faire parce que l'économie est en pleine expansion. Or, le ministre des Finances, M. Martin, a déjà répondu à cette objection avec sa métaphore opportune de la marée montante économique qui ne soulève pas tous les bateaux.

• 1045

Le CCDS aussi trouve cette image utile. La locomotive économique fonce à toute vapeur, mue principalement par les forces du secteur privé. Mais, tandis que le train a quitté la gare, beaucoup trop de Canadiens restent en plan sur le quai, agitant tristement leurs mouchoirs. Ils n'ont pas trouvé de siège dans les wagons de luxe, pas même de place debout.

Qui reste en arrière sur le quai? Les chômeurs de longue durée, les travailleurs temporaires et à temps partiel malgré eux, les jeunes diplômés ployant sous la dette accumulée pour payer leurs études, les travailleurs plus âgés licenciés, les mères assistées et leurs enfants, les personnes avec des déficiences, les Autochtones et les sans-abri. Malheureusement, les conducteurs du train du secteur privé s'inquiètent peu de ceux restés en plan. Seuls les investissements publics peuvent faire monter ces derniers à bord du train.

Le CCDS considère que le budget de 1998 doit clairement énoncer des investissements répondant à deux objectifs: premièrement, le meilleur bien-être de tous les enfants et, deuxièmement, la création d'emplois. Il est insensé de parler des avantages de la concurrence mondiale, de l'économie du savoir et de l'autoroute de l'information si nous n'établissons pas une plate-forme sociale viable pour notre économie. Cette plate-forme dépend pour une bonne part de la santé de nos enfants. En assurant aux enfants des collectivités sûres et des environnements familiaux sains, nous contribuons à l'édification de cette plate-forme et à notre prospérité future.

Les gouvernements se disent profondément préoccupés par l'éducation, mais les aides semblent surtout s'adresser aux enfants de six ans et plus. Si l'éducation formelle commence peut-être à l'âge de six ans, l'apprentissage commence à la naissance et nous savons que les enfants privés dans leurs jeunes années réussissent moins bien plus tard à l'école et dans la vie. Cela signifie qu'il nous faut créer un environnement adéquat pour tous les enfants en bas âge. Comment? En mettant en place les éléments suivants: des services de garde d'enfants de prix abordable et de haute qualité; des programmes publics de maternelle; des crédits largement accrus pour les services de protection de l'enfance; une prestation nationale pour enfants considérablement accrue; un meilleur accès à toute la gamme des services pharmaceutiques, médicaux et dentaires; des emplois plus stables et mieux rémunérés; de meilleurs congés parentaux pour les parents qui travaillent; enfin, des indicateurs nationaux pour suivre les progrès réalisés dans le bien-être de nos enfants.

Le CCDS est pleinement conscient que les investissements publics stratégiques ne peuvent résoudre tous les problèmes sociaux, mais ces investissements restent néanmoins l'outil le plus important d'expression et de protection de la volonté collective nationale.

Les Canadiens ont besoin d'investissements publics conséquents effectués pour le bien de la société et à peu près indépendants du niveau du revenu familial. Le secteur privé n'est pas motivé à investir dans le bien social, seul le profit privé l'intéresse. Nous n'attendons pas de lui qu'il investisse dans des domaines tels que les programmes de sécurité du revenu, l'éducation et les soins de santé universels, les garderies et foyers de personnes âgées subventionnés et les installations culturelles et récréatives accessibles à tous. Les investissements publics assurent également des emplois de qualité.

Nous attendons également de ce budget un soutien accru du secteur bénévole. Le ministre des Finances lui-même en a reconnu la nécessité dans un discours récent, et je le cite:

    [...] le secteur bénévole est en passe d'exercer une influence croissante sur la politique sociale et économique car il offre le meilleur espoir de maintenir les programmes sociaux et la création d'emplois dans une ère d'austérité financière.

Mais sans nouveaux investissements publics il n'y a guère d'espoir que cette influence croissance se concrétise. Une enquête nationale a montré que si la plupart des oeuvres de charité enregistrées connaissent une demande accrue de leurs services, seules un tiers d'entre elles ont trouvé les ressources pour embaucher du personnel nouveau et 90 p. 100 ont répondu non à la question de savoir si elles allaient embaucher dans l'avenir proche.

Dans l'agglomération de Toronto, une enquête menée l'année dernière portant sur 382 organismes de services sociaux les a dépeints comme s'efforçant de répondre à des besoins en croissance rapide, bien qu'un tiers venait juste de licencier du personnel. Trente-trois organismes avaient fermé leurs portes et le restant subi des baisses de revenu de 4 p. 100 en moyenne. À l'évidence, les besoins croissants de beaucoup resteront insatisfaits.

Comment les pouvoirs publics peuvent-ils investir dans le secteur bénévole tout en créant de bons emplois et en développant les services sociaux nécessaires? Ils peuvent établir des fonds permanents que des conseils communautaires distribueraient aux organismes locaux. Ils peuvent élargir les programmes de subventions salariales et d'internat, permettant ainsi aux organismes bénévoles d'embaucher du personnel supplémentaire, et ils peuvent majorer les crédits d'impôt pour dons de charité.

En conclusion, on semble aborder le débat sur la définition des investissements publics stratégiques par le mauvais bout, en demandant aux Canadiens comment ils distribueraient le dividende financier. On leur demande de découper le gâteau en trois parts, dépenses publiques, baisse d'impôt et réduction de la dette, comme si ces trois morceaux étaient indépendants les uns des autres. En réalité, chaque investissement public se répercute sur les trois et inversement. La bonne démarche consiste à demander quelle devrait être la stratégie d'investissement public ultime et voir ensuite comment la financer. C'est ainsi qu'il faudrait aborder le dividende financier.

• 1050

Dans le cadre de cette stratégie d'investissement, le CCDS propose d'adopter deux objectifs importants: améliorer le bien-être de tous les enfants et créer davantage d'emplois. Ce ne sont pas là des objectifs étroits. Ils contribueraient à faire en sorte que le Canada reste le meilleur pays du monde pour tous nos citoyens.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ross.

La prochaine intervention sera faite par le Conseil des Canadiens avec déficiences, par la voix de M. Laurie Beachell. Bienvenue.

M. Laurie Beachell (coordonnateur national, Conseil des Canadiens avec déficiences): Le conseil est heureux de pouvoir s'exprimer devant le Comité des finances. Toutefois, nous jugeons quelque peu ironique que nous soyons là à discuter du dividende financier à un moment où les coupures infligées aux services sociaux par suite du budget de 1995 sont les plus profondes.

Je dois dire que les perspectives actuelles sont plutôt sombres pour les personnes handicapées. Elles ne trouvent pas de travail. Elles se voient exclues d'un certain nombre de programmes. Nous voyons la réduction du crédit d'impôt pour invalidité. Nous voyons des modifications du Régime de pensions du Canada qui vont limiter les prestations d'invalidité. Nous voyons la déréglementation de l'industrie au détriment de l'accès de nos membres, avec encore une fois un recul des services à nos membres. Nous voyons le gouvernement fédéral se décharger de nombreux programmes sur les gouvernements provinciaux, qui eux-mêmes se déchargent sur les municipalités, qui elles-mêmes se déchargent bien souvent sur les sociétés privées.

Aujourd'hui encore nous voyons une atteinte fondamentale à la vie humaine. Nous avons des affaires judiciaires dans ce pays où des personnes handicapées ont été tuées et où l'attitude générale semble être que leurs meurtriers doivent bénéficier de circonstances atténuantes. Il est donc difficile de parler de dividende financier à ce stade.

Nous devons dire aussi que notre préoccupation fondamentale reste la mise en place de normes nationales. Si le gouvernement fédéral a protégé les normes nationales en matière de santé, les normes de services sociaux sont en recul. La seule norme appliquée dans le cadre du transfert social est la non-exigence de résidence. Les difficultés en matière de mécanisme d'appel, de travail-assistance etc. continuent de s'accumuler.

Pour les nôtres, la mobilité est un problème général. La mobilité géographique et la reconnaissance d'une certaine norme d'accès devient un problème critique à un moment où l'on continue de décentraliser les services vers les municipalités. Nous avons des personnes en Saskatchewan qui souhaitent aller étudier à l'Université Carleton mais ne le peuvent pas, faute d'un programme de soins auxiliaires en Ontario dont ils bénéficieraient en Saskatchewan.

Nous sommes intéressés à explorer avec le gouvernement fédéral la question de l'assurance-médicaments. Pour beaucoup des nôtres, le coût des médicaments est à lui seul une désincitation à travailler. Avec le recul des programmes de prestation dans les secteurs privé et public, ou avec la multiplication du travail indépendant et à temps partiel accompagné de prestations réduites, le coût des médicaments devient un réel obstacle à l'emploi.

Nous commencions à faire quelques progrès auprès du gouvernement fédéral, sur le plan de la création d'emplois pour les personnes avec déficiences. Cependant, peu après, la responsabilité pour la formation professionnelle a été transférée aux provinces et nous sommes maintenant obligés de négocier avec 12 autorités différentes les normes de travail applicables aux personnes handicapées. En outre, je signale aussi que dans la fonction publique fédérale, la proportion d'employés avec déficiences est tombée de 3,8 à 3,2 p. 100 au cours des dernières années. Ainsi, nous perdons des emplois non seulement dans le secteur privé, mais également dans le secteur public.

Le CCD salue l'intention du ministre de conclure des partenariats avec le secteur bénévole. Nous pensons avoir beaucoup à offrir dans la quête de solutions novatrices, mais ce partenariat doit être appuyé par des ressources pour ce que l'on appelle maintenant les groupes d'intérêts spéciaux. C'est une étiquette que nous rejetons, mais elle semble être accolée aujourd'hui aux organisations comme les nôtres. À nos yeux, nous sommes une coalition de citoyens oeuvrant pour retrouver la totalité des droits de citoyen. Nous ne sommes pas un groupe d'intérêts spéciaux.

Par le passé, le gouvernement fédéral a introduit un certain nombre de modifications fiscales en faveur des personnes handicapées afin de compenser les coûts supplémentaires qu'elles subissent. Bien que ces mesures soient utiles, elles doivent être coordonnées avec les gouvernements provinciaux. Par exemple, il est question d'un crédit d'impôt remboursable, le crédit d'impôt pour invalidité. Cependant, si les gouvernements provinciaux traitent ce remboursement comme un revenu, aucun handicapé n'en retirera rien et cette mesure ne fera que renflouer les caisses des gouvernements provinciaux.

• 1055

La réforme fiscale est un instrument grossier dont il convient d'étudier de très près les effets sur les individus. Nous préconisons d'inscrire au prochain budget l'élargissement du programme de contestation judiciaire afin de financer les contestations de la législation provinciale. Lorsque le gouvernement fédéral dévolue ses responsabilités aux provinces, nous perdons les recours dont nous avons besoin sans la possibilité de contester les législations provinciales.

Nous invitons également le gouvernement à mettre en place des mécanismes de reddition de comptes afin de déterminer quel usage font les provinces des montants transférés par le gouvernement fédéral au titre du Transfert canadien en matière de santé et de sécurité sociale. Le débat entourant les principes et normes d'union sociale ne semble mener nulle part. Parallèlement, des milliards de dollars sont dépensés et nous ne savons trop comment.

Un autre élément de haute importance pour les personnes handicapées est la tenue d'une enquête post-recensement, à l'occasion du prochain recensement, afin de recueillir des données sur les Canadiens avec déficiences. Une telle enquête a été effectuée en 1986 et de nouveau en 1991, mais pas en 1996. Nous espérons qu'en 2001 il y aura une enquête post-recensement.

Pour résumer, pour les Canadiens handicapés, la collaboration fédérale-provinciale reste probablement l'enjeu prédominant, en ce sens que la plupart de nos problèmes relèvent de la compétence provinciale. Nous aimerions une meilleure coordination entre ministres des Finances fédéral et provinciaux, et pas seulement entre ministres des Services sociaux fédéral et provinciaux, en vue de satisfaire les besoins fondamentaux des personnes avec déficiences.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Beachell.

Nous allons maintenant passer aux représentants de Dialogue Canada, Ubald Laurencelle et John E. Trent. Bienvenue, messieurs.

[Français]

M. Ubald Laurencelle (Dialogue Canada): Merci, monsieur le président, de nous donner l'occasion de présenter nos idées devant ce comité et de parler, avec toute la conviction dont nous sommes capables, de priorités pour le Canada qui paraissent aujourd'hui plus que jamais incontournables, même en période de restrictions budgétaires.

Dialogue Canada, que nous représentons, a pour but de promouvoir la compréhension et le respect mutuel entre citoyens.

[Traduction]

Nous savons que votre comité s'intéresse particulièrement à nos avis concernant les hypothèses économiques, les investissements stratégiques, les modifications fiscales et les perspectives d'emploi. Sans prétendre être experts dans ces domaines, nous pensons, à Dialogue Canada, que le mieux pour le pays est d'utiliser tout excédent budgétaire éventuel, premièrement pour des investissements sociaux sélectifs, deuxièmement pour la réduction de la dette nationale et troisièmement pour des baisses d'impôt sélectives. Notre principal argument est qu'un programme d'échanges d'envergure représente un investissement crucial dans la préservation de l'oie du Canada qui pond les oeufs d'or de la compréhension mutuelle et de la prospérité.

Si nous avons vécu sous la menace de la séparation pendant trois décennies et vu échouer toutes nos tentatives de règlement de nos différends régionaux et communautaires, c'est parce qu'à la base les Canadiens n'ont pas eu la possibilité d'apprendre à se connaître les uns les autres et de connaître leur pays et, par là, de parvenir à une meilleure compréhension et une plus grande générosité.

[Français]

Aujourd'hui, nous aimerions vous convaincre de la nécessité de créer un vaste programme permanent d'échanges et de visites éducatives pour aider les Canadiens à mieux connaître leur pays et à se connaître eux-mêmes, afin qu'ils puissent continuer à travailler ensemble pour produire la prospérité qui est la source même des surplus budgétaires que tous veulent dépenser le plus efficacement possible.

Dans ce pays, il faut que les citoyens de tous âges aient l'occasion de voyager à l'intérieur de leur pays et de visiter d'autres régions que la leur. Il faut que tout enfant d'âge scolaire ait la chance, avant de quitter le système scolaire, de participer à une visite éducative ou à un échange dans une autre région que la sienne.

Dialogue Canada n'a pas l'habitude d'intervenir en matière économique. Toutefois, nous croyons fermement que, pour assurer notre avenir économique, nous devons créer un climat social propice à cet essor qui nous permettra d'aller au-delà de nos présentes réalisations.

Comme regroupement de citoyens intéressés au bien-être de tous les Canadiens, où qu'ils soient et quelle que soit leur origine, Dialogue Canada croit que le gouvernement doit poursuivre ses objectifs de contraintes budgétaires et de saine gestion. Cependant, il a aussi le devoir de donner le leadership nécessaire, tant moral que matériel, aux autres gouvernements, au secteur privé et au secteur bénévole.

• 1100

Nous avons vécu, il y a à peine deux ans, une expérience que, personnellement, je ne suis pas près d'oublier. Nous sommes venus à un cheveu de perdre le pays tel qu'on le connaît. Nous devons humblement prendre acte du fait que cette situation n'est pas arrivée par hasard. Ce n'est sûrement pas dû à la grande compréhension que nous avons de nos concitoyens d'un océan à l'autre. Ce n'est pas non plus à cause de notre connaissance profonde de notre vaste pays, et ce n'est pas non plus à cause des relations fréquentes et soutenues que nous avons entre nous. Le Canada est un pays complexe à plusieurs égards, et son économie est régionalisée. Ce n'est pas non plus à cause de notre compréhension de notre caractère bilingue et multi-ethnique ou encore de notre grande connaissance de toute notre histoire et de notre forme particulière de gouvernement.

Ce que Dialogue Canada vous demande aujourd'hui, c'est de donner aux Canadiens des moyens qui leur permettront de continuer à construire leur pays pour l'avenir, si l'on croit que le Canada mérite de vivre et de s'épanouir à l'aube d'un nouveau millénaire.

Pour ce faire, nous demandons au gouvernement de mettre en place, premièrement, des programmes d'échange permanents entre Canadiens de tous les coins du pays et, deuxièmement, des projets qui visent à créer des consensus servant à améliorer la compréhension mutuelle. Troisièmement, nous lui demandons de créer une nouvelle agence qui appuiera des projets émanant des regroupements de citoyens qui, à l'heure actuelle, se meurent de jouer un rôle actif pour faire progresser ce pays, mais ne peuvent le faire parce qu'ils sont sans le sou.

Dialogue Canada propose de créer un grand partenariat pour mettre en place, et cela de façon permanente, un vaste et ambitieux programme d'échange, de jumelage, de production médiatique dans les deux langues officielles et de traduction d'oeuvres littéraires et éducatives dans le but de mettre les Canadiens et les Canadiennes en contact avec eux-mêmes. Dialogue Canada propose donc que le gouvernement consacre, de façon permanente, plus de 30 millions de dollars par année à cette fin.

Il est plus que temps d'investir en nous-même, car nous le valons bien. Cet investissement pour notre avenir collectif représente une goutte d'eau dans le budget fédéral global. Il représente, en outre, une part infime du budget d'éducation global de notre pays.

J'ai personnellement oeuvré pendant une trentaine d'années comme fonctionnaire fédéral à tenter d'apporter mon humble contribution à l'avancement du dossier du renouvellement du Canada via le secteur de l'éducation. J'ai eu à parcourir le pays d'un océan à l'autre à plusieurs reprises. À chaque déplacement, j'avais l'impression d'approfondir un peu plus mes connaissances d'un pays qui a beaucoup à offrir à qui veut voir, à qui veut entendre et à qui veut écouter. Comme dit le proverbe arabe, les yeux ne servent rien à une cervelle aveugle.

Il me semble que nous avons besoin, au Canada, d'une vision de ce que nous voulons devenir. De grâce, messieurs, mesdames, donnez-nous ce leadership éclairé que nous attendons de vous. Voyez à ce que le budget consacre, de façon sûre, des fonds à la survie et à l'épanouissement de notre pays.

Le document que vous avez entre les mains vous donne de plus amples détails budgétaires. Permettez-moi d'attirer votre attention sur la section VII, page 9, et sur l'annexe A, en anglais page 15 et en français page 17, qui donne une estimation des coûts.

Je vous remercie de votre attention et de l'intérêt que vous porterez à notre requête. Elle n'est pas tellement pour nous. Elle est surtout et davantage pour le Canada. Merci.

Le président: Merci, monsieur Laurencelle.

[Traduction]

La prochaine intervention sera celle de Canadian Policy Research Networks Inc., représentée par Mme Judith Maxwell, présidente. Bonjour.

Mme Judith Maxwell (présidente, Canadian Policy Research Networks Inc.): Je vous remercie, monsieur le président. Bonjour à vous et aux membres du comité.

J'aimerais me concentrer sur la question des investissements stratégiques. Il me semble que, maintenant que le Canada est à la veille de maîtriser son déficit, notre situation est assez parallèle à celle de 1945, au lendemain de la dépression et de la Seconde Guerre mondiale. Nombre des décisions stratégiques prises à cette époque ont façonné le pays pendant les 30 années suivantes.

• 1105

Je pense que nous pouvons tirer réconfort du fait que, pendant ces 30 années, nous avons remboursé en bonne partie la dette, édifié un système de sécurité sociale complet et posé le fondement de la période de croissance économique et de hausse du niveau de vie la plus longue que nous ayons jamais vue dans l'histoire de ce pays. Il faut donc bien réaliser qu'il est possible de marcher, mâcher de la gomme et lire un livre en même temps. Nous ne sommes pas obligés de nous cantonner à une seule solution.

Néanmoins, je pense que nous avons là, à l'orée de l'ère post-déficit, une occasion comme il ne s'en présente qu'une fois dans une vie. Il importe que les pouvoirs publics prennent le temps d'une réflexion concertée avec les Canadiens. Nous allons, en un sens, façonner le devenir du pays au cours des prochaines décennies. Je pense que nous devons donc commencer à inventer quelque forme nouvelle de consultation des citoyens afin de permettre aux Canadiens de réfléchir à ce qui compte réellement pour eux et d'influer sur les décisions du gouvernement.

Je pense qu'il y a probablement un consensus général à ce bout-ci de la table pour concentrer les investissements stratégiques dans le domaine du développement humain et de la cohésion sociale. De fait, l'une des questions que vous nous avez demandé de traiter aujourd'hui porte sur la meilleure façon pour le gouvernement d'assurer un vaste éventail de possibilités d'emplois dans la nouvelle économie.

À cet égard, j'aimerais vous faire part des résultats de certaines recherches approfondies que nous avons effectuées sur la formation en milieu de travail et les systèmes de formation au Canada et leur lien avec la stratégie des entreprises et la croissance économique. Il en ressort que le processus de la création d'emplois est en train de s'inverser dans la nouvelle économie.

Par exemple, c'est la nature de la main-d'oeuvre locale qui détermine non seulement la localisation géographique mais aussi la nature des emplois créés. Il apparaît clairement aujourd'hui que lorsque les entreprises prennent leurs décisions d'investissement, l'un des facteurs prioritaires du choix du site est l'existence d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée. Là où cette main-d'oeuvre n'existe pas, il n'y a pas de création d'emplois.

Parallèlement, il semble aujourd'hui qu'un employeur désireux de s'agrandir dans une localité, s'il ne trouve sur place qu'une main-d'oeuvre mal ou peu qualifiée, sera à peu près obligé de suivre une stratégie de «minimisation des coûts», comme nous l'appelons, c'est-à-dire de concevoir le travail de manière à minimiser la masse salariale. Ces emplois tendent donc à être précaires et mal rémunérés. Mais s'il y a sur place une abondance de travailleurs hautement qualifiés, les employeurs tendent à opter pour ce que nous appelons une «stratégie de haute performance», où ils conçoivent le travail différemment et créent de bons emplois. Je pense qu'il y a là des leçons importantes à tirer sur le plan des investissements à effectuer dans la formation professionnelle de la population chez nous, au Canada.

À cet égard, nous avons assisté à l'émergence ces dix dernières années de ce que nous appelons un «marché de la formation», en ce sens que la formation professionnelle n'est plus concentrée principalement dans les collèges communautaires; en fait, une grande diversité d'acteurs assurent la formation de la main-d'oeuvre canadienne.

C'est là un phénomène assez récent et le marché de la formation reste insuffisamment développé. Mon impression est que le rôle des gouvernements, aux paliers fédéral et provincial, sera de faire en sorte à l'avenir que ce marché de la formation fonctionne de manière optimale. Il faudra pour cela privilégier les systèmes d'information, c'est-à-dire les mécanismes renseignant les individus sur les qualifications dont ils ont besoin ou les cours à suivre et renseignant les établissements d'enseignement sur les cours à offrir. Mais il faudra encore permettre à la main-d'oeuvre de suivre ces cours au moyen, parfois, d'un soutien du revenu ou bien encore de la possibilité d'alterner les études et le travail.

• 1110

L'un des problèmes critiques mis en lumière par nos travaux est que, habituellement, les personnes déjà très instruites ont un bon accès à la formation et au développement professionnels, et que la grande lacune dans ce pays est l'accès des travailleurs en situation précaire ou occupant des emplois non standards, qui ne possèdent pas l'information voulue pour déterminer quel cours suivre ou qui n'ont pas la possibilité matérielle de les suivre. Je pense donc qu'il y a un rôle pour le gouvernement sur le plan de l'établissement d'un marché de la formation capable d'assurer le fondement de la création d'emplois à plus long terme.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, madame Maxwell.

Nous entendons maintenant une représentante de l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance, Mme Wendy Atkin. Soyez la bienvenue.

Mme Wendy Atkin (coordonnatrice, Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance): Au nom de l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance, je remercie le Comité des finances de son invitation à comparaître aujourd'hui.

Le discours du Trône libéral du 23 septembre 1997 annonçait déclarait que les enfants et les jeunes seraient une priorité nationale, faisant valoir qu'un pays qui investit dans ses enfants jouira d'un meilleur avenir. Au cours des quatre dernières années, les coupures fédérales opérées dans les dépenses pour la garde des enfants ont désinvesti des millions de dollars dans un domaine qui est la pierre angulaire de la politique sociale canadienne. Cela, en dépit du fait que les experts du développement des enfants s'accordent tous à dire que l'investissement dans les premières années offre le meilleur rendement.

La promesse gouvernementale de consacrer la moitié de l'excédent budgétaire aux dépenses sociales apporte quelque espoir d'un réinvestissement dans la prime enfance. Il n'est pas nécessaire de tout reprendre à zéro. Il existe actuellement un bric-à-brac de programmes destinés aux jeunes enfants, poursuivant des objectifs variables: garderies réglementées; prématernelles; programmes d'action communautaire pour les enfants; initiative Bon départ pour les Autochtones; initiative de garde d'enfants pour les Autochtones et Inuits; la déduction pour frais de garde d'enfants; l'allocation pour personne à charge et plusieurs autres. Le financement et l'administration de tous ces programmes enjambent les limites sectorielles et juridictionnelles.

Le programme national pour les enfants, également annoncé dans le discours du Trône, offre la possibilité d'intégrer ces diverses mesures dans une politique générale sur la prime enfance conçue de manière à répondre aux besoins d'un pays industriel. Nous savons que le programme national pour les enfants a été introduit non seulement au niveau fédéral, mais qu'il est également en discussion aux paliers provincial et territorial. Il pourrait être un excellent véhicule pour donner expression au large consensus voulant que l'investissement public dans les premières années du développement de l'enfant est vital pour notre avenir collectif.

Nous proposons, par conséquent, trois objectifs pour un programme national pour l'enfance au Canada. Le premier est l'établissement d'un système cohérent de services d'éducation préscolaire et de garde comme pierre angulaire d'un programme national pour l'enfance. Deuxièmement, ce peut être là le point de départ pour tenir d'autres engagements envers les enfants. Enfin, un système d'éducation préscolaire et de garde sera le plus susceptible de réussir s'il est axé sur des principes similaires à ceux de la Loi canadienne sur la santé: universalité; prix abordables et disponibilité; complet; diversité des modèles de prestation au niveau communautaire; haute qualité; bon encadrement; financement public; et responsable—c'est-à-dire, sans but lucratif.

Au cours de la dernière décennie, notre capacité collective à satisfaire les besoins sociaux de nos collectivités a été entamée. Le gouvernement fédéral a réduit sa contribution financière et a omis d'établir des lignes directrices pour les dépenses couvertes par le Transfert canadien en matière de santé et de services sociaux. Cela a laissé les services de garde d'enfants dans une situation vulnérable. Les coupures de 33 p. 100 apportées l'année dernière dans les dépenses fédérales, ont résulté en une amputation de l'infrastructure de garde d'enfants dans plusieurs régions du pays. La garde d'enfants est symptomatique d'une profonde perturbation de la cohésion sociale dans ce pays. Le transfert du fardeau des services sociaux d'un palier de gouvernement à un autre, le fait de ranger le déficit plus haut que l'investissement social dans l'ordre des priorités politiques et le démantèlement de programmes destinés à aplanir les disparités salariales ont accru la polarisation au sein de la société, par exemple entre riches et pauvres, salariés et non-salariés.

• 1115

Un document publié la semaine dernière lors d'un symposium de la Fondation Laidlaw à Toronto fait valoir qu'une fissure s'ouvre au centre du pays qui menace les perspectives d'avenir de la prochaine génération et risque d'engendrer de profondes divisions dans la vie nationale et civique.

Cette étude de Laidlaw et de nombreuses autres, les groupes de travail gouvernementaux et les engagements pris en vertu de la charte internationale soulignent tous l'importance de bons services de garde des jeunes enfants en tant qu'investissement clé et condition de la réalisation de multiples objectifs sociaux et économiques.

Le programme national pour l'enfance offre la perspective de progresser à l'égard de ce pilier de la politique sociale et économique canadienne et j'exhorte les membres de ce comité à recommander que des dépenses soient prévues pour donner à ce programme, que le gouvernement élabore actuellement, un contenu véritable.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, madame Atkin.

Nous passons maintenant aux représentants de REAL Women of Canada: la présidente nationale, Cecilia Forsyth, et la chargée de recherche Diane Watts. Soyez les bienvenues.

Mme Cecilia Forsyth (présidente nationale, REAL Women of Canada): REAL Women of Canada est du même avis que 56 p. 100 de Canadiens qui sont en faveur de la réduction de la dette et des impôts. Les hypothèses économiques sur lesquelles l'on s'appuie dans la planification budgétaire portent, entre autres, sur la dette, les dépenses et les impôts. S'il faut faire preuve de prudence, c'est que le Canada affiche une dette de 600 milliards de dollars. Le seul véritable dividende concret d'un budget équilibré est la réduction des coûts d'intérêts amenée par la diminution de la dette. Le remboursement de la dette libérera des revenus qui pourront alors servir à des réductions d'impôts et à des augmentations futures au titre des programmes de soins de santé et d'éducation. Par contre, le lourd fardeau de la dette décourage la création d'emplois, limite les dépenses au titre des programmes sociaux et maintient une pression à la hausse en ce qui concerne les taux d'intérêt. La réduction de la dette bénéficiera donc à tous les Canadiens.

Côté dépenses, le gouvernement continue de dépenser plus qu'il ne reçoit, et il y a encore beaucoup trop de gaspillage et de duplication en matière de dépenses et de programmes gouvernementaux. Chaque année, des subventions et des contributions sont versées à de nombreux groupes d'intérêt spécial. Ces cadeaux se sont, en 1994-1995, chiffrés à 11 milliards de dollars. Les dépenses gouvernementales discrétionnaires destinées aux groupes d'intérêt spécial et à des sociétés d'État obsolètes devraient être supprimées pour faire place à un financement accru des programmes sociaux nécessaires. Les dépenses excessives nuisent à tous les Canadiens.

La plus grosse facture d'un ménage est sa note fiscale. Au cours des 12 dernières années, le gouvernement fédéral a augmenté les taxes 108 fois. Le fait d'imposer des taxes élevées nuit aux particuliers, aux entreprises et à l'économie. Le consentement d'allégements fiscaux à l'ensemble des Canadiens devrait l'emporter sur toute initiative donnant lieu à des dépenses.

Les observations que je vais faire sur les nouveaux investissements et sur des changements à apporter au régime fiscal intéressent surtout l'imposition des familles.

Les enfants vivent au sein d'unités familiales, et l'objet de la politique gouvernementale devrait être d'appuyer les familles canadiennes en réduisant les impôts, et non pas en augmentant le financement gouvernemental d'un nombre très limité de programmes. Le meilleur moyen de réduire la pauvreté chez les enfants est d'aider les familles en laissant entre les mains des contribuables l'argent qu'ils ont gagné.

Deuxièmement, les familles à un seul revenu paient sensiblement plus d'impôts que les familles à deux revenus. La répartition du revenu total entre les deux conjoints se solderait par une réduction du taux d'imposition. La politique de l'imposition de taxes en fonction du revenu de la famille intervient déjà dans le calcul relativement au RPC et au crédit de TPS. Les besoins des familles à un seul revenu devraient être envisagés dans le même contexte.

Troisièmement, l'actuelle déduction de conjoint est insatisfaisante et ne reflète pas la valeur du travail effectué au foyer. Cette déduction devrait par conséquent être augmentée.

Quatrièmement, Revenu Canada accorde aux familles biactives des allégements et des déductions d'impôt qui ne sont pas à la portée des familles mono-actives. Tous les enfants ont la même valeur, et les soins dont ils ont besoin devraient donc être traités de façon uniforme dans la loi. La déduction pour frais de garde d'enfants devrait être remplacée par un crédit d'impôt remboursable à la disposition de tous les parents.

Cinquièmement, le plan du gouvernement visant à augmenter les cotisations au RPC, les faisant passer à 9,9 p. 100, doit être annulé. Les Canadiens devraient se voir offrir le choix entre gérer leurs propres investissements au titre de leur pension ou continuer de cotiser au RPC. C'est en laissant l'argent des contribuables dans leurs propres mains que le gouvernement investira véritablement dans la nouvelle économie.

• 1120

Favoriser l'établissement d'une nouvelle économie pour tous les Canadiens exigera la croissance économique et la création d'emplois. Une augmentation des dépenses, ajoutée à des taxes et à une dette élevés, aura davantage tendance à entraver la croissance économique plutôt qu'à la favoriser. Les cas de l'Alberta et de la Colombie-Britannique nous en fournissent la preuve.

La réduction des impôts et la diminution de la dette sont les facteurs critiques en ce qui concerne la véritable création d'emplois. La réduction de la dette libérera des revenus qui pourront servir à autre chose qu'au paiement des intérêts. Les réductions d'impôt, quant à elles, sont des stimulants. L'argent qui reste dans les mains des contribuables sert à faire des dépenses et des investissements, qui contribuent directement à la création d'emplois.

En conclusion, l'avenir de notre pays dépend de la force de nos familles. La famille, qui est le fondement d'un pays, devrait être le point de mire de toutes les politiques gouvernementales. L'objet à long terme de tout gouvernement devrait être d'équilibrer le budget, de dépenser prudemment l'argent des contribuables, de réduire la dette et de baisser les impôts. Ces mesures se solderont par une prospérité durable pour tous les Canadiens.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Forsyth.

Nous allons maintenant passer aux représentants du Sierra Club du Canada. Bienvenue, madame Louise Comeau.

Mme Louise Comeau (directrice, Énergie et atmosphère, Sierra Club du Canada): Merci, monsieur le président.

Il y a quelques années, vous n'auriez peut-être pas du tout été sensibles au thème de mon exposé, mais j'imagine qu'aujourd'hui, si je prononce les mots «changement climatique», tout le monde dans la salle saura de quoi je parle. Cela me réjouit de constater qu'après de nombreuses années de travail sur cette question, il y a maintenant un engagement politique.

Des gouvernements de partout dans le monde veulent plafonner les émissions de carbone. Les États-Unis, le Japon et l'Union européenne, qui sont nos plus importants partenaires commerciaux, vont bientôt vouloir des produits qui sont efficients et avancés et qui ne produisent ni n'utilisent beaucoup de carbone.

Le Canada doit être en mesure de satisfaire ces exigences du marché. Malheureusement, au cours des dernières années, notre taux d'émissions par tête d'habitant et notre taux d'amélioration exprimé en émissions par unité du PIB, ont reculé au lieu de s'améliorer.

Si le Canada est en mesure de satisfaire ces exigences du marché, cela sera bénéfique tant pour l'économie que pour l'environnement et la santé humaine. Ce programme de réduction des gaz à effet de serre, qui sera gagnant pour tout le monde, ne pourra cependant pas être mené à bien sans que des efforts ne soient consentis aux niveaux politique, fiscal et des programmes. Le budget fédéral à venir est l'occasion d'intervenir, à condition que Paul Martin ne soit pas victime des mythes en matière d'Armageddon économique qu'est en train de répandre le Conseil canadien des chefs d'entreprises.

Le Sierra Club a coordonné une analyse d'un programme énergétique rationnel, avec la collaboration de Ressources naturelles Canada. Ce dernier a analysé un ensemble de mesures visant à améliorer l'efficience énergétique, à élargir l'utilisation des sources d'énergie renouvelables et à réduire la demande du côté des transports. Cette analyse a fait ressortir qu'il nous serait possible de réduire les émissions de gaz à effet de serre sans conséquences néfastes du point de vue rentabilité. Informetrica a effectué une analyse macroéconomique. Celle-ci fait ressortir que la stabilisation et la réduction des émissions de gaz à effet de serre au Canada pourraient créer jusqu'à 1,5 million d'années-personnes de travail.

Les objectifs en matière de changement climatique pourraient aider le gouvernement fédéral à mener à bien nombre des priorités qu'il s'est fixées pour son mandat: création d'emplois, innovation et créativité technologiques, appui aux communautés et amélioration de la santé de tous les Canadiens. L'utilisation de carburants fossiles est source de pluies acides, de smog et de changements climatiques. Leur combustion envoie dans l'atmosphère des particules qui sont néfastes pour la santé humaine.

La réduction des émissions amènera une amélioration de la qualité de l'air ambiant, favorisera le développement économique communautaire et réduira les coûts au titre des budgets de soins de santé et des dommages aux cultures, à la foresterie, aux pêcheries et au tourisme.

Le Sierra Club soumet ce qui suit, pour étude, à Paul Martin. Le gouvernement fédéral devrait, selon nous, jouer le rôle de leader en matière de changement climatique après la réunion de Kyoto, celle en préparation de laquelle nous avons tous travaillé, et qui doit se tenir du 1er au 10 décembre, au Japon. C'est le gouvernement fédéral qui devra montrer la voie, car les relations fédérales-provinciales n'ont pas progressé au point de pouvoir être qualifiées de relations de collaboration.

Le gouvernement fédéral doit donner un coup d'envoi qui mette l'accent plutôt sur les carottes que sur les bâtons, c'est-à-dire: utiliser une approche fondée sur la réduction du déficit, fixer des objectifs réalisables pour la pénétration des énergies renouvelables et des véhicules à technologie avancée, mettre en place le cadre politique qui permettra de réaliser ces objectifs, les examiner et les corriger s'il y a lieu et suivre une approche par étapes.

Les incitations devraient viser à poser les jalons en vue de la réalisation des objectifs à moyen terme que sont la suppression progressive du charbon du secteur de production de l'électricité et l'élaboration de véhicules qui n'utilisent pas un moteur à combustion interne. Cela alimentera une révolution technologique qui sera bénéfique pour l'économie canadienne.

• 1125

Devraient compter parmi ces incitations des encouragements ou des allégements fiscaux visant à favoriser l'achat d'énergie verte et de véhicules à technologie avancée. Par exemple, les entreprises qui s'engageraient à recourir, pour 10 p. 100 de leurs besoins en électricité et de leurs véhicules, à des solutions renouvelables et avancées, pourraient être admissibles à un crédit visant à compenser certains de leurs frais initiaux supérieurs. Ces mesures incitatives pourraient être assorties d'une clause de temporisation qui interviendrait au bout de cinq ans ou une fois atteint un certain pourcentage. L'objectif serait fixé au niveau nécessaire pour réduire de 25 à 50 p. 100 le coût de ces nouvelles technologies. Ce pourrait être là la phase suivante dans votre programme volontaire d'action et d'enregistrement.

Le fonds de partenariat technologique d'Industrie Canada devrait quant à lui être élargi pour mettre l'accent sur les investissements et la recherche en matière de nouvelles technologies automobiles. Le fait de fixer des objectifs donne des résultats. Accordez au secteur—c'est-à-dire aux fabricants—sept ans pour mettre au point des véhicules à faibles émissions de carbone.

Créez un fonds atmosphérique national, qui faciliterait l'investissement et l'adaptation des immeubles des secteurs résidentiel, commercial, municipal et de la petite industrie. Il ne s'agirait pas pour le gouvernement de dépenser de l'argent en faisant lui-même les travaux de réaménagement. Ce qu'on nous a dit, c'est que les coûts d'élaboration de tels projets peuvent être très lourds au départ. Ce à quoi nous songeons c'est un fonds qui viendrait appuyer l'élaboration de ce genre de projets et compléter les capitaux investis par le secteur privé.

Le fonds pourrait fonctionner selon une formule de rémunération des services, et être financé grâce aux économies d'énergie ou aux intérêts accumulés par les investissements effectués avec l'argent du fonds. Ce fonds pourrait être utilisé pour lancer un programme national de communautés vertes mettant l'accent sur le secteur résidentiel.

Offrez des incitations fiscales pour favoriser l'achat des produits les plus efficients sur le plan consommation d'énergie. Le ministre des Finances pourrait commencer avec un remboursement d'impôts sur l'achat de fenêtres très hermétiques. Les responsables au ministère des Finances ont dit qu'ils appuieraient peut-être une incitation à durée limitée. L'idée de lier l'achat de fenêtres très efficaces au programme national de cotation des résidences particulières selon leur efficience énergétique, que Ressources naturelles Canada est en train de mettre au point, ou un programme national de communautés vertes, serait peut-être envisageable.

Si vous vous inscrivez à un programme de communautés vertes, on vient faire une vérification complète de votre maison du point de vue consommation d'énergie, puis on fait des travaux d'adaptation, on installe des fenêtres très efficientes et vous pouvez avoir droit à un remboursement. Les fenêtres sont cotées selon leur facteur d'isolement, alors cela fonctionne parfaitement du point de vue technique.

En ce qui concerne la catégorie des «bâtons», le Sierra Club propose ce qui suit.

Négocier avec les provinces de façon à ce que les marchés d'électricité concurrentiels soient réglementés pour veiller à ce que des investissements soient faits dans les technologies fondées sur les énergies renouvelables, dans la cogénération au sein de l'industrie et dans l'efficience énergétique. Cela se fait déjà dans la plupart des États américains qui vont de l'avant avec la concurrence sur le marché de l'électricité. Si les négociations n'aboutissent pas au niveau national, le gouvernement fédéral peut néanmoins fixer un plafond national en ce qui concerne le carbone et lancer un système d'échanges.

Au niveau fiscal, le programme énergétique national a analysé l'impact de l'imposition d'une taxe de 2c. le litre sur l'essence qui serait applicable en 1996, en l'an 2000, en l'an 2005 et en l'an 2010. Nous avons par ailleurs examiné la situation qui existerait si une taxe de 20 $ la tonne sur le carbone était appliquée dès l'an 2000, pour ensuite passer à 25 $ la tonne en l'an 2005. L'argent serait recyclé. Dans notre scénario, nous avons utilisé cet argent pour ramener la TPS de 7 p. 100—son niveau de la deuxième moitié des années 90—à 5,5 p. 100 en l'an 2000. C'est cette réduction de la TPS qui est le principal facteur dans la création des 1,5 million d'années-personnes de travail que j'ai évoquées il y a quelques instants.

Les consommateurs qui investissent dans le rendement énergétique en réaction au signal donné côté prix gagnent sur deux plans, soit avec des coûts énergétiques réduits et un dividende fiscal.

Le gouvernement fédéral pourrait ainsi gagner des revenus de 75 milliards de dollars, ce qui financerait les incitations fiscales ainsi que la R-D, et il pourrait également y puiser soit pour réduire le déficit, soit pour abaisser encore légèrement la TPS. Toutes les options sont sur la table. Les deux initiatives, soit la réduction du déficit et la réduction de la TPS, sont clairement ressorties, lors des sondages qui ont été effectués, comme étant la préférence des Canadiens.

Le Sierra Club ne pense pas qu'il soit nécessaire d'engager un débat politique sur la taxe sur le carbone. Des taxes pourraient être appliquées à toutes les formes d'énergies. Toutes ont un impact sur l'environnement. Ce qui compte, c'est que tous les revenus ainsi obtenus soient recyclés dans l'investissement dans l'élaboration de nouvelles technologies et la création d'emplois.

Le progrès exigera une évaluation réaliste de l'économie canadienne dans les années 90, et non pas de l'économie canadienne des années 50. Aujourd'hui, 70 p. 100 du PIB sont attribuables aux services. Seuls 30 p. 100 de nos exportations sont le fait d'industries à forte consommation d'énergie.

La croissance existe du côté des exportations, des biens manufacturés et des télécommunications. Seules les exportations de gaz naturel sont à la hausse. Les marchés du pétrole, du charbon et des produits du bois stagnent. La stratégie du Canada devrait donc être de mettre en valeur le potentiel d'exportation de nos produits vedettes et de donner des incitations pour de nouveaux investissements dans les industries qui se trouvent confrontées à la nécessité de faire une transition.

• 1130

Au cours des 15 prochaines années, des rajustements devront être opérés dans l'économie canadienne au fur et à mesure que nous réduirons nos émissions de gaz à effet de serre. L'on peut déjà s'attendre à ce que, par suite de la concurrence, les gens abandonnent le charbon et l'électricité. La réduction des gaz à effet de serre viendra accélérer cette tendance.

Le secteur du charbon emploie 9 000 personnes directement et contribue moins de 1 p. 100 au PIB. Le Sierra Club exhorte les pouvoirs publics à fournir à ce secteur un soutien pour le recyclage et la transition, ce qui est plus que ce qui a été fait pour les Canadiens lors des redressements qui ont été rendus nécessaires par suite de l'adoption de l'ALÉNA.

Le Canada se classe au deuxième rang, derrière la Russie, pour ses exportations de gaz naturel, et c'est le gaz naturel, qui est sûr, qui fournira le nouveau marché de l'électricité. L'exploitation des sables bitumineux est à la fois risquée et productrice d'importantes quantités de gaz à effet de serre. Le gouvernement fédéral devra peut-être envisager, au cours des 15 prochaines années, un mécanisme de compensation pour les investissements dans ce secteur.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Comeau.

Nous allons maintenant passer au représentant de la Canada Family Action Coalition. Il s'agit de M. Peter Stock. Bienvenue.

M. Peter Stock (directeur, Politique et affaires nationales, Canada Family Action Coalition): Merci, monsieur le président.

La Canada Family Action Coalition est une organisation nationale non partisane communautaire d'intervention politique, qui se consacre à la défense et à la promotion des principes judéo-chrétiens au sein de la société canadienne. Nous sommes donc tout particulièrement intéressés par les questions qui touchent les familles canadiennes.

Les actuelles projections financières du ministère des Finances indiquent que le gouvernement aura bientôt réussi, conformément à son échéancier, à éliminer le déficit. Il existe néanmoins un danger très réel, celui de prêter moins attention au contrôle de nos dépenses. Une flambée du côté des taux d'intérêt ou du chômage, ou les deux, porterait un dur coup aux progrès réalisés à ce jour.

La dette devrait être immédiatement réduite grâce à la vente des avoirs dont le gouvernement n'a pas besoin, y compris des sociétés de la Couronne. Les libéraux, les tories et les réformistes ont tous souscrit traditionnellement au principe de la subsidiarité. Il n'est nullement besoin que le gouvernement fédéral gère des entreprises. Tout comme il s'est départi de compagnies aériennes et de sociétés pétrolières, il devrait vendre banques et services postaux pour rembourser une partie de la dette nationale.

De modestes réductions des dépenses ont été effectuées, mais il reste encore beaucoup à faire. Il reste à réaliser d'énormes économies dans différents domaines, y compris du côté de plusieurs ministères et du financement d'intérêts particuliers. En effet, le financement de certaines organisations et activités sur le dos d'autres est inacceptable.

À notre avis, il n'est pas nécessaire de faire de nouvelles dépenses, mais les fonds existants devraient être investis de façon plus judicieuse. Nous dépensons certains fonds de façon très négative. Ces fonds devraient servir plutôt des fins positives. Permettez-moi de vous donner des exemples pour illustrer les deux cas.

Traitons premièrement de l'exemple négatif: je songe au financement répréhensible par Santé Canada de la production de pornographie homosexuelle dans le cadre de la stratégie nationale sur le SIDA. J'ai apporté quelques dépliants avec moi, et je ne vais donc pas vous en lire le texte. Ils sont pleins de gros mots, mais je vais néanmoins vous en donner une brève description. L'un d'eux montre deux hommes nus, l'un donnant du plaisir sexuel oral à l'autre. Un autre montre deux hommes nus entrelacés, leurs sexes clairement visibles. Enfin, on voit deux hommes nus engagés dans un rapport anal.

Cette pornographie est destinée aux jeunes gens et est distribuée dans nos écoles. Ces dépliants ont pour objet de désensibiliser les enfants aux comportements homosexuels et servent au recrutement de jeunes gens vulnérables qu'on veut attirer au style de vie homosexuel, qui est dangereux.

Il est déjà triste de constater la production et la distribution de pareilles publications, mais il est extrêmement dérangeant que le gouvernement fédéral en paie la note. Et je tiens à dire aux députés ontariens qui sont ici aujourd'hui que la Loi ontarienne sur l'éducation vous donne le droit d'entrer dans les écoles dans cette province. Je vous invite à aller faire un tour dans le bureau du conseiller d'orientation scolaire de votre école secondaire locale pour voir ce qui s'y trouve. Jetez-y un coup d'oeil et voyez ce que finance le gouvernement fédéral.

Pour faire contrepoids à cela, j'aimerais vous donner un exemple positif de ce que l'on pourrait financer pour lutter contre la pornographie. La distribution de pornographie enfantine par l'Internet est une nouvelle activité criminelle absolument horrible, qui frappe au coeur même de l'unité familiale et qui exige que de nouvelles ressources policières y soient consacrées. Les forces policières ont besoin de plus de main-d'oeuvre et d'ordinateurs plus rapides et plus puissants pour lutter contre cette maladie. Qu'on dépense à meilleur escient l'argent dont on dispose.

Le plus gros changement que nous souhaitons voir apporter à notre système fiscal—et il y en a beaucoup, mais j'aimerais en mentionner un en particulier—est l'élimination de la discrimination, dans le cadre du régime fiscal, à l'endroit des parents au foyer. Les subventions pour la garde d'enfants et les déductions d'impôt dont bénéficie une minorité de parents devraient être partagées de façon égale parmi tous les parents qui ont des personnes à charge. Les parents devraient se voir remettre tous les outils financiers dont ils ont besoin pour offrir à leurs enfants les meilleurs services de garde d'enfants possibles, soit les services qu'ils peuvent eux-mêmes offrir.

• 1135

En ce qui concerne la dernière question posée par le comité, celle des mesures à prendre pour favoriser l'établissement d'une nouvelle économie pour tous les Canadiens, attardons-nous maintenant sur l'intervention gouvernementale dans l'économie. Nous croyons que le gouvernement peut se retirer de l'économie et se consacrer, plutôt, à établir un environnement favorable à la création d'emplois et à la croissance. Le gouvernement doit arrêter de choisir les gagnants et les perdants grâce à des mécanismes telles les subventions et la réglementation. Ces derniers, ajoutés aux impôts élevés, constituent les plus gros problèmes auxquels se trouve confronté le Canada dans la nouvelle économie. Les impôts ne peuvent bien sûr pas être supprimés ni même réduits de moitié du jour au lendemain, mais le gouvernement peut très rapidement se retenir d'intervenir. La déréglementation des services téléphoniques interurbains, par exemple, a amené une réduction du coût pour les consommateurs et une augmentation de l'emploi dans ce secteur.

Un autre exemple de déréglementation dans ce domaine, qui pourrait amener une création immédiate d'emplois au Canada, serait la suppression de la discrimination à l'égard des radiodiffuseurs à vocation religieuse unique, soit l'actuelle politique du CRTC. Si cette discrimination était supprimée, cela résulterait en l'emploi immédiat au sein du secteur culturel canadien de centaines de travailleurs techniques bien rémunérés. Leur programmation pourrait elle aussi se solder par des exportations d'une valeur de plusieurs millions de dollars.

La note du CRTC, en tant qu'organisme de réglementation, s'élève à 33 millions de dollars par an. Ses règlements fort restrictifs nous coûtent des dizaines de millions de dollars de plus. Quels avantages nous procure le CRTC, en tant qu'organisme de réglementation, pour ces 33 millions de dollars par an? Je pense qu'il s'agit là d'une question sur laquelle devraient se pencher le Parlement et le comité. La question est de savoir si nous devons y consacrer de pareilles sommes.

En conclusion, la famille canadienne se trouve confrontée à des impôts toujours croissants et à des politiques gouvernementales qui limitent ses choix familiaux, notamment dans le domaine de la garde d'enfants, et qui favorisent et financent des activités nuisibles comme celle que j'ai mentionnée tout à l'heure, lorsque j'ai parlé de Santé Canada. Le Canada est, dans l'ensemble, un pays où il fait bon vivre, mais nous croyons qu'il pourrait être meilleur encore. Nous croyons que le Comité des finances pourrait faire plus pour orienter les dépenses des fonds limités dont nous disposons, de façon à favoriser la santé et le bien-être des familles et de la société dans laquelle nous vivons.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Stock.

Nous allons maintenant entendre la représentante de la Canadian Living Foundation, Mme Martha O'Connor. Bienvenue.

Mme Martha O'Connor (directrice générale, Canadian Living Foundation): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous pour vous exposer le point de vue de la Canadian Living Foundation.

Le programme de petits déjeuners pour écoliers de la fondation est le seul programme national d'alimentation des enfants au pays. Depuis sa création en 1992, la fondation a aidé diverses communautés à établir plus de 1 800 programmes d'alimentation grâce auxquels plus de 22 millions de repas ont été servis à des enfants. Grâce à nos partenaires communautaires—parents, bénévoles, compagnies commanditaires et autres paliers gouvernementaux—nous aidons des localités à offrir des repas aux écoliers qui ne sont pas suffisamment bien nourris chez eux. C'est notre expérience avec ce programme national d'alimentation qui a établi le contexte dans lequel a évolué la philosophie de la fondation.

Je vais maintenant aborder les trois questions qui intéressent le comité. Premièrement, en ce qui concerne l'avis de la fondation relativement aux hypothèses économiques et aux facteurs de prudence qui devraient influer sur la planification budgétaire, la fondation ne peut offrir que des conseils techniques très limités à cet égard. D'autres organisations qui ont comparu ou qui vont comparaître devant le comité sont mieux qualifiées que nous pour se prononcer là-dessus. Nous souhaitons néanmoins insister sur l'importance des décisions budgétaires qui déterminent l'investissement, surtout dans nos enfants, comme moyen d'assurer la prospérité future.

La deuxième question sur laquelle nous nous sommes penchés est celle des investissements stratégiques qui pourraient être intégrés au budget à venir. À l'heure actuelle, les responsables gouvernementaux, en consultation avec des membres de la communauté, sont en train d'élaborer le programme national pour les enfants. Nous tenons à féliciter le gouvernement pour la sagesse dont il a fait preuve en faisant des enfants une priorité, et nous l'encourageons à prendre des mesures décisives pour protéger et promouvoir les intérêts des enfants canadiens.

La Canadian Living Foundation recommande que des mesures soient prises dans le cadre du programme national pour les enfants afin de veiller à la bonne alimentation des enfants. Nous recommandons par ailleurs que le gouvernement fasse un investissement stratégique dans la santé des enfants en annonçant son engagement à l'égard d'un programme national de distribution de repas à l'école. Le Canada est le seul pays occidental industrialisé qui n'ait pas de programme national de distribution de repas aux écoliers. La Canadian Living Foundation, en partenariat avec des parents, des parrains du secteur privé, d'autres gouvernements et des bénévoles, invite le gouvernement fédéral à se joindre à notre programme de distribution existant et à augmenter la capacité de la fondation d'offrir des programmes semblables à tous les écoliers canadiens.

Dans le courant de l'été 1997, la fondation a reçu un sondage de Thompson Lightstone sur la faim chez les enfants. Les résultats de ce sondage d'opinion publique ont confirmé ce que nous savons depuis des années à la fondation: la faim chez les enfants est un problème pressant, aux conséquences sociales et économiques très coûteuses.

• 1140

Le sondage, dont les résultats ont été tout récemment rendus publics, montre en effet que 60 p. 100 des Canadiens estiment que la faim chez les enfants est aujourd'hui pire qu'il y a cinq ans. Il fait par ailleurs ressortir que 70 p. 100 des Canadiens pensent que la faim chez les enfants au Canada est un problème plus grave que l'unité nationale ou le déficit. Toujours selon ce sondage, les Canadiens croient que les parents, les sociétés, les groupes bénévoles et les gouvernements devraient jouer des rôles actifs pour réduire la faim des enfants.

Les recherches effectuées prouvent que la capacité d'un enfant d'apprendre est réduite en l'absence d'une bonne alimentation et que la faim multiplie les risques de mauvais rendement scolaire, de problèmes de comportement, de décrochage et d'activités criminelles.

Le sondage montre que la population canadienne est tout à fait sensible à l'envergure du problème de la faim chez les enfants et à ses conséquences à long terme, qu'ont fait ressortir de récents travaux de recherche. Il témoigne également du désir des Canadiens de s'attaquer de façon prioritaire aux problèmes de la faim chez les enfants, et ce en dépit d'autres sérieux défis nationaux comme le déficit et l'unité nationale.

La Canadian Living Foundation est d'avis que les résultats du sondage Thompson Lightstone sont le reflet d'un appel au secours de la population canadienne face au problème de la faim chez les enfants. Je tiens néanmoins à renforcer la nécessité d'aborder ce problème dans le contexte de la bonne alimentation des enfants plutôt que de la faim.

Notre expérience en matière de programmes de distribution de repas, la sensibilité du public à la nécessité de s'attaquer au problème de la faim chez les enfants et les travaux de recherche sur l'alimentation des enfants menés par des experts comme la Dre Lynn McIntyre, doyenne du programme pour les professionnels de la santé de l'Université Dalhousie, mènent à une conclusion incontournable: l'amélioration de l'alimentation des enfants se soldera par des possibilités d'apprentissage et de croissance optimales pour tous les enfants canadiens. Partant, un investissement stratégique dans un programme national de distribution de repas dans les écoles serait un investissement dans l'avenir de tous les Canadiens.

La troisième question qu'on m'a demandé d'aborder est celle du rôle que le gouvernement peut jouer pour veiller à ce que les Canadiens acquièrent les compétences et les connaissances requises pour participer à l'économie canadienne. Comme je l'ai déjà dit, l'engagement du gouvernement à élaborer un programme national pour les enfants est un pas important dans la lutte contre les barrières sociales et économiques auxquelles se trouvent confrontés nos enfants.

Santé Canada a clairement explicité la contribution que fait une bonne alimentation à la société canadienne: une population en santé productive, des dépenses sociales et de soins de santé réduites et une meilleure qualité de vie. Nos recherches ont fait ressortir en outre l'importance critique que joue une bonne alimentation dans la capacité d'apprendre des enfants, et le fait que le public comprenne très bien cela.

La population canadienne appuie l'idée que le gouvernement joue un rôle dans l'amélioration de l'alimentation des enfants. Les Canadiens sont par ailleurs très sensibles au coût à long terme du refus de s'attaquer à la mauvaise alimentation comme obstacle à la capacité d'apprendre des enfants. La Canadian Living Foundation propose que le gouvernement appuie les Canadiens dans leurs efforts visant à acquérir la formation et les compétences requises pour participer à la nouvelle économie en réduisant certains des obstacles à l'apprentissage. Or, l'obstacle le plus courant auquel se trouvent confrontés les enfants canadiens est une mauvaise alimentation.

La fondation invite le gouvernement fédéral à jouer un rôle avec nos partenaires—parents, autres paliers de gouvernement, sociétés et groupes bénévoles—en vue d'apporter une solution à la mauvaise alimentation des enfants. La fondation et ses partenaires offrent au gouvernement fédéral la possibilité de contribuer à son programme alimentaire national existant, qui porte déjà fruit.

Les possibilités de la fondation et de ses partenaires sont limitées, non pas faute d'engagement, mais bien faute de ressources. Nous sommes d'avis qu'un rôle approprié pour le gouvernement fédéral serait de s'engager financièrement à l'égard d'un programme alimentaire national qui élargirait la portée du programme de distribution de petits déjeuners, en vue de veiller à ce que tous les enfants bénéficient de possibilités optimales pour croître et réaliser leur plein potentiel.

En résumé, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, la Canadian Living Foundation recommande que, dans l'élaboration de son rapport, le comité fasse preuve de prudence, notamment en ce qui concerne l'évaluation des conséquences à long terme d'un engagement, pris dès aujourd'hui, en vue de résoudre le problème de la mauvaise alimentation des enfants; annonce le lancement d'un programme alimentaire national dans les écoles, dans le cadre du programme national pour les enfants; et engage des fonds fédéraux dans l'exécution de programmes d'alimentation à l'échelle nationale.

Enfin, j'invite les membres du comité à constater de leurs propres yeux ce que de tels programmes signifient pour les enfants canadiens. Le 20 novembre, soit la Journée nationale de l'enfant, je vous invite à aller retrouver les enfants de la Cambridge Street Community School, située à moins d'un mille de la Colline, pour un «petit déjeuner pour l'apprentissage».

Merci de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, madame O'Connor.

Le groupe suivant est le Conseil ontarien des organismes de service aux immigrants, ici représenté par M. Carl Nicholson. Bienvenue.

• 1145

M. Carl Nicholson (Conseil ontarien des organismes de service aux immigrants): Merci beaucoup.

Le Conseil ontarien des organismes de service aux immigrants est une coalition réunissant plus de 140 organismes communautaires de service aux immigrants de partout en Ontario. L'on retrouve de nos organisations membres dans toutes les régions de la province, de Kenora à Cornwall à Windsor. Elles offrent une vaste gamme de services d'aide à l'établissement aux immigrants et réfugiés, allant de cours de langue officielle à la recherche d'emplois en passant par des programmes d'acquisition de compétences pour les familles et des services de conseils individuels et d'éducation communautaire. Nous servons plus de 400 000 clients par an.

En ce qui concerne la question relativement à la prudence, nous demanderions que le ministère des Finances tienne compte des questions d'équité, d'accès, d'égalité, de justice et de création de possibilités économiques. Nous aimerions néanmoins consacrer le gros des cinq minutes qui nous sont accordées à la troisième question que vous posez, portant sur les investissements stratégiques à faire.

Nous aussi nous avons examiné le marché du travail. Nous savons que chaque année le Canada accueille environ 205 000 nouveaux immigrants, dont environ 100 000 arrivent ici avec, en moyenne, dix à 12 années de scolarité payées par quelqu'un d'autre. Nous n'utilisons pas à bon escient l'investissement consenti par d'autres et dont nous sommes censés bénéficier.

Nous pensons qu'un bon investissement stratégique serait que le gouvernement fédéral élabore des politiques et des stratégies visant à améliorer notre position économique en tant que pays en réalisant le plein potentiel économique que ces personnes amènent avec elles. Trop souvent, les contributions des immigrants et des réfugiés sont entravées par le racisme, des barrières linguistiques, l'absence d'expérience canadienne et l'impossibilité d'obtenir une accréditation. Le gouvernement fédéral consacre des fonds à une vaste gamme de programmes en matière de multiculturalisme, d'établissement d'immigrants et de développement des ressources humaines.

Ces programmes offrent certains des outils nécessaires, mais cela ne suffit pas. L'on voit beaucoup trop de gens bien instruits, et qui possèdent quantité de compétences, au volant de taxis. Ce n'est pas un bon investissement pour nous en tant que pays, ni pour ces personnes. Nous devrions ou les laisser dans leur pays qui a investi dans leur éducation, ou les utiliser ici à bon escient. C'est une travestie. Chaque année, l'on dénombre 100 000 personnes dans ce cas.

Nous recommandons que le gouvernement fédéral s'engage à assurer, de façon continue, un niveau de soutien accru aux programmes d'établissement d'immigrants à l'échelle du pays. De tels programmes seraient des investissements rentables à long terme pour nous tous.

En ce qui concerne votre quatrième rubrique, celle concernant le soutien du gouvernement fédéral à l'acquisition de la formation et des compétences requises, tout comme les intervenants qui ont parlé avant moi, j'aimerais dire que cette question de développement humain et de cohésion sociale devrait être une priorité pour le gouvernement fédéral. Les gouvernements fédéral et provinciaux devraient travailler ensemble pour veiller à ce que les nouveaux programmes d'emploi et de formation comportent des éléments qui correspondent aux besoins en matière d'emploi des immigrants. L'on devrait élaborer une stratégie nationale de développement de la main-d'oeuvre dans le but d'offrir aux chercheurs de travail socialement et économiquement défavorisés des possibilités d'acquisition des compétences requises par le marché du travail. Devrait en faire partie un système de formation cohérent et intégré.

Il nous faut des normes nationales qui soient applicables à tous les programmes financés par les pouvoirs publics. Il conviendrait de prévoir des mesures de soutien—garderies, programmes d'alphabétisation, cours de langue, programmes de transition, mécanismes d'évaluation des compétences déjà acquises—car ce sont là des outils qui permettront aux gens de réaliser leur plein potentiel. Il conviendrait par ailleurs d'établir une très nette distinction entre les fonds destinés à la formation et ceux destinés au soutien du revenu.

Nous recommandons que le gouvernement fédéral veille à ce que les ententes fédérales-provinciales renferment ces normes nationales et mesures d'imputabilité de façon à garantir des services de qualité, l'accès à ceux-ci et des programmes non discriminatoires.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Nicholson.

La dernière présentation sera faite par le représentant du Pembina Institute. Il s'agit de Robert Hornung, qui est son directeur.

M. Robert Hornung (directeur, Programme sur le changement climatique, Pembina Institute for Appropriate Development): Merci, monsieur le président, et merci à tous les membres du comité pour leur patience et leur endurance ce matin.

Je suis moi aussi venu ici pour vous entretenir brièvement d'initiatives que pourrait prendre le gouvernement fédéral relativement au changement climatique.

• 1150

En décembre, le Canada va entériner un nouvel engagement en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il y a eu beaucoup de discussions au cours du mois écoulé au sujet de ce que renfermera cet engagement. Je peux vous dire que, quel que soit le niveau de cet engagement, le Canada va devoir adopter de nouvelles initiatives pour s'attaquer au problème. Il nous faudra aller au-delà de l'approche purement volontaire que nous avons suivie jusqu'ici.

Le premier pas que pourra faire le gouvernement fédéral pour nous mettre sur la voie de la réalisation de l'engagement que nous prendrons à Kyoto sera d'aborder le problème dans le budget de l'an prochain. Je pense qu'il existe plusieurs approches que pourrait prendre le gouvernement, et elles cadrent avec ses autres priorités que sont la création d'emplois et le consentement d'investissements stratégiques.

Toute stratégie visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre doit miser, principalement, sur des améliorations en matière d'efficience énergétique et sur l'utilisation d'énergies renouvelables. Les études successives qui ont été menées montrent que les investissements dans l'efficience énergétique produisent trois à quatre fois plus d'emplois que des investissements équivalents dans de nouvelles sources d'énergie. C'est que les activités relatives à l'amélioration de l'efficience énergétique exigent plus de main-d'oeuvre et qu'elles donnent lieu à des économies que les gens réinvestissent dans l'économie, dans le secteur des services, par exemple, ce qui crée encore plus d'activité économique et, partant, des emplois.

Les investissements dans ces domaines sont également des investissements stratégiques. L'on se préoccupe de plus en plus des conséquences environnementales du recours aux combustibles fossiles. Cela ne se limite pas au seul changement climatique; il y a également les dépôts acides et le smog urbain qui envoient les enfants des villes à l'hôpital. L'économie énergétique du XXIe siècle va être très différente de celle que l'on connaît à l'heure actuelle. Si le Canada veut être, et continuer d'être, un leader dans l'économie énergétique mondiale, il doit commencer à envisager de faire des investissements dans ces domaines. D'autres pays ont commencé à le faire—je vais tenter de vous le montrer dans quelques instants—et il nous faut faire de même.

Il y a trois stratégies que le gouvernement fédéral peut poursuivre en la matière dans le contexte du budget. La première stratégie est celle que j'appelle le nivellement du terrain de jeu.

Il y a deux ans, le ministère des Finances et le ministère des Ressources naturelles ont réalisé une étude portant sur la façon dont différentes catégories d'investissements dans l'énergie sont traitées dans le cadre du régime fiscal. Cette étude a fait ressortir que les investissements dans les sources énergétiques conventionnelles bénéficient d'un traitement fiscal plus favorable que ceux dans les énergies renouvelables. L'étude a par ailleurs montré que les investissements dans l'efficience énergétique font en fait l'objet de discrimination dans le cadre de l'actuel régime fiscal, comparativement à un régime fiscal neutre. Certaines initiatives ont été prises dans le cadre des quelques derniers budgets pour tenter de corriger ce déséquilibre, mais il reste encore beaucoup à faire.

Dans le document que j'ai remis au greffier du comité, il se trouve quelques exemples relativement à un traitement plus équitable pour l'investissement dans des biocombustibles, comme l'éthanol, ainsi que dans les systèmes énergétiques de quartier. Un système énergétique de quartier est un système central de chauffage et de climatisation qui dessert un grand nombre d'immeubles, au lieu que chaque immeuble soit doté de son propre système de chauffage. En Scandinavie, 60 à 80 p. 100 des immeubles en région urbaine sont chauffés et refroidis de cette façon, mais de tels réseaux de chauffage urbain sont très rares au Canada. Cela est en partie dû au fait que la déduction pour amortissements à laquelle sont admissibles les systèmes énergétiques de quartier au Canada est de 4 p. 100, contrairement à 30 p. 100 pour nombre d'autres investissements dans l'énergie.

Il importe par ailleurs d'envisager de nouveaux incitatifs pour encourager l'industrie à investir dans l'efficience énergétique et les technologies fondées sur les énergies renouvelables. Certains d'entre vous ont sans doute entendu parler du fait que les États-Unis ont adopté au cours des dernières semaines une position relativement au changement climatique. Un élément clé de la position qu'a esquissée le président Clinton est l'engagement de prévoir dans le prochain budget 5 milliards de dollars au titre de crédits d'impôt et d'encouragements fiscaux destinés à stimuler l'investissement dans ces technologies. D'autres pays sont en train de bouger. Ils estiment que c'est vers ce genre de choses que tend l'économie énergétique. Le Canada doit faire de même.

En plus de niveler le terrain de jeu, le gouvernement peut prendre des mesures sur d'autres fronts encore. Il pourrait, premièrement, approuver de nouvelles dépenses. La recherche, le développement, la démonstration et la commercialisation de ces nouvelles technologies, tout particulièrement celles fondées sur des sources d'énergie renouvelables, sont très importants. Qu'on veuille le reconnaître ou non, ce genre de soutien a une longue histoire au Canada.

Si le Canada est doté d'une industrie énergétique nucléaire, c'est uniquement parce que le gouvernement l'a lourdement soutenue pendant de nombreuses années. Il y a exploitation des sables bitumineux dans le nord de l'Alberta uniquement parce qu'il y a eu 25 années de soutien gouvernemental. Or, nous connaissons aujourd'hui les conséquences environnementales de ces sources d'énergie, et il est temps de réorienter les priorités et nos travaux de R-D vers les énergies renouvelables.

La dernière chose dont j'aimerais vous entretenir brièvement est la taxation. Il s'agit bien sûr là d'une question épineuse. Il y a des économistes de partout dans le monde qui vous diront que la façon la plus rentable et la plus efficiente d'aborder le problème du changement climatique est d'imposer une taxe sur le carbone. Ce serait bien sûr très difficile à faire au Canada. Le gouvernement fédéral a indiqué qu'il ne souhaite aucunement mettre en place une taxe sur le carbone, bien qu'il ait dit qu'il est aujourd'hui prêt à envisager certaines formes de taxation de l'énergie. En même temps, il s'exerce dans l'économie beaucoup de pressions en faveur de réduction de taxes.

• 1155

Je pense qu'il y a moyen de résoudre ces deux problèmes, c'est-à-dire d'offrir des encouragements visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et d'offrir en même temps des réductions de taxes. Il s'agit d'opérer un déplacement fiscal, ce que nous appelons réforme fiscale écologique.

Ce que cela veut dire c'est que nous aimerions que de nouvelles taxes soient appliquées à des choses que nous ne voulons pas voir dans notre économie, comme par exemple les émissions de gaz à effet de serre et la pollution. Mais nous tenons à ce que ces taxes soient contrecarrées par des choses que nous voulons voir dans l'économie, c'est-à-dire l'emploi, l'investissement, les dépenses de consommation. Ce que nous disons, donc, c'est que si vous allez imposer des taxes sur l'énergie ou des taxes sur le carbone, alors il faudrait rééquilibrer cela avec des réductions du côté des taxes de vente ou des taux d'imposition applicables aux Canadiens à faible revenu, ou encore des charges sociales, pour que davantage de gens puissent travailler.

Il s'agit bien sûr là de quelque chose que le gouvernement fédéral ne va pas pouvoir mettre en oeuvre avant le budget qui s'en vient, mais j'aimerais recommander ce qui suit au comité: vous pourriez peut-être, dans l'année à venir, vous pencher sur l'idée d'un tel déplacement fiscal pour voir s'il n'y aurait pas moyen de modifier le régime fiscal de façon à taxer davantage les choses que nous voulons voir reculer et à réduire les taxes applicables aux choses que nous voulons encourager.

De nombreuses études ont fait ressortir qu'une telle stratégie serait bénéfique pour l'économie dans son ensemble.

Je vais m'arrêter là. Merci.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant passer à la période de questions. Je vais prolonger de 15 minutes la durée de notre séance. Monsieur Harris.

M. Dick Harris: J'ai deux questions, l'une pour Mme Atkin, M. Ross et Martha O'Connor, et l'autre pour Cecilia Forsyth.

Au fil de nos séances, nous avons entendu plusieurs organisations qui se consacrent à la défense du bien-être des enfants, et je pense que personne dans cette salle ne pourrait pas dire que la façon dont nos enfants sont élevés et que l'environnement dans lequel ils grandissent sont d'une importance absolue pour nous tous.

Il est, cependant, une chose qui est étonnamment absente des présentations faites par ces groupes: on a très rarement entendu parler du rôle des parents et de la responsabilité qui leur revient quant à la façon dont leurs enfants sont élevés. En d'autres termes, l'accent semble être davantage mis sur des programmes gouvernementaux, sur l'intervention de l'État dans la façon dont les enfants du pays sont élevés. Il me semble qu'au fur et à mesure que l'on augmente les programmes gouvernementaux qui amènent les pouvoirs publics à intervenir davantage dans les soins apportés aux enfants, l'on ne fait que faciliter l'abdication des parents devant leur responsabilité de veiller à ce que leurs enfants soient élevés dans un environnement sain.

J'aimerais demander au premier groupe comment il réagirait à un programme gouvernemental visant à s'assurer que les parents reconnaissent et acceptent leurs responsabilités à l'égard de leurs enfants. En d'autres termes, le programme serait destiné à rappeler aux parents que leur toute première responsabilité lorsqu'ils amènent des enfants dans ce monde est d'être de bons parents, aimants et efficaces, et de veiller à ce que leurs enfants soient élevés comme il se doit.

Ma deuxième question s'adresse à Cecilia Forsyth. J'ai lu son mémoire et j'aimerais lui demander, une fois qu'on aura entendu les autres réponses, de se prononcer sur les avantages découlant du fait qu'un parent reste à la maison pour élever les enfants, et sur la valeur que cela peut présenter, ainsi que sur la façon dont les règlements en matière de fiscalité sont discriminatoires à l'égard des parents qui font des sacrifices pour que l'un d'eux reste à la maison.

• 1200

M. David Ross: J'ai dit dans mes remarques liminaires que nous ne pensons pas que des investissements de deniers publics suffisent pour résoudre tous nos problèmes sociaux. En fait, le travail que nous avons effectué fait clairement ressortir qu'il y a quatre partenaires qui doivent intervenir face à la plupart des problèmes sociaux et qu'il y a en tout cas quatre partenaires qui doivent conjuguer leurs efforts pour établir un environnement sain pour les enfants. Il s'agit, en tout premier lieu, des parents: le cadre familial est critique. L'environnement communautaire est lui aussi critique: il ne sert à rien de bien encadrer les enfants à la maison pour ensuite les envoyer dans la rue où ils vont se trouver confrontés à un monde méchant. Vient ensuite le milieu de travail, car les parents qui travaillent à l'extérieur du foyer doivent bénéficier d'arrangements plus souples de façon à pouvoir s'occuper de leurs enfants et à gagner suffisamment d'argent pour leur procurer ce dont ils ont besoin. Quatrièmement, il y a le gouvernement.

Nous avons mis l'accent sur les investissements publics ici aujourd'hui, car c'est ce qu'on nous avait demandé de faire. On ne nous a pas demandé de parler de la situation des familles.

J'aimerais qu'il soit très clair que les investissements publics dont j'ai parlé et que recommande notre conseil ne doivent aucunement se substituer aux soins parentaux. Cela doit être absolument clair. Les maternelles, les garderies, les programmes destinés aux enfants de familles à faible revenu, comme par exemple les programmes de distribution de repas, l'accès aux médicaments et les soins dentaires... ce sont là des choses qui aident les parents à élever leurs enfants. Je ne vois pas pourquoi certains y verraient des substituts.

Nous publions chaque année une revue intitulée The Progress of Canada's Children, et nous y soulignons le rôle qui doit être joué par ces quatre partenaires pour élever de bons enfants. C'est comme une table: si une patte est trop courte, alors la table est branlante; il faut que les quatre pattes soient de la bonne longueur.

Je n'y vois donc aucun problème, mais je pense que certains investissements publics s'imposent pour non pas remplacer les parents, mais bien leur faciliter la tâche et les épauler.

Le président: Madame Atkin.

Mme Wendy Atkin: J'aimerais tout simplement souligner qu'un récent sondage de Statistique Canada montre que plus de 60 p. 100 des mères d'enfants âgés de moins de cinq ans doivent avoir un travail rémunéré. Même dans les ménages à deux revenus, l'on compte de plus en plus sur le salaire de la mère, alors je ne pense pas que l'on puisse ignorer l'importance de l'investissement public dans l'aide aux familles, au titre, par exemple, de services de garde d'enfants. Je ne pense pas non plus que l'on doive en venir à rejeter le blâme sur les parents, les accusant d'avoir fait le «mauvais» choix s'ils recourent à des services de garderie, car j'estime, pour ma part, que recourir à des services de garde d'enfants de qualité est un bon choix.

J'aimerais également vous rappeler qu'en ce qui concerne les parents qui choisissent de rester à la maison, premièrement, ils ont manifestement un niveau de revenu tel qu'ils peuvent s'offrir le luxe de ce choix, mais rares sont les gens dans ce cas. Deuxièmement, ils ont accès à une vaste gamme de ressources communautaires qui leur permettent d'obtenir le genre d'aide dont ils ont besoin pour que leur enfant vive une journée qui va stimuler son potentiel d'apprentissage. Je songe notamment aux centres communautaires, aux centres de loisirs, aux bibliothèques municipales, aux haltes-garderies, aux centres de ressources familiales... à toutes ces choses qui dépendent d'un mélange de travail bénévole et d'investissement public.

Merci.

Le président: Madame O'Connor.

Mme Martha O'Connor: Merci de votre question.

Chez nous, à la fondation, nous avons bien sûr vécu la très réelle et sincère responsabilité que ressentent les parents à l'égard de leurs enfants. Les programmes que nous prônons et appuyons n'enlèvent rien à cela, et je songe tout particulièrement à l'alimentation des enfants, qui est une responsabilité parentale fondamentale. Les programmes que nous appuyons et offrons ont à leur centre les parents et le contrôle parental, ainsi que l'ouverture à la contribution par les parents. Les parents veulent ce contrôle et ils veulent cette possibilité de contribuer, car ils estiment que nourrir leurs enfants est l'une de leurs premières responsabilités.

Nous ne voulons pas usurper la responsabilité parentale, mais plutôt, comme d'autres l'ont recommandé, appuyer les parents pour les aider à s'acquitter de leur responsabilité, sans pour autant usurper cette dernière.

Merci.

Le président: Merci. Madame Forsyth, pour une très brève réponse.

Mme Cecilia Forsyth: Comme je l'ai dit dans mon exposé, Revenu Canada fait de la discrimination à l'égard des familles à un seul revenu, qui sont, pour la plupart, les familles qui ont choisi de laisser un parent à la maison pour s'occuper des enfants. Le sacrifice financier que consentent ces parents constitue une énorme contribution à la société canadienne. La majorité de ces familles mono-actives, avec un parent au foyer, doivent lutter pour se débrouiller avec des rentrées d'argent très limitées. Elles font ce choix parce qu'elles estiment qu'il est important qu'un parent reste à la maison avec les enfants pour leur assurer les soins permanents, sûrs, constants et aimants que seul un parent peut offrir. Peu importe les sommes d'argent que l'on consacre à des services de garde d'enfants, cela ne saurait remplacer les soins parentaux.

• 1205

Il me faudrait également mentionner—et je pense avoir abordé cela—qu'à cause du taux d'imposition élevé, les familles subissent d'énormes pressions, et c'est là l'une des principales raisons pour lesquelles la plupart des femmes travaillent. Lors d'un sondage mené par Decima en 1991, 70 p. 100 des répondantes ont dit qu'elles préféreraient être à la maison avec leurs enfants si elles en avaient les moyens. C'est pourquoi la réduction des impôts, qui laisserait plus d'argent aux mains des contribuables, est si importante. Cela viendra, plus que tout le reste, renforcer les familles.

Les programmes gouvernementaux existent depuis longtemps. Nous ne nous sommes pas encore attaqués aux racines de la pauvreté. Toutes ces belles paroles au sujet des enfants... Les enfants appartiennent aux familles. Nous appuyons les enfants en appuyant les familles. La famille est le seul ministère de la santé, de l'éducation et des services sociaux qui fonctionne.

Le président: Merci beaucoup, madame Forsyth.

[Français]

Monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier: Ma question va s'adresser à M. Trent ou à M. Laurencelle.

Premièrement, je vous demanderais si votre organisme, Dialogue Canada, croit en la démocratie. Si oui, comment se fait-il que vous suggériez d'ajouter 31 millions de dollars pour la propagande anti-souverainiste au Québec, la propagande pro-fédéraliste? Pourquoi suggérez-vous d'ajouter 31 millions de dollars aux 100 millions de dollars déjà dépensés par le Bureau d'information Canada, par le Conseil privé pour la politique de distribution des drapeaux, pour le budget de la Fête du Canada, qui est passé de 1,4 million de dollars en 1995 à 15 millions de dollars cette année, soit une augmentation de 1 000 p. 100? Comment pouvez-vous, si votre organisme est animé par la démocratie, comme vous semblez le dire, faire une telle proposition?

M. John E. Trent (Dialogue Canada): Je crois qu'il est évident qu'à la racine de la démocratie se trouvent les individus. Les individus doivent être renseignés, ils doivent avoir de l'expérience, ils doivent avoir de la connaissance et ils doivent avoir la possibilité de se connaître.

Si vous avez lu notre présentation, même les résumés qui ont été distribués, vous allez savoir que nous n'avons pas l'intention d'augmenter les dépenses du gouvernement pour offrir de l'information ou, comme vous l'avez dit, pour faire de la propagande. Au contraire, ce que nous proposons est un programme d'échange qui va permettre aux Canadiens de se rencontrer et de se connaître. De cette façon, nous espérons réduire les tensions entre les régions, entre les groupes linguistiques et entre les différentes communautés.

M. Yvan Loubier: Votre politique, monsieur Trent, inclut-elle aussi un volet d'information pour le reste du Canada sur le mouvement souverainiste, sur ses racines profondes, sur le projet souverainiste comme tel, sur la démocratie qui entoure ce projet-là, sur l'offre de partenariat faite par les souverainistes au reste du Canada, sur de bonnes ententes comme le traité franco-allemand dont vous soulignez l'exemple et qui a fonctionné? J'ai lu tous vos textes de A à Z. Faites-vous une propagande uniquement dans un sens, c'est-à-dire pour vanter les vertus du fédéralisme et, dans ce cas-là, pour contourner la Loi référendaire québécoise, comme on l'a fait par le passé à coups de millions de dollars? Là ce serait 31 millions de dollars.

M. John E. Trent: Monsieur Loubier, j'espère bien que les Canadiens qui vont aller visiter le Québec vont apprendre à connaître, parmi autres choses, les aspirations de ceux qui prônent la souveraineté comme de ceux qui prônent le fédéralisme. Ils vont tirer des leçons de ceux qui parlent d'un partenariat comme de ceux qui croient que le pays du Canada offre la meilleure forme de pays possible.

J'espère aussi que les Québécois qui vont voyager ailleurs au Canada vont apprendre à connaître les bénéfices qu'ils ont déjà gagnés de ce grand pays et qu'ils vont aussi apprendre qu'il y a beaucoup d'amitié et beaucoup d'ignorance. Ces choses-là sont pour le bénéfice des deux groupes de citoyens qui vont se rencontrer.

• 1210

M. Yvan Loubier: Votre organisme, Dialogue Canada, prône les valeurs de la tolérance et de la démocratie. Donc, comment expliquez-vous que, dans votre annexe B, au troisième paragraphe, vous mettiez ensemble le Bloc québécois, le Parti québécois, le Ku Klux Klan, l'Heritage Front et le Parti réformiste?

M. John E. Trent: Il va falloir que je relise cela.

M. Yvan Loubier: À l'annexe B, au troisième paragraphe, vous dites:

[Traduction]

«Il existe de nombreux groupes solides et actifs...»

[Français]

M. John E. Trent: Excusez-moi. C'est l'annexe B?

M. Yvan Loubier: Oui, et c'est le troisième paragraphe, et on dit que dans les années 1990:

[Traduction]

    Il existe de nombreux groupes solides et actifs qui représentent les clivages dans notre société. Le séparatisme prêché par le PQ et le Bloc québécois [...]

[Français]

Plus loin, on parle du Mouvement national des Québécois, du Parti réformiste, du Heritage Front et du Ku Klux Klan.

M. John E. Trent: À quelle page encore?

M. Yvan Loubier: Au troisième paragraphe de la première page de l'annexe B. Vous mettez dans un même paragraphe ce que vous appelez des groupes forts et très actifs qui représentent les clivages dans notre société. Vous mêlez le Parti québécois, le Bloc québécois, le Mouvement national des Québécois, l'Heritage Front et le Ku Klux Klan, les groupes qui croient en la suprématie blanche.

M. John E. Trent: Je crois que c'est évident quand on parle des clivages dans la société.

M. Yvan Loubier: Et vous mêlez les partis politiques qui ont été créés par des militants pour lesquels les électeurs ont voté avec des groupes racistes et des groupes qui prônent la suprématie blanche. Vous trouvez cela évident et normal?

M. John E. Trent: Ce sont peut-être les groupes eux-mêmes qui devraient voir cette évidence. Nous, nous croyons qu'il y a dans la société ceux qui prônent des clivages. On parle à la fois des anglophones qui veulent le faire et des francophones.

M. Yvan Loubier: Et vous pensez qu'en présentant les choses comme cela et en vous présentant comme un groupe qui prône des valeurs démocratiques et des valeurs de tolérance, vous allez réussir à diminuer les clivages? Vous pensez éclairer les gens lorsque vous mettez les partis politiques dûment constitués et des groupes racistes canadiens et internationaux au même endroit? C'est comme cela que vous contribuez à l'éducation populaire et à rapprocher les Canadiens et les Québécois?

M. John E. Trent: Je crois que vous avez vu là-dedans qu'on met dos à dos des groupes des deux côtés, qu'ils soient anglophones ou francophones, qui prônent des attitudes racistes, etc. Je crois que ce qui est essentiel...

[Traduction]

Le président: Monsieur Harris.

M. Dick Harris: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. J'ai commencé à lire ce document que nous a présenté Dialogue Canada et qui a été rédigé par M. Chris Gill et M. John Trent, qui sont ici parmi nous. Il me faut vous dire que je trouve le troisième paragraphe de ce mémoire absolument inacceptable. Il n'a pas du tout sa place dans le cadre des audiences du comité.

Monsieur le président, je demande que ce document soit tout de suite retiré et que M. Trent présente immédiatement des excuses officielles pour avoir déposé ce document.

Lier le Parti réformiste et le Bloc québécois et d'autres groupes à des organisations tels le Heritage Front, le Ku Klux Klan... Cela me fait honte, monsieur, que vous soyez venus à cette réunion avec un tel document.

[Français]

Le président: Monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'appuie la demande du Parti réformiste. Je trouve cela tout à fait dommage qu'un organisme qui se présente comme un organisme de rapprochement en arrive à mettre dans le même paquet des groupes racistes, des groupes criminels et des partis politiques dûment constitués, animés d'un profond sentiment de démocratie, qui veulent faire avancer leurs idées dans la démocratie et non dans la confrontation, qui veulent faire en sorte que le débat démocratique soit éclairé et non pas mélangé, comme Dialogue Canada est en train de le faire en prétendant faire le contraire. Je trouve cela tout à fait inacceptable et je suis d'accord avec mon collègue du Parti réformiste. Il faut retirer ce document-là. Je trouve odieux qu'on présente les choses comme cela.

Je m'excuse envers les autres invités, parce qu'à cause d'une stupidité comme celle-là, on passe à côté de problèmes qui sont fondamentaux dans la société québécoise et canadienne.

• 1215

[Traduction]

Mme Paddy Torsney: Si vous me permettez, je n'ai pas eu l'occasion de lire le document dans son entier. Je ne suis peut-être pas favorable à son contenu, mais je ne sais trop comment l'on pourrait demander à quelqu'un de retirer quelque chose du domaine public. Vous pouvez ne pas être d'accord... Je peux ne pas être en accord avec ce que disent quantité d'organisations, mais je ne sais trop comment leur demander de retirer quelque chose.

M. Dick Harris: Monsieur le président, en invoquant le Règlement, j'ai été très clair et très précis. Je veux que ce document soit retiré et j'aimerais que Dialogue Canada nous présente des excuses officielles.

Le président: J'ai pris bonne note de votre rappel au Règlement.

Monsieur Trent.

M. John Trent: J'aimerais répéter que si vous lisez attentivement le document, il ne dit qu'une chose, et c'est qu'il existe au Canada de nombreux groupes qui—et le texte est là—prônent la division et les clivages au sein de la communauté canadienne. C'est là le seul dénominateur commun de ces groupes. C'est tout ce que nous disons et c'est la seule chose que nous déclarons dans le document. Nous soulignons cette seule caractéristique.

Je pense qu'il est temps, monsieur le président, que l'on reconnaisse qu'il y a des groupes qui se consacrent à promouvoir des clivages dans la société canadienne et qu'à cause de cela il nous faut investir dans des éléments qui permettront aux citoyens canadiens d'apprendre à se connaître et de s'élever par-dessus ces clivages. C'est tout ce que nous disons, rien de plus. Nous ne parlons pas des autres aspects de ces organisations.

Le président: Merci, monsieur Trent.

Une dernière observation de M. Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur le président, le fait est que, dans ce paragraphe, on parle de groupes actifs et forts qui représentent les clivages de la société et on met des partis politiques sur le même pied que des groupes activistes de suprématie raciale blanche comme le Ku Klux Klan ou le Heritage Front. C'est tout à fait inacceptable. En politique, il y a 95 p. 100 d'apparence et 5 p. 100 de contenu. L'apparence de ce paragraphe-là de même que son contenu nous présentent sur un pied d'égalité le Bloc québécois, le Parti québécois, le Parti réformiste et le Ku Klux Klan.

Je n'accepterai jamais qu'à un comité de la Chambre des communes... La Chambre des communes respecte notre représentativité. Le système démocratique respecte notre représentativité et, par extension, je n'accepterai jamais qu'un comité de la Chambre refuse notre représentation démocratique et nous traite de racistes en nous mettant sur le même pied que des groupes racistes comme le Ku Klux Klan. Donc, je réitère la demande de mon collègue du Parti réformiste: que l'on retire l'annexe B. Je trouve cela tout à faire inacceptable.

En plus, ils en remettent en disant qu'il faut reconnaître qu'il y a aujourd'hui des groupes qui font des clivages. Franchement...

[Traduction]

Le président: Nous avons entendu l'exposé. Le témoin peut retirer le document s'il le désire.

M. John Trent: Monsieur le président, si cela a créé un malentendu, ce qui n'était pas notre intention, ni celle des expressions employées, et si ces personnes veulent que l'annexe B soit retirée, nous n'y voyons pas d'inconvénient. S'ils veulent faire cela, cela ne nous pose pas de problème, car l'essentiel, et ce que les deux partis tentent, je le crains, de surmonter, est précisément ce que nous proposons dans le cadre de notre programme d'échange. Nous trouvons triste qu'en prenant un paragraphe hors contexte ils évitent de discuter de notre véritable objectif qui, comme vous pouvez le voir dans notre principal document, est la promotion d'échanges entre Canadiens.

Le président: Je pense que cela est maintenant clair.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier: On n'essaie pas de passer à côté. On essaie d'aller en plein dedans. Si je n'avais pas lu l'ensemble des documents et vu la façon dont vous traitiez les partis politiques et la démocratie, en les mettant sur un pied d'égalité avec le Ku Klux Klan, j'aurais peut-être été animé par une certaine complaisance, mais je n'aurais pas accepté votre projet parce que pour moi, ces 31 millions de dollars seraient dépensés directement pour contrer le projet souverainiste québécois.

• 1220

En lisant cela, j'ai vu ce qu'il y avait derrière votre demande. J'ai vu quel type d'analyse vous faisiez. J'ai vu quel type d'analyse se cachait derrière vos bons sentiments de compassion et de rapprochement entre les différents éléments de la société québécoise et canadienne. C'est là que j'ai complètement déchanté. Je peux vous dire que ce n'est pas contourner les choses, mais bien appeler les choses par leur nom. Ce paragraphe-là me donne une bonne idée de la nature de votre groupe.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup de votre observation. Je pense que le document a été retiré, alors cette question est maintenant réglée.

M. Dick Harris: Monsieur le président, la deuxième moitié de mon rappel au Règlement n'a pas encore été réglée...

Le président: Et c'était...

M. Dick Harris: ... une demande d'excuses officielles de l'organisation pour avoir déposé ce document.

Le président: Je pense que M. Trent a déclaré qu'il le retire sur la base du malentendu.

M. Dick Harris: Non, ce n'est pas un problème de malentendu. J'ai très bien compris ce que dit le troisième paragraphe et j'ai très bien compris l'objet de l'inclusion de ce paragraphe, et j'ai demandé des excuses.

Le président: Monsieur Trent, allez-vous faire des excuses?

Vous ne pensez pas que le retrait du document suffise?

M. Dick Harris: Non.

Le président: Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: A-t-on entamé une nouvelle ronde?

Le président: Non, ce sera tout.

Mme Paddy Torsney: Bien que je puisse être en désaccord avec certains aspects d'un exposé, il y a eu d'autres exposés présentés au comité avec lesquels j'étais également en profond désaccord. Pour être juste, le comité ne s'intéresse pas à la censure et nous ne pouvons pas limiter les pensées et les écrits des gens, et il s'agit de toute façon ici d'une annexe au document principal. L'annexe a déjà été retirée; elle n'est même plus sur la table. Je pense que l'intéressé a déjà dit regretter que son exposé ait créé un malentendu.

Le président: C'est ce que j'ai entendu.

Mme Paddy Torsney: Vais-je demander à un autre groupe dont je n'aime pas la position de retirer son mémoire parce que je ne suis pas d'accord? C'est inexcusable. Il suffit de dire qu'on n'est pas d'accord. Vous leur posez des questions pour mettre en relief les divergences d'opinion et vous passez à autre chose.

Le président: Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'aimerais ajouter une chose. Si on avait parlé du Parti libéral du Canada, du Parti québécois, du Bloc québécois, du Parti réformiste et du Ku Klux Klan, Mme Torsney aurait-elle eu la même attitude conciliante?

[Traduction]

Le président: Madame Torsney, je vais m'occuper de cela moi-même.

À mon avis, la question a déjà été réglée avec le retrait du document.

J'aimerais, au nom du comité, remercier tous les participants à la table ronde. Vous avez soulevé des questions très intéressantes. Le défi qui revient, bien sûr, au comité, est le suivant: nous vivons en effet une nouvelle ère économique et pour la première fois depuis fort longtemps on est en train de se pencher sur la question des dividendes financiers. Les suggestions que vous nous avez faites nous ont donné matière à réflexion et je suis convaincu que certaines des idées qui ont été exprimées autour de cette table feront partie du rapport au ministre des Finances. Merci beaucoup, donc, au nom du comité.

La séance est levée.