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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 19 janvier 1998

• 1212

[Traduction]

Le président (M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.)): La séance du Comité permanent des pêches et des océans est maintenant ouverte pour l'étude des pêches de la côte Ouest conformément au paragraphe 108.(2) du Règlement.

Nous avons ici aujourd'hui, mesdames et messieurs, des députés de chacun des cinq partis politiques représentés à la Chambre des communes. Nous avons le principal porte-parole de chacun des partis politiques à la Chambre des communes. Avant de débuter la séance, je tiens à vous présenter les députés, pour que leurs noms soient consignés au compte rendu.

M. Peter Stoffer est le porte-parole du Nouveau Parti démocratique du Canada. Il est de la Nouvelle-Écosse.

Yvan Bernier est le porte-parole du Bloc en matière de pêches.

L'honorable Bill Matthews, ancien ministre provincial des Pêches de la province de Terre-Neuve, est le porte-parole du Parti progressiste-conservateur du Canada.

Sophia Leung représente le Parti libéral du Canada. Elle est députée libérale de la province de la Colombie-Britannique.

Charles Hubbard est du Parti libéral du Canada. Il représente le Nouveau-Brunswick.

M. Carmen Provenzano est avocat. Il nous aide parfois avec les libellés de certaines de nos résolutions. Il est de l'Ontario et représente le Parti libéral du Canada.

À mes côtés, vous voyez le secrétaire parlementaire, ministre en second, Pêches et Océans. Il est du côté libéral, bien entendu, et il représente l'Île-du-Prince-Édouard.

Tout le monde connaît le député Mike Scott. Je n'ai pas besoin de le présenter ni de dire de quelle province il est. Il est de la Colombie-Britannique.

Le député John Duncan est le porte-parole officiel du Parti réformiste du Canada. Il est bien entendu de la Colombie-Britannique.

Le vice-président du Comité des pêches, le député Gary Lunn, est lui aussi avocat, tout comme M. Provenzano. Ces gens-là sont des experts pour ce qui est du libellé juridique, et ils apportent leur concours au comité. M. Lunn est lui aussi du Parti réformiste du Canada et représente la Colombie-Britannique.

Mesdames et messieurs, voilà les députés. Je suis pour ma part George Baker, président du comité. Il y a quelque 24 ans que je siège à la Chambre des communes. Les pêches jouent aussi un rôle important dans ma circonscription, qui se trouve sur la côte est du Canada.

Tous les partis politiques sont représentés. Nous sommes ici pour visiter le littoral de la Colombie-Britannique autant que possible, étant donné que nous n'avons qu'une semaine. Nous avons choisi 10 endroits pour y tenir des audiences publiques. Au cours de ces audiences, nous entendrons les personnes qui figurent sur une liste préliminaire parce qu'elles ont demandé à témoigner devant le comité. Nous entendrons ces personnes tout au long de la journée, de sorte qu'il y aura bien des gens qui se présenteront à divers intervalles au cours de la matinée et de l'après-midi et ils n'auront pas besoin d'attendre des heures avant de pouvoir prendre la parole.

• 1215

Par ailleurs, nous sommes aussi prêts à entendre les gens qui se trouvent dans la salle. Autrement dit, il n'est pas nécessaire d'être sur la liste. Nous sommes ici pour écouter les pêcheurs de la Colombie-Britannique et nous vous donnerons l'occasion de vous faire entendre.

Au départ, chacun disposera de 10 minutes. Nous vous saurions gré de ne pas prendre plus de temps que cela.

Je tiens tout d'abord à donner la parole au porte-parole du Nouveau Parti démocratique du Canada, Peter Stoffer, qui m'a demandé d'expliquer que Svend Robinson aurait été là, mais qu'il a eu un accident et qu'il ne pourra donc pas être des nôtres. M. Robinson a donc demandé à M. Stoffer de présenter ses excuses.

J'invite le député Mike Scott à déclarer la séance officiellement ouverte et peut-être aussi à dire quelques mots.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président; et merci à tous ceux qui sont venus aujourd'hui.

Le président, M. George Baker, m'a gentiment permis de dire quelques mots, ce que j'apprécie beaucoup.

Voici une excellente occasion pour les habitants de la côte Nord de parler directement au comité, qui transmettra ensuite le message au ministre. Au cours des quatre dernières années, en ma qualité de député, j'ai souvent écrit des lettres au ministre et à divers fonctionnaires à propos de toutes sortes de questions. Pour tous ceux qui m'ont fait part de leurs très graves préoccupations au sujet de l'orientation et des politiques du ministère des Pêches et des Océans, c'est l'occasion idéale d'en saisir directement le comité.

Je sais que beaucoup d'entre vous sont en désaccord avec les orientations du ministère des Pêches et des Océans. Vous n'êtes satisfaits ni de sa stratégie ni de ses décisions. Je comprends bien votre point de vue, et je le partage, car je sais que bon nombre de décisions n'ont pas été prises dans l'intérêt de la côte Nord.

Si vous êtes insatisfaits, je vous demande de ne pas diriger votre colère contre notre comité, car nous sommes venus ici pour recueillir de l'information et nous l'espérons, apporter un changement dans la bonne direction. Je vous demande donc de faire preuve de respect envers les membres du comité. Certains d'entre eux sont venus de très loin, d'aussi loin que Terre-Neuve. Je sais que vous voulez tous vous joindre à moi pour leur souhaiter la bienvenue à Prince Rupert et sur la côte Nord. Quand je suis à Ottawa, je leur dis toujours que c'est la plus belle région du Canada, et nous avons maintenant l'occasion de le prouver.

Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous. J'ai hâte que la réunion commence pour de bon et d'entendre les divers exposés.

Le président: Merci, monsieur Scott.

Nous demanderons maintenant au vice-président de convoquer le premier témoin de la journée. Monsieur Lunn.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais juste faire quelques petites annonces avant de commencer.

Je voudrais d'abord m'assurer que tout le monde comprend bien le mandat du comité. Comme l'a dit M. Baker, nous sommes ici pour entendre les gens de la Colombie-Britannique. Ce comité n'est pas le gouvernement du Canada. Nous ne relevons pas du ministère des Pêches et des Océans, mais plutôt de la Chambre des communes. Vous pouvez donc être assurés que tous vos commentaires et tout ce qui est dit ici aujourd'hui... Nous allons rédiger, avec la collaboration des cinq partis politiques, un rapport qui sera ensuite soumis à la Chambre des communes; et nous ferons des recommandations. Nous ne sommes pas le gouvernement ni le ministère des Pêches et des Océans, mais nous nous ferons vos porte-parole, et nous espérons que des mesures constructives seront prises par la suite.

• 1220

Deuxièmement, nous serons ici jusqu'à 16 heures. Il se peut que plusieurs d'entre vous ne figurent pas sur la liste de témoins. Cette dernière n'est pas définitive. Le programme de ce matin est presque complet, mais si certains d'entre vous ne peuvent être ici que ce matin, je vous demande de donner votre nom à l'homme ici dans le coin, parce que nous voulons entendre vos commentaires et nous vous accorderons quelques minutes. Nous essaierons de vous entendre ce matin. Je voudrais aussi mentionner que nous aurons des microphones ouverts, probablement cet après-midi, que vous pourrez tous utiliser pour faire vos remarques.

Cela dit, j'aimerais demander au maire de Prince Rupert, M. Mussallem, de dire quelques mots.

M. Jack Mussallem (maire de Prince Rupert, Colombie-Britannique): Mesdames et messieurs, merci d'être venus à Prince Rupert. La pêche a beaucoup d'importance pour nous ici et à l'heure actuelle il y a énormément d'incertitude concernant la pêche sur la côte Ouest et l'industrie elle-même.

L'industrie de la pêche compte pour une grande partie de notre économie locale. Je ne crois pas que vous ayez encore eu l'occasion de faire le tour de notre ville, mais vous verrez que dans le secteur riverain se trouve la plus grosse usine de mise en conserve de saumons au monde. Même s'il est question de durabilité économique, de développement économique et de diversification économique, Prince Rupert, c'est d'abord et avant tout une communauté axée sur la pêche, et ce depuis bien des années, et nous continuons de jouer un rôle prédominant dans l'industrie de la pêche. Plus important encore, nous voulons continuer de jouer un rôle prédominant ici.

Je dois vous dire qu'une partie de l'incertitude a été créée par le plan Mifflin. Une partie de l'incertitude vient aussi des problèmes engendrés par le Traité sur le saumon du Pacifique—plus précisément, les ajouts au document principal.

Ce problème du Traité sur le saumon du Pacifique doit être réglé sans délai. Ici, à Prince Rupert, nous transformons le saumon qui nous vient des deux côtés de la frontière et, bon an, mal an, de 40 à 60 p. 100 de ce poisson nous vient de l'Alaska. C'est très important pour notre économie locale ainsi que pour nos travailleurs à terre.

Je vous prie donc de dire aux décideurs du gouvernement de regarder de très près ce plan Mifflin. Ce plan Mifflin doit être revu. Ses répercussions ont été et continueront d'être imprévisibles et énormes et ses implications pour les communautés côtières de la Colombie-Britannique ont une très grande portée.

Je ne peux pas vous exposer les choses plus clairement que cela. Les gens d'ici souffrent à cause de ce qui s'est passé au niveau des pêcheries de la côte Ouest. Les gens d'ici ont vraiment peur. Nous ne voulons pas devenir le pendant de ce qui s'est passé sur la côte est du Canada. Il nous faut un plan stratégique pour aider nos gens pendant un certain nombre d'années. Les gens savent qu'il n'y aura plus autant de travailleurs oeuvrant au niveau des pêcheries de la côte Ouest que par le passé. Cependant, il y a toute une variété d'espèces à pêcher au large de la côte ouest du Canada et il faut certainement explorer de nouvelles pêcheries.

Il nous faut aussi une stratégie de transition à long terme pour ceux qui ne pourront désormais plus travailler au sein de cette industrie. Il s'agit de gens qui n'ont jamais rien fait d'autre de leur vie. Il s'agit de gens dont les familles, pendant des générations, ont vécu des fruits de l'industrie de la pêche sur la côte Ouest. Une stratégie de transition à long terme permettra aux gens de suivre une nouvelle formation pour travailler dans d'autres industries. Les gens d'ici ne pensent désormais plus qu'ils pourront travailler pendant l'été et jouir d'une quelconque forme d'aide pendant l'hiver. Les gens d'ici veulent travailler—nous sommes une collectivité très active—mais les gens doivent savoir qu'ils peuvent effectuer une transition d'une industrie à l'autre.

• 1225

Le Centre communautaire de développement des pêcheries ici à Prince Rupert a aidé pas mal de monde pendant l'année qui vient de s'écouler. Ils ont conçu de bons programmes. Les critères pour certains de ces programmes ont changé, ce qui a créé quelques problèmes cette année au niveau de leur mise en oeuvre. Cependant, à titre de maire, j'ai travaillé avec le bureau local de Développement des ressources humaines Canada et le ministère des Pêches et des Océans pour trouver de l'emploi aux gens qui normalement auraient travaillé dans l'industrie de la pêche pendant l'été. Même si ces programmes sont bons en hiver, ce n'est peut-être pas la seule considération. Les gens qui peuvent travailler hors saison au niveau de ces divers programmes s'y intéressent, sans aucun doute. Le sort du poisson et de son habitat les préoccupe et c'est pour nous une occasion d'aider à améliorer l'habitat des pêcheries et une partie de l'environnement en ayant recours à certaines méthodes douces et à d'autres.

Ici on fait une très grande distinction entre la pêche commerciale et la pêche sportive commerciale. La pêche sportive commerciale est importante, mais c'est surtout la pêche commerciale qui nous fait vivre. Bon nombre des personnes assises derrière moi descendent, comme moi, des pionniers qui ont fondé cette collectivité. Bon nombre viennent des villages périphériques. La pêche a toujours fait partie de leur vie et constitue leur gagne-pain. C'est donc une question qui nous tient à coeur.

Il faut prévoir des mesures à long terme pour les gens que je représente—comme je l'ai dit tout à l'heure, ces mesures doivent nous aider aujourd'hui mais aussi à long terme. Il va falloir faire une planification, prévoir une période de transition et dépenser de l'argent. Cette collectivité tient à progresser. Nous voulons améliorer notre qualité de vie. À maintes reprises, des gens sont venus me dire: «J'ai un emploi. Je ne sais pas ce qui se passe dans le secteur des pêches. Le secteur forestier m'inquiète également. Où est-ce que mes enfants vont pouvoir trouver de l'emploi?»

Nous sommes ici pour discuter du moment présent, mais nous sommes également ici pour parler de l'avenir.

J'aimerais vous soumettre un rapport. D'autres personnes qui sont ici aujourd'hui vont vous parler de ce rapport, qui a été rédigé par quelqu'un qui connaît très bien l'industrie de la pêche. Ce rapport contient des chiffres compilés par un comptable de la région qui, dans sa jeunesse, était pêcheur de flétan. Ce rapport s'intitule Report on the Effects on Prince Rupert of this Fishing Season, 1997 (Rapport sur la saison de pêche et son impact sur Prince Rupert, 1997). C'est un rapport très à jour qui vous aidera à comprendre les défis auxquels nous faisons face et dont vous allez sûrement entendre parler. En effet, il s'agit de problèmes que les décideurs du gouvernement vont devoir tenter de résoudre.

Cette collectivité a besoin, avant tout, d'un engagement de la part du gouvernement fédéral. Nous voulons travailler avec le gouvernement fédéral—avec tous les paliers gouvernementaux. Nous voulons trouver la meilleure solution possible aux problèmes que connaît l'industrie de la pêche de la côte Ouest. Les gens ici se rendent compte qu'il y aura sans doute moins de travailleurs dans ce secteur, mais qu'il est toujours bon, toujours viable. On envisage la possibilité de pêcher et de transformer d'autres espèces. Prince Rupert veut être associé à lÂentreprise.

Je vous remercie de votre attention.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Je donne la parole au maire de Masset, M. Dave Penna.

M. Dave Penna (maire de Masset, Colombie-Britannique): Bonjour. Ma perspective sera un peu différente de celle de Jack. J'ai remis à la plupart d'entre vous un document—et je présente mes excuses à ceux qui ne l'ont pas reçu—qui explique l'impact sur nos collectivités des décisions prises par le gouvernement et par l'administration dans le domaine de la pêche.

Je viens de Masset, dans les îles de la Reine-Charlotte. Quoique notre région figure parmi les plus riches en ressources au monde, notre taux de chômage dépasse celui de Terre-Neuve, surtout en raison de la politique du gouvernement et de l'époque où nous vivons, en constante évolution. Mais nous ne pouvons pas nous contenter de pointer le gouvernement du doigt, et surtout pas le gouvernement fédéral tout seul.

• 1230

Nous avons réduit les effectifs du ministère de la Défense nationale. Pas de problème. Nous avons notre industrie de la pêche. Petro-Canada, qui appartient en partie au gouvernement, a décidé qu'elle va fermer ses portes. Cette entreprise éprouve des problèmes environnementaux et a décidé de fermer l'usine et d'assainir le lieu plutôt que de la garder ouverte. Fini notre alimentation en carburant marin.

Et ensuite Fred Mifflin arrive. Nul besoin d'ajouter quoi que ce soit.

Entre le ministère de l'Emploi. Le gouvernement exige une coupure de 10 p. 100. Je suis certain que mes copains réformistes conviendront qu'il faut faire cela de temps à autre. Dix pour cent. L'ennui, c'est que les îles de la Reine-Charlotte n'ont plus de services. Lorsqu'on a réduit de 10 p. 100, on a éliminé les deux travailleurs qui se trouvaient sur les îles. Partis.

Ensuite, on s'est intéressé à Prince Rupert pour y trouver un autre 20 p. 100. John Taylor, de Terrace, a respecté son quota de 10 p. 100 en éliminant tous les services d'emploi qui se trouvaient aux îles de la Reine-Charlotte et en réduisant d'environ 30 p. 100 les services ici à Prince Rupert. D'après moi, ce n'est pas une bonne façon de servir les contribuables.

Et voilà Pêches Canada et ses allocations aux camps. Nous avons 13 de ces camps de pêche dans les îles de la Reine-Charlotte. Nous avons des gens là au coin de la rue, qui sont au chômage, qui regardent des avions pleins de cohos et de saumon du Pacifique qui s'en vont dans tout le pays alors qu'ils sont là les mains dans les poches. Le gouvernement déclare qu'il faut se montrer plus strict vis-à-vis de ces gens qui ne travaillent pas à plein temps; qu'il faut que les conditions soient plus sévères pour obtenir l'assurance-chômage. Pendant ce temps-là, ils emportent toujours davantage de nos ressources, ce poisson dont vivent les gens depuis des centaines d'années, et depuis des milliers d'années si l'on pense à nos frères autochtones. Ce n'est pas simplement un gagne-pain que vous leur retirez. Pour la plupart, ils ne peuvent même pas toucher l'assurance-chômage parce que vous n'avez pas laissé suffisamment de poisson pour leur permettre de travailler assez longtemps pour être admissibles aux prestations.

L'assistance publique, ce n'est pas très réjouissant. La plupart d'entre vous se moquent de nous quand nous touchons des prestations.

Je passerai brièvement à une autre chose, le rapport ARA. Je sais que cela devient de plus en plus la bible du gouvernement et de l'administration. Il présente pourtant certains gros problèmes et je sais que beaucoup y reviendront aujourd'hui.

Pour ce qui est des avantages fiscaux, les camps sont, pour beaucoup de sociétés, déductibles aux fins de l'impôt. Au moins certains de ces camps appartiennent à des gens qui ont d'autres entreprises et qui les utilisent ainsi que le poisson et nos ressources strictement comme déduction fiscale. Il n'en est pas question dans le rapport ARA. C'est une énorme subvention gouvernementale, quelque chose comme 25 p. 100. Quand on considère ce que rapportent ces camps, j'oublie les chiffres, de 20 à 30 millions de dollars par an, le gouvernement en subventionne quelque 7 à 10 millions de dollars. Cela ne représente pas un gros avantage économique pour la population des îles de la Reine-Charlotte; peut-être qu'à certains endroits—peut-être que ça rapporte à Campbell River, je ne sais pas, Johnny—mais certainement pas dans les îles de la Reine-Charlotte.

Nous avons des concessions d'eau que le gouvernement juge bon de distribuer. Bob Wright, qui a le Charlotte Princess, est là-dessus avec quelque 30 à 40 bateaux de 14 à 16 pieds. Il a un équipage qui pêche tous les jours. La valeur fiscale de sa concession d'eau est de 66 000 $ par an. C'est environ la moitié de la valeur fiscale d'une maison ordinaire ici, à Prince Rupert. Il ne contribue certainement pas à l'assiette fiscale.

• 1235

Une des lettres que vous avez là traite de notre quai. C'est là que la politique gouvernementale fait peur. Encore une fois, le gouvernement a décidé de faire des compressions budgétaires. Nous n'avons pas vu le chef des pompiers à Masset une seule fois en 25 ans. Peu après que le gouvernement ait décidé de procéder à des compressions budgétaires et de se débarrasser du quai pour le laisser entre nos mains après nous avoir privés de la principale ressource qui permettait de l'exploiter, voilà les bureaucrates qui arrivent. Ils vont maintenant s'occuper de nous. Comme l'indique la lettre, ils ne voient aucun inconvénient à ce que nous dépensions 1 à 1,5 million de dollars pour améliorer nos installations afin de pouvoir ne serait-ce qu'alimenter nos bateaux en carburant.

Il faudrait tout de même une certaine rationalisation. Il faudrait que le gouvernement réfléchisse aux conséquences précises et générales de sa politique.

J'en resterai là, sauf que je souhaite la bienvenue à notre ami du Bloc québécois. Nous avons échangé quelques mots hier soir. Je dois vous dire que les îles de la Reine-Charlotte envisagent l'Alaska ou le Québec. Le Canada ne leur a pas offert grand-chose dernièrement et nous déciderons peut-être de vous suivre.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Penna.

Monsieur Greene, s'il vous plaît.

M. Paddy Greene (témoignage à titre personnel): Merci. Bienvenue dans notre coin du monde. Je sais qu'il est difficile pour vous de vous déplacer avec une telle caravane et tout ce matériel.

Comme le maire de Masset, je vais vous dire que je ne suis pas très satisfait principalement du ministère des Pêches et des Océans. J'ai commencé il y a de nombreuses années—plus longtemps que je ne voudrais l'admettre—comme employé du ministère. Lorsque j'avais 14 et 15 ans, l'été, j'étais cuisinier en chef, laveur de bouteilles et matelot sur un bateau patrouilleur de louage. Quand j'ai eu 16 ans, j'ai commencé à gagner sérieusement de l'argent en travaillant à terre. À 18 ans, j'étais propriétaire de mon premier bateau et j'avais le plaisir d'aller dans le coin de M. Penna pêcher le saumon à l'extrémité des îles de la Reine-Charlotte et sur le reste de la côte.

J'ai pêché pratiquement toute ma vie. Je me suis aussi intéressé à la transformation à titre de président-directeur général du syndicat des pêcheurs hauturiers. J'ai été membre de divers conseils. Le sous-ministre Needler, il y a des années, du temps de Roméo LeBlanc, m'a mis au défi de m'engager. Je l'ai fait.

Autrefois, lorsqu'on parlait au ministère et aux gradés du ministère de façon raisonnée et raisonnable, on vous entendait. Au moins on tenait compte de ce que vous disiez. Il y avait probablement deux grosses différences à l'époque. D'une part, le ministre s'intéressait davantage aux dossiers et avait certainement quelqu'un d'autre pour diriger les choses au 200, rue Kent, adresse de Pêches et Océans.

Le gouverneur général, après avoir été ministre et être passé au Sénat... J'avais bavardé avec lui parce que c'était un vieil ami. Chaque fois que Roméo venait en Colombie-Britannique, il venait à Rupert, parce que c'était un centre de pêche et il aimait beaucoup cela. Je me plaignais à lui du problème que nous avions avec l'administration. Il a dit que ce qui était arrivé de pire au ministère des Pêches et des Océans était arrivé sous le règne de De Bané, quand il avait autorisé les organismes centraux à se saisir du ministère des Pêches et des Océans. Autrefois, c'était un ministère indépendant où tous les fonctionnaires y faisaient carrière, à tous les échelons, si bien qu'ils s'intéressaient au poisson. Maintenant, il arrive très souvent qu'aux grades supérieurs de la hiérarchie, ce ne soit pas des gens qui servent l'État mais des bureaucrates tournants.

J'ai l'impression qu'ils profitent des ministres. Parmi les ministres, il y a les bons, les bêtes et les truands. Je dirais que les bureaucrates profitent du changement de ministres.

• 1240

Je dirais qu'à l'heure actuelle nous avons un ministre décidé. Il est bon d'avoir un ministre qui a un peu d'autorité. J'ai demandé à M. Anderson comment cela se passait lorsqu'il y avait un changement de ministres. S'il demandait ce qui se passait, ce qui s'était passé avant et où on en était? Il m'a répondu que cela dépendait du ministre: il y en a qui veulent le savoir, d'autres pas.

Mon problème... Et, d'ailleurs, ce n'est pas mon problème; c'est notre problème en Colombie-Britannique pour ce qui est des pêches, c'est que lorsqu'un ministre prend un engagement... Voici un exemple, très précis, qui est extrêmement important, surtout sur la côte Nord et pour l'industrie de la pêche. C'est quand le plan appelé Mifflin a été mis sur pied et que Brian Tobin, que je considérais comme un bon ministre, y avait participé.

Il va sans dire que si l'on jette un paquet de poissons à terre et que l'on distribue des couteaux, les pêcheurs vont se bagarrer avec acharnement, presque avec autant d'acharnement que lorsqu'il est question de conservation. Je ne plaisante pas. Les pêcheurs sont des conservateurs et ont beaucoup fait pour préserver les ressources.

Lors d'une séance de discussion sur ce projet de restructuration que l'on a appelé le plan Mifflin, on a soulevé une question extrêmement importante. C'était les modes de pêche traditionnels, par engin et selon le lieu. Une grosse bagarre a commencé. Une énorme bagarre autour de la table, selon que l'on vivait dans le détroit de Johnstone ou à Prince Rupert ou encore sur la côte ouest des îles de la Reine-Charlotte ou à Vancouver. Tobin a dit: «Cessez cela. Je prends une décision. Arrêtez de discuter de la question. Je vous garantirai votre accès traditionnel à ces espèces par engin et par lieu de pêche. Il y aura peut-être certains petits rajustements dans les chiffres mais, à titre de ministre des Pêches et des Océans, je vous dis, cessez de vous battre à ce sujet, parce que j'ai pris une décision. Vous pouvez conserver vos modes de pêche traditionnels.»

Tout allait bien. Tout le monde a cru Tobin et nous avons arrêté de nous disputer à ce sujet et sommes passés à d'autres choses pour parvenir à une liste très ferme. J'étais très fier de l'industrie parce que je jugeais qu'il était en effet nécessaire d'envisager une restructuration. Il fallait diminuer la flotte et nous avons suggéré de le faire dans un certain nombre d'endroits pour que cela se fasse convenablement sans dérapage.

Ce qui s'est produit en réalité, c'est que le ministère des Pêches et des Océans est parti avec cette liste et en a extrait ce qui l'intéressait. Il a pris ce qu'il voulait et jeté le reste par la fenêtre.

Dans ce cas particulier, c'était la garantie du ministre Tobin. Pour nous, sur la côte Nord, c'était l'accès au sockeye du Fraser sur la côte ouest des îles de la Reine-Charlotte. Le sockeye du Fraser, comme vous le savez certainement, suit la côte vers le Sud pour revenir dans le Fraser. Nous avons traditionnellement eu accès au sockeye du Fraser sur la côte ouest des îles de la Reine-Charlotte, à la fois pour nos bateaux aux lignes traînantes et pour nos senneurs.

D'ailleurs, en fait de prises accessoires, la pêche au sockeye du Fraser sur la côte ouest des îles de la Reine-Charlotte est la plus nette. Si vous voulez prendre du sockeye du Fraser et pas d'autres espèces, le meilleur endroit pour le prendre, c'est sur la côte ouest des îles de la Reine-Charlotte.

Nous avons changé de ministres. M. Mifflin est arrivé et, je ne lui en veux pas, je ne pense pas qu'il était du tout au courant. Il n'a pas posé la question. Quand on ne sait pas quelle question poser, on ne la pose pas. Et les bureaucrates en ont profité—cet accès n'était pas quelque chose qu'ils souhaitaient—et ils l'ont tout simplement supprimé. Cela a disparu.

• 1245

Je vous pose donc la question, messieurs, où est l'honneur de la Couronne dans ce genre de chose? Autrefois, lorsqu'un ministre des Pêches et des Océans ou un sous-ministre s'engageait—voici, voici ce qui va vous arriver—vous pouviez le croire. Cela arrivait. Ce que je veux vous faire comprendre, c'est que les bureaucrates profitent des changements de ministres pour faire ce qu'ils veulent. Je suis sûr que le ministre Anderson n'avait aucune idée de la chose. C'est deux ministres avant lui que cela a été changé.

Nous avons récemment reçu un document du ministère sur l'allocation de pêche. Les instructions à la personne s'occupant de cela au cabinet du ministre étaient de poursuivre, sans s'occuper de ce qui avait été promis par le ministre Tobin, que pour ces pêches, il fallait avoir accès aux stocks locaux. Certes, c'est beaucoup plus important aujourd'hui parce que nous avons cette question des permis de pêche au saumon.

Alors, nous voici sur la côte Nord, la région la plus désespérée des îles de la Reine-Charlotte. On ne peut avoir accès au sockeye du Fraser. Nous sommes laissés à la merci assez peu tendre de nos cousins du Nord en Alaska qui pêchent de façon très dynamique à même nos stocks. Ils peuvent prendre le sockeye du Fraser, mais pas nous. C'est pourtant une pêche traditionnelle pour nous.

J'ai dit la barbe! C'est dégoûtant, infect, honteux. C'est en train d'anéantir notre population. C'est en train d'anéantir toutes les populations côtières autour d'ici et tout le monde s'en contrefiche.

Je suis vraiment en rogne. Depuis 35 ou 40 ans que je suis dans ce secteur, c'est une des choses les pires que j'aie vues. Ils se moquent pas mal des populations du littoral.

Lorsque j'en ai parlé aux hauts fonctionnaires à Vancouver, essentiellement à Bud—et c'était juste avant le départ de Louis—Bud a admis qu'ils avaient commis une erreur et qu'ils n'avaient pas entendu Tobin dire cela ou quelque chose du genre. Je lui ai répondu, corrigez l'erreur. Bud ne va pas corriger cette erreur. Personne ne va la corriger parce que c'est comme ça qu'ils veulent les choses et peu importe ce qui nous arrive. Nous avons perdu 26 p. 100 de nos emplois dans la pêche au saumon sur la côte Nord.

Permettez-moi de parler encore un petit peu du plan Mifflin. C'est d'ailleurs une appellation injuste, et c'est un petit peu une casserole croche à M. Mifflin. Mais rappelons que tout bateau est un compromis. Qu'importe que ce soit une vedette rapide, un bâtiment de la marine ou un bateau de pêche, ce que vous gagnez d'un côté, vous le perdez de l'autre, qu'il s'agisse de la taille, de la jauge, de la stabilité, du tonnage ou de la capacité de transport. Si vous voulez gagner sur un tableau, vous êtes obligé de sacrifier sur un autre.

Les petits bateaux de la flottille de la côte Nord étaient surtout des bateaux mixtes. Il y en a aussi sur la côte Sud, mais pas autant. Nous avons surtout des bateaux de pêche mixtes dans notre région. Si vous allez à Port Simpson, à Masset ou à Queen Charlotte City, ou même à Hartley Bay ou Kitkatla, Port Simpson, Port Edward, Prince Rupert, et que vous allez regarder la flottille de pêche, et la classe de bateaux en question, vous verrez qu'il y a beaucoup de bateaux mixtes.

Mais ces bateaux ne font pas de bons bateaux pour la pêche au filet maillant. Vous pourriez à la place avoir un bon chalutier, d'un tonnage supérieur. Mais ces bateaux sont un compromis, adaptés au type de pêche que nous faisons ici sur la côte Nord.

Les pêcheurs locaux, traditionnellement une flottille de petits bateaux, pêchaient dans la zone nord, et passaient du filet maillant au chalut au mois d'août. Ils n'allaient pas jusqu'au détroit de Johnstone pour suivre le saumon rouge du Fraser. Ils se contentaient de pêcher localement, du côté des îles de la Reine-Charlotte et de façon générale sur la côte Nord.

Dans le cadre de l'application du plan en question, on a décidé de supprimer immédiatement les bateaux mixtes. Cela pénalisait les pêcheurs de la côte Nord. Pour être capables de continuer à pêcher comme auparavant—je ne parle pas ici de sauter d'une zone de pêche à l'autre—les pêcheurs de la côte Nord étaient alors obligés d'avoir deux fois plus de permis.

Sur le plan économique, ce fut pour la flottille de la côte Nord un coup terrible. Les gens n'ont pas, comme cela, 100 000 $ à sortir de leurs poches pour s'acheter un autre permis. La stratégie de gestion du ministère des Pêches et des Océans, localement, a complètement saboté la deuxième remontée, en importance, de saumon rouge canadien.

Il y a un problème d'épidémie. Une des raisons, selon les personnes auxquelles vous parlez, tiendrait à la surpopulation. Nous avons perdu deux années importantes pour les alevins. Cette année, en 1998, la pêche au filet se limitera probablement à quatre ou cinq jours pour cette saison. L'an prochain ce sera peut-être rien du tout. Et nous n'avons pas la possibilité de nous déplacer vers le Sud, pour pêcher ailleurs, à moins d'avoir la chance de disposer de centaines de milliers de dollars pour l'acquisition de nouveaux permis.

• 1250

Les villages de la côte sont complètement ruinés, et personne au ministère des Pêches et des Océans ne semble beaucoup s'en soucier. Le ministère a pris des positions très brutales.

C'est d'ailleurs intéressant. Il y a une association qui porte le nom de B.C. Fisheries Survival Coalition. Ce groupe représente plus de pêcheurs de toute l'industrie de la pêche—je ne parle pas simplement des pêcheurs professionnels ou sportifs—que n'importe quelle autre association de pêcheurs de la Colombie-Britannique et, pourtant, le ministère des Pêches refuse de leur parler. Il a mauvaise réputation, c'est un groupe de gens qui se sont opposés très durement au ministère, et celui-ci refuse de leur parler. Je suis sûr qu'ils ne sont jamais invités lorsqu'il y a des tours de table. Cette Survival Coalition est la bête noire du ministère.

Récemment, c'est-à-dire il y a un an et demi ou deux, on a fait une étude de la Stratégie sur les pêches autochtones. La plupart de mes collègues sont très critiques de cette stratégie, mais de temps en temps j'essaie de leur faire remarquer qu'il y a des aspects positifs à cette politique, je parle donc de la Stratégie sur les pêches autochtones. La partie la plus critiquée concerne la vente.

Une des choses qui avait été demandée, dans le cadre de la réévaluation, était précisément que l'on étudie cette question de la vente. Or l'évaluation de cette politique a été faite par ceux qui en sont responsables. C'est-à-dire qu'ils ont écrit le rapport d'étude demandé après la réunion du Conseil régional du Pacifique, le CRP. Et puis rien du tout, même pas une lettre, les gens ont arrêté de se rencontrer. Là encore, je dirais que le ministère a agi de façon très rusée. Ce groupe de gens devait en principe fonctionner comme conseiller politique principal du ministre, or il a arrêté de siéger. Cela évidemment facilite la tâche des hauts fonctionnaires, puisque personne d'autre n'est là pour informer directement le ministre.

De toute façon, le CRP, où siégeaient des Autochtones, des pêcheurs professionnels, des pêcheurs sportifs et des représentants locaux, a finalement passé en revue le Programme de la Stratégie sur les pêches autochtones. Sur la question de la vente, ses conclusions sont extrêmement critiques. Il a donc demandé aux responsables de revoir le rapport qu'ils avaient présenté; c'est-à-dire que les responsables du programme s'étaient eux-mêmes évalués, mais on leur a demandé une autre évaluation. Évidemment, ils n'ont rien fait; or, j'entends dire que le responsable de la Stratégie est maintenant également chargé du Fraser, qui est en quelque sorte notre joyau en matière de pêche au saumon rouge en Colombie-Britannique.

J'arrêterai là mes plaintes. Sur le plan positif, je rappellerai que jusqu'en 1990 environ les pêches de Colombie-Britannique étaient gérées de façon remarquable. Certains ne seraient sans doute pas d'accord, mais je dirais que de façon générale nous avons réussi à reconstituer les stocks. De temps en temps les remontées ne sont pas toujours aussi importantes, selon les zones. En ce moment, sur la côte Nord, c'est le coho qui manque. Mais jusqu'ici nous avions très bien géré les pêcheries. Dans les années 90, l'administration a commencé à très mal gérer ses rapports avec la population de pêcheurs.

J'espère que ce que je vous ai dit vous permettra de poser les bonnes questions, et les questions qui pressent. Si vous voulez plus d'information, je suis à votre disposition. Je rappellerai que je ne suis plus en activité. Je n'ai plus aucun rapport avec les pêches, sinon sentimentaux, puisque ce fut le métier de ma vie.

Merci de vous être déplacés.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Greene.

Pour l'information de tous et toutes, je rappelle que nous ne posons pas de questions. Certains des députés auront des questions à poser à la toute fin, mais pour le moment nous vous écoutons. Voilà pourquoi personne ne lève la main pour le moment, mais à la fin de la journée, nous aurons sans doute quelques questions à vous poser.

• 1255

Je vais demander maintenant à M. Jack Rowbothman de s'asseoir à la table des témoins. Il n'est pas ici? Nous allons alors mettre un point d'interrogation à côté de son nom, et s'il arrive plus tard, nous pourrons peut-être le faire passer.

M. Des Nobles est-il là?

M. Des Nobles (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je suis un pêcheur professionnel au filet maillant, et j'en suis fier.

Il y a deux ans, j'ai comparu devant ce même comité à Ottawa, accompagné de 40 autres pêcheurs et travailleurs du secteur des pêches, pour essayer d'éclairer votre lanterne et de vous mettre en garde concernant le plan Mifflin et ses conséquences. Me voilà à nouveau devant vous, et je ne puis que répéter: «Je vous l'avais bien dit». Je n'en suis d'ailleurs pas très heureux, pas plus d'ailleurs que les travailleurs de mon secteur, ni ceux pour lesquels je prends aujourd'hui la parole.

Le plan Mifflin ainsi qu'on l'appelle a besoin d'être revu. En fait il a besoin d'être complètement réaménagé. Les objectifs prévus à l'origine par le plan Mifflin n'ont pas été respectés, et entre-temps c'est devenu une affaire politique. La disparition de mon secteur, la ruine des gens avec lesquels je vis, sont une des conséquences assurées de ce plan.

Parallèlement à une révision complète du plan Mifflin, il faudrait également réviser complètement la politique du ministère, notamment le processus de consultation qui est le sien, et je parle des personnes auxquelles il s'adresse, ainsi que des lieux et moments choisis pour cela.

Comme l'a fait remarquer la justice canadienne récemment, le ministère semble toujours trouver la personne dont il a besoin pour appliquer sa politique et atteindre ses objectifs. C'est-à-dire que ceux d'entre nous qui se sont élevés contre les plans de l'administration, et qui ont défendu des arguments souvent très solides, n'ont pas été écoutés... et s'ils ont été écoutés, ils ont été marginalisés, et l'on a accordé peu de crédit à leurs analyses.

Au ministère lui-même, le moral est à son plus bas. Comme l'a dit Paddy, depuis 1990 et la restructuration du ministère, ceux qui travaillaient pour nous, et qui nous comprenaient, ont souvent été mis sur la touche. Leurs conseils ont été ignorés, et l'on a eu de plus en plus recours à des expédients politiques.

Dans tout cela, ceux qui ont travaillé pour le ministère pendant des années, ceux qui avaient travaillé dans l'honnêteté et l'ouverture d'esprit, et pour lesquels nous avions le plus grand respect, ont été démoralisés au point de ne plus savoir du tout que faire. On leur a également demandé d'en faire plus avec moins de moyens, et très souvent leurs conseils ont également été ignorés.

Les relations canado-américaines. Dans le Nord, nous avons été ghettoïsés, par le plan Mifflin et par les permis accordés par zone. De ce fait, les poissons qui reviennent dans la région, sont encore plus précieux pour nous que par le passé, avant le plan Mifflin. Les États-Unis, l'Alaska en particulier, ont jugé bon de continuer à pêcher à un rythme insupportable. Cela nous a privés de certains stocks de poisson, nous empêchant de pêcher comme par le passé, je parle ici du saumon rouge. Mais les Américains pêchent également en Alaska plus de coho et de quinnat que jamais. C'est du poisson dont nous sommes donc maintenant privés, et cela a amené le ministère à prendre des mesures de conservation qui pénalisent les pêcheurs canadiens, au risque de nous mener à la faillite. C'est-à-dire que nous ne pouvons même pas pêcher le poisson qui revient dans nos eaux, et je ne parle pas seulement des espèces pêchées en Alaska.

Le gouvernement canadien ne nous laisse aucune marge de manoeuvre. Il a fait ses choix, pour une raison ou une autre, cédant sans doute à des pressions politiques. Nous sommes complètement désorientés.

Bon nombre d'entre vous, j'en suis certain, savent ce qui s'est passé à Prince Rupert l'an dernier. C'était l'aboutissement de plusieurs années de mécontentement, alors que nous avions attendu que le gouvernement et l'administration respectent les engagements qu'ils avaient pris auparavant. Après cinq années de tergiversations, la ville et toute la population de pêcheurs de la côte ont compris que c'était leur mort, et ils ont décidé de se battre pour défendre leurs intérêts. Nous avions attendu trop longtemps, et cela nous avait coûté trop cher.

• 1300

Le ministre actuel des Pêches, M. Anderson, est très franchement un âne. Il ne comprend rien à la pêche, et il ne comprend pas non plus la population de cette côte. Pour la grande majorité d'entre nous, il vient d'une région où la réalité est tout autre.

Par ailleurs, c'est Mme Velma McColl qui a été nommée conseillère du ministre sur les questions de pêche de la côte Ouest. Mme McColl a très longtemps travaillé pour le secteur de la pêche sportive, lequel secteur a essayé pendant des années d'avoir accès à des stocks de poisson qui traditionnellement nous étaient réservés. Comme directrice du Sport Fishing Institute of British Columbia, elle a tout fait pour essayer de réserver à la pêche sportive la pêche du coho et du quinnat. Pour ce faire, elle a exercé des pressions considérables sur le secteur de la pêche professionnelle, dont je vis.

Voilà pourquoi nous avons le sentiment qu'il y a là conflit d'intérêts. Le ministre, et ses conseillers, n'ont absolument pas la confiance des pêcheurs. Nous avons le sentiment que notre voix ne sera pas entendue, voilà pourquoi il a été très difficile, pour nombre d'entre nous, de nous réunir pour discuter des questions graves qui se posent sur cette côte.

J'espère que vous tous, que nous attendions déjà depuis longtemps, serez enfin pour nous l'occasion d'être entendus à nouveau à Ottawa.

Nous sommes nombreux à penser que Ottawa devrait ne plus se mêler du tout de pêche. Depuis un an et demi, nous avons surtout essayé de régler les choses au niveau provincial. Nous pensons que le gouvernement fédéral, lorsqu'il est question des pêches, est tiraillé de part et d'autre en raison de la multiplicité de ses obligations et contraintes. C'est-à-dire que nous ne sommes plus alors qu'un pion sur l'échiquier politique général.

J'espère que lorsque vous rentrerez à Ottawa vous saurez transmettre ce que je vous ai dit et ce que vous aurez, de façon générale, entendu ici.

J'ai délibérément choisi de ne pas soumettre de mémoire écrit, parce que j'en ai véritablement assez de pondre des textes. J'en ai plus écrit au cours des trois dernières années que pendant les 45 années précédentes. Je ne sais d'ailleurs plus très bien à quel saint me vouer. Je me réveille tous les matins en me demandant si cela vaut la peine de sortir du lit. J'ai été pêcheur pendant 20 ans, mais je ne sais pas si je vais pouvoir continuer une année de plus. J'étais un pêcheur qui vivait de sa pêche jusqu'à ce que M. Mifflin veuille faire de moi un pêcheur plus rentable. En réalité, mon activité est aujourd'hui moins rentable que par le passé.

Ceux qui ont commis l'erreur d'acheter d'autres permis pour pêcher sur cette côte et qui devaient pouvoir se débrouiller mieux que moi s'en tirent moins bien. Ils ont maintenant une dette qu'il leur est pratiquement impossible d'assumer compte tenu de ce que leur rapporte leur permis supplémentaire.

Le plus triste, c'est que cela n'a rien à voir avec la quantité de poisson. Nous avons du poisson sur cette côte. Ce n'est pas le poisson qui manque. Le problème c'est l'attitude de ce gouvernement paternaliste vis-à-vis de la ressource et de la population de la région. Nos stocks sont viables et renouvelables tous les deux à quatre ans. Il n'y a pas d'autre ressource, au Canada, qui puisse se renouveler aussi rapidement.

Le ministère a fait preuve d'énormément de négligence pour ce qui est de préserver ces stocks. Il avait pour mission de veiller à ce que le poisson revienne, mais il n'a pas assumé ses responsabilités. Pour une raison que j'ignore, il a décidé de ne pas reconstituer ces stocks à divers endroits de la côte.

Entre Prince Rupert et Vancouver, sur une distance de 500 milles à vol d'oiseau, vous avez des dizaines de milliers de milles de côtes. Cette région produisait une énorme quantité de poisson, en fait beaucoup plus que la quantité de sockeye produite par le Fraser et la Skeena. Néanmoins, on a laissé ces sources de poisson se tarir.

Il y a eu d'autres contraintes qui ont empêché d'accomplir le travail qu'il aurait fallu faire. Pendant des années, nous avons payé des droits de permis et toutes sortes d'autres droits pour financer la mise en valeur des stocks de poisson sur cette côte. Ces droits sont allés grossir les autres impôts au lieu de revenir dans les coffres du ministère des Pêches pour financer la gestion et la mise en valeur des stocks de poisson.

J'ai également appris que votre comité n'irait pas à Nanaimo en Colombie-Britannique. Vous devriez avoir honte. Nanaimo est l'un des principaux centres de la pêche sur cette côte.

Par contre, je crois que vous irez dans la circonscription de M. Anderson, ou très près à Victoria, pour aller voir la passerelle de Craigflower. Dans quel but? Est-ce seulement pour organiser une séance de photo pour M. Anderson? Quel est le but de tout cela? Des gens du centre de la côte me téléphonent pour me demander: «Que se passe-t-il? Pourquoi ne pourrons-nous pas parler à ces gens-là?» Ce sont eux qui sont touchés et pas les gens de Victoria. Il reste peut-être une demi-douzaine de pêcheurs à Victoria. Les autres se trouvent au Nord. C'est là que vous devriez vous réunir.

• 1305

Je vous remercie beaucoup d'être venus et je n'abuserai pas plus de votre temps. Je suis au bord des larmes. Je ne peux pas en dire plus. Veuillez nous écouter et penser à ce que nous vous avons dit. Merci beaucoup.

Le président: Des, avant que vous ne partiez, je profiterai de ma prérogative de président pour vous poser une question. Vous nous avez expliqué que vous pouviez prendre de moins en moins de poisson. En tant que pêcheur au filet maillant, pourriez-vous nous dire quelles ont été vos prises hebdomadaires moyennes cette année? Quelles sont vos prises pour une période de 15 à 20 semaines...? Combien de poissons par semaine avez-vous pris?

M. Des Nobles Pendant 15 à 20 jours... même pas 20.

Le président: C'est ce que je voulais dire. Combien de poisson par jour avez-vous pris en moyenne et quel revenu cela représente-t-il? Cela couvre-t-il tout juste vos dépenses et êtes-vous entré dans vos frais cette année?

M. Des Nobles: Au cours des 15 années pendant lesquelles j'ai pêché le saumon, mon revenu annuel moyen brut s'est situé aux alentours de 45 000 $. Il faut en soustraire à peu près 10 000 $ de dépenses. Le reste est à moi pour faire ce qu'il faut faire. Je dois mettre 5 000 $ de côté pour les frais de démarrage de l'année suivante et avec le reste je fais vivre une famille de trois personnes.

Cette année, qui a été la pire de ma vie, j'ai gagné à peine plus de 14 000 $. Après avoir payé mes dépenses et acheté un nouveau filet, que je devais acheter depuis cinq ans—chaque année il faut faire l'acquisition d'un nouvel engin de pêche à cause de nouvelles restrictions ou de nouvelles mesures imposées par le ministère—je n'ai pas gagné un sou sur le saumon. Voilà quelle a été ma saison. J'ai été l'un des plus chanceux. Je suis rentré dans mes frais. La plupart des pêcheurs de ce secteur et même de la moitié de la côte ont gagné 8 500 $ pour 19 jours de pêche dans une zone où j'avais l'habitude de pêcher pendant 35 à 45 jours. Peu importe que vous soyez un bon pêcheur, ce n'est plus possible.

Nous parlons de la qualité et de divers moyens d'accroître les revenus de notre pêche. En réalité, peu importe la qualité de votre poisson, cela ne compensera pas l'insuffisance de la ressource. On ne nous garantit pas du poisson. On ne nous garantit rien. Je n'ai aucun droit comme pêcheur de saumon. J'ai ce qu'on appelle un privilège. J'ai le privilège de pouvoir pêcher. Je peux me contenter de ce privilège, mais je ne peux pas vivre si je ne peux pas pêcher.

Merci.

Le président: Monsieur Duncan.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Je voudrais un autre éclaircissement, Des. Quand vous gagniez 45 000 $ par an... Je suppose que cela dépend du prix que vous obtenez. Pouvez-vous nous donner une idée du prix que vous obteniez pour le saumon à ce moment-là, en 1997 et de ce que ce prix sera à l'avenir?

M. Des Nobles: Le prix a certainement une influence sur le revenu. C'est certain. Néanmoins, en réalité, quand les prix ont été bas par le passé—en fait, nous avons eu par le passé des prix aussi bas que cette année—comme d'autres vous le diront, nous avons pu sillonner la côte, aller dans divers autres secteurs afin de pouvoir compléter nos prises. En tant que pêcheur du Nord, je suis seulement allé une fois dans le Sud. Mais dans l'intervalle, une bonne partie de la flotte qui venait du Sud pour pêcher ici repartait en août et comme notre flotte se trouvait réduite dans ce secteur, je pouvais prendre davantage de poisson.

• 1310

Avec Mifflin à sa tête qui a compartimenté la flotte, le ministère a proposé des choix aux pêcheurs d'une façon pour le moins déficiente. De nombreux pêcheurs ont choisi le Nord. Nous nous sommes retrouvés dans le Nord avec une flotte de plus d'un millier de fileyeurs et cela dans un secteur où il y avait sans doute le moins de poisson.

Ces personnes ont cru à une publicité qui aurait valu des accusations de fraude à ses auteurs si elle émanait d'une entreprise respectable ou d'une maison de courtage. Ces pêcheurs se sont fait avoir. Ils sont venus s'établir ici, mais il n'y avait pas suffisamment de poisson pour que qui que ce soit puisse gagner sa vie, quel que soit le prix du saumon. Même si le prix avait été deux fois plus élevé, notre revenu aurait été très faible.

M. John Duncan: Dans cette publicité, avait-on promis aux pêcheurs qu'ils auraient accès au saumon sockeye du Fraser?

M. Des Nobles: Non, il n'était pas question d'avoir accès aux stocks du Fraser. Mais on a dit aux pêcheurs du Sud qu'ils n'auraient aucune possibilité de pêche dans le Fraser. Ils n'avaient donc pas d'autre choix que de venir dans le Nord, même s'ils n'en avaient pas le désir.

Lorsque nous avons comparu devant ce groupe il y a deux ans, nous avons soumis 12 propositions visant à réaliser les réductions que souhaitait M. Mifflin, mais de façon beaucoup plus humaine, de façon réaliste. Nous voulions un important programme de rachat de permis. En fait, nous avons proposé d'emprunter nous-mêmes l'argent et de le rembourser sur plusieurs années. La flotte aurait pu être rachetée entièrement sur quelques années, sans limiter les zones de pêche. Cela nous aurait permis de poursuivre notre pêche traditionnelle et d'avoir accès aux stocks habituels. Cela nous a été refusé. Nous avons été ghettoïsés une fois de plus.

Nous avions également demandé qu'au cas où on instaurerait un régime de permis par zone, ce soit permanent plutôt que pour une période de quatre ans, car cela allait certainement modifier la façon dont les gens choisiraient leurs secteurs de pêche. Cela leur aurait permis de planifier à plus long terme, d'obtenir le meilleur rendement économique et de retourner ensuite dans leur région. Ce projet a également été abandonné pour je ne sais quelle raison.

En fin de compte, pour la plupart, nous avons eu l'impression que tout cela servait des intérêts politiques au lieu de chercher à répondre aux besoins des pêcheurs. La conservation, qui était le principal souci du plan Mifflin, n'a absolument pas été assurée, le problème de la capacité de pêche, l'une des principales raisons d'être de la revitalisation de la flotte, n'a pas été réglé. La réduction de 33 p. 100 de la flotte n'équivaut pas à une réduction de 33 p. 100 de la capacité de pêche, car on a chassé de l'industrie ceux qui avaient le moins d'effet sur les stocks. Je veux parler des pêcheurs comme moi qui gagnent leur vie en fonction des contraintes, des exigences et des possibilités qu'offre la ressource. On a maintenu en place les entreprises qui avaient besoin de beaucoup plus de poisson pour survivre. Cela a accru la surcapitalisation au lieu de la diminuer, ce que visait également le plan Mifflin. En fin de compte, le plan Mifflin n'a été qu'une source de désastre et de misère.

Nous avons une industrie qui peut être rebâtie. Nous avons des stocks qui peuvent se reconstituer moyennant très peu d'efforts de notre part. Il est étonnant de voir combien cela réclame peu d'efforts. Le poisson revient. Donnez-lui un endroit où revenir et il y reviendra. C'est un fait. J'ai confiance en Mère nature. Je n'ai aucune confiance dans le gouvernement.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Noble.

Je voudrais maintenant donner la parole à M. Fred Hawkshaw.

M. Fred Hawkshaw (témoignage à titre personnel): Merci. J'ai eu de la chance de pouvoir me glisser ici ce matin. J'allais partir pêcher, mais on m'a rappelé que cette réunion avait lieu.

Je n'ai rien préparé par écrit et je n'ai pas vraiment beaucoup réfléchi à la question. Je ne me suis pas préparé pour cette audience.

Je vous ferai part de mes préoccupations dans une perspective légèrement différente. Je ne sais pas vraiment sous quel angle. Je voudrais d'abord vous dire quelque chose. Je ne sais pas exactement d'où cela vient. Cela concerne les prix et ce genre de choses:

    Les emballeurs de l'Alaska et les importateurs du Japon vendent le saumon sockeye en dessous de son prix de revient et le marché se demande à nouveau si les consommateurs vont oublier graduellement le sockeye et le remplacer par d'autres espèces de saumon.

Je trouve cela fort insultant. Cela m'incite à me demander pourquoi les grosses compagnies exercent un tel contrôle sur cette côte. Je crois qu'une grande partie de nos problèmes est due au fait que le contrôle est exercé par ceux qui ne le devraient pas. Ils se sont tellement mal débrouillés avec notre poisson alors que pour le leur, surtout des poissons d'élevage, il n'y avait pas de problème que nous nous sommes retrouvés les mains vides. Oui, il y a beaucoup de poisson, à condition que les Américains ne le pêchent pas.

• 1315

Je fais de la pêche polyvalente depuis... j'allais dire depuis 20 ans mais en réalité depuis 19 puisque j'ai choisi la pêche au filet maillant comme style de vie. J'ai surtout fait de la pêche à la traîne. Pendant toutes ces années de pêche polyvalente, j'ai fait probablement aux alentours de 56 000 $ par an. Dernièrement, comme je pratique plus la pêche au filet maillant, je gagne probablement moitié moins. C'est en partie ma faute car je ne me suis pas assez occupé de la commercialisation de mes produits. La commercialisation est un énorme problème pour moi. La commercialisation du saumon d'élevage est telle que les compagnies ne cessent de me dire qu'elles ne peuvent traiter notre poisson de la même manière.

Mon fils travaille dans un restaurant à Kelowna. Ils reçoivent 20 livres de saumon d'élevage trois fois par semaine. Pourquoi pas du saumon pêché à la mode traditionnelle? Ça ne les intéresse pas. Ce qui les intéresse c'est vendre 20 000 kilos, ou que sais-je, en conteneurs et c'est incompatible avec le saumon traditionnel. Ils ont maintenant leur propre élevage de saumon.

Un autre problème qui m'inquiète beaucoup c'est la pêche autochtone en amont. Cela fait déjà quelques années qu'on nous parle de problème avec le Steelhead et le coho, etc. La pêche a été fermée en août. C'est probablement ce qui explique pourquoi je gagne aujourd'hui si peu.

Cette pêche en amont a atteint des proportions que je préfère ne pas citer pour ne pas gêner certains. En août on les autorise à pêcher à la senne, censément pour que la qualité des prises soit supérieure. C'est la meilleure. Qu'est-ce qui reste au fileyeur? Je ne peux plus pêcher à la traîne. Cela fait 20 ans que je gagne ma vie entre ici et les îles de la Reine-Charlotte. Beaucoup de mes amis ne peuvent plus pêcher à la traîne car ils ont opté pour la pêche au filet maillant en croyant qu'ils pourraient continuer à gagner leur vie.

J'ai chez moi une vidéo réalisée par Ian Hanomansing de la CBC pour son émission Asia Pacific dans laquelle il est dit que oui, cette année nous avons payé un peu plus pour certains sockeyes à condition qu'ils ne portent pas de marque de filet. Pour un fileyeur c'est alarmant mais pas insurmontable. Nous avons fait un essai cette année qui nous a montré qu'utiliser un filet plus petit évitait les marques sur le poisson. Il permettait aussi de rejeter vivantes les prises accidentelles. Je crois que nous pouvons trouver une solution à ces problèmes, mais la pêche en amont prend une telle importance que venant s'ajouter aux compagnies et à leurs senneurs, je me demande s'il y aura encore de la place pour les fileyeurs si personne ne fait rien.

J'ai aussi vu hier une autre vidéo à Country Canada sur les poissons d'élevage, ces merveilleux produits qui vont remplacer nos poissons d'après les grosses compagnies. Il y a une maladie en Nouvelle-Écosse, l'ISA, et ils envisagent de détruire tous les stocks de saumon d'élevage et de recommencer à zéro. Est-ce ce qui nous guette ici?

Les grosses compagnies vendent nos saumons en conserve. Il est impossible de trouver au Canada du poisson de première qualité destiné uniquement aux exportations. C'est impossible. Partout où nous avons vendu du poisson cet été nous avons fait notre propre étude de marché. Tout le monde nous a dit la même chose. Il est impossible d'acheter du saumon naturel de première qualité au Canada. C'est une très mauvaise stratégie et c'est en partie ce qui nous tue.

En 1978 je touchais 3,25 $ pour le saumon de printemps, 2,10 $ pour le sockeye, 2,75 $ pour le coho et 1 $ pour le saumon rose. C'est quand 1 $ valait 1 $. Aujourd'hui mes poissons ne me rapportent rien et les compagnies ne font rien pour que ça change. Je crois que c'est ça qui me met le plus en colère. Et cette pêche en amont qui nous prend tous nos poissons. Il y a deux semaines j'ai payé 1 500 $ pour mon permis, pour un permis A. Je suis censé sortir pêcher. Ce permis dit: «Non valable pour le saumon». C'est mon permis pour le saumon—parce que c'est trop tôt pour le saumon. Pourquoi est-ce que j'ai dû alors payer 1 500 $? Pourquoi?

• 1320

Quand je pourrai enfin pêcher, je me suis laissé dire que ce sera peut-être pendant sept jours, peut-être, avec de la chance, mais les types en amont, eux, ils n'auront pas sept jours. Ils auront tout le temps qu'il leur faudra pour pêcher la crème de l'excédent par rapport aux besoins du frai.

Je n'ai pas grand-chose à ajouter mais il est certain que beaucoup peut être fait pour aider les fileyeurs. Nous devons, certes, faire quelque chose nous-mêmes mais nous sommes attaqués de tous côtés et, à mon avis, de manière injuste.

Je ne sais pas si c'est ce qui vous intéresse mais je considère personnellement que c'est un énorme problème. J'ai écouté les maires et il me semble qu'ils ont tous le même genre de problème. Il n'y a plus assez d'argent qui entre pour faire vivre leurs villes.

Il faudrait peut-être que nous nous chargions nous-mêmes de vendre nos produits mais pour l'amour de Dieu laissez-nous pêcher les poissons auxquels nous avons droit.

Je pense que personne en amont ne paie 1 500 $ pour avoir le droit de pêcher. C'est ce que nous payons, nous, et quand on a deux licences, cette année il va falloir probablement payer 3 000 $ pour avoir le droit de pêcher, mais sans aucune garantie d'accès.

Enfin, je pars pêcher. Le bateau de mon moteur tourne et je m'estime chanceux d'avoir pu témoigner. Je vous remercie infiniment. Je suis certainement heureux que vous soyez venus et que vous nous ayez écoutés. Il y a toutes sortes de problèmes et on va probablement vous en parler de beaucoup d'autres. J'espère que vous écouterez.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Monsieur Hawkshaw, si vous voulez bien répondre, M. Duncan a une question à vous poser.

M. John Duncan: Vous avez parlé de la pêche à la senne, je suppose que c'est dans la Skeena.

M. Fred Hawkshaw: Oui.

M. John Duncan: Pour le bénéfice de mes collègues, j'aimerais que vous nous expliquiez de quoi il retourne. Quelle est la raison de la réglementation de cette pêche et des limites?

M. Fred Hawkshaw: Au départ c'est parce qu'on s'inquiétait à propos du saumon Steelhead. Nous avons appris par la suite que c'était plus un problème d'allocation qu'un problème de stocks.

Quoi qu'il en soit, tout un chacun a le droit de gagner sa vie, les pourvoyeurs de pêche sportive, par exemple. On a donc cru que les senneurs pourraient régler ce problème, qu'ils pourraient relâcher ces poissons et que tout redeviendrait...

On leur a demandé de relâcher 50 p. 100 des cohos, par exemple.

Nous avons fait des essais de pêche à la traîne, ce qui est probablement la méthode la moins douloureuse pour les poissons, largement supérieure à un hameçon dans la gueule, et nous les avons gardés vivants sur le bateau pendant un jour. En prenant un maximum de précautions, notre meilleur résultat était de 60 p. 100.

Je ne sais pas si vous avez jamais vu un saumon dans une senne. Les cohos sont connus pour accumuler de l'acide lactique dans leur système qui entraîne des crises cardiaques, une tétanisation des muscles, etc. Cinquante pour cent de survie, ça m'étonnerait.

Des sources crédibles que je ne nommerai pas m'ont dit l'année dernière qu'à condition de prendre les précautions nécessaires, les fileyeurs sont largement supérieurs aux senneurs pour ce qui est de la protection des stocks ou des espèces en danger.

On ne nous a même pas donné de préavis. La pêche à la senne a été fermée peut-être pour prévenir tout embarras supplémentaire. Cela ne me regarde pas.

Donnez-nous une chance. C'est tout ce que je vous demande.

M. John Duncan: Donc s'il me fallait résumer, les senneurs sont en mesure de rejeter plus rapidement les prises indésirées quand il y a le moindre mélange de saumons cohos et Steelhead. C'est bien ce que vous dites?

M. Fred Hawkshaw: Je suppose que c'est le cas s'il n'y est question que d'un bateau. Tous les sockeyes peuvent être pêchés en n'interceptant peut-être qu'un ou deux cohos ou autre chose, alors que les fileyeurs doivent attendre que les poissons soient pris dans le filet.

Il fallait saisir le poisson avec précaution. J'ai parlé à un senneur et il m'a dit qu'il était en partie responsable de la fermeture. Son fils était dans la périssoire à côté du filet et au lieu d'essayer d'attraper le poisson avec une épuisette ou à l'aide d'un carrelet pour le rejeter, il essayait avec précaution en se penchant de pousser les bouchons et de sortir le poisson du filet sans lui faire perdre d'écailles et sans le traumatiser. Un inspecteur l'a vu faire et a fermé la pêche. Juste comme ça. Il a dit que le règlement imposait l'usage de l'épuisette. Peu importe que ce soit la bonne ou la mauvaise méthode, le meilleur ou le pire moyen pour sauver le poisson—ce type pensait que c'était la meilleure méthode—, il a fermé la pêche.

• 1325

Nous sommes peut-être tous perdants sauf ceux qui sont en amont. Je ne sais pas exactement ce qu'il en est mais nous sommes certainement loin du compte.

Installez des observateurs sur nos bateaux, faites quelque chose. Donnez-nous la chance de gagner notre vie.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Hawkshaw.

Est-ce que Dave Prosser est ici?

M. David Prosser (président, Northern Trollers Association): Bonjour. Bienvenue à Prince Rupert.

Je ne vous envie pas du tout. J'ai regardé votre programme et j'ai participé à suffisamment de réunions. Je sais que vous allez entendre beaucoup de choses au cours des prochains jours et j'espère que vous arriverez à faire le tri car il y aura à boire et à manger.

J'ai choisi de vous parler aujourd'hui de deux aspects de la pêche. J'essaierai de ne pas être trop technique car je sais fort bien que si j'essayais de faire votre travail ou de le comprendre en cinq minutes, ce serait très difficile. Je vais essayer de ne pas parler chiffres ni techniques et de me concentrer plus sur ce que je considère les problèmes qui nous attendent.

Je suis le président de la Northern Trollers Association. Cela fait maintenant deux ans. Avant j'étais un des administrateurs.

Je suis assez nouveau dans le domaine. Cela fait quand même maintenant cinq ou six ans que je m'occupe de cette question et je crois avoir appris pas mal de choses. J'ai participé à je ne sais combien de réunions, depuis le début à cette dernière fournée de restructurations, depuis les premières tables rondes. Je crois m'être fait une bonne idée des enjeux et des personnages.

Petit historique. Les communautés côtières se sont développées autour de la pêche sur cette côte—nous le savons, tout le monde le dit—et elles se sont donné les infrastructures nécessaires pour se transformer en municipalités tout le long de la côte. À l'époque, la flotte commerciale était pratiquement le seul groupe utilisateur. C'était très simple. Le saumon était pêché au filet maillant, à la senne et à la traîne.

Aujourd'hui nous avons une pêche autochtone et une pêche sportive en pleine expansion. Les interceptions à partir de l'Alaska sont aussi en pleine expansion. Tout cela n'a pas aidé la situation.

Je ne peux pas faire porter tout le blâme au ministère des Pêches et des Océans. J'ai beaucoup de sympathie pour eux vu les problèmes qu'il leur faut résoudre. Ils paraissent pratiquement insurmontables. Ce qui est évident, c'est qu'il faut réduire notre flotte. Qu'on soit pour ou contre le plan Mifflin, étant donné les nouvelles demandes, la crise était imminente. Nous ne pouvions continuer à pêcher comme avant. La viabilité de l'industrie était en jeu. Toute activité doit être viable. Les participants à cette activité doivent pouvoir subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs communautés. La réduction de la flotte était devenue une nécessité et nous réduisons la flotte.

Je ne m'attarderai pas sur le plan Mifflin; ce n'est pas un de mes meilleurs souvenirs et je voudrais bien passer à autre chose. Le processus de table ronde ne m'a pas plu, mais surtout parce qu'on a précipité les choses. C'était tout à fait bizarre. Comme vous le savez, ce désastre auquel nous étions parvenus, il nous avait fallu 100 ans pour y parvenir, pour en arriver là. Le ministre Tobin est arrivé et a déclaré qu'il fallait arranger les choses. Il a dit: si vous ne réglez pas cela, je le ferai moi-même. Il a donc organisé les tables rondes, mais en plein milieu de cet exercice, il a abandonné. En l'espace d'un seul hiver, nous avons remplacé un type de pêcherie qui avait évolué au cours des 100 dernières années par quelque chose de tout à fait nouveau. Ce genre de restructuration n'est ni réaliste ni praticable.

Ainsi, je trouve que nous avons agi avec trop de précipitation ces temps derniers. Quant à l'avenir, il y a un message que vous devez transmettre au ministère, c'est qu'il faut ralentir les choses. Ce matin vous avez entendu des arguments très convaincants que je ne répéterai pas, mais tout ce que ces gens vous ont dit est absolument vrai. J'ai entendu beaucoup d'arguments stupides au cours des années, mais ce matin, je n'en ai vraiment pas entendu.

J'espère que vous saurez apprécier les arguments que vous avez entendus aujourd'hui et je vous demande de me croire sur parole, quoiqu'en réalité, mes arguments pourraient être stupides eux aussi. Je ne veux pas répéter tout cela; la situation reste désastreuse, nous devons régler la question avec l'Alaska; nous devons nous occuper des pêches autochtones, et je ne voudrais pas trop entrer dans ces détails-là. Mais j'anticipe un peu.

• 1330

Pour commencer, j'aimerais parler de la viabilité de la flotte. Je tiens à répéter cela. J'ai besoin de savoir que si je continue à me livrer à cette activité, il sera possible de tirer au moins une proportion importante de mon revenu de la pêche au saumon. J'ai d'autres activités, je peux faire autre chose que pêcher le saumon, mais c'est tout de même un élément majeur de ma viabilité personnelle.

Nous avons donc toutes ces préoccupations; pour moi, le processus des traités et les pêches des Autochtones sont une priorité. Nous devons régler la question qui concerne le poisson. C'est une démarche très réaliste, et je n'ai rien contre cette façon de faire. Par le passé, le poisson tenait une plus grande part dans la vie des Autochtones que dans celle de mes ancêtres. Par conséquent, il est normal que nous réglions cette question du poisson. Nous avons donc négocié l'accord Nishgas. Les chiffres ont été publiés. Je ne les répéterai pas car ce n'est pas vraiment la question. Ils pourront prendre tant de poissons de telle espèce, tant de poissons de telle autre, etc. Mais l'important, ce n'est pas le nombre de poissons. J'ai l'impression que pour eux, les pourcentages ne veulent rien dire. Ce qui est important, c'est l'augmentation et la diminution du volume de remontes et de retours des salmonidés.

Si les retours diminuent au cours d'une année, ils vont vouloir un certain nombre de poissons, et non pas un pourcentage. Pour des raisons de conservation, il faut également qu'un certain nombre de poissons arrivent dans les zones de frai. Par conséquent, si on leur alloue un certain nombre de poissons, de mon côté, je ne pourrai pas en prendre du tout. Si vous tenez compte des chiffres qui leur sont alloués et des chiffres pour la conservation, cela fait une grosse ponction. La même chose vaut pour l'Alaska et la pêche sportive. Tout le monde veut une part du gâteau.

Ce qui m'inquiète, c'est qu'avec ce traité, au fur et à mesure que nous descendons le long de la côte, bande par bande... Des gens qui travaillent dans les organismes qui suivent tout cela de plus près que moi m'ont dit que si on fait le calcul, si la tendance actuelle se poursuit, il ne restera plus de poisson du tout pour la pêche commerciale. Voilà donc un facteur: les effets de cette situation sur ma viabilité.

Il y a ensuite la question de la pêche sportive. Là encore, les gens ont le droit d'aller à la pêche. Je ne dis pas le contraire. La pêche sportive n'est pas prête de disparaître. Je ne peux pas m'attendre à ce qu'elle disparaisse. Toutefois, depuis quelques années, on a laissé cela se développer et il y a eu très peu de contrôles. Quand j'ai commencé de pêcher à l'île Langara en 1979, il n'y avait pas d'expéditions nolisées. La flotte commerciale avait l'exclusivité de ce territoire. C'était merveilleux. Cela dit, les choses changent forcément.

Un beau jour, quelqu'un a construit une petite auberge. C'est magnifique, c'est un endroit superbe. Vous devriez tous y aller. C'est vraiment très beau. On a installé une auberge, et les clients ont commencé à arriver. Finalement, c'est devenu très populaire, et cette petite auberge a commencé à faire beaucoup d'argent. En l'espace d'une dizaine d'années, plusieurs entreprises se sont développées, et dans une seule baie de l'île de Langara, il y a aujourd'hui quatre auberges et une centaine de chaloupes qui sortent tous les jours. Ce ne sont plus des petites auberges, ce sont devenus de grosses entreprises qui n'ont rien de familial. Ce sont de vraies sociétés, et en fin de compte, c'est véritablement de la pêche commerciale. Dans chacune de ces chaloupes, il y a deux personnes, et jusqu'à quatre lignes. Quant aux promesses et à la viabilité, on a garanti à ces clients-là qu'ils prendraient deux poissons par jour. Ils sortent donc et s'attendent à prendre deux saumons quinnats par jour.

Ils prétendent qu'ils ont un programme excellent de remise à l'eau des captures. Quand nous remettons un poisson à l'eau, c'est parce qu'il n'a pas la taille voulue, et on dit que c'est un problème; quand ils le font, eux, on appelle ça un programme de remise à l'eau des captures, et on prétend que c'est formidable.

Vous avez entendu Fred vous parler de mortalité. Ce qui s'est produit, c'est qu'ils choisissent leurs poissons. Ils choisissent ce qui leur convient parmi le saumon quinnat. Les circonstances géographiques et océaniques, les courants, font que le saumon quinnat pénètre dans cette région. Si vous regardez les cartes, ce n'est pas un mystère. Voilà comment les choses se produisent. Tout le monde veut pêcher les plus gros poissons, et par conséquent, comme on les autorise à n'en garder que deux, ils pêchent toute la journée et prennent beaucoup de poissons. Chaque fois qu'ils prennent un poisson qui n'est pas assez gros, ils coupent le bas de ligne. Ils utilisent deux petits hameçons d'acier inoxydable et un appât. Mais lorsqu'un poisson avale l'appât, il l'avale profondément. Souvent, nous retrouvons ces hameçons incrustés dans le ventre des poissons. Ces poissons-là ne survivront pas. Ils coupent l'hameçon. Ils prétendent que c'est pour éviter de leur causer du stress. Très bien, nous n'irons pas dans les détails.

• 1335

Ils s'attendent tous à prendre deux poissons par jour. Nous avons peut-être des problèmes de conservation, mais ils disent qu'ils ont besoin de garantir leurs réservations. Ils doivent avoir leurs réservations pour l'été dès l'hiver précédent. Je suis bien d'accord, dans le monde des affaires, ce genre de chose est nécessaire. Toutefois, on promet à ces clients-là qu'ils pourront toujours prendre deux poissons avec la limite de possession de quatre. À mon avis, il faudrait réduire cela. Si les effectifs diminuent, il faut réduire le nombre maximum des prises.

On les autorise à prendre de plus en plus de poissons et l'industrie continue à se développer sans le moindre contrôle. À Langara, il y a aujourd'hui 100 ou 200 personnes qui pêchent tous les jours, et on leur a promis qu'ils prendraient deux poissons par jour. Si les prises diminuent, si les effectifs diminuent et que pour des raisons de conservation on nous dit que le poisson doit pouvoir parvenir aux zones de frai, nous devons d'abord... L'Alaska a pêché sa part, cela, nous n'y pouvons rien.

Une voix: Plus que sa part.

M. David Prosser: On a fait des promesses aux Autochtones, mais cela est déduit de notre part. On a promis au secteur commercial récréatif, au secteur des entreprises de pêche sportive qu'ils pourraient prendre tant de poissons. Combien en reste-t-il pour moi? Comment puis-je assurer ma viabilité?

Vous avez entendu les observations du maire, je ne reviendrai donc pas sur cela. Nous vivons ici. Nous avons besoin de savoir que notre gagne-pain reste viable. Évidemment, il va falloir réduire notre flotte, il va falloir régler tous ces problèmes, ce sont des problèmes incontournables, on ne peut pas les nier, et je sais bien qu'ils ne disparaîtront pas. Si cette viabilité cessait d'exister, si on refuse de m'assurer un minimum, il va falloir que nous réfléchissions et que nous déterminions d'une façon réaliste quelle doit être l'importance de la flotte de pêche à la traîne. C'est en tant que pêcheur à la traîne que je vous parle. Quel genre de flotte est réaliste? Nous avons déjà réduit notre flotte de 37 p. 100 depuis deux ans.

Il y a une chose que personne ne semble faire au ministère, quelque chose qui devrait se faire, je voudrais que quelqu'un réfléchisse vraiment... C'est ce que j'appelle la mort par mille coupures. Une telle coupure ne doit pas me tuer. La pêche des Autochtones ne va pas me tuer. La pêche sportive ne va pas me tuer. La pêche en Alaska ne va pas me tuer non plus. Tous ces gens-là font du lobbyisme pour obtenir plus de poissons. S'ils réussissent, il ne me restera pas suffisamment de poissons pour être viable. J'aimerais donc que le ministère fasse un effort conscient et assume la responsabilité—et si ce n'est pas le ministère, quelqu'un d'autre—et décide que ce type a un rôle à jouer, qu'il doit rester un homme d'affaires viable, qu'il doit continuer à vivre dans la communauté et à apporter sa contribution, et que pour ce faire, il a besoin de tant de saumons quinnats, de tant de sockeyes, de tant de cohos, et d'un paquet de saumons roses et de chiens de mer. Mais apparemment, rien n'existe pour contrôler ce qui se passe ou encore pour assurer à la flotte commerciale qu'il restera suffisamment de poissons pour que ce soit viable.

Je dois avouer que je finis par croire... Le bruit circule depuis quelque temps qu'il y a un complot pour se débarrasser de la flotte commerciale. Quelqu'un au ministère a dit que ce n'était pas vrai car il n'y a personne au ministère qui soit suffisamment intelligent pour échafauder un tel complot.

Ce que je vous dis, c'est que si vous voulez que je reste un pêcheur viable, que je continue à faire partie de cette communauté, vous feriez mieux de penser à ce dont j'ai besoin. Si je n'ai pas ce dont j'ai besoin, si je ne peux pas gagner ma vie de cette façon-là... Et je ne parle pas de gagner de l'argent pour toute l'année en l'espace de deux mois. Je ne parle pas non plus de devenir riche. J'ai une famille, je pêche avec ma famille, c'est une entreprise familiale. Je veux que les gens puissent dire que Dave Prosser fait une contribution importante à sa communauté.

• 1340

Par conséquent, si la situation semble me condamner à une mort lente, peut-être qu'on pourrait réduire les prises autorisées à un poisson par jour dans le secteur de la pêche sportive. Ont-ils vraiment besoin de rentrer chez eux avec deux saumons du Pacifique? Ont-ils vraiment besoin, au nom du sport, de faire leur choix parmi une montagne de saumons du Pacifique alors que je ne réussis pas à gagner ma vie? C'est important de s'amuser, c'est important pour tout le monde, mais je vous assure que je ne m'amuse pas beaucoup ces jours-ci quand je dois assister à des séances comme celle-ci.

Une des choses que vous devriez expliquer au ministère, c'est la question de la responsabilité. Si vous me faites venir à une réunion... Tout le monde a parlé des tables rondes. Aujourd'hui, nous avons cette réunion. À part cela, je ne sais pas si vous le savez, mais nous avons le processus Sam Toy, c'est-à-dire la répartition des prises entre le secteur commercial et le secteur sportif. Nous avons également le processus Kelleher, qui répartit les prises entre pêche à la traîne, à la senne et au filet maillant.

Chaque année, sans être payé, je perds des jours et des jours en réunion. Je laisse mon entreprise, je laisse ma famille pour aller assister à ces réunions. Je ne suis absolument pas rémunéré. Et pourtant, comme Paddy l'a dit, dans le meilleur des cas, on m'écoute des oreilles, on ne m'écoute pas vraiment. J'aimerais que les gens assument un peu plus de responsabilités dans tout ce processus.

Permettez-moi de poursuivre encore dans la même veine que Des Nobles. Je soumets respectueusement qu'il ne s'agit pas d'une attaque contre Mme McColl, mais plutôt d'une perception de l'orientation actuelle de l'industrie.

Il est clair, d'après les déclarations du ministre, que la province accorde la priorité à la pêche sportive. C'est une industrie en pleine croissance qui fait partie intégrante de l'économie de la province. Je n'ai rien contre cela. Ce que j'aimerais toutefois, c'est que les règles soient équitables.

J'ai l'impression que M. Anderson est partisan de la pêche sportive. Je ne m'oppose pas à cela non plus, nous vivons dans un pays libre. L'une des premières mesures qu'il a prises a été de se choisir Velma pour adjointe principale. Velma travaille dans ce secteur depuis plusieurs années, mais du côté de la pêche sportive, et elle travaille avec ardeur. Je comprends son secteur de l'industrie. Mais on a l'impression qu'elle vient du Sport Fishing Institute. Je ne vous ennuierai pas avec cela. J'avais pensé vous amener des documents, dont des lettres, qui ont été publiées par le Sport Fishing Institute. Il s'agit d'un organisme de propagande.

J'ai discuté avec Velma à ce sujet, et elle me dit que c'est de cette façon que l'on procède. C'est le poste qu'elle occupait auparavant. Son travail consistait à promouvoir principalement les intérêts du secteur récréatif commercial. Lorsqu'elle a quitté son poste, c'est l'un des gestionnaires de campagne du ministre Anderson, Gerry Kristianson, qui est devenu directeur du Sport Fishing Institute. Récemment, M. Tom Bird, qui était chef de la Division de la pêche sportive du ministère des Pêches et des Océans, a pris sa retraite et a été chargé du Sport Fishing Institute. Il me semble que c'est là une relation plutôt incestueuse.

J'aimerais que nous ayons un processus consultatif plus équilibré. Encore une fois, ce sont des impressions. Je ne voudrais pas diffamer, mais lorsque je vois cela, cela me rend nerveux dans l'exploitation de mon entreprise.

Tout cela est fondé sur un rapport—vous en avez déjà entendu parler aujourd'hui—, le rapport de l'ARA. Ce rapport s'est intéressé à la valeur du poisson. L'une des principales questions que l'on trouve dans ce rapport est de savoir s'il n'est pas nécessaire de payer le poisson... Bien des gens vont à la pêche, ils trouvent une embarcation et un moteur et vont pêcher. L'un des principaux éléments de ce rapport est que s'il fallait payer pour ce privilège, combien les gens seraient-ils prêts à payer pour aller pêcher? C'est une question plutôt ésotérique.

Pour établir la valeur du poisson commercial, on tient également compte du poisson débarqué au quai. Supposons que le saumon quinnat vaille pour moi 60 $. C'est la valeur qu'on a attribuée à ce poisson dans le rapport ARA. Mais je dois entretenir mon embarcation, employer des travailleurs à terre et des camionneurs, avoir des magasins et des ateliers. Mais cela n'a pas été pris en compte dans ce rapport. J'ai l'impression que nous nous engageons à toute vitesse dans cette voie sur la foi d'un rapport qui me semble comporter de sérieuses lacunes.

• 1345

Voilà maintenant qu'un certain Don Pepper réfute les résultats de ce rapport et décide de faire une étude parallèle. M. Pepper était économiste au MPO et a été élevé dans un village de pêche. Il enseigne au BCIT et a fait un travail considérable pour le ministère des Pêches des Territoires du Nord-Ouest. Ce qu'il cherche, c'est plus que la valeur en dollars absolus; il étudie les retombées sociales et économiques.

Mais revenons-en au ministère. Ce que nous voudrions, c'est que cette méthode d'évaluation soit revue avant que nous nous soyons engagés trop avant dans ce processus de réallocation. Nous voudrions étudier ce rapport de façon plus approfondie. Nous n'en sommes pas satisfaits.

Nous travaillons à notre compte et nous n'avons pas les ressources voulues. Nous tirons de l'arrière. Le rapport est en cours de rédaction, et j'espère qu'il sera présenté d'ici le mois prochain. Je souhaiterais que les fonctionnaires du ministère le lisent et prennent certaines décisions avant qu'on procède à d'autres allocations.

Nous sommes aussi très occupés en hiver. Nous traitons avec M. Toy et M. Kelleher. Je vais lire un bref paragraphe tiré du rapport de M. May qui, à mon avis, constitue un excellent résumé. J'ai été très impressionné par M. Toy et par le travail de M. May. J'espère l'être autant par Stephen Kelleher. Voici l'un des principaux arguments de M. May:

    En conclusion, je souligne encore une fois qu'on m'a demandé de prodiguer des conseils pour faire en sorte que les décisions relatives à l'allocation se fassent sous le sceau de l'impartialité et de la transparence, que ces décisions puissent être gérées sans se traduire par des hausses de coûts pour le gouvernement, que l'on reconnaisse, sur le plan de la gestion, la différence fondamentale entre les pêches autochtone, commerciale et sportive et qu'on les soutienne et, enfin, qu'il y ait plus de certitude en ce qui concerne les allocations au niveau du secteur et des participants individuels.

    Une fois terminé, le processus est souvent suivi par des démarches de lobbying auprès des politiques à l'échelle nationale et provinciale. Des compromis importants conclus dans une atmosphère chargée d'émotivité par des gens concernés au premier chef risquent d'être modifiés ultérieurement à la suite d'interventions dans d'autres instances.

Voilà l'une des principales conclusions de M. Art May, à qui le gouvernement a commandé un rapport. C'est M. Sam Toy qui est maintenant chargé de le mettre en oeuvre. J'ai confiance en M. Toy. J'espère que ses conclusions bénéficieront de la transparence qui, selon M. May, fait défaut au processus.

Nous pourrions parler encore longtemps, mais je pense que nous nous en tiendrons là. Merci beaucoup.

Encore une fois, je n'envie pas votre travail. Gardez vos oreilles toute grande ouvertes.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Processor.

Des voix: Oh, oh!

Le vice-président (M. Gary Lunn): Monsieur Prosser. J'ai beaucoup de mal avec les noms aujourd'hui. Si vous voulez ajouter quoi que ce soit, nous serons ici cet après-midi et nous aurons davantage de temps.

Nous avons maintenant environ dix minutes de retard sur l'horaire, mais on ne prévoit pas de pause au programme. Je suggère que nous arrêtions quelques minutes seulement pour permettre à tout le monde de prendre un café. Je vous demanderais de revenir à votre place le plus rapidement possible pour que nous puissions continuer pendant que vous sirotez votre café. Nous avons un horaire très chargé ce matin.

• 1348




• 1400

Le vice-président (M. Gary Lunn): À l'ordre, je vous prie.

Votre député, Mike Scott, qui a contribué à faire venir le comité à Prince Rupert, qui a fait des démarches pour s'assurer que nous y ferions un arrêt au cours de ce voyage, a demandé l'autorisation de dire quelques mots au sujet des quelques dernières interventions, uniquement pour apporter des précisions.

M. Mike Scott: Merci, Gary.

Je voulais simplement relater, aux fins du compte rendu, la situation des camps de pêche sportive sur les îles de la Reine-Charlotte, pour que tout le monde comprenne ce qu'il en est. Pour l'information du comité, il y a 12 ou 14 ans, il n'y avait aucun camp de pêche et maintenant, il y en a une douzaine environ sur la côte nord de l'île Graham. Ces camps de pêche sportive ne sont pas réglementés par Pêches et Océans. Ils ne paient pas de droits. Leurs propriétaires ne paient pas pour participer, comme le fait un pêcheur commercial. Or, ils pêchent un volume considérable de saumon quinnat. Je crois que c'est le maire de Masset, qui a fait un exposé plus tôt aujourd'hui, qui a fait remarquer qu'essentiellement, ils ne contribuent rien à l'économie locale. Toute la nourriture consommée dans ces camps de pêche y est acheminée à partir de la vallée du bas Fraser. Tout le personnel qui y travaille est embauché de l'extérieur. Ces camps n'offrent pas de retombées pour l'économie locale et ne sont pas assujetties à la réglementation de Pêches et Océans.

Je tenais à préciser cela car la plupart d'entre nous qui sommes ici se considèrent comme des pêcheurs sportifs, ou en tous cas, nous l'avons été à un moment donné. Je suis moi-même un pêcheur sportif. Mais en l'occurrence, il s'agit de toute autre chose. Ces camps sont de grandes entreprises commerciales de pêche sportive qui fonctionnent sur une grande échelle. Cela n'a rien à voir avec les habitants de la région qui s'adonnent à la pêche sportive. Il s'agit de grandes entreprises. À mon avis, il est très important que le comité comprenne cela, et surtout le fait que ces camps de pêche sportive ont pris beaucoup d'expansion. Il ne fait aucun doute qu'ils ont une influence sur le niveau des stocks halieutiques et plus particulièrement sur les prises des pêcheurs à la traîne, qui dépendent depuis toujours de la pêche au saumon quinnat.

Merci.

M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Peut-on déduire de l'impôt les séjours dans ces camps, comme un témoin l'a dit tout à l'heure?

M. Mike Scott: On peut le faire en ce sens que de nombreuses grandes sociétés au Canada, particulièrement dans l'Ouest du pays, y emmènent leurs clients ou leurs employés en guise de promotion ou de récompense pour services rendus. Évidemment, ces sociétés peuvent déduire les frais occasionnés par le séjour de leurs clients ou de leurs employés. Par conséquent, il faut bien avouer que pour la plupart, ces camps ne contribuent pas énormément à l'assiette fiscale.

M. Peter Stoffer: Merci.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, Mike.

M. Dave Penna: Puis-je préciser une chose qu'a dite Mike? Si ces camps peuvent ainsi tirer leur épingle du jeu, c'est qu'ils ne se décrivent pas eux-mêmes comme entreprises de pêche. En fait, ils relèvent de la réglementation des hôtels. Voilà pourquoi ils n'ont pas de compte à rendre au ministère des Pêches. Je sais qu'il est arrivé que les forces de l'ordre locales aient parfois à s'en plaindre car elles n'ont que très peu d'autorité sur ces camps. Ces derniers ne relèvent pas du ministère des Pêches, ce sont, en fait, des hôtels.

Le vice-président (M. Gary Lunn): C'est une excellente précision. Nous allons en prendre note et examiner cela plus avant.

Nous avons maintenant près d'une demi-heure de retard sur l'horaire. Je demanderais aux autres intervenants d'essayer de limiter leurs observations à dix minutes. Cela dit, nous avons réservé un bloc de deux heures cet après-midi, de 14 h à 16 h, sans témoin prévu au préalable, de sorte que les gens pourront prendre le micro et faire valoir leurs points de vue. Par conséquent, si vous n'arrivez pas à tout dire ce que vous voulez dire maintenant, c'est une excellente occasion de revenir cet après-midi. Pour ceux qui ne seraient pas sur la liste et qui voudraient prendre la parole, c'est pour vous que nous sommes ici, pour vous écouter.

• 1405

J'inviterais maintenant M. Allan Sheppard, de la Chambre de commerce de Prince Rupert, à prendre la parole.

M. Allan Sheppard (Chambre de commerce de Prince Rupert): Merci.

J'ai remarqué que les autres intervenants expliquaient un peu leurs antécédents et je sais qu'il y a souvent des malentendus dans l'esprit des gens lorsqu'on mentionne la «chambre de commerce». Je tiens à dire que je suis originaire de Prince Rupert. Mon père est arrivé ici de Terre-Neuve il y a de cela 90 ans cette année. C'était un pêcheur à son arrivée et il l'est resté toute sa vie.

J'ai eu l'occasion de m'adonner à la pêche commerciale dans ma jeunesse. J'ai travaillé pendant 30 ans pour la Nelson Brothers et B.C. Packers avant d'acheter et d'exploiter leurs installations de service à Port Edward pendant 10 ou 12 ans. Cela consistait en un atelier nautique, une barge de carburant marin et un magasin de fournitures marines. J'ai eu de la chance, en ce sens que j'ai vendu l'atelier et la propriété il y a environ trois ans. Si je n'avais pas vendu, je serais lessivé à l'heure qu'il est.

Dans les meilleures années, à la fin des années 80—cela intéressera sans doute le comité—, j'employais jusqu'à 35 personnes en saison. J'avais des revenus bruts de 2,5 millions de dollars. Cette entreprise a totalement disparu. Il n'en reste plus rien, que ce soit pour la municipalité, le village ou le district de Port Edward.

Nous avons constitué ce village en 1966. Il comptait quatre saumoneries. En 1966, l'année de sa création, nous avons transformé ou mis en conserve un tiers du saumon mis en conserve dans la province de la Colombie-Britannique. Cela a entièrement disparu maintenant.

À l'heure actuelle, il y a deux entreprises de pêche en bordure de l'eau. Ce sont deux petites entreprises, du moins par rapport à B.C. Packers et à d'autres grandes sociétés. Il y a cependant bon nombre d'entreprises de déchargement. Cela représente un changement radical pour notre secteur. C'est un point sensible ou, en tout cas, un sujet de préoccupation. Il y a... un ancien port pour petits bateaux et on s'y adonne au déchargement de poissons. Des millions de livres par an de poissons sont déchargés de bateaux directement dans des camions et acheminés ailleurs, surtout à Vancouver, mais également outre-frontière, pour y être transformés. Certains poissons, en particulier le crabe, sont transportés directement outre-frontière vers les États-Unis pour y être vendus. Quoi qu'il en soit, nous avions des entreprises de transformation imposantes à Port Edward et, comme je l'ai dit, elles ont disparu.

Ce n'est pas ce que j'avais écrit dans mes notes, ni ce que dont je voulais vous parler.

La Chambre de commerce de Prince Rupert apprécie l'occasion qui lui est fournie de présenter son opinion au sujet de la politique fédérale des pêches. Depuis 88 ans que nous sommes l'une des plus grandes collectivités de pêche du Canada, nous avons connu nos deux années les plus tumultueuses en 1996 et en 1997. Je sais que vous voulez que j'abrège. J'ai lu mon exposé hier soir, et je pense que cela m'a pris environ 15 minutes. Je vais donc essayer d'en extraire les points qui n'ont pas été abordés par d'autres intervenants ce matin. D'ailleurs, je sais que sur certains points, il y a dans la salle des personnes beaucoup plus compétentes que moi.

Au sujet des permis de zone et du programme de rachat, je signale que le plan de réduction de la flotte de pêche au saumon mis en vigueur en 1996 a eu un impact négatif considérable sur les collectivités de pêche de la côte Nord. À ce jour, la flotte a été réduite d'environ 30 p. 100. Le ministre, Fred Mifflin, a dit souhaiter qu'elle diminue de moitié. Nous recommandons instamment de ne pas poursuivre cet exercice avant d'avoir procédé à un examen et laissé les économies des collectivités côtières la possibilité de s'adapter et de se relever du choc de la première vague des permis de zone et des rachats. Il va sans dire que cet exercice a eu des répercussions très sérieuses.

Pour ce qui est de l'autorité du ministre des Pêches, je crois savoir que l'année dernière, avant le déclenchement des élections, le gouvernement était sur le point d'adopter une mesure législative qui aurait conféré au ministre des Pêches et des Océans le pouvoir d'accorder des privilèges spéciaux sans le consentement du Parlement. Je pense qu'il faut remettre en question et contester une telle initiative. À mon avis, cela ne devrait pas être permis.

D'aussi loin que je me souvienne, l'industrie n'a eu qu'à se féliciter que le ministre doive se présenter devant la Chambre pour obtenir l'autorisation d'apporter des changements importants. Je pense que cette possibilité de contester sa volonté devrait être maintenue.

Il a aussi été proposé d'accroître la participation du gouvernement provinciale dans le secteur de la pêche. Bien qu'il y ait place pour une participation des autorités provinciales, et que cela soit désirable à bien des égards, j'estime que le ministre fédéral devrait continuer d'avoir l'autorité ultime sur le secteur.

• 1410

Je ne sais pas. C'est simplement que la politique joue pour beaucoup au niveau provincial. Je suis sûr qu'on aurait construit un barrage sur le fleuve Fraser il y a 40 ans si W.A.C. Bennet avait eu la compétence ou le pouvoir de le faire, mais cela ne relevait pas de lui. À mon sens, il est de loin préférable que le ministre fédéral possède le pouvoir ultime en la matière.

Au sujet des allocations, nous citons dans note mémoire le propos de M. May selon lequel l'efficience économique n'est pas le seul critère en fonction duquel on doit juger une politique. Même si la Chambre de commerce accorde une importance primordiale à l'efficience économique, les caractéristiques géographiques et démographiques de la région doivent être prises en compte dans l'évaluation des avantages découlant des ressources naturelles de la province.

Nous remarquons par ailleurs dans le rapport de M. May que dans son étude sur la répartition des contingents, il n'a demandé la participation que de deux groupes non sectoriels, soit les communautés et les environnementalistes. Nous aimerions souligner que dans son rapport précédent, M. May n'avait pas demandé la participation des chambres de commerce et que si on demande aux groupes environnementaux leur point de vue sur les activités du secteur primaire, alors il faudrait demander également celui des chambres de commerce.

Récemment, la chambre de commerce de French River a écrit au ministère local des Pêches et des Océans pour demander le statut d'intervenant et de participer aux décisions locales touchant la rivière Skeena et les ressources halieutiques de la région, mais on leur a refusé ce statut. Le gouvernement et ses organismes devraient savoir que la plupart des gens qui vivent dans la région du Nord, comprenant les deux tiers de cette province et riche en ressources, et qui fournissent des produits et services à ces industries sont sensibles aux décisions qui influent sur leur gagne-pain et leur mode de vie, décisions qui sont prises par d'autres personnes qui se préoccupent peu ou pas des conséquences pour eux.

Il y a une autre question qui n'a pas été soulevée aujourd'hui. J'aimerais tout simplement faire une observation.

Il a été proposé d'établir des quotas au niveau de la collectivité. Je ne connais pas très bien le concept, mais j'ai certaines inquiétudes au sujet de la bureaucratie qu'il faudrait mettre en place pour administrer un tel quota. S'il faut s'occuper de l'établissement des prix du poisson, des salaires, des ventes, etc., alors nous ne sommes pas contre cette idée.

Cependant, cela étant dit, nous appuyons les efforts en vue de faciliter la transition qui se fait à l'heure actuelle dans l'industrie, mais nous avons certaines inquiétudes lorsque les programmes gouvernementaux favorisent une région ou un secteur par rapport à d'autres.

Par exemple, le projet de cumul des permis financé récemment par le ministère des Pêches et des Océans à raison de 5 millions de dollars a été donné en sous-traitance aux organisations côtières pour le développement des collectivités. Cet argent a été réparti au prorata. Malheureusement pour la région qui se trouve au nord de la province, 10 des 11 organisations côtières pour le développement des collectivités qui reçoivent des fonds sont situées dans le sud de la province, ce qui fait qu'environ 50 permis seront transférés du nord de la province à des collectivités sur l'île de Vancouver et des basses terres du Fraser.

Comme le plan Mifflin et le projet de permis de zone l'ont fait comprendre de façon si radicale à ceux d'entre nous qui vivent dans des ports de débarquement de poisson situés dans le Nord, la perte du transport présaison, de l'entretien, de la réparation des engins, du service en saison et de la transformation a eu un impact important sur le commerce local, les services et les fournisseurs de marchandises au détail.

Même si ça fait au moins 15 ans que l'on parle de l'objectif de réduction de la flotte au ministère des Pêches et des Océans et que la plupart des intervenants de l'industrie estiment que cette réduction est nécessaire, malheureusement pour les communautés de la côte Nord, cela arrive à peu près en même temps que la mesure d'attribution des permis de zone par le ministère des Pêches et des Océans.

Compte tenu de la décision de limiter les bateaux à ligne traînante des zones traditionnelles dans les îles de la Reine-Charlotte, de l'élimination de la pêche au filet maillant en août dans la Skeena et de l'élimination des bateaux de pêche à fins multiples ou des filets maillants à ligne traînante, qui, sur la côte Nord, avaient surtout profité aux villages autochtones côtiers, cette partie de la province a été durement touchée sur le plan économique.

Par exemple, la pêche au filet maillant dans la région de la rivière Skeena a diminué pour passer d'environ 1 300 bateaux en 1995 à un peu plus de 800 en 1996, soit une réduction de près de 40 p. 100, ce qui a eu un effet très net sur le secteur des services dans la région de Prince Rupert.

Le succès du plan Mifflin en vue de réduire la flotte de fileyeurs côtiers d'environ 30 p. 100 et l'attribution des permis selon la zone font en sorte que la flotte dans la zone 4 a été réduite à un niveau où, en 1996, il n'y avait pas suffisamment de bateaux de pêche pour la remontée de saumon du Fraser qui a été au-dessus de la moyenne cette année-là.

Récemment, la surremontée régulière du saumon sockeye dans le bassin de la Skeena semble être un effort délibéré de la part du ministère des Pêches et des Océans d'assurer une pêche commerciale en amont pour les collectivités autochtones. La communauté non autochtone de la côte Nord accepte depuis longtemps la pêche pour la consommation humaine, mais s'inquiète, pour diverses raisons, de la tentative évidente du ministère de créer une pêche commerciale dans le cours supérieur de la Skeena.

• 1415

La qualité et par conséquent le prix du poisson ont considérablement diminué à mesure que le poisson approche du frai. Les petits pêcheurs commerciaux indépendants qui ont investi plusieurs centaines de milliers de dollars dans des navires ou des permis n'ont pas la possibilité de gagner un revenu raisonnable à cause de cette stratégie non officielle qui consiste à fermer la pêche au filet traînant sur la Skeena le 31 juillet, peu importe l'importance ou le moment de la remontée.

Les soi-disant «jours supplémentaires» de pêche accordés par le ministère des Pêches et des Océans au début de juillet pour essayer d'apaiser les pêcheurs au filet maillant constituent une situation anormale et artificielle. Pour justifier la fermeture chaque année de la pêche au saumon sockeye dans la Skeena, le ministère des Pêches et des Océans a accordé des jours supplémentaires au tout début de la remontée peu importe l'importance ou le moment de la remontée. Cela doit être extrêmement frustrant. La saison dernière, je crois qu'il y avait 48 heures où la pêche était permise et 24 heures où elle ne l'était pas. Les gars parvenaient à peine à rentrer au port, décharger leurs poissons, refaire le plein et faire les réparations à temps pour retourner pêcher le lendemain soir. C'était au début de la saison. La remontée ne faisait que commencer.

On leur accorde ce temps alors qu'en réalité ils préféreraient de loin prendre trois, quatre ou cinq jours au cours de la première semaine du mois d'août. Je crois que cela aurait fait très peu de différence pour l'échappement du saumon coho et Steelhead et autres, mais cela aurait fait une différence considérable dans les revenus de ces pêcheurs s'ils avaient eu cette occasion.

D'autres en ont parlé et continueront d'en parler plus tard, j'en suis certain.

En ce qui concerne le projet de loi sur les espèces en péril, le projet de loi C-65, la chambre de commerce de Prince Rupert joint ses efforts à ceux de la B.C. Resource, Business, and Community Coalition pour exhorter le gouvernement d'entamer un processus de consultation beaucoup plus général avant de présenter à nouveau le projet de loi. La protection des espèces en péril est quelque chose que tous les Canadiens peuvent appuyer, mais le dépôt d'un tel projet de loi après n'avoir consulté que des groupes intéressés à la présentation sera source de chambardement dans les collectivités axées sur les ressources si le projet de loi qui a été présenté lors de la dernière session est adopté. Je vous exhorte de reconsidérer le projet de loi, de mener des consultations beaucoup plus approfondies et de veiller à ce que les collectivités côtières et les collectivités axées sur les ressources à l'intérieur des terres aient la possibilité d'exprimer leurs préoccupations.

Les moratoires: À l'heure actuelle, deux comités locaux tentent de faire lever les moratoires touchant le développement économique dans cette région. L'objectif que poursuit le North Coast Oil and Gas Task Force est de faire en sorte que le gouvernement provincial réévalue la zone maritime à l'intérieur des terres afin de permettre l'exploration du pétrole et du gaz dans le bassin de la Reine-Charlotte et que le gouvernement fédéral lève le moratoire de 1972 pour la côte Ouest afin de faciliter l'exploration pétrolière et gazière en mer. En 1995, la Commission géologique du Canada estimait que les réserves pétrolières et gazières pourraient équivaloir à trois fois celles que l'on trouve dans le gisement de Hibernia au large de la côte Est. Les estimations varient de 2,7 milliards de barils de pétrole à 20 billions de mètres cubes de gaz. Des lettres demandant leur appui ont été envoyées à divers ministres fédéraux intéressés et aux premiers ministres, à des ministres provinciaux et au premier ministre provincial, ainsi qu'aux conseils municipaux locaux, aux conseils de bande et à d'autres groupes intéressés.

Par ailleurs, nous demandons la levée d'un moratoire provincial limitant l'aquaculture marine et l'expansion de la salmoniculture sur la côte Ouest. À l'heure actuelle, l'industrie de la salmoniculture qui existe sur la côte Sud produit environ 32 000 tonnes de saumons par an, avec une valeur d'environ 175 millions de dollars en ventes, et crée 2 400 emplois. En 1997, la culture des salmonidés a dépassé la production de saumons sauvages, et selon les prévisions, c'est un secteur qui devrait continuer à croître. La côte Nord a le potentiel pour doubler la production actuelle de la Colombie-Britannique et offrir également des possibilités d'emploi dont on a énormément besoin dans les collectivités côtières autochtones et non autochtones qui ont été durement touchées par les problèmes que connaît actuellement la pêche au saumon. Les pêcheurs locaux et d'autres organismes examinent la possibilité de mariculture pour les crustacés et coquillages, le poisson et d'autres produits marins et nous demandons votre appui à cet égard.

J'aimerais faire des observations au sujet du règlement sur l'habitat. La Loi sur les pêches dit qu'il ne devrait y avoir aucune perte nette d'habitat lors du développement de l'estran. La loi stipule également que l'impact socio-économique doit être pris en compte lors de l'évaluation d'une proposition de développement. Dans le port de Prince Rupert, à l'exception de deux projets municipaux, il n'y a eu aucun développement ni aucune nouvelle construction, du moins au cours des quatre dernières années, même si on a tenté d'en entreprendre à de nombreuses reprises.

• 1420

Le problème, comme l'ont dit de nombreux initiateurs de projets, est le libellé de la loi, qui insiste sur le fait qu'il ne doit y avoir aucune perte nette mais ne mentionne aucunement la coopération ou la nécessité de travailler avec les promoteurs de projets pour le développement des zones riveraines. La loi ne définit pas non plus quels compromis seraient acceptables et ne fixe aucun délai pour le traitement d'une demande de développement.

Bon nombre de promoteurs de projets de développement de zones riveraines ont exprimé l'avis que notre communauté pourrait tout aussi bien se situer au beau milieu du Manitoba puisqu'on ne nous donne pas la chance de développer les possibilités maritimes que nous offre notre emplacement géographique. Il s'agit d'un point assez sensible ici, et il me semble que non seulement le ministère des Pêches, mais également d'autres organismes gouvernementaux pourraient aider les gens à essayer de créer des projets de développement et des emplois et des possibilités dans les municipalités. Ils ont cependant leurs propres lignes directrices et ils les interprètent de façon beaucoup trop rigide. Ça n'est tout simplement pas acceptable, il faut que cela change. Ils doivent être moins rigides.

La pêche sportive: Ce secteur a connu une croissance considérable au cours des dernières années et est un participant important pour ce qui est de la pêche de la ressource en saumon dans notre province. Une préoccupation importante pour de nombreuses personnes dans le secteur commercial traditionnel des fileyeurs, senneurs, bateaux à la ligne traînante et des conserveries, c'est que le secteur de la pêche sportive commerciale qui s'est développé, et qui comprend des exploitants de services de traitement quotidiens, à partir des travailleurs au noir qui travaillent les jours de congé et qui profitent des taxes d'affaires jusqu'aux exploitants de services de traitement quotidiens ou hebdomadaires, des camps de pêche flottants mobiles qui opèrent de 15 à 20 chaloupes, et qui évitent ainsi de payer les taxes foncières et qui demandent autour de 500 $ par jour pour le privilège, y compris des camps sur la côte et sur le réseau fluvial, et des guides qui montrent aux visiteurs où trouver le saumon et comment l'attraper, n'est pas soumis aux mêmes règles que le secteur commercial traditionnel.

Un certain nombre de préoccupations ont été soulevées. Il y a d'abord le fait que le public a l'impression que les utilisateurs de la ressource que je viens de décrire sont des utilisateurs sportifs plutôt que commerciaux, ce qui est le cas. Il serait difficile de changer la définition, mais le pêcheur à la ligne local qui pêche pendant ses journées de congé ou ses vacances, comme les nombreux pêcheurs à la ligne qui visitent la côte, n'utilisent pas les services de ceux que je viens de décrire plus haut, mais ce sont eux vraiment les pêcheurs sportifs.

Étant donné la croissance commerciale des utilisateurs non traditionnels dans le secteur, ils devraient être soumis aux mêmes règles, particulièrement pour ce qui est d'inscrire le nombre de prises, la zone de pêche, etc. Par ailleurs, comme le secteur commercial traditionnel se voit imposer des limites depuis de nombreuses années quant au nombre de permis, et dorénavant également des restrictions au niveau de la zone, en plus des coupures additionnelles par le biais des plans de rachat, du cumul des permis, etc., le moment est venu pour le secteur sportif commercial d'être assujetti à des contrôles semblables.

L'attribution de permis: Puisque l'industrie se dirige vers des systèmes de quotas individuels ou par bateaux, ou les deux, il faudrait insister pour que ce privilège soit limité à ceux qui pêchent réellement cette ressource. Comme c'est la politique à l'heure actuelle pour la pêche au flétan, l'accumulation des quotas devrait être déterminée par règlement et un maximum devrait être imposé pour permettre au plus grand nombre de pêcheurs possible de continuer à participer dans la mesure où l'économie le permet.

Je n'ai pas entendu de commentaires directs à ce sujet ce matin provenant d'autres personnes, mais je n'ai pas assisté à toutes les délibérations. Il y a toute une réaction à certaines des restrictions qui ont été imposées, et à ce qui se fait assez couramment depuis quelques années pour ce qui est de la pêche au hareng au filet maillant et pour la pêche, alors que de nombreux pêcheurs peuvent rester sur la terre ferme et tout simplement louer leurs permis et gagner le revenu d'une année en louant le document qu'ils ont pratiquement eu gratuitement lorsque cette pêche a commencé à se développer.

Il serait peut-être très difficile de changer la situation, mais pour essayer de développer la pêche des coquillages et la pêche en plongée et les diverses autres choses du genre, on devrait essayer de trouver le moyen de limiter cela à l'exploitant pêcheur. La personne qui pêche le poisson devrait détenir le permis, et si elle ne veut pas l'utiliser, alors on devrait peut-être le lui retirer. Peut-être ne devrait-elle pas avoir l'occasion de l'obtenir. Cela cause réellement des problèmes et il faudrait examiner sérieusement la question.

Comme d'autres l'ont dit, il y aurait encore beaucoup à dire. J'aimerais simplement vous remercier de nous avoir permis de vous présenter notre point de vue aujourd'hui. J'espère que vous nous rendrez à nouveau visite avant longtemps alors que nous traversons cette période très difficile dans un secteur d'activité qui, par le passé, a joué un rôle crucial dans le développement de cette région du Canada et qui peut encore le faire à l'avenir.

• 1425

Le secteur traverse une période très difficile, mais nous n'avons pas de problèmes aussi graves en matière de stocks de poisson que sur la côte Est. Notre problème c'est qu'il y a trop de gens qui pêchent à l'heure actuelle et il nous faut faire un peu le tri dans certains de nos problèmes. Je crois toutefois que notre avenir est prometteur.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Sheppard.

J'invite maintenant Evelyn Mueller à prendre la parole.

Mme Evelyn Mueller (Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce): Bonjour. Je suis travailleuse à terre chez J.S. McMillan Fisheries et je présente cet exposé au nom de l'Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, l'agent négociateur de notre usine. J'ai été invitée à prendre la parole à la dernière minute car la personne qui devait témoigner maintenant n'a pas pu venir. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps d'apprendre mon texte par coeur et je vais donc vous le lire.

À l'arrière plusieurs lettres sont jointes en annexe. Je ne vous les lirai pas maintenant mais si vous voulez bien, je vais vous distribuer des exemplaires de mon texte à la fin et vous pourrez l'étudier lorsque bon vous semblera.

D'après nos renseignements, c'est la première fois que le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes tient des audiences sur la côte Ouest. Étant donné la gravité et la fragilité de la situation du secteur de la pêche sur la côte Ouest, votre visite est des plus opportunes et nous vous savons gré de nous avoir permis de témoigner devant votre comité.

La section locale 2000 de notre syndicat représente environ 350 travailleurs à terre attachés à l'usine Fairview de J.S. McMillan Fisheries, à Prince Rupert. Cette usine est la seule installation de conditionnement du poisson de fond qui soit ouverte toute l'année sur la côte Ouest et, jusqu'à tout dernièrement, elle a offert un emploi régulier aux familles de Prince Rupert et à des collectivités avoisinantes.

Contrairement à bon nombre d'autres conserveries, J.S. McMillan Fisheries mise depuis toujours sur les bénéfices réalisés au cours d'une saison de pêche pour financer les activités de pêche de la saison suivante. Par exemple, la saison de la pêche au hareng servira de tremplin pour la saison de la pêche au saumon plus tard dans l'année. Sur la côte Ouest, la saison de la pêche au hareng en 1997 a été catastrophique. Lorsque la pêche au saumon dans le Nord a été détruite, J.S. McMillan s'est trouvé confronter à une très grave crise de liquidité qui l'a obligée, le 14 novembre 1997, a demandé une protection aux termes de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Nous n'avons pas l'intention de discuter de questions de faillite devant le comité, mais il s'agit de toute évidence d'une conséquence de la mauvaise gestion des pêches de la côte Ouest du fait que le gouvernement fédéral n'ait pas fait respecter le traité sur le saumon du Pacifique.

Au cours des cinq dernières années, les flottilles de pêche américaines ont pris pour plus de 500 millions de dollars de saumon de la Colombie-Britannique, violant ainsi les dispositions du traité, qui est censé garantir l'équité et la conservation des stocks. Les deux pays signataires ont le droit de prendre une quantité de saumon à peu près égale au volume de frai produit à l'intérieur de leurs limites. Le traité impose également des obligations et diverses mesures à chacun des pays pour garantir la conservation des stocks. Même si ce traité ne renferme aucune date limite, les quotas réels doivent être négociés chaque année. En vertu de la dernière entente négociée en 1993, la flottille de l'Alaska était autorisée à prendre un maximum de 160 000 poissons au cours des trois premières semaines de la saison de la pêche au saumon.

En l'absence de quotas annuels négociés, les prises américaines ont augmenté en flèche tous les ans depuis 1993. En 1997, les pêcheurs américains ont pris près de 573 000 saumons. Selon les estimations, plus de 70 p. 100 de la prise totale de l'Alaska consiste en poissons dont le frai vient de Colombie-Britannique.

Ce problème n'ayant pas été résolu, notre localité a été durement frappée. Des employeurs ferment leurs portes, des familles sont déchirées et, bien souvent, ceux qui s'occupent de la transformation de cette denrée sont eux-mêmes incapables de nourrir leurs familles parce que les Américains volent notre poisson. Est-il trop tard? Nous espérons sincèrement que non, mais le temps presse.

Comme vous le savez sûrement, les représentants spéciaux des intervenants dans le processus pour régler le problème du saumon du Pacifique ont dégagé trois conclusions importantes:

(1), le Traité canado-américain sur le saumon du Pacifique est important pour les deux pays et il doit être confirmé;

(2), les pêcheurs américains ont pris trop de poissons qui se dirigeaient vers le Canada;

(3), il faut conclure une entente par des pourparlers directs de gouvernement à gouvernement.

Il incombe au gouvernement fédéral de négocier une entente qui rétablira le quota canadien bien avant la saison 1998. Notre localité n'aura pas une deuxième chance.

• 1430

Dans l'intervalle, le gouvernement fédéral a une obligation envers ceux qui ont perdu non seulement du travail, mais aussi le droit aux prestations d'assurance-emploi à cause du nouveau règlement. Tous les détails là-dessus sont fournis dans la lettre ci-jointe adressée à l'honorable Paul Martin. Nous n'acceptons pas l'explication de ce dernier, selon laquelle le gouvernement doit conserver le surplus. Comme nous le disons dans notre lettre, le surplus existe en partie parce que les pêcheurs et les travailleurs à terre se sont vu refuser des prestations qu'ils auraient reçues aux termes du règlement antérieur, en dépit de la pénurie de saumon. Au lieu de cela, on a maintenant utilisé une partie du surplus pour réduire les cotisations des employeurs et des employés à l'AE. J'ose affirmer que cette mesure n'aide nullement ceux qui sont en chômage à cause de l'incapacité du gouvernement de résoudre le problème des quotas.

Nous exhortons le comité à appuyer notre demande de rétablissement des prestations d'assurance-emploi qui ont été refusées aux travailleurs du secteur de la pêche de la côte Ouest.

La réponse que l'honorable Paul Martin a donnée à notre lettre, en date du 28 novembre 1997, est inacceptable pour les habitants de notre localité. Comme vous pouvez le voir dans les lettres ci-jointes, notre position a l'appui entier du premier ministre de la Colombie-Britannique, l'honorable Glen Clark. L'extrait suivant se passe de commentaires:

    Je crois que le gouvernement fédéral doit être tenu responsable de cette politique et de ces mesures et qu'il doit assumer la responsabilité de l'atténuation des conséquences qui en ont résulté.

Enfin, à une réunion récente de la Fédération des travailleurs de Colombie-Britannique, les délégués ont adopté à l'unanimité la résolution d'urgence ci-jointe, dans laquelle on exige non seulement le règlement immédiat du conflit du saumon du Pacifique, mais aussi des modifications à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité de manière à protéger et avantager les travailleurs tout autant que les créanciers et les employeurs. Nous vous exhortons à appuyer notre position, afin qu'ensemble, nous puissions protéger et conserver notre ressource, tout en donnant en même temps aux travailleurs l'occasion de gagner leur vie en récoltant les ressources de la mer en 1998, qui est l'année internationale de l'océan.

Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, madame Mueller.

Nous entendrons maintenant les représentants du Community Fisheries Development Centre, Tasha Sutcliffe et Arnie Nagy.

Mme Tasha Sutcliffe (coordonnatrice du programme, Community Fisheries Development Centre): Je pourrais retenir votre attention pendant toute la journée pour essayer de vous faire comprendre l'ampleur de la crise dans laquelle la côte Nord a été plongée à cause de la restructuration et du resserrement du secteur de la pêche. Heureusement, j'ai rédigé un texte écrit et je devrais donc être en mesure de m'en tenir à dix minutes.

Depuis le lancement de notre projet CFDC le 1er août 1997, nous avons reçu plus de 500 nouveaux candidats—en fait, c'est plutôt 600; je crois que le chiffre précis est d'environ 560—et si l'on ajoute ces derniers aux candidats antérieurs à ce qui s'appelait auparavant le programme d'emploi dans le secteur de la pêche sur la côte Nord, notre liste de personnes à contacter comprend plus de 900 noms. D'après les formulaires de renseignements que nous avons reçus de DRHC au sujet de ceux qui sont admissibles à l'AE parce qu'ils ont touché des prestations d'AE au cours des trois dernières années, nous pouvons faire une évaluation approximative et conclure qu'environ 40 p. 100 ne sont pas admissibles et n'ont par conséquent pas droit au moindre avantage qui pourrait être offert dans le cadre des programmes de DRHC, que ce soit de la formation ou des projets de travail. Nous savons également que beaucoup de gens sont au courant de ce critère et ne prennent donc pas la peine de s'inscrire, croyant qu'ils ne peuvent obtenir de l'aide. Nous pouvons donc affirmer sans trop de risque de nous tromper que ce chiffre de 40 p. 100 est un minimum.

J'ai ici une copie de cette liste de noms et je vous la remettrai à la fin de ma présentation. J'ai aussi des renseignements généraux sur la saison dans le Nord et des chiffres donnant des exemples du petit nombre de gens qui sont admissibles à l'AE, notamment chez les travailleurs riverains. Je vous remettrai cela également, mais je ne veux pas m'attarder tout de suite sur les chiffres. Je voudrais plutôt aujourd'hui aborder le problème sous l'angle humain.

Je veux que vous sachiez que ces gens-là ne s'inscrivent pas chez nous pour le plaisir. Ils demandent de l'aide parce qu'ils sont déplacés ou bien parce qu'ils ne peuvent plus subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille à même le peu de travail qu'il leur reste. Certains d'entre eux ont travaillé dans ce secteur toute leur vie, comme peut-être plusieurs générations antérieures dans leur famille. Ils ont travaillé dur. Ils étaient compétents dans leur domaine et faisaient leur travail avec fierté. Ce n'est pas facile pour eux de se rendre compte que leur gagne-pain est en train de disparaître et qu'ils doivent tout recommencer, chercher un autre emploi et acquérir de nouvelles habiletés. Pourtant, ils se tournent vers nous, tentant désespérément de trouver de l'aide, quelle qu'elle soit.

• 1435

Les conséquences sociales et économiques que tout cela a eu sur les familles et les localités sont immenses. Des particuliers ont écrit des lettres dans lesquelles ils décrivent leurs difficultés personnelles et j'ai ici copie de ces lettres que je vous remettrai également. Je trouve qu'elles offrent la description la plus saisissante du chambardement total que ces gens-là ont subi. Les auteurs de ces lettres décrivent comment ils ont perdu leur emploi, mais aussi leur dignité et aussi, dans certains cas, leur bateau, leur maison et leur famille.

Je veux savoir comment le gouvernement peut réaliser un plan comme le plan Mifflin, qui réduit de façon draconienne la taille de la flotte de pêche et frappe aussi de plein fouet l'emploi des travailleurs riverains, pour ensuite mettre en doute le nombre de personnes touchées et le besoin d'un programme de transition. Je veux savoir ce que l'on escomptait. Pensait-on que tous ceux qui avaient travaillé toute leur vie dans ce secteur se précipiteraient pour trouver un autre emploi ailleurs? Et d'ailleurs, quels emplois? Avait-on prévu que les nouvelles compétences nécessaires pour créer des emplois apparaîtraient du jour au lendemain, sans qu'il n'en coûte un sou? Pensait-on que le problème s'évanouirait magiquement et que tous ces gens-là disparaîtraient?

DRHC répète à qui veut l'entendre que son mandat, ce n'est pas le soutien du revenu, la santé mentale, le renouvellement des ressources, etc., mais bien l'emploi. Eh bien, nous voulons tous que chacun ait un emploi, mais pour créer suffisamment d'emplois pour que toutes les personnes déplacées en aient un et pour garantir leur succès dans ces nouveaux emplois, nous devons d'abord reconnaître les autres problèmes et s'y attaquer, que ce soit ou non du ressort de DRHC.

Quand on a travaillé pendant 25 ans dans une usine ou à bord d'un bateau, il est fort probable qu'on aura besoin d'une formation scolaire générale, de certaines habiletés de base ou d'orientation de carrière, d'une formation spécifique et même d'une expérience de travail pour obtenir un nouvel emploi. Tout cela n'arrivera pas sans un engagement profond de la part des gens et du gouvernement.

Les gens se tournent vers nous. Ils sont prêts. Je veux savoir quelle forme prend l'engagement du gouvernement. Il faut mettre en place un programme de transition à long terme et cela ne peut pas être seulement du ressort de DRHC.

À un moment donné l'année dernière, nous étions le troisième employeur à Prince Rupert, grâce à nos projets d'emploi. Il y a des gens qui craignaient comme la peste d'aller à l'école, mais ils se débrouillent très bien en classe et ils en redemandent.

En mettant au point des programmes, nous avons travaillé avec de nombreux groupes différents, des entreprises et des organisations de Prince Rupert et des localités environnantes, et pas seulement avec DRHC. Nous faisons notamment affaire avec des propriétaires de petites entreprises, des compagnies de conditionnement du poisson, avec le programme Développement des collectivités, le collège, le centre d'habiletés, le district régional, la fraternité et divers conseils de bande, la UFAWU et d'autres syndicats, MOEST, le MPO, le district forestier de la côte Nord, et bien d'autres. Nous travaillons à de nombreux projets dans de nombreux secteurs. Nous travaillons notamment à obtenir pour les gens une formation générale, des habiletés de base, des habiletés susceptibles d'accroître leur employabilité, que ce soit dans la gestion de cours d'eau, du travail en forêt, dans de petites entreprises, dans les secteurs du marketing, de la recherche, de la valeur ajoutée, le développement de nouveaux parcs... La liste est très longue.

Compte tenu de ce que nous avions au départ, nous avons réalisé d'immenses progrès en direction d'une transition réussie. Nous pouvons mettre en oeuvre avec succès des programmes de travail et de formation qui offrent de nouvelles possibilités d'emploi dans un autre domaine ou dans l'intersaison, mais il nous faut un programme qui aurait une portée beaucoup plus vaste et qui serait beaucoup plus souple. Les critères que nous devons appliquer actuellement laissent trop de gens démunis, des critères comme celui de l'attachement antérieur au marché du travail pour être admissible à l'aide de DRHC. Trop de gens sont laissés pour compte et ce sont souvent ceux qui ont les besoins les plus criants. C'est très difficile de dire à quelqu'un qui vient demander de l'aide qu'il ne peut obtenir un sou parce qu'il n'a pas touché de prestations d'AE au cours des trois dernières années. Les gens se disent, eh bien, cela ne prouve-t-il pas que je suis tout autant dans le besoin, sinon plus, que quelqu'un qui a peut-être touché des prestations d'AE et qui a un certain soutien du revenu?

Dans une localité côtière comme Prince Rupert, tout le monde est touché: les entreprises, les pourvoyeurs de services sociaux, les enfants des familles dont le secteur de la pêche est le gagne-pain. Pourquoi nous faut-il expliquer tout cela encore et toujours, sans jamais recevoir une réponse claire?

Nous avons rencontré Bob Nault quand il est venu ici et je n'ai toujours pas vu le moindre résultat de cette visite, même s'il semblait nous écouter et nous donner une lueur d'espoir à l'époque. On nous a dit que nous pouvions l'appeler n'importe quand et qu'il communiquerait avec nous. Je n'ai pas entendu un mot depuis. J'espère que cela ne se reproduira plus.

Je veux savoir s'il existe une raison au monde justifiant que quelqu'un invente pareille chose. Je veux savoir si cela vous amuse.

Je suis l'une des trois permanentes de CFDC à Prince Rupert et je vois chaque jour les retombées de la restructuration du secteur. Ne venez pas me dire qu'il n'y a pas de crise, que la côte Ouest n'a pas besoin d'un programme de transition. Si vous croyez cela, alors je vous invite à lire les lettres que je vous ai remises et à passer plus qu'une journée à Prince Rupert à côtoyer nos travailleurs de la pêche. Je vous en prie, ne retournez pas à Ottawa après avoir une fois de plus fait la sourde oreille à notre plaidoyer.

Le président: Merci, madame Sutcliffe.

Nous entendrons maintenant Arnie Nagy.

• 1440

M. Arnie Nagy (membre du conseil d'administration, Community Fisheries Development Centre): Merci, monsieur le président.

Je suis travailleur riverain ici même à Prince Rupert. Je fais ce travail depuis 18 ans. J'ai 34 ans et j'ai donc passé plus de la moitié de ma vie dans l'industrie de la pêche. La présence de ma famille dans le secteur de la pêche commerciale ici dans le Nord remonte à bien plus d'un siècle.

Monsieur Baker, ça fait longtemps que vous et moi n'avons pas eu l'occasion de nous entretenir des problèmes de la pêche. Je pense que c'était il y a neuf ou dix ans. Nous étions à Ottawa et nous avions discuté des répercussions du libre-échange et de la décision prise dans le cadre du GATT. Malheureusement, tout comme Des, je dois vous dire que nous vous l'avions bien dit. Et nous voici plongé en pleine crise parce que celle-ci a été amplifiée à un point que nous n'avions même pas prévu.

L'usine dans laquelle je travaille est la plus grande conserverie de saumon au monde. Quand elle fonctionne à plein régime, elle emploie environ 1 300 personnes. Je suis venu ici aujourd'hui pour ajouter ma voix à celle de mes confrères travailleurs.

L'une de nos inquiétudes, c'est l'immobilisme de notre ministre des Pêches face à la crise qui nous afflige sur la côte Ouest.

Comme vous le savez, le secteur de la pêche a été durement éprouvé par une saison misérable l'année dernière. Nos travailleurs riverains ont eu très peu de travail et nos pêcheurs ont pris très peu de poissons. Cette pénurie de travail a forcé un grand nombre de gens à demander de l'assistance sociale alors que, par le passé, ils auraient normalement eu droit à l'assurance-emploi.

Je dois ajouter que les prestations de ceux qui étaient effectivement qualifiés à toucher l'assurance-chômage sont si misérablement basses, à comparer à ce qu'elles étaient autrefois dans ce programme, qu'ils ne peuvent même pas se permettre de payer leur facture d'hydro ou quoi que ce soit d'autre.

Comme ma soeur l'a expliqué tantôt, la fermeture possible de l'usine J.S. McMillan ne peut qu'aggraver la crise que nous confrontons à Prince Rupert.

Je voudrais prendre mon temps et mettre le comité au courant du fait qu'il y a une crise ici à Prince Rupert, une crise bien réelle que nie notre ministre des Pêches. Le ministre des Pêches lui tourne le dos. Je veux savoir pourquoi.

Je veux que vous sachiez que nous avons rencontré M. Anderson à plusieurs reprises ici à Prince Rupert. J'ai rencontré M. Anderson au printemps dernier lorsqu'il est venu ici pour se faire photographier en train de présenter un chèque de 450 000 $ aux fins du projet d'emploi que nous avions mis sur pied. À ce moment-là nous avons eu une rencontre d'une heure. Nous lui avons présenté des mémoires qui faisaient état de l'importance de l'industrie de la pêche pour les entreprises locales. Les compagnies de camionnage en sont dépendantes, 90 p. 100 de leur chiffre d'affaires provient du transport des produits du poisson vers le sud. Les magasins d'appareils électroniques en dépendent pour plus de trois quarts de leur chiffre d'affaires. Les bars, les hôtels et les taxis en souffrent tous. Si aujourd'hui vous avez l'occasion de prendre un taxi, demandez au chauffeur de taxi comment vont ses affaires. Il est dans le même bateau que nous. Il est en train de faire faillite rapidement.

Je voudrais aussi vous dire que nous avons rencontré plusieurs des adjoints de M. Anderson. Nous n'avons pu obtenir que des réponses irritées et de vaines promesses.

Il serait temps de mettre une fin à toutes ces fadaises. Nous devons faire face à la crise ici. Les vaines promesses ne font rien pour aider le monde quand ils ont l'estomac vide.

Nous avons aussi rencontré, comme Tasha vous l'a expliqué, M. Bob Nault. Je crois que c'est le secrétaire parlementaire de M. Pettigrew. Cette réunion semblait donner de très bons résultats. Parfois lui aussi s'est mis en colère. Mais à la fin de cette réunion j'avais nettement l'impression qu'il allait ramener notre message à Ottawa pour mettre les ministres au courant de la crise qui existe ici.

Comme Tasha l'a dit, voilà déjà deux mois d'écoulés mais nous n'avons rien entendu. Pourquoi? Je voudrais avoir une réponse à cette question. Pourquoi ne dit-on rien? Pourquoi ne fait-on rien?

Il nous a expliqué que 35 millions avaient été affectés à des programmes pour venir en aide aux gens. Il semble que chaque fois que nous soumettons une proposition pour employer du monde, les paramètres se resserrent. Tout cela signifie qu'il est de plus en plus difficile d'obtenir l'approbation d'un projet.

Ce qui se passe maintenant est absolument criminel. Nous avions déjà préparé des propositions au mois d'août de l'an dernier. Eh bien, cinq mois ont déjà passé et nous avons peut-être 100 personnes qui ont eu des emplois avec ces projets et 900 autres qui attendent. N'est-ce pas là une crise? Est-ce qu'on n'est pas en train de l'ignorer? Je pense bien que c'est le cas.

• 1445

Nous autres nous restons ici dans le Nord et nous ne cessons de lutter et de lutter et de lutter pour essayer de sauver une industrie, l'héritage des générations à venir...pour qu'elles puissent y travailler, gagner leur convenablement et faire vivre leur famille. Lorsqu'on essaie de soulever des questions, on nous fait la sourde oreille. Ils refusent d'écouter.

Dans plusieurs des communautés isolées aussi bien qu'à Prince Rupert nous voyons des faillites, la destruction des familles et des ménages; les gens sont en train de perdre tout ce qu'ils ont, après avoir travaillé toute leur vie, tout ce dont ils sont fiers. On jette tout cela à la poubelle. Personne ne veut écouter.

Je vais vous donner quelques chiffres ici que j'ai pu enfin obtenir il y a quelques jours du ministère des Services sociaux. Je voudrais que vous preniez note de ces chiffres. Rendez-vous bien compte que ce ne sont pas là que des chiffres, car je sais que la bureaucratie adore les chiffres. Ces chiffres représentent des êtres humains en chair et en os. Lorsque vous extrapolez, cela ne représente que les personnes qui ont présenté une demande. On ne compte pas les enfants et les autres personnes de la maisonnée qui dépendent aussi de cette rentrée d'argent.

En août 1997 le nombre de demandeurs d'assistance sociale à Prince Rupert avait augmenté de 30 p. 100 par rapport à l'année précédente. Ces gens, qui n'auraient jamais demandé l'assistance sociale auparavant, étaient obligés de le faire à cause de la mauvaise saison de pêche. En d'autres termes, les gens concernés demandaient l'assistance sociale pour la première fois.

Cette augmentation s'explique par ce que ni les travailleurs d'usine de transformation ni les pêcheurs n'ont pu trouver assez de travail ou de possibilités de pêche pour devenir admissibles aux prestations d'assurance-emploi. Mille cinq cent soixante personnes ont demandé l'assistance sociale en 1997. Il faut comprendre que la population active de Prince Rupert s'élève à environ 8 000 personnes. On voit donc que 20 p. 100 de notre population active reçoit des prestations d'assistance sociale. Il y en a d'autres qui avaient la chance de pouvoir bénéficier de l'assurance-emploi. Je dirais que le taux de chômage à Prince Rupert est facilement entre 30 et 35 p. 100, car Statistique Canada ne compte que les gens qui cherchent toujours du travail. Il y en a beaucoup qui ont tout simplement abandonné.

Compte tenu de l'augmentation du mois de décembre, la ville de Prince Rupert a reçu l'an dernier 1,3 million de dollars sous forme de prestations d'assistance sociale. Cela représente une augmentation de 150 000 $ par rapport à l'année précédente. Je signalerais au comité que nous ne réglerons pas nos problèmes en forçant les gens à devenir des assistés sociaux. Ce ne sont pas ces derniers qui ont créé le problème. C'est le gouvernement fédéral et les politiques qu'il a décidé d'adopter qui en sont responsables. Pourquoi faut-il punir ces gens pour les mauvaises décisions et politiques du gouvernement qui sont vraiment à l'origine de ces problèmes?

Comme je viens de l'expliquer, l'an dernier la ville de Prince Rupert avait un programme d'emploi qui offrait de la formation et de l'expérience professionnelle aux gens qui avaient travaillé auparavant dans le secteur des pêches afin d'améliorer leurs chances de trouver un emploi dans l'industrie des pêches ou ailleurs. Ce programme a eu beaucoup de succès, remontant le moral des gens et leur donnant la base nécessaire pour leur permettre d'aller plus loin dans leurs études et d'améliorer leurs perspectives d'emploi. Beaucoup des participants se sont inscrits dans d'autres programmes et poursuivent actuellement leurs études. Les bureaux de M. Anderson et de M. Pettigrew nous ont abandonnés, nous qui essayons de faire quelque chose de constructif. Beaucoup des gens concernés sont parmi nous dans cette salle aujourd'hui.

Il me semble que si c'est le gouvernement fédéral qui, de par ses politiques, est responsable du chômage, ce dernier devrait offrir des fonds transitoires destinés à permettre aux travailleurs déplacés de l'industrie de la pêche de rester dans ce secteur, de se créer d'autres possibilités d'emploi et de devenir ainsi rentables, ou bien il devrait prévoir des fonds pour ceux qui décident de quitter l'industrie et de trouver un emploi ailleurs.

Il y a aussi une autre chose que le comité doit comprendre. Nous ne nous voyons pas comme une industrie en déclin. Au contraire, nous nous considérons comme une industrie en expansion et nous ferons tout notre possible pour assurer notre avenir. Il y a beaucoup d'espèces sous-utilisées dont on pourrait se servir pour développer de nouveaux produits. Nous pouvons créer des produits à valeur ajoutée qui auront pour effet de créer des emplois, d'offrir de meilleurs programmes et de prolonger la saison de pêche dans des endroits en difficulté, par exemple la rivière Skeena.

Pendant tout le mois d'août 1997 notre flottille de pêche était immobilisée. Il n'y avait aucune activité de pêche car les stocks de la partie supérieure de la rivière Skeena étaient menacés d'extinction. Qu'est-ce qu'on fait alors? Comme on l'a vu pendant les deux années précédentes dans le cas de la truite arc-en-ciel, on constate que la situation était exagérée, que ce n'était pas un problème de conservation mais plutôt d'allocation.

Nous qui travaillons dans ce secteur acceptons qu'il faut payer le prix nécessaire pour protéger les stocks, mais quand il s'agit de décisions politiques et de mauvaise gestion... Si nous devons payer le prix, bon sang, je crois que le gouvernement fédéral, qui a créé le problème, devrait moralement nous dédommager. Ce n'est pas de notre faute. Nous avons tout fait. Personne ne s'est plaint quand la flottille était immobilisée pendant dix jours.

• 1450

En Colombie-Britannique, nous avons un comité de produits secondaires qui est très utile. D'ailleurs, nous avons passé l'année dernière à développer la pêche au chien de mer. Ce sont ces nouveaux produits qui nous aideront à l'avenir.

Mais je dois vous dire quelque chose. J'ai honte—je n'ai pas honte de moi-même, j'ai honte de ma compagnie, parce qu'elle s'est retirée. Elle a refusé le projet. Je lève mon chapeau à M. Rowbotham, le propriétaire de la Omega Packing Company, à Masset, Haida Gwaii, et à Lax Kw'Alaams Marine Industries Inc. à Port Simpson pour avoir assumé ce projet. Je suis convaincu que le projet sera viable. Je sais que nous allons travailler avec eux pour assurer son succès. J'aimerais que le ministre Anderson et le gouvernement fédéral montrent ce même type d'engagement.

Le projet a été élaboré par les travailleurs des fabriques qui l'ont proposé. Ce n'est pas de la charité que nous voulons. Nous essayons de nous bâtir un avenir, et nous voulons seulement qu'Ottawa traite avec nous de façon équitable et nous offre l'aide qui nous revient.

Il y a beaucoup de gens avec qui je travaille qui ne parleront pas aujourd'hui. Ils sont intimidés par ce processus et cette sorte de réunion, et parfois ils ne parlent pas particulièrement bien l'anglais. En outre, ils ont l'impression qu'on les abandonne et qu'on les oublie pendant qu'ils font tout ce qu'ils peuvent pour survivre avec l'aide sociale et parvenir à garder leur maison, leur bateau et leur famille.

Beaucoup d'entre eux se voient forcés de quitter une industrie dans laquelle leur famille travaille depuis des générations. Ils ont l'impression que tout le monde s'en fiche. Ces gens-là ne perdent pas seulement leur emploi, ils perdent leur identité. Ma famille y a travaillé plus de 100 ans, donc pour moi mon emploi à l'usine de transformation du poisson n'est pas seulement un emploi, mais une partie de ma culture et de mon éducation. Je veux que mes enfants héritent de cette tradition avec fierté.

Ils m'ont demandé de vous poser quelques questions, pour que vous puissiez les transmettre à M. Anderson et à M. Chrétien. Vous réussirez peut-être à avoir les réponses que nous n'avons pas pu obtenir.

Premièrement, pouvez-vous nous expliquer comment la faillite aidera nos pêcheurs et nos collectivités lorsque nous perdrons nos bateaux et notre gagne-pain.

Je vais vous donner un exemple. Je ne veux piétiner les plates-bandes de personne, mais le village de Lax Kw'Alaams, à Port Simpson, perd plus de 20 p. 100 de sa flotte à cause des faillites. Quand le plan Mifflin a été mis en oeuvre, un nombre assez important de bateaux basés à Port Simpson faisaient de la pêche à la traîne pour compenser s'ils n'avaient pas eu de succès en mer ou que leurs bateaux n'étaient pas assez gros pour aller vers le sud. M. Mifflin leur a enlevé cette possibilité. Il leur a enlevé leur gagne-pain et dit qu'ils devraient être heureux d'avoir ce qu'il leur reste. C'est un crime. On ne peut pas faire ça à une communauté qui a déjà un taux de chômage extrêmement élevé. On voit la même situation dans beaucoup de réserves à Masset—c'est de là que vient ma mère—et à Kitwanga, dans la flotte de Gitksan, vers le nord.

À quoi ça sert de fermer les yeux sur les difficultés auxquelles sont confrontées nos familles ici dans cette communauté et dans d'autres? Quel avantage avons-nous à fragmenter les familles? Comment est-ce que cela aidera nos enfants, qui se retrouvent dans des situations violentes qui ne devraient même pas se produire? Ce n'est pas la faute de la famille; c'est la famille qui perd tout. Nous voyons tous ce qui se produit. Nous le voyons chaque jour. C'est un crime, et il faut faire quelque chose. J'espère que vous transmettrez ce message à Ottawa.

Pourquoi le ministre ne respecte-t-il pas la promesse faite par M. Mifflin au sujet d'une somme de 30 millions de dollars, ou toute somme qui serait nécessaire? Selon mes derniers calculs, le chiffre était de 21 millions de dollars. Ce n'était même pas une augmentation. Regardez tout l'argent qui va à la côte Est—et je suis d'accord pour qu'il faut donner de l'argent à cette région. Il faut que les gens mangent. Comme quelqu'un au fond de la salle a dit: «Qu'est-ce qu'on est censé faire, manger des cailloux?» Et bien, peut-être que M. Anderson en a trop mangé, parce qu'à mon avis, il semble avoir la tête dure en ce moment.

Est-ce que le ministre s'attend à ce que nous vendions nos maisons, quittions nos familles et nos communautés pour aller nous installer ailleurs? Nous sommes nés dans ces communautés et nous avons passé toute notre vie ici. Et si c'est ce qu'on est censé faire, qui va pouvoir acheter nos maisons, puisque personne ne peut se permettre un tel achat. Est-ce qu'on est censé les donner? Où aller dans le Nord? Ou si on réussit à vendre sa maison ici, on est obligé de partir pour le sud, on va peut-être vendre sa maison pour 100 000 $. Est-ce qu'on va trouver une maison dans le Lower Mainland à 100 000 $ et espérer la garder avec un emploi qui paie 10 $ l'heure?

Ce qu'on nous demande de faire c'est de tout abandonner pour des raisons politiques, pour sauver la peau du ministre, car il sait qu'il commence à avoir une très mauvaise réputation ici en Colombie-Britannique et les gens en dehors de la province commencent à nous entendre.

• 1455

Monsieur Baker, je tiens à vous parler d'un point qui a été soulevé pendant vos audiences. C'est quelque chose qui m'effraie beaucoup. Il est vrai qu'il existe un problème ici sur la côte Ouest dans l'industrie de la pêche, et il semblerait qu'il y a beaucoup de gens qui sont prêts à profiter de cette situation et à encourager la croissance économique dans certains domaines. L'exemple qui a été mentionné ce matin était celui de la pisciculture. Je ne suis pas à 100 p. 100 opposé à la pisciculture, mais il ne faut pas oublier—c'est quelque chose que j'ai vu à la télévision hier soir, car sur la côte est du Nouveau-Brunswick il a fallu tuer plus d'un quart de million de saumons à cause d'une maladie dans une pisciculture.

L'un des comités qui ont examiné la question de la pisciculture a publié aujourd'hui certaines recommandations. Je vous demande de bien vouloir transmettre le message à Ottawa que nous ne voulons pas de pisciculture avant que toutes les 50 recommandations contenues dans le rapport ne soient mises en oeuvre.

Notre industrie ici à Prince Rupert est toujours très viable. Même si les temps sont durs, je pense qu'avec l'engagement voulu, cette situation peut changer. Je ne voudrais surtout pas que nos stocks sauvages soient mis en danger, comme ça été le cas en Norvège. J'y suis allé pendant 18 jours en 1988 lors d'une mission. Les Norvégiens avaient du mal à croire le manque de réglementation en Colombie-Britannique et les répercussions possibles sur nos stocks de saumon.

Permettez-moi de vous donner un exemple, monsieur Baker et membres du comité. À 200 milles d'ici, à Kitwanga, on prend du saumon de l'Atlantique dans la rivière. Il me semble que ces saumons sont à 3 000 milles de leur territoire. Il n'y a pas de pisciculture ici dans le nord. On nous a dit que ces saumons n'entreraient pas dans les rivières. C'est ce qu'on nous avait dit. Je crois savoir qu'on les prend au large de Port Simpson. Ils sont abondants là-bas.

Qu'est-ce qui se passe? Nous soulevons la question, mais on ne nous écoute jamais.

En terminant, je tiens à vous remercier et à m'excuser d'avoir juré à quelques reprises. Ce n'est pas quelque chose que je fais très souvent. Je tiens à vous remercier d'être venus, et je vous demande de bien vouloir dire au gouvernement fédéral à Ottawa que vous savez qu'il existe une crise ici sur la côte Ouest et que c'est maintenant qu'il faut s'y attaquer tout en respectant les besoins de la population locale.

Nous, les travailleurs de l'industrie du poisson, sommes des gens fiers qui travaillons fort. Nous aimons notre travail, c'est un plaisir de nourrir les gens des quatre coins du monde. Tout ce qu'on veut c'est être traité de façon équitable et avec du respect, on veut que nos intérêts ne soient pas mis de côté dans ce jeu qu'on appelle la politique.

Nous sommes dévoués à cette industrie. Nous voulons la voir s'accroître, pour pouvoir la léguer à nos enfants et à leurs enfants, tout comme nos parents nous l'ont léguée. Personne n'a le droit de vendre le patrimoine d'autrui, ou de détruire un droit acquis à la naissance—celui de gagner son pain en faisant ce travail. Il y a des milliers d'années que ma famille pêche du poisson, et je veux qu'elle continue à le faire pendant des milliers d'années à venir.

Ottawa doit s'engager à travailler avec nous. Devenez nos partenaires, travaillons ensemble pour que le projet réussisse. Je suis tout à fait convaincu que si Ottawa et le ministre des Pêches et des Océans nous aidaient à développer et à relancer cette industrie avec la même énergie qu'ils ont montré pour détruire la pêcherie de l'Ouest, nous ne serions pas ici aujourd'hui. Vous seriez probablement chez vous à Ottawa, en train de faire votre travail, et nous, nous serions ici en train d'attraper des poissons, en train de les traiter, et en train de gagner notre pain. Voilà la situation.

Donc, je vous prie de bien vouloir transmettre ce message au nom des gens d'ici. S'il vous plaît, lisez les lettres que vous a remises Tasha. Je n'ai pas eu le courage d'apposer mon nom sur une de ces lettres, parce que je ne voulais pas que tout le monde connaisse la misère financière dans laquelle je me retrouve. La semaine passée, on a coupé des emplois à l'usine, et maintenant je dois chercher un nouvel emploi. Mais je ne compte pas partir sans me faire entendre.

Je vous lance donc ce défi: vous ne pouvez plus dire que vous ne connaissez pas la situation. Vous êtes ici. Vous écoutez la population. Ils vous disent qu'il y a une crise. Il faut que vous nous compreniez.

Monsieur Baker, essayez de régler la situation de Nanaimo; assurez-vous que le comité s'y rendra. Vos chambres sont déjà réservées, et tout est prêt. Si vous voulez, on peut se réunir plus tard et je vous donnerai le nom de la personne en cause, pour qu'on puisse tout organiser. C'est là que retrouve le groupe le plus important de détenteurs de permis en Colombie-Britannique. Je crois qu'il faut les entendre, au lieu de laisser à M. Anderson la possibilité de se faire photographier avec nous pour protéger son image, qui a déjà bien souffert.

Je vous souhaite un bon voyage, et je vous remercie de m'avoir écouté.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Nagy.

Nous avons un petit problème. Il est presque midi, et nous avons encore six témoins à entendre. Comme tout ce que nous entendons ce matin est très important, nous n'avons interrompu personne et nous n'avons pas insisté sur le respect des horaires. Nous sommes ici pour vous écouter, et nous voulons entendre ce que vous avez à dire. Mais nous avons ce petit problème. Or, comme nous n'avons que quatre témoins cet après-midi, je vais proposer que les six qu'on devrait entendre maintenant, dès 11 h 10, soient entendus à 13 h.

• 1500

Est-ce qu'il y en a, parmi vous, qui ne pourront pas être là cet après-midi? Vous pourriez parler maintenant, avant la pause. Deux personnes? Bon, rapprochez-vous, s'il vous plaît, du micro. Nous vous entendrons maintenant, et nous entendrons les six témoins qui étaient censés comparaître ce matin, à 13 h, si tout le monde est d'accord. Nous serons là de 13 h à 16 h.

Nous vous écoutons, monsieur.

M. Peter Haugan (président, British Columbia Deep Sea Fishermen's Guild): Moi, j'ai un bateau de pêche à fins multiples, avec lequel je fais de la pêche au saumon au filet maillant et de la pêche aux crevettes.

Nous avons entendu toutes sortes de choses ce matin. Moi, je représente un groupe de membres d'équipage, qui est le tout dernier syndicat local du Canada. Les gros syndicats ont essayé de nous avaler maintes fois, mais nous avons réussi à rester indépendants. Nous avons une entente avec nos propriétaires de bateau, et donc nous n'avons pas à traiter avec les grandes entreprises, ou avec d'autres parties. C'est comme ça que les membres de mon équipage gagnent leur pain.

Une fois que le ministère des Pêches et des Océans établit ses politiques, soit pour le flétan, soit pour la goberge... ce qui arrive quand vous passez à un système de quotas, c'est que vous considérez le poisson comme appartenant au propriétaire du bateau, au détenteur de permis, ou à une compagnie qui détient ou achète toute une série de quotas, et à ce moment-là il n'y a plus de place pour les membres de l'équipage. Or, ils ont droit à ce poisson. Avant qu'il n'y ait de permis, les bateaux attrapaient des poissons, et les membres de l'équipage en recevaient leur juste part en vertu d'une entente avec le propriétaire du bateau. Demandez à n'importe qui qui pêche du flétan dans la mer de Béring... Ils ne diront jamais que les membres de l'équipage ne méritaient pas leur argent.

Toute personne supplantée doit être compensée, tout comme dans les autres industries. Je vais vous raconter ce qui est arrivé quand les pourparlers avec les Américains ont eu pour résultat de déloger notre flotte de pêcheurs de flétan d'Alaska. Les pêcheurs canadiens ont dû quitter les eaux américaines et retourner à la zone 2B, qui est en Colombie-Britannique. Nos pêcheurs au flétan ont eu trois choix: soit obtenir un permis à flétan pour la zone 2B, soit un permis à goberge pour la zone 2B, soit un montant forfaitaire. Mais ce montant forfaitaire était offert seulement aux propriétaires de bateaux. Les membres d'équipage n'ont pas reçu un seul sou, et certains propriétaires de bateau avec lesquels nous négocions ont refusé le montant forfaitaire parce que, d'après eux, 70 p. 100 de la prise appartenait à l'équipage. Un d'entre eux a demandé à Iona Campagnolo pourquoi son équipage ne figurait pas dans l'équation. Elle a dit que c'était comme ça. Il lui a dit qu'il n'était pas d'accord, parce que son équipage devait gagner son pain. Il a donc demandé un permis à flétan pour la zone 2B, pour en pêcher en Colombie-Britannique.

Nos petits bateaux font faillite, comme vous l'avez constaté aujourd'hui, en raison des politiques récentes du ministère des Pêches et des Océans.

Passons aux permis de zone: il y a un poisson qui se déplace le long de la côte, c'est un saumon qui va du nord vers le sud. Les pêcheurs d'Alaska sont les premiers sur la liste. En deuxième position, il y a les pêcheurs du nord de la Colombie-Britannique, et puis ceux du sud de la Colombie-Britannique, de l'Oregon et de Washington. Regardons ce qui se passe: à cause du système de permis de zone, les pêcheurs de l'Alaska pêchent les poissons du Nord, mais les pêcheurs du Nord ne peuvent pas aller vers le Sud pêcher le poisson du Sud. Que peuvent donc faire les pêcheurs du nord de la Colombie-Britannique?

• 1505

Nous avons une entente avec les Nishgas. L'année passée, la rivière Nass a tout juste atteint les niveaux de taux de remonte pour le saumon rouge, et ce, sans qu'il y ait de pêche commerciale à l'estuaire de la rivière, à cause des Américains, qui ont tout pris. Donc une fois que les Américains auront pris leur poisson et les Nishgas le leur, la rivière n'aura plus rien. Elle sera vide.

La pêche commerciale dans la zone 3 est finie. Maintenant, nous perdons la moitié des poissons qu'on pourrait attraper ici dans le Nord. La rivière Skeena produit le plus grand nombre de saumons rouges, mais la plupart des saumons roses et des saumons kétas se trouvent dans la rivière Nass. Si on ajoute le nombre de saumons rouges, de saumons roses et de saumons kétas, la rivière Nass est tout aussi importante ici que la rivière Skeena.

Heureusement, la pêche sportive sur la rivière Nass n'est pas très importante en ce moment. Mais si elle prend de l'ampleur, elle aura encore plus d'effets sur l'entente avec les Nishgas.

Tout ça, c'est à cause des politiques. Ce n'est que de la politique. Je suis Canadien. Je n'ai pas le droit d'attraper un poisson qui remonte la rivière Skeena. Les gens m'empêchent de pêcher. Mais ils n'empêchent pas les Allemands de détenir 56 p. 100 des heures de pêche à la cane sur la rivière Skeena. Ils n'empêchent pas les Américains de venir, et ils n'empêchent pas les chalets d'installer leur attirail. Ces chalets n'appartiennent pas tous à des Canadiens. Il y en a qui appartiennent à des Américains.

J'aimerais bien voir ce qui se passerait si Bob Wright mettait un de ses bateaux dans les eaux de l'Alaska. Il ne durerait pas longtemps.

Et ce montant que nous voulons exiger d'un non-résidant pour pêcher une espèce de poisson que nous sommes supposément en train d'essayer de protéger... nous hésitons à ajouter 10 $ au prix de son permis? Si quelqu'un d'Allemagne prend la peine de faire tout ce trajet pour pêcher un poisson, ce n'est pas 10 $ qui vont l'empêcher de venir. Dix dollars, c'est le pourboire qu'il donnera au porteur qui lui apporte ses valises dans sa chambre. Donc je ne vois pas comment cela affecterait le nombre de gens venant faire de la pêche sportive. Cela aurait peut-être un impact sur le nombre de gens voulant faire la pêche sportive commerciale, mais là aussi ça me surprendrait. Les sommes d'argent en cause sont trop importantes.

J'ai un petit bateau de 37 pieds. Avant qu'on institue le système de permis, ce beau petit bateau en fibre de verre valait peut-être 150 000 $. Maintenant, mon permis A, mon permis à saumon, vaut entre 100 000 et 150 000 $, si quelqu'un veut l'acheter. Mais mon permis à crevettes—n'oublions pas qu'on parle d'un petit bateau de 37 pieds, vaut 400 000 $. Il me donne le droit de faire quoi? De mettre un petit piège dans l'eau et d'attraper quelques crevettes si le ministère me le permet. Il peut mettre fin à mes activités à tout moment.

Vous vous attendez à ce que j'investisse de telles sommes sans aucune garantie.

Cette année, ils veulent proposer un nouveau plan pour la rivière Skeena. Ils ont fait quelques essais. Ils avaient un nouveau filet, un filet qui permet le passage d'un plus grand nombre de saumons Steelhead et de saumons coho. Donc au mois d'août, nous pourrons utiliser ce nouveau filet qui laisse passer les poissons qu'ils veulent qu'on attrape. Pour commencer, j'aimerais savoir quand on m'a permis de pêcher au mois d'août. Le saumon rouge était là, exactement ce qu'on voulait. C'est ce poisson qui rapporte de l'argent. Le saumon rouge était là, mais nous n'avions pas le droit d'en attraper.

Nous avons donc organisé une manifestation, une pêche au filet maillant pour protester contre cette situation. Une trentaine de pêcheurs au filet maillant ont pêché pendant cinq heures, ont ramené leur prise et l'ont distribuée aux citoyens de la ville. Ils ont attrapé presque 4 000 saumons rouges en cinq heures. Et ce, à une période où on allait supposément nuire aux stocks de saumons coho ou de Steelhead. Permettez-moi de vous dire ce qu'on a attrapé: 3 000 à 4 000 saumons rouges, 3 000 saumons roses, 2 saumons coho, et 1 saumon Steelhead.

Maintenant, j'aimerais qu'on m'explique pourquoi le ministère des Pêches et des Océans est convaincu que la pêche au saumon rouge va nuire aux stocks de coho et de Steelhead.

Cette mesure a enlevé tous les bénéfices de notre flotte de petits bateaux. On se rapprochait du seuil de rentabilité, et on pouvait profiter d'une période de 10 jours pour faire un peu d'argent, peut-être même en économiser un peu pour l'hiver. Et là, qui sait pourquoi, on met en oeuvre une politique qui avait été formulée l'année précédente, et on nous dit qu'on ne peut pas aller à la pêche. Comment ça se fait, ça?

Je ne sais pas combien de poissons remontent. Nous avions un système avec lequel on pouvait prévoir assez bien les chiffres. Les essais peuvent nous dire ce qui se passe. Faites entrer Les Jantz de Pêches et Océans ici dans la salle, il vous dira ce qui se passe. Mais ce n 'est pas Les Jantz qui décide. Les Jantz leur donne tout simplement les chiffres.

• 1510

De plus en plus, nous gérons la pêche par ordinateur. C'est les ordinateurs qui vous disent ce qui se passe sur la côte Est. Pendant cinq ans, les pêcheurs vous ont dit que la morue était en train de disparaître. Mais personne ne les a écoutés, parce que les biologistes avec leurs ordinateurs étaient censés en savoir plus que le bonhomme au sol avec son filet dans l'eau. Nous, nous n'acceptons pas ces réponses.

Les stocks sont en très bon état. Nous n'avons jamais eu autant de flétans. On va même augmenter les quotas de flétan de façon assez importante. Nous avons plus de harengs que jamais. En tant que pêcheurs commerciaux, nous réduisons nous-mêmes nos prises de harengs. Nous n'avons jamais vu autant de poissons, et même si certaines populations de saumon ne sont pas assez nombreuses, nous avons encore des montaisons impressionnantes de saumons rouges. Pourquoi est-ce que la situation du saumon rouge est tellement bonne? Parce que nous gérons le saumon rouge. Nous ne gérons pas les autres. Personne ne s'occupe du saumon rose. Le saumon rose n'intéresse personne, il ne vaut que 75c., ou un dollar. Donc son avenir ne nous préoccupe pas, mais il le devrait, parce que c'est peut-être le saumon rose qui vaudra le plus à l'avenir; on ne sait jamais.

S'il y a quelque chose à apprendre de la population de cette région du nord-ouest, cela concerne la politique elle-même.

Comme M. Sheppard de la Chambre de commerce a dit, les promoteurs n'ont pas le droit de toucher au moindre rocher du port de Prince Rupert. Vous m'avez demandé ce qui s'était passé à Comox, comment on avait pu aplatir comme cela l'embouchure d'une rivière, détruire les parcs à palourdes et les parcs à crabes et construire de grands brise-lames du gouvernement. Eh bien là, il n'y a pas de problème. Ce n'est pas l'habitat du saumon. Quoi, on prétend cela de l'embouchure de la rivière Puntledge? Expliquez-moi pourquoi la rivière Campbell a un grand brise-lame au beau milieu, là où les saumons rouges se dirigent à travers le détroit de Johnstone vers le fleuve Fraser.

Sur toute la côte de la Colombie-Britannique, la seule agglomération où le développement est interdit, c'est Prince Rupert. C'est la seule. On ne peut pas toucher au moindre rocher. Cela risque de modifier l'habitat du saumon. Le fait est que les saumons fraient dans des ruisseaux. Voilà l'habitat qu'il faut protéger, pas les rochers de l'océan. Si jamais il devait y avoir un éboulement au mont Morris là-bas, cela ferait plus de dégâts que tout le développement de Prince Rupert depuis cent ans. Mais c'est naturel, pourtant.

Comme vous l'avez entendu, la population locale s'engage à améliorer notre industrie de la pêche commerciale. Il ne fait aucun doute que l'industrie est viable. On pêche plus de kilogrammes de palourdes sur la côte Nord.... On n'y a même pas touché depuis environ 60 ans. Pourquoi? À cause des politiques.

Je vais demander à Bob de venir vous parler davantage des politiques.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, Peter.

Monsieur Hill.

M. Robert H. Hill (président, Conseil tribal Tsimshian): Merci beaucoup, Peter. Je sais que vous en aviez beaucoup plus à dire que cela.

Je tiens tout d'abord à souhaiter la bienvenue au comité, mais je tiens à vous dire également pour les fins du compte rendu, qui je suis et qui je représente.

Je m'appelle Bob Hill, et je suis président de la nation Tsimshian. Je représente sept collectivités dans la région du nord-ouest. Je dis que mon territoire constitue un tiers de la côte de la Colombie-Britannique et un tiers du bassin versant de la rivière Skeena.

Cela dit, à titre de président de cette nation, je tiens à vous souhaiter tous la bienvenue dans mon territoire. La pêche, c'est notre mode de vie traditionnel. Il y a 130 ans, ma nation et toutes les nations du nord-ouest faisaient ce qu'ils font toujours aujourd'hui—la pêche au saumon: une ressource que nous savions être renouvelable, qui l'est toujours, mais s'il y a un problème, ce sont les Autochtones qui écopent. Nous avons partagé cette ressource avec toute la population du nord-ouest, et même avec toute la côte de la Colombie-Britannique, et nous allons continuer de le faire.

Nos collectivités, y compris Prince Rupert, sont en état de crise. Mais je dois également dire aux membres du comité que lorsque Prince Rupert a des problèmes, c'est également le cas des collectivités que je représente. Je fais allusion à Kitasoo, Hartley Bay, Kitkatla, Metlakatla, Lax Kw'Alaams, Kitselas et Kitsumkalum. La collectivité la plus au Nord est Lax Kw'Alaams, et celle qui est le plus au Sud est Klemtu. Ce nom a été changé à Kitasoo. Et à l'intérieur, les collectivités se trouvent, bien entendu, autour de Terrace, Kitselas et Kitsumkalum. Les collectivités que je représente, ce sont des collectivités satellites de villes comme Prince Rupert, Terrace et Kitimat. Et ces petites collectivités ont dix fois plus de problèmes.

• 1515

Le taux de chômage dans cette région varie entre 12 p. 100 et 15 p. 100. Je suis sûr que les pêcheurs ici dans la salle sont chômeurs. À cette époque-ci de l'année, le taux de chômage peut atteindre 35 p. 100 ou 40 p. 100. Cependant, les collectivités que je représente ont un taux de chômage moyen, pendant toute l'année, de 63 p. 100. L'une des collectivités les plus importantes, Lax Kw'Alaams, avec une population d'environ 1 400, a un taux de chômage de 96 p. 100.

Même dans le cas de l'usine de transformation qui a été construite par le gouvernement néo-démocrate il y a des années, nous avons dû faire face à des obstacles. La collectivité a payé très cher cette conserverie, elle a fait sa part pour offrir des emplois à la population à un coût très élevé. De plus, pendant le programme de restructuration et de revitalisation parrainé par le ministère des Pêches et Océans dont on entend tellement parler, communément appelé le plan Mifflin, cette collectivité a connu beaucoup d'autres problèmes.

J'ai participé au programme de revitalisation il y a des années. J'ai déjà été membre du Conseil consultatif régional du Pacifique, qui donne des conseils au ministère des Pêches et des Océans. Comme mon ami M. Greene, nous étions autrefois membres du conseil. Nous avons vu beaucoup de ministres et beaucoup de gouvernements, et nous savons de quoi nous parlons.

Lorsque j'étais membre du Conseil régional, nous avons décidé d'examiner les politiques existantes du ministère des Pêches et des Océans. Nous avons décidé de faire le bilan de l'industrie—vous vous en souvenez, Paddy—une fois pour toutes. Tous les pêcheurs, tous les gestionnaires, tous ceux qui étaient responsables de la politique au sein des gouvernements allaient connaître l'état de l'industrie de la pêche. On afficherait quelque chose au mur, et on ferait savoir aux pêcheurs qu'on risquait de perdre une ressource fort précieuse. Ce travail a abouti à la création de la table ronde du Pacifique.

Le travail a été fait très rapidement pour plusieurs raisons, que je ne vais pas énumérer, mais c'était un processus qui a donné de bons résultats.

Avec la restructuration de la flotte, nous trouvons qu'aujourd'hui la moyenne globale est d'environ 26 p. 100 pour chaque sorte d'engins de pêche. Les senneurs, les pêcheurs utilisant les filets maillants, les chalutiers ont tous réduit l'importance de leurs flottes.

Avant de commencer la table ronde du Pacifique, nous avons décidé d'adopter certains principes directeurs, qui sont les suivants.

Le premier était que tout le monde ferait de son mieux du côté de la conservation, et c'est ce qui continue de nous causer tant de problèmes aujourd'hui.

Le deuxième principe était la création de partenariats. Le gouvernement a modifié la Loi sur les pêches pour le permettre. Donc on peut créer un partenariat avec les agences du gouvernement, ce qui nous permet de participer directement aux efforts de conservation de cette ressource précieuse.

Le troisième était que l'industrie doit demeurer économiquement viable pour ceux qui décident d'y rester. Si je devais critiquer le gouvernement aujourd'hui, je dirais que ce dernier principe n'est tout simplement pas respecté.

• 1520

Nous perdons nos permis. Les collectivités que je représente ont dix fois plus de problèmes que Prince Rupert. Les habitants de ces collectivités perdent dix fois plus de permis que ceux de Prince Rupert.

Les pêcheurs ne peuvent tout simplement pas atteindre les objectifs de conservation tout en étant économiquement viables. Lorsqu'on a décidé de restructurer la flotte et de la réduire à un niveau viable—ce qu'elle n'est plus—on a décidé d'accorder des permis selon les régions et pour un seul engin de pêche, dont vous avez un peu entendu parler aujourd'hui. La collectivité de Lax Kw'Alaams est une de celles qui ont beaucoup souffert, à part Alert Bay, qui a perdu tous ses pêcheurs.

Auparavant, sur la côte Nord, on pouvait avoir un permis de pêche au filet maillant combiné avec des permis pour d'autres engins de pêche. Maintenant, on a des permis pour un seul engin de pêche. De cette façon, les habitants ne peuvent plus gagner un revenu raisonnable pour faire vivre leur famille. Les revenus ont été réduits d'environ 50 p. 100, du fait de cette seule décision.

J'ai déjà travaillé dans d'autres domaines au nom de ma nation. Il va sans dire que le domaine le plus important est celui des traités en Colombie-Britannique. Ma nation compte environ 10 000 personnes. D'après les chiffres du ministère des Affaires indiennes, entre 7 000 et 7 500 habitants sont inscrits, mais nous connaissons notre population et d'après nous, ce chiffre est de 10 000 personnes, simplement parce que nous représentons une autre collectivité de l'Alaska, qui s'appelle Metlakatla, de l'Île Annette.

Nous en sommes à la quatrième étape du processus des traités, et dernièrement, messieurs et madame, Delgamuukw a donné des règles de jeu équitables aux Autochtones de la Colombie-Britannique. Nous n'avions pas compris ni prévu que les Premières nations ne jouiraient pas de règles de jeu équitables, simplement parce que le gouvernement a une bourse bien garnie.

Nous sommes obligés d'emprunter des fonds par l'entremise de la Commission et de les rembourser à la fin de la mise en oeuvre du traité. Je pense qu'il est essentiel que tout le monde le sache. Jusqu'ici, nous avons emprunté environ 4,5 millions de dollars, qui sont remboursables. Ils nous sont consentis sous forme de prêts. Nous n'avons pas accès à tous les services de recherche dont dispose le gouvernement de la Colombie-Britannique. Nous n'avons pas tous les avocats nécessaires pour nous assurer que lorsque nous concluons une entente précise lors d'une des six étapes, elle sera bonne pour toutes les générations futures.

Par conséquent, les règles du jeu n'étaient pas équitables, et même après l'affaire Delgamuukw, les règles du jeu ne sont certainement pas équitables. Nous savons que nous allons devoir nous battre, mais après le jugement dans l'affaire Sparrow et celui des trois affaires J—les affaires Nikal, Smokehouse et Gladstone—nous savions que les gouvernements étaient obligés de consulter les Premières nations au sujet de tout plan de pêche précis qui pourrait être mis en vigueur d'une année à l'autre. Mais on est allé un peu plus loin dans l'affaire Delgamuukw et on a dit que les Premières nations du pays devront participer à la prise de décisions et à l'élaboration des politiques.

Pour répéter ce que j'ai dit au début, nous avons partagé toutes nos ressources par le passé et nous allons continuer de le faire, simplement parce que nous sommes ici pour y rester, nous tout comme vous.

J'ai grandi avec beaucoup des témoins qui sont dans cette salle, j'ai fréquenté l'école secondaire avec certains d'entre eux, et oui, il est vrai que j'ai un permis de pêche commerciale. Cependant, à titre de chef de ma nation, je dois également parler au nom de ceux qui ne peuvent pas obtenir de permis pour pêcher ou vendre leurs poissons. J'ai l'obligation de protéger nos droits autochtones prévus au paragraphe 35(1), qui protège la pêche vivrière. Plusieurs de nos droits ont été mis à l'épreuve dans notre région.

• 1525

Mais je suis également obligé de dire ceci. Je dois aussi soutenir adéquatement ceux d'entre nous de la nation Tsimshian qui ont un permis de pêche. C'est très délicat.

En tant que nation, nos portes sont ouvertes au développement économique. Les collectivités que je représente—et je vous ai déjà parlé des taux de chômage—sont ouvertes aux projets de développement économique susceptibles de réussir. Mais il faut qu'on nous consulte. Je sais que les gouvernements ont déjà mis en oeuvre beaucoup de programmes favorisant la participation des Premières nations.

La réponse du gouvernement à l'affaire Sparrow a été la stratégie sur les pêches autochtones, dont on entend tellement parler. Il s'agit d'un programme qui prend fin dans environ un an. Un nouveau programme est censé le remplacer, et nous l'attendons avec impatience. Il s'agit des ententes de partenariat.

La stratégie sur les pêches autochtones présentait certains problèmes. Là encore, nous avons constaté que les Premières nations ne jouissaient pas de règles de jeu équitables. La stratégie sur les pêches autochtones a créé les permis de pêche communautaire des Autochtones, qui nous a obligé de fournir un plan d'affaire et de réinvestir dans les ressources certains des bénéfices qui découlaient du permis. Personne dans cette salle ayant un permis de pêche commerciale n'a cette obligation. Nous faisons cela parce que nous voulons que la ressource soit durable, et parce que nous voulons essayer de créer des emplois dans nos collectivités si éloignées.

Nous avons également conclu une entente de cogestion de la pêche autochtone avec le ministère des Pêches et des Océans dans laquelle nous avons prévu la formation de certains Autochtones pour s'occuper de cette ressource. À la fin de l'entente quinquennale, nos gens qui étaient au début des apprentis deviendront des agents de pêche et travailleront côte à côte avec le ministère des Pêches et des Océans. Il s'agit d'une véritable cogestion.

Nous avons atteint cet objectif. En fait, au sein de notre nation, nous avons six personnes, une de chaque communauté, qui pourraient faire ces recherches. Nous avons reconnu, depuis le départ, que le ministère pouvait difficilement avoir un agent des pêches à plein temps dans chacune de nos communautés. Nous avons donc créé pour cela un programme, qui est d'ailleurs une grande réussite, dans la mesure où deux de ces agents font également appliquer le règlement. Ils travaillent pour la nation Tsimshian, en collaboration avec le ministère des Pêches et des Océans, car nous savons que ce processus doit être en place.

Nous avons également voulu aller un peu plus loin. Au cours de la crise du saumon du Pacifique, nous savions que les gouvernements dépensaient jusqu'à 290 millions de dollars sur une période d'environ huit mois pour gérer la ressource. C'est une somme énorme. Pour chaque dollar que produisait la pêche et qui contribuait aux recettes fiscales du pays, votre gouvernement devait verser une subvention de 6 $. Tous les contribuables canadiens payaient pour cette ressource. Les gouvernements sont intervenus.

Ils ont commencé à réduire le financement, à sabrer dans le personnel et à exercer des compressions atteignant 30 p. 100 dans certains secteurs. Mais quand notre industrie a eu besoin des sciences aquatiques—ce dont elle a toujours sérieusement besoin—votre gouvernement a opéré des coupes de 40 p. 100. Il s'est défait de tous les chercheurs qui pourraient revitaliser cette industrie.

• 1530

J'exerce également les fonctions de président du Northwest Maritime Institute. Cette responsabilité m'a été confiée par ma nation qui estimait que nous devions pouvoir former notre peuple, le guider et employer ces chercheurs qui avaient perdu leur emploi.

Par conséquent, avant de nous lancer dans l'aquiculture, l'élevage du poisson, selon le nom que vous donnez à cette activité... ce sont des connaissances scientifiques dont a grandement besoin dans le nord-ouest, d'abord et avant tout pour être sûrs que nous nous lançons dans une entreprise qui sera bénéfique, que nous n'allons pas nuire à l'environnement, que nous allons fournir des emplois aux gens, et surtout, que nous allons former les gens de chez nous afin qu'ils puissent de nouveau suffire à leurs besoins.

Mon objectif d'aujourd'hui est de vous faire comprendre que nos collectivités ne sont plus viables. La ville de Prince Rupert va sans doute perdre son industrie. Nous ne savons pas encore dans quelle voie elle va se diriger, mais nous risquons de perdre l'industrie du saumon dans cette ville.

En fait, les communautés que je représente gravitent autour d'un grand centre urbain qui ne peut pas subsister sans elles. Mais en même temps, nos communautés satellites dépendent beaucoup de la ville et, depuis plusieurs générations, nous cherchons à travailler ensemble. Je crois que c'est là que réside la solution. Nous devons faire preuve de transparence. Nous devons pouvoir nous faire confiance mutuellement. Nous devons assurer un excellent développement économique, et cela étape par étape, afin de rester une collectivité viable.

Messieurs, je vous remercie beaucoup de m'avoir entendu. J'ai seulement une critique à vous adresser. Lorsque nous témoignons devant un comité permanent, les choses ne vont pas plus loin et nous n'en entendons plus parler, si ce n'est dans le hansard. Je pense qu'il faudrait un suivi. Surtout, il est inacceptable qu'on nous impose un horaire aussi serré. C'est surtout vrai pour la ville de Prince Rupert et le Nord-Ouest. Vous auriez dû prévoir au moins trois ou quatre jours d'audiences, car il y a toutes sortes de gens qui désirent vous parler.

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Hill.

Afin que tout le monde ait l'occasion de parler, nous nous contenterons d'une demi-heure pour déjeuner. Nous allons maintenant lever la séance jusqu'à 13 heures. Nous avons 12 personnes sur la liste, après quoi nous laisserons la parole à ceux qui la demanderont.

Nous reprendrons nos travaux à 13 heures. Merci.

• 1533




• 1626

Le vice-président (M. Gary Lunn): Nous allons reprendre notre audience. Je sais que nous avons perdu quelques personnes. Je me doutais que j'étais un peu optimiste en fixant le retour à 13 heures. Comme nous avons un certain nombre de personnes à entendre, je crois que nous devrions commencer.

Nous commencerons par Mme Henderson.

Mme Jennie Henderson (témoignage à titre personnel): Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je travaille dans le secteur de la pêche depuis 1979 et j'ai vécu toute ma vie en Colombie-Britannique.

J'ai de sérieuses inquiétudes. Quand les Espagnols pêchaient notre poisson sur la côte Est, Brian Tobin les a chassés. Maintenant que nous avons le même problème avec les États-Unis sur la côte Ouest, personne ne semble être prêt à défendre nos pêcheurs. Je ne suggère pas d'entrer en guerre avec les États-Unis d'Amérique, mais il ne faudrait pas les laisser nous piétiner.

Il y a un autre problème directement relié à celui là. Nous ne pouvons pas faire venir plus de poisson, mais au lieu de laisser les grandes entreprises internationales nous voler le poisson que nous avons, nous devrions pouvoir gagner notre vie grâce à la pêche, au lieu de laisser des multinationales comme Weston et d'autres nous voler nos emplois et nous causer des difficultés. Cela ne peut pas marcher ainsi.

Tant que le gouvernement n'aura pas modifier sa politique et ne laissera plus le capitalisme nous piétiner, nous continuerons d'avoir des problèmes de chômage et d'aide sociale. Les riches vont s'enrichir et les pauvres vont s'appauvrir.

Je vous remercie de votre temps, messieurs, et de m'avoir donner la parole.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Madame Henderson, vous avez mentionné les entreprises internationales. À votre connaissance, y en a-t-il dans la région?

Mme Jennie Henderson: Oui. Je crois que B.C. Packers appartient à la société Weston, qui est certainement une société internationale.

Nous payons plus cher pour acheter des os pour la soupe à l'épicerie que le prix que nous obtenons pour notre poisson.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci.

Le témoin suivant est M. Bruce Hansen.

M. Bruce Hansen (B.C. Deep Sea Fishermen's Union): Mesdames et messieurs, bienvenue à Prince Rupert.

Je suis né et j'ai été élevé à Prince Rupert. J'ai été pêcheur commercial toute ma vie. Je voudrais simplement vous donner un aperçu de ce qui s'est passé ici depuis dix ans.

• 1630

Je représente un petit groupe de pêcheurs de Prince Rupert. Nous sommes membres d'équipages sur des navires qui font surtout la pêche au saumon, au hareng et au flétan.

Je gagnais un bon salaire comme membre d'équipage sur ces navires, mais depuis un certain temps, à cause de changements importants dans la politique gouvernementale—je suppose que vous en avez entendu parler bien des fois aujourd'hui et qu'on vous en reparlera encore de nombreuses fois—nous nous sommes retrouvés dans une situation où nous avons perdu énormément d'emplois.

Pour simplifier les choses, nous avions l'habitude d'avoir cinq hommes par bateau pour la pêche au flétan. Le gouvernement a imposé un système de contingents. À ce moment-là, la pêche était très rapide. Elle était ouverte pendant huit à dix jours et pratiquement chaque navire avait un équipage de cinq hommes. Tout à coup, on nous a imposé un système de contingents. Tous les équipages ont été congédiés. Les propriétaires de bateaux se sont regroupés à quatre propriétaires par bateau. Ils sont allés prendre eux-mêmes leur poisson. On leur a donné la totalité du stock, si bien que moi-même et le reste des membres de l'équipage nous sommes retrouvés sans emploi.

C'est pour la morue charbonnière que le système de quota a été mis en place au départ. À un certain moment, nous avions 46 bateaux qui avaient des permis pour la pêche à la morue charbonnière. Maintenant, je crois que nous n'en avons plus que 12. C'est peut-être moins mais le ministère n'aime pas nous fournir de chiffres.

Puis il y a eu la pêche au hareng. Nous mettions trois hommes dans une embarcation pour secouer les filets maillants. Tout à coup, on a émis de nouveaux permis et la moitié des équipages ont disparu là aussi. Deux permis ont été émis pour un secteur si bien qu'automatiquement la moitié des équipages se sont retrouvés aussitôt sans emploi.

Puis il y a eu le plan Mifflin et, tout à coup, nous avons eu un autre problème. Le gouvernement veut le cumul des permis. Il y a dix ans, dans une petite usine de Prince Rupert, vous pouviez voir environ 24 senneurs avec plusieurs hommes d'équipage. Aujourd'hui, si vous allez jeter un coup d'oeil là-bas, vous ne trouverez que quatre bateaux. Ce sont mes chiffres. Certains bateaux sont allés vers le sud mais d'autres ont vendu leur permis à cause du plan Mifflin et du cumul des permis.

Ce que je veux faire valoir ici, c'est que les possibilités d'emploi des membres d'équipage ont disparu. Nous avons été terriblement touchés à Prince Rupert.

Nous n'ignorions pas qu'il fallait des compressions et certains changements dans le secteur de la pêche, mais les membres d'équipage n'ont pas été consultés. Nous n'avons pas eu voix au chapitre.

J'ignore combien de gens pensent que ces bateaux sont allés pêcher pendant toutes ces années... Quelqu'un a mentionné ce matin qu'à une certaine époque 70 p. 100 du produit d'une pêche au flétan allait à l'équipage et 30 p. 100 au propriétaire du bateau. Nous n'avons même plus notre place dans le secteur de la pêche. Nous restons assis sur les quais.

En Alaska, lorsque le problème s'est présenté, on a fait des compressions et imposé un quota de pêche, mais avec la participation des membres d'équipage. Nous n'avons pas été consultés. Nous ne possédions pas de permis à part un permis personnel. Je l'ai jeté sur la table à bien des reprises lorsqu'on m'a dit qu'on allait racheter ces permis, mais personne ne nous a racheté quoi que ce soit à nous, les membres d'équipage. C'est assez décourageant.

Personnellement, j'ai été membre, pendant une dizaine d'années, du CFIC, le Canadian Fishing Industry Council. Nous nous réunissions environ une fois par mois, à Vancouver. Sans doute que tout le monde était là. Nous avons eu de nombreuses réunions avec le ministère des Pêches. Les bureaucrates venaient d'Ottawa. Plus précisément, c'est Louis Tousignant qui est venu et qui a obtenu un poste de directeur général à Vancouver, pour modifier cette politique. Il m'a dit—et je lui ai souvent posé la question—que les membres d'équipage seraient dédommagés. «Ne vous inquiétez pas, nous nous occuperons de vous». Rien ne s'est passé. Nous n'avons rien obtenu.

• 1635

Qu'est-il advenu du programme de recyclage? Rien. Et le régime de pensions? Le gouvernement fédéral allait investir 7 millions de dollars. Il a demandé au gouvernement provincial de donner 7 millions, mais la province a dit: «Pourquoi devrions-nous le faire? Il s'agit d'une politique fédérale. C'est votre idée, à vous de faire quelque chose». Je ne peux pas vraiment l'en blâmer.

Nous avons de bonnes années et de mauvaises dans le secteur de la pêche, mais la plupart d'entre nous avions toujours un emploi sur le littoral. Moi-même, je suis machiniste. J'ai travaillé ici à l'atelier ainsi que dans l'usine de pâtes et papiers de Port Edward. Nous nous débrouillions toujours. Mais maintenant, avec la réduction de la flotte, il n'y a plus d'emplois ici à l'atelier des machines. Les chantiers maritimes ont disparu. Il en reste un petit, et pour la première fois de son histoire, il a congédié la majeure partie de son personnel jusqu'à la fin de l'hiver.

J'essaie de vous faire valoir que tout cela résulte directement d'un changement dans la politique gouvernementale. Nous n'avons pas participé au processus. On nous a fait des promesses, mais nous n'avons rien obtenu. À mon avis, nous devons cela uniquement au ministère des Pêches et des Océans. C'était son idée. Il a essayé de l'imposer à d'autres et à divers organismes gouvernementaux, mais c'était sa politique et je pense que c'est à lui de rendre des comptes.

Pour conclure, je dirais seulement qu'il est temps de faire quelque chose. Nous avons besoin de nos emplois et nous en avons besoin maintenant.

Le vice-président (M. Gary Lunn): J'ai une question à vous poser, monsieur Hansen. On en a déjà parlé, mais je vais vous poser la question, étant donné que vous êtes au micro.

J'ai entendu parler de toutes sortes de problèmes concernant la politique du ministère et la façon dont il a géré la pêche, mais je voudrais savoir quelles ont été, pour la région, les répercussions de l'incapacité du gouvernement à résoudre le conflit relatif au saumon du Pacifique. Je sais que ce n'est pas le seul problème, mais dans quelle proportion vos difficultés résultent-elles de ce conflit? Les médias en ont beaucoup parlé. Diriez-vous que ce différend représente 10 p. 100 du problème ou que ce n'est qu'un petit problème parmi bien d'autres? S'il était possible de régler cette situation, cela contribuerait-il largement à aider le secteur de la pêche à retomber sur ses pieds dans la région?

M. Bruce Hansen: Nous parlons uniquement du saumon lorsqu'il est question du traité avec les États-Unis. Nous n'avons pas d'ententes avec eux sur le hareng, le flétan, la morue charbonnière ou le poisson de fond. L'année dernière, c'était sans doute 50 p. 100 du saumon... mais il y a ici des gens qui s'y connaissent mieux que moi. Ce n'est qu'une petite partie du problème global ici.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Dans la région.

M. Bruce Hansen: Oui, car la plupart des bateaux qui font la pêche au saumon ont été regroupés et sont partis. Mais c'est quand même important pour la situation globale. On dit ici, je crois, que 26 p. 100 des bateaux avaient été regroupés. Cela représente à peu près le quart de la flotte. Cela fait disparaître des emplois. Voilà ce que je veux vous dire. Rien n'a été fait pour aider les membres d'équipage qui ont perdu leur emploi.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci.

Monsieur Garfield Esmonde.

M. Garfield Esmonde (membre du conseil, Northcoast Shellfish and Mariculture Association): Mesdames et messieurs, je vous remercie pour le temps que vous m'avez accordé.

Je suis pêcheur. Je représente la Northcoast Shellfish and Mariculture Association. Nous sommes un groupe de gens de Prince Rupert qui s'intéressent au secteur de la pêche et aux difficultés de Prince Rupert.

Je voudrais d'abord vous définir ce qu'est la mariculture étant donné qu'il s'agit d'une activité relativement nouvelle dans la région depuis 50 ou 60 ans. En fait, ce n'est pas nouveau. C'est quelque chose de très ancien. Cela s'est pratiqué en Chine pendant plusieurs milliers d'années.

La mariculture consiste à cultiver des organismes dans l'océan. Il s'agit de poissons, de mollusques, de crabes et de crevettes grosses et petites. Tout ce qui croît dans l'océan peut être cultivé.

• 1640

J'ai écouté les divers délégués qui vous ont dit que nous avions des difficultés. C'est effectivement le cas. Le problème c'est que nous sommes au diable Vauvert, éloignés de tout. Nous avons 50 années de retard et nous devons nous rattraper. Si nous ne le faisons pas, nous serons à côté de la plaque. Nous devons nous rattraper pour pouvoir commencer à gérer des entreprises viables.

Les entreprises viables emploient du personnel. La mariculture est un type de pêche ou, si vous préférez d'aquiculture, qui emploie beaucoup de main-d'oeuvre. La région aux alentours de Prince Rupert et des îles de la Reine-Charlotte peut facilement produire 1 000 emplois. Ce sont des emplois viables et de bons emplois. Il s'agit d'emplois de techniciens, de pêcheurs de même que dans le secteur des services.

Certains me demanderont peut-être où j'ai obtenu mes renseignements. Ils proviennent de Norvège, du Chili et du Japon. Les gens de ces pays se livrent à ce genre d'activité et avec beaucoup de succès.

Dans ce secteur, certaines personnes vont gagner beaucoup d'argent, mais ce n'est pas vraiment ce qui nous intéresse. Nous nous intéressons aux emplois. Nous voulons qu'une ville comme Prince Rupert puisse survivre, ainsi que les populations autochtones en bordure de la ville.

Messieurs, c'est ce genre d'entreprise qui pourrait fournir ces emplois, qui pourrait remédier à la situation. Le problème est bien là, ce qu'il faut maintenant c'est une nouvelle mentalité.

Nous devons changer notre façon de voir les choses. Nous devons examiner la mariculture de très près. Je ne prétends pas que le problème soit facile à résoudre. Il ne l'est pas. Cela prendra du temps. Mais une fois que la mariculture sera vraiment lancée sur cette côte, nous aurons un rendement viable, des produits de haute qualité et nous obtiendrons un bien meilleur prix. L'exploitant gérera son exploitation et expédiera son produit. Nous n'aurons plus de multinationales. Ce seront des entreprises à petite échelle. Si une centaine d'entre elles font faillite, il nous en restera 900 qui seront viables.

La Northcoast Shellfish and Mariculture Association est prête à répondre à vos questions, mesdames et messieurs, au sujet de ce qu'il faut pour lancer les opérations sur cette côte afin de résoudre les problèmes que nous avons maintenant et qui vont empirer.

Je n'abuserai pas de votre temps. Je veux seulement vous souligner une chose. Les stocks mondiaux de poisson, les stocks sauvages sont en baisse. La population mondiale est en hausse. Je vous laisse tirer les conclusions qui s'imposent.

Merci beaucoup de votre temps.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Esmonde.

Nous entendrons maintenant M. Albert White.

M. Albert White (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, je voudrais d'abord remercier le comité permanent. Je vous souhaite la bienvenue chez nous.

Il y a trois choses que me viennent à l'esprit. D'abord, il y a la surpêche des gens de l'Alaska. Ensuite, il y a le résultat de cette surpêche. Nous avons perdu cette année plus d'un million de saumons sockeyes qui devaient venir dans la Skeena et la Nass.

• 1645

Il y a aussi le plan Mifflin. Vous en avez tous entendu parler. En tant que Premières nations, nous en avons lourdement subi les conséquences. Je viens d'un village de 152 habitants de Metlakatla, en Colombie-Britannique.

Voici quelques idées que j'ai à vous proposer pour commencer à réparer les dégâts.

Le partage entre les divers secteurs: nous savons tous que nous avons divers secteurs, les loisirs, la pêche sportive et la pêche commerciale. Chacun sait que les coûts ne sont pas partagés équitablement. Aujourd'hui, je dois payer 60 $ simplement pour aller pêcher; le secteur de la pêche sportive doit payer des droits de 10 $. Des droits de 40 $ ont été imposés plus tôt cette année, mais cette augmentation a été rejetée.

Les représentants locaux du ministère des Pêches doivent commencer à écouter ce que les pêcheurs expérimentés ont à dire quant à la façon dont il faudrait pêcher sur cette côte.

L'année dernière, j'ai eu 17 jours de pêche. J'ai dû payer 8 500 $ avant de commencer à pêcher. Au cours de ces 17 jours, j'ai gagné 7 400 $. J'ai été déficitaire.

Il faudrait accroître les programmes de mise en valeur. Nous avons des programmes de mise en valeur des écloseries, mais il nous faut plus d'argent pour financer ces divers programmes.

Voilà certaines des choses dont nous avons besoin.

Il faudrait une augmentation dans chaque secteur, surtout celui de la pêche sportive.

L'été dernier, il a fallu trois jours de protestations pour vous amener ici, et nous avons promis de ne pas recommencer. Nous avons besoin de votre aide.

Enfin, les bandes Lax Kw'alaams et Metlakatla ont pris des mesures. En vertu d'un des droits que nous confère le paragraphe 35(1), nous avons pêché en guise de protestation. Nous avons pris environ 5 000 poissons. Nous les avons amenés ici, à Prince Rupert. Nous les avons remis aux gens de la localité. Nous avons également organisé un barbecue où nous avons servi 12 000 personnes, ici, à Prince Rupert. Voilà comment nous concevons le partage.

Tels sont les problèmes dont nous parlons.

Dans le journal, on pouvait lire que les gens de Metlakatla conduisaient des véhicules à quatre roues motrices. Ce sont les gens qui travaillent, ceux qui se débrouillent bien. Mais beaucoup de gens dans nos villages n'ont aucun revenu. Voilà ce que je tenais à vous faire comprendre.

Merci.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur White.

Monsieur Ron McVeigh.

M. Ron McVeigh (pêcheur commercial): Je suis pêcheur commercial et je pêche au filet maillant. J'avais un bateau polyvalent. Récemment, j'ai ressenti le besoin de participer à toutes ces palabres avec les politiciens.

• 1650

Selon moi, la classe politique et les hauts fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans font preuve d'énormément de duplicité. Ils nous inondent de mensonges et de demi-vérités. À première vue, il semble y avoir des préoccupations réelles et sincères, mais ils ont réussi à nous imposer leurs vues.

S'ils réduisent le nombre de bateaux qui pêchent du poisson par ici... Ils ne cessent de nous répéter: «Comme il faut conserver le poisson, vous ne pouvez pas pêcher». Par conséquent, le poisson remonte les cours d'eau et se fait pêcher dans les frayères. Vous avez éliminez tranquillement une bonne partie des pêcheurs commerciaux.

On a prétendu que c'était un problème de conservation, qu'il fallait changer la nature de notre flotte—ce sur quoi nous sommes d'accord, mais nous ne voyons pas trop où cela nous mène. Les règles du jeu ont totalement changé parce que tout à coup, au lieu d'avoir des possibilités de pêche supplémentaires grâce à la réduction du nombre de bateaux, les possibilités s'en vont ailleurs.

Quoi que nous fassions, peu importe à qui nous parlons, les gens du ministère lancent toutes sortes de belles idées et prévisions en sachant que si elles s'écroulent, d'autres seront prêts à ramasser les morceaux. Nous avons tous été tranquillement poussés à la faillite et nous avons quitté la ville.

Il est très décourageant de ne pas pouvoir savoir la vérité lorsqu'on s'adresse à des gens comme vous.

Je suis peut-être particulièrement cynique, mais la politique est un jeu. Vous êtes dans votre petit monde à vous. Vous avez l'habitude de ce genre de choses. Les gens cherchent à vous convaincre qu'effectivement c'est une bonne idée. À première vue, c'est ce qu'ils semblent vouloir, mais ils ont d'autres intentions.

Vous consultez uniquement les grandes sociétés qui ont à leur service des gens hautement instruits et que vous voyez comme des représentants de l'industrie capables de vous donner un bon aperçu de la situation. Ces gens-là vous font part de leur opinion et vous pensez qu'effectivement c'est une bonne idée, comme pour la pêche sélective à la senne.

La pêche n'a pas été fermée sans raison; elle l'a été pour infraction.

Enfin, une fois que les entreprises ont réduit leur nombre de senneurs, ce qui signifie la réduction des équipages, des cotisations d'assurance-emploi et des primes d'assurance, elles ont pu librement ramasser tout le poisson et c'est ce qu'elles ont fait. Elles n'ont même pas respecté la simple règle qui veut que le coho et le Steelhead soient rejetés à la mer. Peu leur importait, elles se sont contentées de les ramasser dans leurs cales.

Le ministère des Pêches est allé visiter les usines. Elles sont pleines de ces poissons qu'on n'est pas supposé pêcher. Mais les entreprises savaient que si elles pouvaient se débarrasser des pêcheurs au filet maillant parce qu'ils ne sont pas suffisamment sélectifs, elles pouvaient se livrer à leur nouvelle pêche sélective à la senne et obtenir leur poisson pour beaucoup moins cher parce que ces pêcheurs ne reçoivent presque rien par rapport aux pêcheurs au filet maillant. Puis elles sont allées jusqu'aux frayères où elles ont payé encore moins que ceux qui pêchent là-bas.

Ces entreprises se sont donc débarrassées des pêcheurs les plus coûteux qui sont les pêcheurs au filet maillant.

À première vue, l'idée semble excellente. Nous devons réduire la flotte et protéger davantage l'environnement, on a fait valoir toutes ces idées que les gens ont gobées. Mais elles poursuivent un tout autre but.

• 1655

Quand tous les pêcheurs au filet maillant seront en faillite, pensez-vous que B.C. Packers et Ocean Fisheries prendront moins de poissons? Non. Elles auront exactement le même nombre de poissons qui leur passera entre les mains qu'elles en ont maintenant, mais elles n'auront pas à payer d'indemnisation pour les accidents du travail ni de primes d'assurance et elles n'auront pas à fournir aux équipages un espace de mouillage ni des installations pour la lessive. Elles ne seront tenues de fournir quoi que ce soit car elles auront un très petit nombre de bateaux qui iront prendre le poisson en mer, se contentant de les attraper dans les frayères en amont. C'est simple.

Nous nous sommes tous laissés prendre au piège pensant que nous ne faisions que ce qui était juste et bon, que nous étions prudents, que nous nous occupions de conserver le poisson, que nous nous acquittions de notre responsabilité de bonne intendance, que nous faisions tout ce qu'il fallait faire. Ce faisant, nous sommes toutefois voués à disparaître. Nous quittons l'industrie et nous laissons les compagnies pêcher le poisson au prix le plus bas possible et se maintenir en activité exactement comme à l'heure actuelle.

Je suis absolument stupéfait de constater que nous semblons tous nous concentrer uniquement sur ce qui nous arrive à nous directement. Je ne peux m'empêcher de penser que nous semblons être les seuls à être touchés. Tous les autres semblent poursuivre leurs activités comme si de rien n'était; il faut donc conclure à l'existence d'un complot: on a sûrement inventé toutes ces sornettes au sujet de la conservation.

Comme ils l'ont dit, on ferme la pêche de la truite arc-en-ciel pendant tant de temps. Je suis allé à une réunion consultative où un biologiste du MPO nous a dit qu'il fallait réduire le nombre de 50 p. 100. «Quel est le nombre?» «Je ne le sais pas, mais vous devez le réduire de 50 p. 100.» Puis, tout d'un coup, quelques années plus tard: «Oh, la conservation n'a jamais été une préoccupation. C'est simplement que nous voulions que le poisson monte jusqu'aux camps de pêche sportive en amont.»

Dans 15 ou 20 ans, je me bercerai avec mon petit-fils et je regarderai à l'émission Enjeux un reportage sur la façon dont les pêcheurs commerciaux ont été forcés de quitter l'industrie parce qu'untel et untel avaient décidé que c'était eux qui devaient faire de l'argent plutôt que... Encore une fois, nous aurons été laissés pour compte. Dans 15 ou 20 ans donc, on verra à l'émission Enjeux un reportage qui montrera comme nous avons tous été fourrés. Ce sera trop tard; nous serons déjà tous partis et il n'y aura plus de revenez-y.

Je n'ai donc aucune confiance dans le processus en cours. Pourquoi aurai-je confiance dans ce processus? Ça n'a jamais rien donné auparavant. Nous parlons à des gens.

M. Anderson vient ici, et qu'un homme aussi important laisse entendre qu'il va essayer de faire ce que lui dicte le sens moral alors que lui, le sens moral, il n'y connaît rien... C'est comme se parler à soi-même. On le voit chercher des yeux un partisan libéral quelque part. Il ne veut pas s'entretenir avec nous. Nous ne faisons que l'embêter. «Résignez-vous donc à aller mourir quelque part, et je réattribuerai vos prises à quelqu'un d'autre—le dernier venu.» Et c'est fini.

Je ne sais pas comment vous voulez percevoir la chose, mais j'estime pour ma part que tout cela, ce n'est que pour la forme et qu'il n'en sortira rien. Vous aurez un traité sur le saumon du Pacifique qui permettra aux Américains de prendre tout notre poisson en échange d'une indemnité d'un dollar le poisson qu'ils verseront au gouvernement canadien, mais nous, où serons-nous?

Le représentant américain au comité d'examen de deux personnes qui a cherché à déterminer si on nous volait a conclu qu'on nous volait effectivement et qu'il y aurait moyen d'en arriver à se réconcilier et à s'entendre à condition que nous ne réclamions pas notre poisson. Seigneur de seigneur!

Que sommes-nous censés faire? Être de bons Canadiens et céder tout simplement la place aux Américains? Je ne sais pas.

• 1700

Merci beaucoup d'avoir pris le temps de m'écouter.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur McVeigh.

Nous entendrons maintenant M. John Disney.

M. John Disney (pêcheur commercial): Je suis un pêcheur commercial de Masset, dans les îles de la Reine-Charlotte.

Votre comité tient ses audiences afin de faire le point sur les pêches de la côte Pacifique. La réponse à cette question est bien simple: les pêches sont dans un état de chaos. Personne ne sait où nous allons. Les politiques du MPO semblent être élaborées, non pas selon un plan logique, mais au gré des très fortes pressions et du harcèlement auxquels le ministère est soumis.

Le plan Mifflin a jeté la côte entière dans le chaos. Même si l'on nous avait dit que ce plan s'inspirerait des discussions de la table ronde du Pacifique, il n'en a pas été tenu compte dans des éléments clés du plan. Nous avons eu le fiasco du cumul, qui, même s'il n'avait pas été approuvé à la table ronde du Pacifique, était censé avoir fait l'objet d'un vote à l'échelle de l'industrie.

Nous sommes enfin appelés à voter, après que le cumul s'est déjà fait, après que le tiers de la flottille a été vendu dans le cadre du rachat de permis et maintenant qu'il est bien trop tard pour changer quoi que ce soit. Que fera le MPO si tout le monde vote contre le cumul? Il est trop tard.

Il convient de signaler que l'UFAWU a réalisé son propre sondage de tous les pêcheurs de la côte sur cette question du cumul avant que le plan Mifflin ne soit mis en oeuvre. Le résultat était à plus de 90 p. 100 contre le cumul. Le cumul a quand même été approuvé.

Nous avons des permis qui sont attribués par zone. Pour moi, qui pêche au filet maillant dans le nord, il me semble qu'il y a plus de bateaux qui sont maintenant limités à ma zone qu'il n'y en a jamais eus. Alors, quand il ne reste plus de poissons dans le nord, nous sommes faits. Y a-t-il quelqu'un qui voit la logique dans tout cela?

Pour diverses raisons nébuleuses, le MPO tente désespérément de nous empêcher d'avoir accès aux stocks du Fraser dans le nord, quand bien même ces stocks sont depuis toujours une de nos principales sources. Les stocks de la côte centrale, qui avaient toujours été une source abondante par le passé, sont épuisés depuis plus de 20 ans. Jusqu'à maintenant, le MPO n'a rien fait pour contrer cette perte.

L'ère de centralisation qui s'est amorcée avec l'austérité financière du début des années 90 fait en sorte qu'il y a de moins en moins de représentants sur le terrain et qu'il y en a de plus en plus à Vancouver et à Ottawa, mais comment peuvent-ils gérer les stocks en l'absence de données provenant du terrain? Il faut maintenir la présence sur le terrain. Des pêches entières ont été fermées lors d'années de surabondance dans les îles de la Reine-Charlotte parce que l'ordinateur disait qu'il n'y avait pas de poissons là. C'est aberrant.

Depuis le plan Mifflin, il y a Art May, Stephen Kelleher et Sam Toy qui sont venus essayer de rétablir les choses—tout un défi, surtout quand on dit à ces gens-là qu'ils doivent arriver à une certaine conclusion peu importe ce que montrent les données. C'est tout ce que j'ai trouvé comme explication possible des conclusions des deux premiers.

Avant d'aborder ces études, je dois vous expliquer la politique dominante qui a été la plus destructrice au cours des 20 dernières années. Il s'agit de la décision de contingentement qui visait à favoriser le secteur sportif au détriment du secteur commercial.

Dès 1985, des contingents ont été accordés aux pêcheurs commerciaux et sportifs, et la paix régnait à ce moment-là sur la côte Nord parce que les pêcheurs sportifs avaient un contingent qui représentait environ deux fois ce qu'ils étaient en mesure de prendre. Puis, parce qu'ils avaient été autorisés à prendre plus de poissons que les stocks du golfe de la Georgie ne le permettaient, ils se sont déplacés vers le Nord à la recherche de nouveaux stocks. Aussi, à la fin des années 80, ils dépassaient leur contingent pour la zone nordique. Les conflits ont commencé quand les pêcheurs commerciaux ont été appelés à payer à même leur contingent la dette attribuable aux prises excessives des pêcheurs sportifs.

Depuis ce temps, ils jouissent d'un accès illimité au saumon des eaux du nord, surtout des eaux aux alentours des îles de la Reine-Charlotte, notamment des Îles Langara et Maiden. Leurs prises dans ces eaux ont augmenté de 5 800 p. 100 depuis 10 ans, et ce, à notre détriment. Ce sont les exploitants de camps de pêche commerciaux qui ont persuadé le MPO de les autoriser à pêcher ici sans égard pour la flottille commerciale qui y pêchait traditionnellement et de prendre jusqu'à 60 p. 100 de leurs prises totales pour le nord dans ces deux petites zones.

Nous, les pêcheurs commerciaux et les collectivités comme Prince Rupert, Masset et Haida payons le prix de cette surpêche, par la perte de revenus, la multiplication des problèmes sociaux, la perte d'emplois indirects et le dépérissement des collectivités qui en résultent.

Tout le raisonnement des camps de pêche commerciaux, avec des organisations comme le Sport Fishing Institute à leur tête, consiste à dire que le poisson pêché à la ligne vaut plus que le poisson pêché commercialement. Je crois que nous ne serions pas là aujourd'hui si les camps de pêche commerciaux n'avaient pas plaidé leur cause aussi efficacement auprès du MPO, mais je n'ai pas encore trouvé de données qui appuient cette affirmation. J'ai lu des études réalisées tant par des scientifiques que par des experts-conseils du Canada, du Massachusetts, de l'Oregon et de l'Alaska. Ou bien ces études montrent le contraire ou bien elles ne sont pas concluantes.

• 1705

La seule étude qui appuie l'affirmation du Sport Fishing Institute est celle du Groupe Conseil ARA intitulée The Economic Value of Salmon. Cette étude, le MPO l'a brandie comme s'il s'agissait du Saint Graal. C'est pourtant le plus mauvais rapport que j'ai jamais lu. Les auteurs y mélangent les chiffres côtiers et les chiffres régionaux. Ils entremêlent les prises du Yukon avec les prises des eaux de la zone 1, qui sont mes eaux locales. Certains de leurs chiffres concernant les prises s'écartaient de 3 000 p. 100 des chiffres réels. Dans d'autres cas, ils faisaient état de prises inexistantes.

Étant donné que l'analyse de la valeur se fonde essentiellement sur les chiffres, vous pouvez comprendre que je sois consterné par l'importance que le MPO attache à ce rapport. La logique suivie par les auteurs était défectueuse. Ils ont comparé des pommes à des oranges. Ils ont à maintes reprises tenté de déterminer la valeur de la ressource naturelle, puis ils ont analysé des données erronées qui les ont menés dans un labyrinthe sans issue. Ils ont insisté pour accorder une valeur au poisson pêché à la ligne, mais comment peut-on faire cela? Si, par exemple, le client du camp de pêche paye 2 400 $ pour une excursion de pêche de trois jours et qu'il rapporte quatre saumons quinnat, chacun de ces saumons vaut-il 600 $? S'il n'en pêche que deux, chacun vaut-il alors 1 200 $? Et s'il n'en pêche pas du tout? À l'inverse, que vaut le saumon quinnat s'il rapporte quatre saumons quinnat, huit autres saumons, dix flétans, 15 sébastes et 10 morues-lingues?

Mettons toutefois que nous connaissons la valeur de la pêche sportive...

[Note de la rédaction: difficultés techniques]... de la valeur imaginée de la pêche sportive par rapport au prix moyen qui nous est versé à nous, les pêcheurs commerciaux, ou pouvons-nous connaître cette valeur?

Ils ont soutenu que le saumon quinnat pêché commercialement valait 26 $, comparativement aux 679 $ que vaut le saumon quinnat pêché à la ligne. D'après mon expérience, qui s'étend sur 15 ans, je dirais que le saumon quinnat moyen de 20 livres que je pêche vaut entre 44 $ et plus de 100 $, exclusion faite des bonis. Ce n'est toutefois là que le début du parcours économique de notre poisson, alors que le poisson pêché à la ligne n'a aucun parcours économique.

Voyons un peu le cas suivant en guise d'illustration. Il y a deux ou trois ans, je me trouvais à Toronto. Au supermarché local, on vendait des portions de saumon quinnat de la Colombie-Britannique à 15 $ le quart de livre ou à 60 $ la livre, de sorte que mon saumon de 20 livres vaut maintenant 1 200 $. À côté, il y avait du saumon fumé écossais qui se vendait 32 $ le paquet de 114 grammes, soit environ un quart de livre. Ce saumon valait donc 128 $ la livre, ou 2 560 $ pour mon saumon de 20 livres.

Étant donné que le saumon quinnat est un des saumons fumés les plus appréciés au monde, vous pouvez commencer à comprendre pourquoi je dis que les auteurs du rapport ARA se fourvoient quand ils prétendent que mon saumon quinnat ne vaut que 26 $.

Qu'arrivera-t-il si le prix que j'obtiens augmente radicalement à l'avenir? L'analyse devient complètement périmée. Le rapport ARA ne dit rien de tout cela. Nous répétons depuis des années sans être entendus que les exploitants de camps de pêche commerciaux n'ont pas besoin de quantités énormes de poissons pour se maintenir en activité. Il y a bien des façons de réduire l'impact qu'ils ont sur la ressource sans pour autant nuire à l'agrément de l'expérience.

Il y a beaucoup de pêche vivrière, mais c'est nous qui la faisons, pas eux. En leur donnant de plus en plus de poissons à même notre contingent, on n'accroît pas le montant que dépensent leurs clients, mais on réduit toutefois nos prises, notre revenu, les impôts que nous payons, etc.

Il n'est donc pas démontré que les Canadiens retirent davantage du poisson pêché à la ligne que du poisson pêché commercialement. Puisque cette affirmation est la pierre angulaire de l'argument qu'ils avancent pour obtenir un contingent plus important de saumons, il faut conclure que les contingents ont jusqu'à maintenant été modifiés à cause, non pas de conclusions scientifiques ou de raisons valables, mais des pressions très efficaces exercées par les intéressés.

Plusieurs études, y compris le rapport de M. Pearse intitulé Conflict and Opportunity, montrent que, même s'il n'y avait aucune pêche sportive, les avantages pour le revenu national demeureraient les mêmes, car les gens continueraient de venir en Colombie-Britannique pour profiter de la richesse et de la variété de notre vie côtière.

Tout cet argument selon lequel le poisson pêché à la ligne a une valeur supérieure est un mensonge. C'est quelque chose qui a été inventé par le Sport Fishing Institute. Bien entendu, les Bob Wright, Dan Sewells et Rick Grange de ce monde génèrent d'importantes quantités d'argent, mais une trop grande part se rend, non pas dans l'économie de la Colombie-Britannique, mais bien dans leur poche à eux. Beaucoup des emplois qu'ils offrent sont des emplois rémunérés au salaire minimum. Quand M. Siddon a réduit de moitié le nombre de prises qui pouvait être conservées, les exploitants de ports commerciaux se sont récriés prétendant que ce serait là l'arrêt de mort de leur entreprise. En fait, le nombre de clients qui réservaient chez eux a continué à augmenter et ils ont réalisé plus de bénéfices avec moins de poissons.

En leur donnant des parts importantes des contingents de la flottille commerciale, MPO ne fait que mettre fin à un type de pêche et le remplacer par un autre, aux dépens de collectivités côtières comme Masset. Leur recontingentement du saumon chinook au profit des camps commerciaux de pêche sportive a joué un rôle important dans la décision de B.C. Packers de quitter Masset et Skidegate. Il a aussi contribué à la fermeture de la station de carburant en vrac de PetroCan à Masset. Cette fermeture a, à elle seule, engagé Masset dans une spirale descendante qu'il semble presque impossible de contrer.

• 1710

Si nous passons maintenant à l'étude d'Art May, sans parler de le rencontrer face à face et de lui expliquer les nombreuses lacunes du document ARA... Son étude abonde en déclarations à l'emporte-pièce qui s'inspirent de ce document, comme:

    [...] il existe des preuves abondantes du fait que l'avantage économique du saumon chinook et coho est plus important pour la pêche sportive que pour la pêche commerciale [...]

ARA est le seul à l'affirmer. Puis, il poursuit:

    Les décisions de contingentement des 10 dernières années ont implicitement favorisé la pêche sportive [...] dans les circonstances, cette politique implicite devrait maintenant devenir explicite.

Il n'explique pas pourquoi il devrait en être ainsi. La politique des 10 dernières années a été élaborée et façonnée uniquement sous l'influence des groupes de pression.

Toutes ces sornettes se fondent sur le rapport ARA. L'éminent M. May semble incapable d'en arriver à une conclusion originale. Cet ancien sous-ministre du MPO n'a tenu compte d'aucune des preuves du contraire et s'est contenté de formuler ses recommandations en faveur de la pêche sportive en se fondant sur le rapport ARA et sur ce que lui disait le Sport Fishing Institute. Son rapport n'est pratiquement d'aucune utilité parce qu'il fait très peu de recherches et qu'il semble s'en être tenu à des instructions quelconques venant de l'extérieur qui enlèvent tout sérieux à son rapport. Il serait difficile de me convaincre du fait que le président de l'université la plus célèbre de Terre-Neuve n'a pu produire que ce rapport simpliste et unidirectionnel.

Si M. Tousignant avait vraiment voulu une étude complète sur le contingentement entre les secteurs, il y avait plusieurs personnes compétentes ici en Colombie-Britannique qui auraient pu faire un excellent travail. Le comité devrait se demander pourquoi on a embauché M. May et, question plus importante encore, pourquoi quelqu'un comme M. Cruikshank n'a pas été embauché. Nous avons ici en Colombie-Britannique des gens qui sont compétents et capables et qui connaissent notre situation. Ils ne se contenteront pas de produire un rapport conforme aux instructions de quelques fonctionnaires à Ottawa. M. Cruikshank, par exemple, a déjà réalisé une étude de nos problèmes à l'échelle de la province et il est, pour cela, venu nous rencontrer dans nos collectivités pour bien comprendre notre situation. M. May, par contre, nous a convoqués au palais de la rue Hastings, puis s'est empressé d'oublier ce que nous avions à dire.

Il faudrait, à mon avis, mettre ce rapport à la poubelle.

Comme dernière note en bas de page, précisons que nous assistons maintenant au spectacle du juge Toy qui tente de faire la lumière sur tout cela après le spectacle d'Art May. Reste à savoir ce qu'il produira comme rapport.

Enfin, il y a l'enquête Stephen Kelleher. Il n'est pas venu dans le Nord nous rencontrer et il n'a jusqu'à maintenant répondu qu'à une seule lettre. Je lui ai parlé au téléphone et j'ai été à même de constater qu'il ne connaissait rien de la situation dans les îles de la Reine-Charlotte et qu'il n'était notamment pas au courant du rôle de la régie de l'électricité dans les pêches. Quand je lui ai fait remarquer que ses recommandations avaient mis fin à l'accès que nous avions depuis toujours aux stocks du Fraser, il était quelque peu surpris par mon attitude. Dans le cas des Haïdas, il y a des milliers d'années qu'ils interceptent ces stocks.

Comme post-scriptum à cette question de l'accès aux stocks du Fraser, il convient de rappeler que c'est le ministre des Pêches lui-même, Bernard Valcourt, qui avait promis aux pêcheurs du Nord l'accès à ces stocks de saumon rouge. Au moment du premier recontingentement important du saumon quinnat en faveur du secteur de la pêche sportive le 8 juin 1990, M. Valcourt avait annoncé que:

    [...] les contingents de saumon rouge du Fraser sont augmentés à la suite de l'accès réduit au saumon quinnat des eaux septentrionales de la Colombie-Britannique [...] ces contingents ont été modifiés afin de tenir compte de la croissance récente de la pêche sportive dans le nord.

M. Kelleher a-t-il oublié cela ou lui a-t-on dit de l'oublier?

C'est M. Anderson qui est maintenant à la barre. Il a nommé, comme conseillère spéciale pour le Pacifique, Mme McColl, qui était chef de la direction au Sport Fishing Institute. C'est M. Tom Bird, responsable de toute la division de la pêche du MPO, qui a maintenant remplacé Mme McColl. Le directeur de campagne de M. Anderson a aussi décroché un boulot en or.

Peut-on conclure à l'existence d'un fil conducteur? Allons-nous simplement continuer dans la même voie que nous suivons depuis 10 ans?

Vous vous interrogez aujourd'hui sur l'état des pêches. Nous sommes engagés sur la pente savonneuse qui nous conduire à l'effondrement de nos stocks parce qu'il y a un groupe qui a une énorme capacité de pêche et qui, grâce au MPO, a pris de l'ampleur au nom de l'esprit d'entreprise et du gain.

S'engager dans cette voie comporte deux problèmes majeurs. Premièrement, le MPO n'a pas de système d'attribution de permis pour ce groupe ni de méthode qui lui permette de bien contrôler le nombre de leurs prises. Voilà qui enfreint la règle d'or de la gestion du poisson. Il faut savoir quelle est la quantité de poisson qu'on en retire pour pouvoir gérer les stocks. Le MPO continue pourtant à permettre au secteur de la pêche sportive de pêcher jusqu'à concurrence des chiffres signalés dans les rapports radio alors que chacun sait que ces chiffres sont toujours très bas. On ne sait même pas quel est le taux de mortalité des 50 000 saumons qui ont été pris l'an dernier dans la zone 1—en supposant que ce chiffre soit exact, et je doute qu'il le soit. C'est seulement un poisson par jour par pêcheur. Ils ont décimé les stocks du golfe de la Georgie au début des années 80 en échappant à la gestion des stocks. Ils sont sur le point de le faire encore. Il est intéressant de noter que les pêcheurs sportifs de la zone 1 ont sans doute tué plus de saumons en 1997 en raison de la remise des prises à l'eau que les pêcheurs commerciaux n'en ont tué en tout.

• 1715

Deuxièmement, dans le contexte du libre-échange, du GATT et de l'AMI qui s'en vient, si l'on gère une ressource uniquement en fonction de considérations commerciales, peut-on vraiment penser que le Canada sera toujours aux commandes dans 10 ans? Les 40 millions de dollars que valent les pêcheries de choix de l'Île Langara ne tarderont pas à intéresser quelques entreprises étrangères, et on n'aura bientôt plus rien à dire.

Il faut ramener le bon sens dans la gestion des pêches, en prévoyant une participation plus importante au niveau régional et local. Loin de se contenter de la consulter pour la forme, il faut permettre à la population locale d'élaborer ses propres stratégies de gestion. Si nous continuons dans la voie actuelle, le prix à payer sera trop élevé. Pour se convaincre de l'inutilité du processus de consultation, il suffit de constater que la pêche du hareng rogué se poursuivra cette année dans les îles de la Reine-Charlotte, contrairement à ce qu'ont recommandé les pêcheurs locaux, les Haïdas et le gestionnaire local du MPO de même que son personnel. Cela nous rappelle un peu le scénario qui a mené à l'effondrement des stocks de morue de l'Atlantique. Bravo, monsieur Anderson.

Voilà pour mon mémoire. J'ai remarqué tout à l'heure, quand je suis arrivé, que M. Scott vous parlait de certaines choses qui se passent à l'Île Langara et que je n'avais pas pris la peine d'inclure dans mon mémoire parce que je me disais que, comme vous veniez d'Ottawa, vous ne seriez pas du tout au courant de ce qui se passe dans l'Île Langara. Si vous voulez que je vous parle de certaines des aberrations qu'on y remarque, je peux certainement le faire.

L'Île Langara offre le seul point de mouillage tout-temps de toute la partie nord-ouest des îles de la Reine-Charlotte, et pourtant Bob Wright, qui est le principal exploitant là-bas, qui se trouve là de façon illégale—il n'est pas censé y être—a exercé tellement de pressions sur la Direction des ports pour petites embarcations qu'il a obtenu qu'on lui réserve la moitié du point de mouillage. Nous ne sommes pas autorisés à nous en approcher. Il a son propre espace d'eau, qu'il s'est approprié. Il s'agit pourtant d'un cours d'eau public. On y trouve le seul point de mouillage tout-temps, et il en a la moitié qui lui est réservée. Si donc il y avait une tempête dans la région à un moment où beaucoup de bateaux de pêche seraient en activité, les bateaux ne pourraient pas aller mouiller dans la baie, même si c'est là le refuge tout indiqué.

Il y a là des bateaux américains qui attendent les clients qui arrivent par avion et qui repartent avec plein de poissons canadiens pêchés à même les contingents canadiens, alors que nous n'obtenons rien.

La campagne de harcèlement se poursuit au moment même où nous nous parlons. Quand je parle de «harcèlement», je veux parler des exploitants de camps commerciaux qui téléphonent aux principaux représentants du MPO chez eux, le jour comme la nuit, pour obtenir que la flottille de bateaux de pêche au filet n'approche pas de Langara, qu'elle soit maintenue à une distance d'un demi-mille de la grève. L'an dernier, j'ai réalisé 85 p. 100 de mon revenu en deçà de cette limite. Comme je pêche au filet maillant, je ne prends même pas des poissons qu'ils recherchent. L'an dernier, j'ai capturé 1,4 truite arc-en-ciel le temps que la pêche a été ouverte et trois quarts d'un saumon quinnat. J'ai remis ces poissons à l'eau. C'est là ma moyenne pour l'année. Nous ne ciblons pas leurs poissons. Nous ciblons le saumon rouge. Ils ne veulent pas de nous là-bas parce que nous les gênons. Cela se poursuit au moment même où nous nous parlons.

J'ai parlé de Bob Wright. Les trois grands exploitants de la région sont Rich Grange, Bob Wright et le Queen Charlotte Fishing Lodge. Les trois sont là de façon illégale. Il y a un moratoire en vigueur. Les deux plus gros violent ce moratoire. On n'a pas le droit de se servir de la zone riveraine pour pratiquer la pêche sportive. Or, la grève est tellement encombrée de rampes, de bateaux et de matériel de pêche sportive qu'on ne peut même pas s'y promener.

Je sais qu'il s'agit là d'une loi provinciale qui ne vous concerne pas, mais je parle à tout le monde de cette situation depuis que le moratoire est entré en vigueur, aux alentours de 1990. Personne ne veut rien faire. J'ai téléphoné au ministère des Terres depuis les pêcheries et on refuse de faire quoi que ce soit. Voilà ce contre quoi nous devons nous battre.

Le processus de consultation du MPO est un échec. Nous avons des gens formidables sur cette côte, et je ne veux pas parler uniquement des pêcheurs. Je veux aussi parler des représentants régionaux du MPO. Je veux parler des chefs de file de la collectivité qui savent comment régler ces problèmes.

Je siège depuis 20 ans maintenant à un conseil consultatif. Après 18 ans, j'étais le seul membre du conseil qui était là depuis aussi longtemps et je n'en pouvais plus. J'ai donc démissionné. Quelques jours plus tard, le gestionnaire de la région du nord m'a appelé à 11 heures du soir pour me dire: «Vous ne pouvez pas démissionner, nous avons besoin de vous.» Je l'ai mis au défi de me nommer une seule chose que nous avions réussi à accomplir au cours des 18 dernières années. S'il pouvait en nommer une, je ne démissionnerais pas. Il n'a pas pu. Voilà à quel point la situation est pourrie. À quoi ça sert? À quoi ont servi ces 20 années de bénévolat? Je n'ai jamais eu un sou pour ce que j'ai fait. Nous ne faisons pas cela pour nous. Nous avons les réponses à ces problèmes, mais personne ne veut nous écouter.

• 1720

Il est intéressant de noter qu'il y a huit ans, presque jour pour jour, exactement là où vous êtes, monsieur Baker, et là où vous êtes, Gary Lunn, nous avions devant nous Tom Siddon et Pat Chamut. Ils nous avaient promis qu'aucun groupe n'obtiendrait d'augmentation de son contingent au détriment d'autres groupes sans que tous les autres groupes y consentent. Il s'agit ici des pêcheurs sportifs. Les choses ne faisaient que commencer à ce moment-là. «Ne vous inquiétez pas, cela n'arrivera jamais.» «Si cela arrive», nous avait-il dit, «nous vous garantissons que les collectivités locales ou voisines en bénéficieront.» Eh bien, dans les collectivités locales et voisines de Masset et de Langara, nous n'avons pas eu un sou de ces 40 millions de dollars et plus que génère chaque année ce secteur. Ce n'est là qu'un des nombreux mensonges qu'on nous a racontés au fil des ans.

Merci d'avoir bien voulu m'écouter.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci beaucoup pour vos observations, monsieur Disney.

Nous passons maintenant à George Hayes.

M. George Hayes (Northwest Maritime Institute): Merci, monsieur le président, de me donner l'occasion de vous adresser la parole au nom du Northwest Maritime Institute.

J'ai rédigé un court texte pour vous expliquer ce que fait le Northwest Maritime Institute et ce qu'il a accompli jusqu'à maintenant et pour vous décrire certains des problèmes et des défis auxquels nous nous heurtons.

Qu'est-ce que le Northwest Maritime Institute? C'est une société sans but lucratif.

Quand a-t-il été créé ou établi? Il a été créé en mai 1995.

Pourquoi l'Institut a-t-il été créé? L'emploi dans les pêches traditionnelles et dans l'exploitation forestière ne cesse de baisser et le nombre de débouchés dans le secteur des services urbains est limité. L'Institut a été créé afin d'aider à la création de nouveaux emplois et de répondre aux besoins en matière de création de richesses.

Contexte: Notre terminal céréalier a été transformé en terminal résiduel, avec toutes les conséquences que cela suppose. Il y a aussi l'usine de pâtes et papiers. Il y a divers autres pavés qui semblent tomber dans notre mare, comme l'annonce faite par Tumbler Ridge ces derniers jours. L'an prochain, les pêches seront ouvertes très peu de temps dans la région—vous en avez sans doute entendu parler—et il en sera de même l'année suivante.

Qui a fondé l'Institut? L'Institut a été fondé à partir d'un intérêt commun que partageaient les divers secteurs qui y sont représentés: les collectivités côtières, les Premières nations, les entreprises de formation et de recherche, l'industrie et le milieu de l'éducation.

Quelles sont les principales activités de l'Institut? Nous avons trois grands domaines d'activités: les pêches et les fruits de mer; le tourisme maritime; et les transports. Il convient de signaler que les transports sont une de nos grandes priorités. Nous avons relevé dans les modifications à la Loi sur les transports 13 grands sujets de préoccupation, qui ont de très graves conséquences pour le Nord. Quand nous avons vérifié auprès du groupe de travail qui a participé au processus qui a conduit à la nouvelle loi, nous avons constaté que le groupe ne comptait qu'une seule personne qui en avait fait partie 20 ans auparavant et qui avait travaillé comme débardeur à Prince Rupert. La mémoire institutionnelle n'était donc pas grande malgré l'importance des conséquences.

Nous avons décidé de faire de cette question une priorité et nous avons organisé un forum où nous voulions mettre l'accent sur les mesures à prendre, sur le suivi à assurer. Le ministre des Transports de l'époque, David Anderson, a nommé un groupe de travail, que j'ai coprésidé et qui était chargé d'examiner les diverses questions en cause. Vous avez dans votre documentation, monsieur le président, le rapport de ce groupe de travail.

• 1725

Nous avons organisé un certain nombre d'activités sur les questions relatives aux pêches dont je vous parlerai au fur et à mesure de mon exposé. Quels sont certains des objectifs de l'Institut? Faire des recherches sur le développement de la transformation à valeur ajoutée, sur la diversification des pêches et des fruits de mer, sur les nouvelles pêches à valeur élevée, sur les pêches fondées sur l'aquiculture et la mise au point d'autres produits maritimes et en faire la promotion.

Il conviendrait peut-être de préciser ici qu'il y a déjà eu à Prince Rupert un centre de recherches sur les pêches maritimes. Le centre de Prince Rupert a été fermé en 1942 en raison de la menace d'une invasion japonaise, si vous voulez, et déménagé plus au sud.

Il est intéressant de noter que ce laboratoire ou ce centre de recherches était un chef de file dans le domaine des huiles de poisson, notamment de l'huile de foie de morue et de l'huile de flétan, qui ont joué un rôle critique au Royaume-Uni pendant la guerre en raison de la situation alimentaire. Les travaux du centre de recherches sont toujours valables aujourd'hui. Il n'est toutefois pas revenu chez nous et il n'a pas été remplacé, et cela a eu un certain impact sur le développement des pêches.

Qu'est-ce que l'Institut a accompli jusqu'à maintenant? Nous avons réussi à obtenir le programme de recherche L. Pacifica. Vous en avez vu une photo dans les documents du MPO à l'avant. Nous avons mis au point un programme d'étude qui est très réussi, à mon avis. Nous avons élaboré divers autres programmes et nous avons un certain nombre d'autres projets que nous pourrions faire avancer rapidement si nous avions les ressources voulues: la Northwest Corridor Transportation Conference, dont j'ai parlé; la Coastal Communities Fisheries Conference, coparrainée par les collectivités côtières et par l'Université Simon Fraser; le Northwest Maritime Institute Fisheries Forum, qui a permis de cerner un certain nombre de sujets de préoccupation et de produire un document de travail, d'où sont tirés les chiffres quant aux possibilités dans le secteur des pêches; le bulletin Coastwise—en collaboration avec le Coastal Communities Network, nous publions un bulletin, dont vous avez des exemplaires dans votre documentation.

Les articles sont faits pour les gens que nous représentons. Nous discutons entre nous d'un certain nombre de questions. Vous constaterez que dans un des numéros, il est question d'une usine de pâtes et papiers de Cowichan Bay qui a dû fermer en raison des conséquences environnementales. Quand le moment est venu de reprendre les activités, les pêcheurs locaux et les gens de la région ont proposé de conserver l'usine pour alevinage pour la pêche du crabe.

On y raconte donc des choses qui intéressent la population locale. Il s'agit là d'une initiative très importante pour nous et pour les collectivités côtières, car bien souvent les problèmes sont semblables.

Nous avons un lien avec le programme PARI du Conseil national de recherches. Nous avons fait du travail à cet égard. Pour l'instant, nous avons des problèmes pour ce qui est de faire avancer certains des dossiers qui nous intéressent.

Le programme d'étude en biologie marine est une de nos grandes réalisations. Il a notamment fait doubler le nombre d'étudiants inscrits aux programmes de sciences au collège communautaire.

Le partenariat que nous avons avec le Département de génie de l'Université de la Colombie-Britannique est extrêmement important pour nous. Nous voulons maintenir ce partenariat, car il y a beaucoup de changements pour lesquels il faudra des experts en génie, et ce, pour toutes les activités allant de la pêche à la transformation. Nous avons accès à toutes les installations et à tous les services de l'université, qu'il s'agisse d'applications informatiques ou d'un simple service de génie.

Le projet de l'Île Pike: cette petite île qui se trouve à l'autre bout de Digby, où heureusement personne n'a encore mis de bulldozer ou de scie à chaîne, a une forêt assez intéressante. On y trouve des arbres uniques en leur genre, comme l'épinette dorée, qu'on ne trouve nulle part ailleurs au monde. Nous avons aussi trois villages qui ont été abandonnés il y a 1 800 ans, et les marques des canoës se trouvent toujours là. Tout ce qui s'est produit, c'est que les villages ont été ensevelis sous quatre pieds d'aiguilles.

• 1730

Nous avons fait de cette île une destination touristique. C'est important parce que c'est un début. Au bout de l'île, il y a deux villages qui ont été recouverts de terre quand le missionnaire Duncan encourageait le jardinage. Ces villages pourraient très bien permettre d'étendre la saison touristique, qui passerait de trois mois à neuf mois, puisqu'on pourrait maintenant y faire du travail archéologique. Il y a des emplois notamment à Metlakatla et à cet hôtel. C'est très important pour la création d'emplois.

La Canadian Ocean Frontiers Research Initiative Foundation—vous allez entendre ce groupe à Richmond. Nous travaillons avec eux à divers projets. Le plus important est une conférence en partenariat des milieux scientifiques, des pêcheurs et des collectivités côtières qui ressemblerait à la conférence sur les transports et dont nous attendons des résultats intéressants. Nous voulons amener ici des scientifiques de toute la région depuis Kodiak jusqu'en Californie pour que nous puissions favoriser la compréhension et le transfert technologique de même que la conclusion de partenariats. L'aspect conclusion de partenariats est extrêmement important. Nous espérons tenir cette conférence les 21 et 22 avril, ici, à Prince Rupert. Il s'agit d'un événement très important.

Nous venons de terminer trois projets relatifs aux pêches. Un de ces projets a été réalisé avec J. S. McMillan Fisheries et concernait la plie à grande bouche. Il y a environ 2 000 tonnes de plies à grande bouche qui ne servent à rien. Ce flétan n'a aucune valeur commerciale ou presque. Il n'y a pas de marché pour ce poisson. Nous travaillons donc à ce projet et nous espérons pouvoir aller de l'avant d'ici quelques semaines si la restructuration à McMillan est terminée. Nous avons une technologie Alfa Laval Separation Inc. qui nous permettrait de fabriquer de la poudre à partir de ce poisson. Il s'agit d'un projet important parmi d'autres. Ces activités sur terre pourraient ajouter pour 10 millions de dollars à la valeur des pêches en mer. C'est une occasion qu'il ne faut pas rater.

Nous venons de terminer un atelier et un programme sur le contrôle des biotoxines sur la côte Nord. Le rapport se trouve dans votre documentation. Sur la côte Nord, la pêche des coquillages est effectivement fermée. Pensez à la France, où 22 000 personnes font de l'élevage de coquillages et autant de personnes travaillent sur la côte, alors qu'ils sont loin d'avoir la longueur ou la qualité de côte que nous avons ici.

Ce sont des occasions à saisir. Elles ne sont pas faciles. Comme l'a dit un intervenant précédent, nous n'avons pas de baguette magique. C'est à force d'essayer que nous y arriverons. C'est une chance à saisir.

La situation est intéressante dans la mesure où nous pouvons créer des emplois. Nous avons quelques atouts économiques. Le saumon élevé en Colombie-Britannique peut nous coûter un tiers de moins que celui de nos concurrents sur 80 p. 100 des marchés mondiaux si nous le faisons expédier par Anchorage.

Nous venons de terminer une étude sur la culture de varech sur la côte Nord. Sept personnes sont descendues à Bamfield la semaine dernière et nous espérons établir trois fermes de varech de plus. Il y en a une maintenant en Amérique du Nord et nous espérons en avoir quatre.

• 1735

La récupération des ressources maritimes: c'est la technologie Alfa Laval. Ils ont proposé de nous installer à Prince Rupert une usine de démonstration valant bien 3 ou 5 millions de dollars. Cette technologie devrait permettre de tirer le maximum du traitement des déchets de poisson. Plutôt que de les faire cuire à n'en plus pouvoir pour en extraire les protéines et les vitamines, ce procédé ne prend que quelques secondes.

Notre intention est de mélanger le résultat obtenu à des résidus de canola et de soya pour le vendre sous forme de produits aquacoles sur le marché mondial. Avec l'El Ni«o qui provoque des ravages dans la récolte d'anchois au Pérou et au Chili, c'est le moment ou jamais.

Je pourrais aussi ajouter que cette technologie ouvre toutes sortes de nouveaux horizons: l'extraction d'huiles de poisson de qualité tout à fait comestible; le conditionnement, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, du flétan du Pacifique; le saumon kéta—maintenant que nous avons pris les oeufs, le reste peut aller à cette usine. Il n'y a pas de raison que nous ne puissions tirer l'huile et la viande pour un pâté de saumon de McDonald. Il n'y a pas de raison pour que nous ne puissions traiter toutes sortes d'autres poissons, les requins bourbeux, etc. Nous pouvons faire progresser la technologie de 50 ans. Nous avons besoin de votre aide.

Introduction de nouvelles technologies: je viens de parler du procédé Alfa Laval. Le ministère a donné 12 mobiles au laboratoire de recherche sur les pêches de Prince Rupert. Il constituait le laboratoire environnemental du Centre de recherches sur les pêches de Vancouver-Ouest qui a été privatisé. C'est le PIAB. Ils sont devenus superflus. Par contre, ils pourraient très bien servir les intérêts et les besoins de Prince Rupert et de la côte Nord. Nous aimerions les avoir. Il nous faut un peu d'argent pour les faire venir jusqu'ici et dans le document que je vous ai remis vous avez la proposition que nous avons faite au gouvernement fédéral et que je considère comme un investissement sérieux.

Vous remarquerez également au dos de ce document que si nous ne possédons pas les compétences analytiques ou autres nécessaires, tout ce que nous aurons c'est une usine de production qui durera ce qu'elle durera. Je tiens à vous rappeler que dans l'Oregon c'est pratiquement une seule compagnie qui conditionne tout le poisson. Ce projet les intéresse vivement. Ils peuvent faire à Portland ce que le port de Portland a fait pour notre potasse. Par manque de réactions à Prince Rupert, c'est Portland en Oregon qui a construit de nouvelles installations pour les exportations et créé 500 emplois—pas Vancouver ni Prince Rupert, mais Portland. Ils peuvent faire venir leurs résidus de canola ou de soya à Portland pour aussi peu cher ou même moins cher et ils attendent. Un intérêt similaire a été manifesté en Alaska. Des sommes importantes ont été dégagées pour les projets de recherche.

Il suffit de voir toutes les stations de recherche créées le long de la côte par l'Université de l'Alaska, à partir de Kodiak jusqu'à Ketchikan où vous avez des chercheurs qui travaillent depuis près de dix ans avec des éleveurs de coquillages à la création d'une industrie ostréicole. Nous les avons fait venir il y a quelques mois à Prince Rupert pour qu'ils nous parlent de leur travail. Sur le plan de la création d'emplois ce sont des initiatives porteuses.

• 1740

Le Centre des pêches de l'Université de Colombie-Britannique—nous travaillons en étroite collaboration. Lorsque la pêche de poisson de fond a été fermée à Rupert il y a un ou deux ans, nous avons décidé de faire quelque chose avec Doug Marsh qui était alors président et patron de chalutiers de haute mer. Ils avaient un petit fonds d'environ un million de dollars pour le flétan qu'ils ne pouvaient pas vendre mais qui pouvait être payé. Dans notre document j'ai joint l'accord auquel nous étions arrivés et qui était assez unique.

Le Centre des pêches de l'Université de Colombie-Britannique, jusqu'à cette époque, n'avait jamais eu de contacts avec le ministère sur ces questions et pourtant ils étaient reconnus mondialement pour l'évaluation des stocks. Ils évaluent les stocks en Norvège, en Islande, en Chine, en Australie, etc. C'était une première. Confier ce dossier à une université n'a pas été chose facile. Cela s'est quand même fait. Si je vous en parle...

Le vice-président (M. Gary Lunn): Monsieur Hayes, pourriez-vous essayer de conclure? Nous avons pris pas mal de retard. Je ne veux pas vous interrompre mais il y a encore beaucoup d'autres témoins.

M. George Hayes: Je conclurai en disant que nous avons planifié deux événements en avril. Il y a la conférence. La deuxième partie sera un atelier. Cette conférence va réunir les représentants du monde de la pêche et des sciences de la pêche pour essayer de trouver de nouveaux débouchés.

Le deuxième est un atelier avec le Centre des pêches de l'Université de Colombie-Britannique intitulé «Back to the Future». Nous y étudierons l'évolution des écosystèmes depuis les derniers 500 ans. Cet atelier sera financé séparément par les fonds privés.

Je tiens également à attirer votre attention sur la série de propositions contenues dans le dossier que je vous ai donné qui pourraient, d'après nous, aboutir à la création de 7 500 emplois. Je crois qu'après ce que vous avez entendu que cela vaut la peine de s'y intéresser. J'espère que vous réfléchirez aux moyens de dégager les fonds nécessaires pour ce centre de recherches, entre autres. Le temps des portes à tambour du Développement des ressources humaines, de la Diversification de l'Ouest, etc., est révolu.

Merci.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Nous avons maintenant M. Rusty Doane.

M. Rusty Doane (témoignage à titre personnel): Je suis de Terrace. Permettez-moi de vous faire l'historique de ma famille. Mon grand-père est arrivé de Norvège en 1911 et a commencé à pêcher le flétan sur cette côte. Ma mère est de la réserve Lax Kw'Alaams de Port Simpson. Cela fait des milliers d'années qu'ils pêchent. C'est mon introduction.

Il y a des choses qui d'après moi sont vraiment importantes comme par exemple le plan Mifflin. Je n'en dirai qu'un mot, le chaos. S'il n'y a pas de rachat général et d'abandon du plan Mifflin, c'est la seule alternative. C'est le chaos économique tout le long de la côte sans parler du chaos économique dans ma propre maison.

L'autre chose ce sont ces licences par zone. Nous avons payé il y a trois ans un droit pour une licence—une licence, un droit. J'ai loué une deuxième licence l'année dernière. Pourquoi y a-t-il maintenant un droit par zone? Il serait naturel de penser qu'elle ne soit que d'un tiers du prix puisqu'on ne peut pêcher que dans un tiers de la zone.

Il y a d'autres choses que je tiens à dire. C'est peut-être vous qui avez demandé tout à l'heure quelle avait été la conséquence du traité avec l'Alaska sur moi.

Le vice-président (M. Gary Lunn): C'était moi.

M. Rusty Doane: J'aimerais répondre. Pour tout le mois d'août—je suppose qu'il y a deux ans cela m'aurait probablement coûté 20 000 $. Le cycle était très long. Je dois être loin du compte.

• 1745

L'enclave est la même... les eaux de l'enclave sont au Canada. Elles ne sont pas aux États-Unis. Quand ils négocient en disant, eh, nous interceptons tant de vos poissons mais vous en interceptez tant des nôtres, cela fait tant de... Les leurs ce sont aussi les nôtres. C'est dans le traité. Je n'ai entendu personne en parler.

L'enclave elle-même est une bande qui va jusqu'au Cap St. Elias. Je n'entends personne dire, eh, nous n'avons pas ceux-là. Il y a un petit peu de pêche autochtone dans la Taku et dans la Stikine, mais nous ne touchons pas à ce poisson.

C'est le genre de choses qui auraient dû être signalées pendant les négociations. Beaucoup de ce poisson est canadien. Nous n'interceptons pas de poisson américain.

C'est peut-être un gros mot pour vous. Je crois que l'État de l'Alaska a les pêches de l'État de l'Alaska; l'État de Washington a les pêches de l'État de Washington. Ils ne viennent pas sans cesse se plaindre à Ottawa. Je crois qu'il faut commencer en termes de pêches provinciales. C'est notre région. Nous la comprenons mieux. Même si M. Anderson est de la région, il ne connaît pas grand-chose à la pêche. Je l'ai rencontré. C'est un homme politique. Il n'a qu'un mot à la bouche «conservation». C'est la chose politiquement correcte à dire. Je la dirais moi-même. Ça sonne bien.

J'ai participé au blocus l'été dernier. J'ai attendu pendant cinq ans que les libéraux fassent quelque chose à propos de ce traité. Nous avons fini par nous fatiguer. Il y avait des zones que les Américains... Vous parlez de conservation. Nous avons eu des problèmes dans le bassin de la Nass pendant trois semaines avant qu'il se décide à venir. Il nous a parlé de conservation. Les problèmes de conservation ne datent pas d'aujourd'hui.

J'ai encore quelques petites choses à vous dire.

Je crois que la réduction de la flotte doit être générale. Il faut mettre le plan Mifflin au rebut. Prince Rupert, Port Hardy, Alert Bay—il y aura indéniablement moins de problèmes dans toutes ces zones si la flotte peut bouger.

Généralement, je pêche jusqu'à la toute fin de la saison. Il m'a été impossible de sauver ma saison cette année. Je n'avais nulle part ailleurs où aller. J'aurais pu pêcher jusqu'au 1er novembre dans la troisième zone à Nitinat pour sauver ma saison, mais on ne m'a pas donné cette possibilité. Maintenant nous avons des permis par zone.

Nous avons toujours eu des bonnes et des mauvaises saisons. Nous avons tous ici connu de mauvaises saisons, mais les pêcheurs sont d'éternels optimistes. Nous disons toujours l'année prochaine ça ira mieux. Maintenant ce n'est plus possible.

L'éducation: je me suis inscrit dans un collège pour essayer de terminer mes études. J'ai 44 ans. J'ai arrêté l'école en huitième année. Le collège de Terrace m'avait donné un B et j'ai suivi un cours de niveau 1. Cela ne sert pas à grand-chose à 44 ans quand il y a des jeunes qui terminent ce cours à 22 ans. Il ne faut pas compter sur des compagnies comme Alcan pour me donner un bon emploi bien payé. Après 55 ans on pense à la retraite. C'est une réalité. On a son passé professionnel derrière soi. Je ne sais pas ce que vous allez faire de nous.

Le truc avec les interceptions américaines c'est que les Américains prétendent maintenant que parce que nous prenons pas ce poisson, ils devraient en prendre plus. L'ennui, c'est que pour commencer c'est eux le problème. Nous sommes utilisés comme expédients. Nous essayons de conserver nos cohos. Une année nous en laissons passer un million et demi, beaucoup trop, pour sauver ces cohos quÂeux ont déjà commencé à pêcher sept jours par semaine. Nous en laissons passer autant pour sauver une poignée de cohos de la Bulkley. Que se passe-t-il alors? L'année suivante ils pêchent encore plus que l'année précédente sous prétexte que nous n'avons pas touché à notre stock. C'est le coup de la porte à tambour. Tout le problème est là.

Sans traité nous n'aurons jamais de pêche au mois d'août. Un point c'est tout. Mettons en valeur ces montaisons... c'est un gros mot pour les pêcheurs sportifs, mais il faut mettre en valeur ces montaisons intérieures de coho sans quoi nous n'arriverons pas à récolter ce poisson à moins d'utiliser des casiers ou quelque chose d'autre.

Je ne sais pas si tout le monde sera d'accord avec moi sur ce plan; les pêches intérieures. Je suis un Indien inscrit. Je ne suis pas en faveur... En tant que pêcheur commercial, mon point de vue est le suivant. Combien de fois faut-il que je paie? C'est quelque chose qui appartient à la population canadienne, signer des accords. Le poisson est dans la rivière, du bon poisson, et il devrait toujours l'être, mais pêcher du poisson de qualité inférieure permet à la compagnie d'avoir du poisson bon marché pour ses marchés de poisson en conserve.

Il y a beaucoup d'endroits à l'intérieur comme Kiwanga et Kispiox qui comptent de bons pêcheurs. Ils pêchent là-bas. Si on les aidait à acheter des bateaux—ils sont à la merci des compagnies qui les ont roulés je ne sais combien de fois—s'ils avaient des prêts à faible intérêt, et une possibilité de rachat des permis A existants... Nous pouvons résoudre ce problème de pêche intérieure. Nous n'avons pas besoin de pêche intérieure. La qualité n'est pas là.

Je crois que c'est tout ce que je peux dire. Je pourrais continuer pendant des heures. Merci.

• 1750

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci.

Nous avons maintenant Dana Doerksen.

M. Dana Doerksen (témoignage à titre personnel): Merci d'être venus à Prince Rupert.

Je vous ai donné tout à l'heure quatre feuilles de papier. Je vais essayer de survoler mon mémoire vu que nous sommes pressés par le temps.

Je suis dans la pêche commerciale depuis... J'ai commencé quand j'étais tout jeune, en 1966, comme homme de pont sur le bateau de mon frère à Tofino. Depuis j'ai investi un peu d'argent dans diverses pêches commerciales. Je vous parlerai aujourd'hui uniquement de la pêche au saumon. En tant que pêcheur de saumon commercial, on m'a demandé de renoncer à beaucoup de choses, mais en tant que pêcheur de saumon sportif, je n'ai pratiquement dû renoncer à rien.

Vous avez beaucoup entendu parler du plan Mifflin. En fait, cela ne devrait pas être son nom. On devrait plutôt parler du plan Chamut-Tousignant. Le pauvre M. Mifflin était à peine ministre des Pêches depuis une semaine quand on a donné à ce plan le nom de plan Mifflin. Malheureusement, quand Brian Tobin est parti, Tousignant et Chamut étaient les responsables de ce plan.

À propos des permis par zone—j'étais membre du Comité sur la pêche à la traîne, le comité des «12 sages» de la pêche à la traîne qui a constitué le dossier pour ce tour de table ronde. Nous avions fait cinq recommandations. Premièrement, ce dossier devait être considéré comme un outil de gestion et non pas comme un outil de réduction par le Comité sur la pêche à la traîne. Deuxièmement, il devait y avoir trois zones, la zone nord, la zone sud et le golfe. C'était pour la pêche à la traîne. Troisièmement, il ne devait pas y avoir de permis de zone permanents. La nécessité de ces permis devait être évaluée chaque année. Quatrièmement, il devait y avoir un accès assuré au sockeye du Fraser dans toutes les zones. Cinquièmement, il devait y avoir accès, si nécessaire, aux autres zones pour satisfaire les objectifs d'allocation.

La seule de ces recommandations que notre comité a proposées concernait les trois zones. Nous avons rejeté toutes les autres. C'était faire peu de cas de la procédure.

Dans mon mémoire, je cite seulement un exemple parmi tant d'autres de nos frustrations. Pendant la période allant de 1991 à 1994—on parlait du plan d'allocation à long terme—normalement 30 p. 100 de la valeur de la pêche commerciale devait revenir aux pêcheurs à la traîne, 30 p. 100 aux fileyeurs et 40 p. 100 aux senneurs. Pendant cette période, la mauvaise gestion de la flotte de pêche à la traîne a coûté l'équivalent de 3,3 millions de sockeyes.

Vous trouverez ces chiffres à la page 2 de ce que je vous ai donné. C'est l'équivalent de 3,3 millions de sockeyes: dix fois la valeur du poisson intercepté par l'Alaska pendant leur surpêche de l'année dernière.

L'année suivante nous devions avoir 30 p. 100. On nous a donné 24 p. 100. Pendant la première année du plan Mifflin, encore une fois nous devions avoir 30 p. 100 de la valeur. On nous a donné 12 p. 100. Ce sont les statistiques du ministère et vous les trouverez dans le document que je vous ai donné.

Vous trouverez aussi des détails sur ce dont John Disney a parlé à propos de la réallocation en 1990 à la page 1. Vers la fin vous verrez que le ministre, M. Valcourt, nous l'avait promis parce que nous avions accepté de renoncer à 17 000 saumons quinnats pour que ces camps de pêche ne ferment pas. Nous devions obtenir une allocation supplémentaire de sockeyes du Fraser. Depuis l'année dernière, nous n'avons plus droit à cette allocation. Nous n'avons plus droit à une pêche d'évaluation. Contrairement aux autres secteurs de pêche au filet, lorsque nous avons choisi le Nord pour la pêche à la traîne, il y avait un document intitulé «An Analysis of North Coast Areas to Assist in Area Choice Selection», (Analyse des zones de la côte Nord pour faciliter le choix de zones). Je l'ai aussi inclus pour vous.

Selon ce document, pour les pêcheurs à la traîne dans la zone 2W, c'est-à-dire la côte ouest des îles de la Reine-Charlotte, l'année 1998 «verra une tendance à la limitation de la récolte de sockeyes et de saumons roses et une limitation de la durée de la saison de pêche pour permettre une évaluation des stocks».

Nous avions eu une réunion privée: moi-même, Dave Prosser, un autre pêcheur et Paul Sprout. Nous avions eu une réunion le 18 décembre 1996 et il nous avait réaffirmé que les pêcheurs à la traîne du Nord auraient cette pêche fondée sur l'évaluation des stocks. Paul Sprout est, à toutes fins utiles, le commandant en second pour le saumon de la région du Pacifique—Donna Petrachenko est lui le numéro un—et pendant qu'il était en vacances cet été il a été remplacé par Bud Graham. Bud Graham m'a informé le 16 juillet qu'il n'y aurait pas de pêche fondée sur l'évaluation des stocks pour les pêcheurs à la traîne quoi qu'en disent les documents. Lorsque nous avions choisi notre zone, Paul Sprout nous avait assuré que nous aurions accès à cette pêche. On nous l'a refusée.

J'aimerais aussi vous parler du saumon quinnat. J'ai parlé de la réallocation de 1990. Il n'existe plus maintenant de mécanisme pour nous rembourser cette dette.

• 1755

Le 3 juin, nous avons tenu une réunion de pêcheurs à la traîne ici à Prince Rupert pour dresser le plan de notre saison de pêche. On nous a dit qu'on nous attribuerait jusqu'à 170 000 saumons quinnats. C'est notre poisson gagne-pain. Nous avons frisé l'extase car cela voulait dire que nous aurions accès à la côte ouest des îles de la Reine-Charlotte et de l'île Langara ou au poisson traditionnel que nous pêchons commercialement à la traîne depuis plus de 100 ans. Les Haïdas eux sont là depuis des milliers d'années.

Dix jours plus tard, lors d'une autre réunion, on nous a dit: «Excusez-nous, mais il y a eu une erreur. L'Alaska va en prendre 277 000». J'espère que vous suivez mes chiffres. Ils nous ont dit: «L'Alaska va pêcher plus que prévu, il va donc falloir vous ramener, vous, à 85 000». Cela signifiait qu'il nous fallait renoncer à notre pêche traditionnelle sur la côte Ouest et autour des îles de la Reine-Charlotte et de Langara. Mais un de nos membres siège au Comité du traité canadien.

Je vous le dis simplement pour vous donner deux exemples. C'est ça qui est frustrant. C'est ce qui nous arrive alors que nous essayons d'organiser les saisons pour nos collègues pêcheurs.

Je reviens à ces 277 000. On nous a dit qu'à cause de l'intransigeance de l'Alaska, il faudra réduire notre allocation. Ron Fowler, qui est un de nos membres, siège au Comité du traité canadien. Il nous a dit que l'Alaska avait déposé ses chiffres un mois plus tôt, le 3 mai, et qu'il devait y avoir autre chose, que ce n'était pas la raison. Le 16 juillet, Bud Graham m'a confirmé—et vous avez tous les détails dans le document que je vous ai donné—que la vraie raison pour laquelle nous avons renoncé à cette allocation—en tout, cela faisait 84 000 saumons quinnats—c'était pour qu'il y ait 2 000 saumons quinnats pour la pêche sportive dans la baie Barclay, c'est-à-dire sur la côte ouest de l'île de Vancouver, et 1 500 autres qu'une des bandes de la région de la baie Barclay avait réclamés pour sa consommation personnelle.

J'ai téléphoné à un des conseillers que je connais là-bas, Rick Nookemus. Il a nié avoir réclamé une allocation supplémentaire de saumons quinnats. J'en ai parlé au chef Don Hall; il a nié avoir demandé une allocation supplémentaire de saumons quinnats, mais il m'a dit qu'il avait entendu dire que l'allocation de prise sportive dans la baie Barclay allait monter à 14 500.

C'est nous qui avons payé toute la note.

Sur 24 saumons quinnats que nous attrapons, il y en a un originaire de la côte ouest de l'île de Vancouver. Je vous ai donné des documents qui vous l'expliquent plus ou moins.

C'est nous qui avons payé toute la facture. Nous avons renoncé à 84 000 saumons pour qu'ils en aient 3 500 de plus dans la baie Barclay.

Nous avons une année comme l'année dernière. Les Alaskiens ne voulaient pas signer le traité. L'État de Washington menaçait d'attaquer les stocks de sockeye du fleuve Fraser.

Après le 15 août, plus de 60 p. 100 du saumon quinnat que les pêcheurs à la traîne attrapent là-bas et que pêchent les pêcheurs sportifs est du Langara d'origine américaine.

Quel genre de message envoyons-nous aux Américains? Vous pouvez être sûrs que les 3 500 saumons dans la baie Barclay étaient du poisson canadien.

Je vais essayer de sauter.

Il s'est passé une autre chose à la fin de l'année. Nous devions avoir une ouverture de pêche au saumon quinnat le 5 septembre et on nous avait dit que pour atteindre le nombre prévu, nous aurions accès à toute la zone jusque sur la plage de Langara. Mais Paul Sprout nous a informés que les propriétaires du camp de pêche—et ce sont ses paroles exactes, il me l'a dit au téléphone—étaient en train de faire sauter son téléphone. Trois propriétaires de camps multimillionnaires ont nié l'accès à 314 détenteurs de permis de pêche à la traîne du Nord à un endroit où ils pêchaient de plein droit depuis 100 ans. C'est le seul groupe qui demande un accès exclusif à cette zone.

Nous la partageons avec les Haïdas et leurs pêcheurs. Les pêcheurs à la traîne, les senneurs et les pourvoyeurs locaux ne posent pas de problème, mais nous avons ces trois multimillionnaires qui exercent une influence incroyable et inconcevable sur le ministère—et ce n'est pas simplement le fait de ce gouvernement mais c'était la même chose avec l'ancien ministre Tom Siddon.

Il y a tellement d'exemples que j'aurais pu vous donner, mais j'ai essayé de me limiter.

J'aimerais continuer mon survol. Si vous retenez quelque chose... J'espère que vous lirez tout ça.

J'ai eu le privilège d'exposer à Brian Tobin l'historique de nos droits de permis, comment ces droits ont été imposés aux pêcheurs commerciaux sur cette côte. On nous a imposés des droits pour le retrait des permis: en 1970 ils nous ont été imposés, en 1971 ils ont été doublés, en 1981 ils ont de nouveau été doublés. Tom Siddon a fini par les doubler encore pour la valorisation des stocks.

Cela a fini par représenter 65 millions de dollars qui n'avaient pas été dépensés. J'ai suggéré qu'ils contactent Price Waterhouse pour vérifier exactement combien cela faisait et d'après leurs calculs, cela faisait 65 millions de dollars que la flotte commerciale avait investis depuis 1970, qui n'avaient pas été dépensés.

Un des plus grands mythes qui circulent aujourd'hui est que le gouvernement du Canada a retiré ces permis. Ce n'est pas vrai. En réalité, sur les 78 millions de dollars dépensés, une fois que le gouvernement aurait récupéré l'argent de la taxe sur les gains en capital, le contribuable y aurait été très peu de sa poche.

J'espère que vous lirez tout ça, et une de mes recommandations est qu'on reconnaisse que c'est l'argent des pêcheurs commerciaux qui a été utilisé pour ces rachats de permis et non pas l'argent des contribuables.

Il y a une autre chose. Si vous avez le temps, il y a un petit dessin tiré de la bande Raeside. Il montre le ministre Anderson en train de partager le poisson entre les aquaculteurs, les pêcheurs autochtones et les senneurs, les pêcheurs à la traîne ne faisant pas partie du groupe. Il a bien compris ce qui nous était arrivé cet été.

• 1800

Tout à l'heure vous avez demandé quel avait été l'impact des pêches de l'Alaska sur les pêches de la Colombie-Britannique. Vous trouverez la réponse aux environs de la page 10 de ce document. En 1995, les pêcheurs à la traîne et les pêcheurs au filet de l'Alaska ont attrapé 15 000 saumons quinnats. Les pêcheurs à la traîne et au filet de la côte Nord ont attrapé 2 400 poissons de la côte ouest de l'île de Vancouver.

L'impact est énorme. Certaines années, ils représentent 44 p. 100 du total des prises de saumon quinnat de l'île de Vancouver.

Je pourrais encore vous dire un mot sur une autre question, la Stratégie sur les pêches autochtones. Je vous ai donné à tous des copies de ce document envoyé par le ministre des Pêches de l'époque, John Crosbie. Il s'adresse à tous les détenteurs de permis de la côte de la Colombie-Britannique.

Il y est dit que le gouvernement du Canada a créé cette pêche—une pêche commerciale—en réponse à l'arrêt Sparrow. Dans cet arrêt, on reconnaît aux Autochtones le droit de pêcher le saumon à des fins alimentaires, rituelles et autres, outre la vente du poisson. Cet arrêt a mal été interprété et il en est résulté la Stratégie sur les pêches autochtones.

Tardivement, le gouvernement a retiré 33 permis de pêche au saumon extrêmement non productifs, huit à la senne, 11 à la traîne et 14 au filet maillant. À la page 2, on dit que cela représente moins de 1 p. 100 de la capacité de pêche de la flotte commerciale. Cependant, en 1995 et 1996, cette pêche créée par le gouvernement du Canada était celle qui pêchait le plus le saumon sockeye du Fraser. Après les récentes décisions de Van der Peet et de NTC Smokehouse, il est même possible que ce soit une pêche illégale.

D'après ce qu'on me dit, c'est une pêche illégale.

À la dernière page, on trouve une publicité du ministère des Pêches et des Océans qui vise à répondre aux questions que les gens se posent. Vous avez tous un exemplaire du document et j'espère que vous prendrez le temps de le lire. La partie importante se trouve du côté gauche. Le texte souhaite répondre à toutes les questions au sujet de la nouvelle—à l'époque—Stratégie sur les pêches autochtones. On peut y lire ceci:

    Toute allocation supplémentaire de poisson aux groupes autochtones à l'avenir se fera par le biais de la vente volontaire de permis commerciaux.

L'année dernière, trois projets pilotes ont vu le jour et aucune allocation supplémentaire n'a été faite pour ces pêches. Il y a maintenant plus de 50 pêches autochtones sur la côte de la Colombie-Britannique. Il n'y a pas eu d'autres retraits de permis. C'est donc le pêcheur commercial, qui a investi pour obtenir le privilège de vendre du saumon, qui paie la note année après année.

Le Coastal Communities Network vient de publier à ce sujet un excellent document intitulé «Northern Plight: How DFO is Bankrupting North Coast Communities and Salmon Fishermen». Malheureusement, je n'en ai qu'un exemplaire. J'espère que vous pourrez mettre la main sur ce rapport.

En 1994 et 1995, la Stratégie sur les pêches autochtones venait au deuxième rang en importance dans le budget du MPO. La mise en valeur du saumon venait au premier rang, avec 29 millions de dollars et au deuxième rang, la Stratégie sur les pêches autochtones, avec plus de 24 millions de dollars.

Pêches et Océans accorde à certaines de ces bandes plus d'un million de dollars pour gérer ce qui est censé être leur propre pêche commerciale. Deux des chefs de ces bandes—Joe Becker en est un et je ne me souviens pas du nom de l'autre—ont plaidé coupables à une accusation de braconnage et encore l'année dernière, ils étaient chargés de faire respecter l'ordre. À l'une de nos rencontres, j'ai demandé s'ils étaient encore les représentants de l'ordre, et ils le sont. Ils ont avoué s'être adonnés au braconnage devant un tribunal du Canada et ils demeurent chargés de faire respecter l'ordre. Dans le Sud, lorsque vous entendez parler de certains problèmes liés à cette pêche, sachez qu'on en est là.

Je me dois de signaler que sur la côte Nord, la pêche autochtone est gérée de façon beaucoup plus responsable. Je pense que leur contribution est tout à l'avantage de celle du fleuve Fraser.

J'ai rédigé quelques recommandations au dos du document. Je sais que je vais manquer de temps. J'espère que vous serez en mesure de prendre connaissance des recommandations en question. Je tiens à réitérer que si l'on souhaite maintenir les pêches reliées à la Stratégie sur les pêches autochtones, il faut retirer de notre pêche commerciale le nombre de permis qu'il faut pour que les gens qui resteront dans ce domaine puissent en vivre. Si vous continuez à céder notre moyen de subsistance pour diverses raisons politiques, nous allons faire faillite.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Avant que vous partiez, M. Scott voudrait intervenir brièvement.

M. Mike Scott: Dana, vous avez dit une chose très importante, et je ne suis pas sûr que le comité ait bien compris. En 1969, le gouvernement a commencé à imposer un droit sur les permis dont les recettes devaient être réservées pour le programme de rachat. Est-ce exact? Je crois avoir bien compris cela.

• 1805

M. Dana Doerksen: En fait, cela a commencé non pas en 1969, mais en 1970. Voici ce qu'a dit Jack Davis à une réunion qui a eu lieu ici, à Prince Rupert:

    En effet, nous avons déclaré un moratoire sur la délivrance de nouveaux permis pour les bateaux de pêche. Leur nombre ne va plus augmenter, mais plutôt décroître à mesure que les pêcheurs prendront leur retraite et que le gouvernement lui-même rachètera les bateaux de notre flotte de pêche commerciale.

L'année d'après, le gouvernement a imposé des droits de permis—cela figure dans le document—pour le retrait des permis. Jusqu'à ce que Tom Siddon exige le double, cela visait les retraits de permis.

M. Mike Scott: Pour que tout soit clair, c'est une firme comptable indépendante qui est arrivée à ce chiffre de 65 millions. Elle a calculé l'argent qui avait été versé ou perçu.

M. Dana Doerksen: Non, Mike. J'ai fait les calculs moi-même et je les ai présentés à la table ronde. J'ai précisé qu'une firme comme Price Waterhouse serait en mesure de calculer le montant exact.

M. Mike Scott: Je vois.

M. Dana Doerksen: En outre, la flotte de pêche au filet maillant et à la traîne a versé environ 55 millions et la flotte de pêche à la senne 10 millions d'argent non dépensé. Il y a des documents de Tom Siddon où l'on reconnaît avoir reçu 26 millions en 1986, par exemple.

M. Mike Scott: Cet argent a été recueilli par Pêches et Océans sur une...

M. Dana Doerksen: Et il a disparu dans un trou noir.

M. Mike Scott: ... trentaine d'années, précisément pour le retrait des permis de pêche.

M. Dana Doerksen: Oui.

M. Mike Scott: Autrement dit, l'argent investi dans le plan Mifflin était essentiellement l'argent des pêcheurs.

M. Dana Doerksen: C'est exact.

M. Mike Scott: Non seulement cela, mais vous n'avez pas reçu tout l'argent prévu dans le plan pour le rachat des permis. Vous n'en avez obtenu qu'une partie.

M. Dana Doerksen: Nous l'aurions récupéré en entier, sauf qu'il y avait de nombreuses instances gouvernementales différentes qui ont voulu nous faire croire qu'il s'agissait d'un plan de rachat financé par l'État alors que ce n'était pas le cas. C'était notre argent, l'argent que nous avions investi pour le retrait des permis.

M. Mike Scott: Merci, Dana. Je voulais simplement que les membres du comité comprennent bien qu'il s'agissait de l'argent des pêcheurs qui devait être utilisé pour le rachat des permis, et non de l'argent des contribuables.

M. Dana Doerksen: Je vous remercie, Mike.

Le vice-président (M. Gary Lunn): J'ai encore sur ma liste trois personnes qui ont demandé à intervenir et ensuite, nous donnerons la parole aux gens dans la salle. Toute personne qui souhaite parler peut s'avancer au microphone et elle aura la parole. Cela dit, nous allons vous surveiller de près. Comme il ne nous reste plus qu'une heure, je vous demanderais d'être aussi brefs que possible. S'il le faut, je vous interromprai pour laisser du temps aux gens dans la salle.

Nous accueillons maintenant Heber Clifton.

M. Heber Clifton (secrétaire-trésorier, Local de Prince Rupert, Native Brotherhood of British Columbia): Merci, monsieur le président. J'ai perdu mon tour puisque j'étais assis derrière. Je devais intervenir ce matin, mais j'ai attendu pour présenter ce mémoire du Local de Prince Rupert de la Native Brotherhood of B.C. au Comité permanent de la Chambre sur les pêches.

Tout d'abord, je vous remercie de m'accorder le privilège de m'adresser à vous pour vous confier nos problèmes. Nous attendons une occasion comme celle-là depuis longtemps et nous sommes heureux de vous voir ici.

Je vous souhaite la bienvenue à Prince Rupert, ville pluvieuse par excellence. Il pleut toujours ici.

Je devrais lire ceci en premier. Nous avons un mémoire, qui est assez long, et je n'ai pas l'intention de...

Le vice-président (M. Gary Lunn): Monsieur Clifton, si vous avez ne serait-ce qu'un exemplaire de votre document, nous en ferons des copies. Ce qui serait préférable, c'est que vous ne lisiez pas votre document et que vous nous expliquiez spontanément quels sont les problèmes de la pêche. Je vous promets que tous les membres du comité le liront.

M. Heber Clifton: D'accord. Si c'est ce que vous souhaitez, je procéderai de cette façon.

Je parlerai du plan Mifflin. J'ai participé à la table ronde sur la rationalisation ou la réduction de la taille de la flotte de pêche au filet maillant. Au cours de ces discussions, nous avons convenu de réduire du quart au maximum la taille de cette flotte. Les représentants de Pêches et Océans nous ont demandé si nous accepterions une augmentation des droits de permis, et nous avons voulu savoir pourquoi. Ils nous ont répondu que nous aurions davantage notre mot à dire dans la gestion de la pêche puisque celui qui paie a habituellement davantage de poids. Mais cela ne s'est jamais produit. Nous avons demandé ce qu'on ferait avec le reste de l'argent. C'était une augmentation de droits considérable. On nous a dit que l'argent servirait à la mise en valeur. Je parlerai d'ailleurs de la mise en valeur plus tard.

• 1810

On a envoyé aux gens un questionnaire piégé. Je ne sais pas quelles étaient les intentions des employés locaux du ministère, mais les gens qui ont répondu à ce questionnaire n'en ont pas vraiment compris la portée. Ils ne savaient pas que c'est ce qui leur arriverait, et je vais vous expliquer pourquoi.

À la table ronde, nous, les pêcheurs au filet maillant, avions recommandé de maintenir pendant dix ans le privilège de la combinaison et de l'éliminer graduellement. Après chaque rencontre, nous faisions rapport aux pêcheurs et nous leur disions quelles étaient nos recommandations. Ils ont cru que s'ils bénéficiaient de ce privilège pendant dix ans encore et qu'ensuite ce dernier était éliminé graduellement, cela serait acceptable. Aucun de nos pêcheurs n'a donc eu le flair d'acheter des permis à bas prix, 10 000 et 20 000 $, avant l'entrée en vigueur du plan Mifflin.

J'ai vendu mon permis parce que mon bateau, doté d'un permis de pêche au flétan, avait coulé. J'ai donc dû transférer ce permis. Pour pouvoir le conserver, j'étais tenu de l'appliquer à un autre bateau, mais pendant un an, j'ai cherché en vain. Environ trois mois avant l'entrée en vigueur du plan Mifflin, qui prévoyait des permis de zone et la combinaison, j'ai vendu mon permis, applicable à un bateau de 36 pieds, pour la somme de 20 000 $ à un résidant de Simpson. J'ai dû m'en débarrasser, autrement je l'aurais perdu. Vous voyez quel était le prix d'un permis avant le plan Mifflin.

Après son entrée en vigueur, un permis comme celui que j'avais aurait valu 60 000 $ et plus. Les pêcheurs qui pensaient que leur privilège et la possibilité de combinaison de permis seraient maintenus, n'ont pas ajouté de permis supplémentaires. Nous aurions tous pu acheter des permis à bas prix, comme les autres, mais nous avons été écartés. Voilà le coeur du problème.

Le plan Mifflin est un coup dur pour les pêcheurs de la côte. J'aimerais vous lire une partie de notre mémoire, mais comme vous ne le souhaitez pas, permettez-moi de vous communiquer le sentiment des pêcheurs. Nous avons eu des réunions où tous les pêcheurs ont pu s'exprimer. Vous pourrez lire ce qu'ils pensent. Je sais que vous lirez notre document. J'ai confiance en vous. Vous dites que vous êtes ici pour être à l'écoute de nos problèmes, et nous vous en sommes reconnaissants. J'espère que vous ferez rapport de tout cela au Parlement.

J'aimerais maintenant aborder le problème de l'interception du saumon par les pêcheurs de l'Alaska. L'année dernière, alors que j'avais à l'esprit le double problème du plan Mifflin et de l'interception de notre poisson par les pêcheurs de l'Alaska, j'ai entendu une émission-débat à Vancouver. Je ne me souviens plus du nom de l'animateur de cette émission. Il interviewait le patron d'un bateau de pêche à la senne. Il lui a demandé pourquoi il interceptait tout le sockeye des rivières Nass et Skeena. Il a répondu que depuis quelques années, il y avait trop d'échappement dans la rivière Skeena, de l'ordre de deux ou trois millions de poissons. Il a dit que si les pêcheurs là-bas ne pouvaient attraper ce poisson, il était tout à fait prêt à le pêcher lui-même. Qui avait raison?

Maintenant, le problème là-bas... Nous allons maintenant parler de mise en valeur. Le Comité du bassin hydrographique de la Skeena a été constitué il y a environ quatre ans. Je ne sais si vous avez entendu parler de ce comité. Personne n'est au courant? Quoi qu'il en soit, il y avait ce comité du bassin hydrographique de la Skeena composé de pêcheurs récréatifs, de représentants de la région. Nous n'en étions pas membres au départ. Pêches et Océans nous a demandé d'y adhérer, mais nous avons dit aux fonctionnaires que nous avions certains sujets de préoccupation, que nous souhaitions mettre certaines questions sur la table. Nous leur avons dit que s'ils étaient disposés à régler ces problèmes, nous accepterions de participer aux travaux du Comité du bassin hydrographique de la rivière Skeena.

L'un de ces problèmes était la mise en valeur. J'ai réclamé la mise en valeur de nos ressources halieutiques pendant toutes ces années au Comité du bassin hydrographique de la Skeena. Les représentants du ministère ont accepté d'en parler. Le comité a organisé divers ateliers, dont le dernier portait sur la mise en valeur, la conservation et l'application du règlement. Je faisais partie du groupe qui discutait de la mise en valeur. Sachant que cela allait à l'encontre de la politique de la Steelhead Society, nous avons retraité et nous nous sommes bornés à recommander qu'on donne un coup de pouce aux stocks faibles.

Après que nous ayons fait rapport de nos recommandations, le président de la Steelhead Society a pris la parole pour refuser carrément toute politique de mise en valeur des stocks. Selon lui, les stocks sauvages sont plus vigoureux que les stocks mis en valeur, mais il a tort. Dans le Sud, on met en valeur le saumon Steelhead, et il n'y a aucune différence entre ces stocks et les stocks sauvages. Mais là-bas, au cours de cet exercice, on entaille la nageoire. Par conséquent, on pêche uniquement le poisson qui a été mis en valeur et on laisse les stocks sauvages passer.

• 1815

En guise de budget, on a versé 13 millions dans le compte du Comité du bassin hydrographique de la Skeena pour qu'il obtienne des données scientifiques. Les pêcheurs sportifs plus au Nord disent qu'il n'y a pas de saumon Steelhead, mais après un an ou deux, nous avons constaté qu'il n'y avait pas de problème avec cette espèce. Mais pour ce qui est du saumon coho, oui, il y a un problème.

J'ai continué d'insister sur la mise en valeur des stocks aux réunions, mais on m'a simplement ignoré. Après un bout de temps, on m'a dit: «Pas question.». Une fois, je peux vous dire... Ne me mettez pas en colère. À cette réunion, je parlais de la hausse des droits et je rappelais que l'année précédente, les pêcheurs sportifs s'étaient plaints que leurs droits avaient augmenté de quelques dollars en disant que c'était trop, que nous allions perdre leur clientèle et qu'ils allaient aller en Alaska. Ils ne vont pas aller en Alaska. Combien leur en coûterait-il de plus pour s'y rendre? Qu'est-ce qu'une poignée de dollars?

Quoi qu'il en soit, je parlais des droits à cette réunion et un de mes amis—je ne veux pas mentionner son nom, mais il était beaucoup plus costaud que moi—s'est levé et a commencé à parler. Je me suis fâché. Je lui ai dit: «Attendez un instant. Attendez que j'aie fini.» Il a continué, et c'est un type baraqué, à la voix forte. En pointant du doigt le président, j'ai dit à ce pêcheur sportif: «Attendez votre tour. Asseyez-vous.» Il s'est donc rassis et, peu de temps après, il a quitté la salle. Je ne vous répéterai pas ce qu'il a dit. Certains pêcheurs au filet maillant étaient dans la salle, et il les a insultés. Je ne mentionnerai pas les termes qu'il a utilisés. J'ai frappé sur la table et je lui ai répété: «Attendez votre tour!» Après que je me sois rassis, un type derrière moi m'a dit: «Voici le bouton de votre chemise.» Par conséquent, il ne sert à rien de se mettre en colère. Quoi qu'il en soit, c'est ce qui s'est passé.

Parlons maintenant des problèmes du saumon coho. On a imposé des restrictions aux pêcheurs au filet et à tous les autres pêcheurs commerciaux, notamment aux pêcheurs à la traîne utilisant des filets de différentes tailles, des filets ayant différentes tailles de maille, des filets profonds, des lignes de quatre pieds pour les eaux herbeuses, etc., ainsi que la boîte bleue.

Nous avons une boîte bleue qui est environ de cette taille dans laquelle circule de l'eau. Nous pouvons pêcher des Steelhead et des cohos que nous mettons dans cette boîte. Une heure plus tard, ils sont aussi vigoureux qu'au moment où ils sont sortis de l'eau, de sorte que nous les relâchons. Lorsqu'on prend certains d'entre eux, ils sautent directement dans l'eau. C'est donc un bon moyen de relâcher les saumons Steelhead et cohos. Cette méthode fonctionne. Et nous avons tous une boîte bleue. Il y a une amende de 300 $ si l'eau ne circule pas dans votre boîte bleue pendant que vous pêchez. Je le sais parce que mon neveu s'est fait pincer.

Nous en avons parlé avec les pêcheurs sportifs qui pratiquent la pêche récréative sur les barres le long de la rivière, pour leur demander de faire la même chose. J'y suis allé deux fois l'été dernier et à chaque barre qui était à sec à marée basse, il y avait des centaines de phoques. Il y en avait trop pour les compter. Cette année, je vais y retourner avec une caméra pour vous le montrer.

Une voix: Une caméra de calibre .30-30?

M. Heber Clifton: Oui, une .30-30.

La barre la plus importante se trouve à l'embouchure de la rivière. Il y en a 1 000 ou plus sur cette barre et des milliers d'autres en amont, je veux dire des phoques.

Maintenant, quand des pêcheurs à la ligne prennent des poissons et les rejettent par la suite, combien de temps s'écoule-t-il entre la prise et le rejet? Le poisson est durement éprouvé et le phoque l'attend. On nous dit qu'il faut de trois quarts d'heure à une heure à un saumon Steelhead pour recouvrer sa force, mais les phoques sont là qui les attendent. Il y en a des milliers.

Là-bas à Campbell River, le type qui était ici—il est déjà parti—m'a parlé de tout cela à Campbell River. Ils ont là-bas des problèmes à la petite rivière, à cause des ravages causés par les phoques dans les stocks de saumon quinnat et coho. Les phoques sont sur place toute l'année et il ne reste plus de poisson. Alors le MPO a dépensé 100 000 $ là-bas pour voir si l'on pouvait régler le problème. On a même érigé une clôture de barbelés. C'était les phoques qui mangeaient les poissons. Mais on n'a rien pu y faire. On ne pouvait pas tuer de phoques. C'est notre problème dans la vallée de la Skeena: nous n'avons pas le droit de tuer les phoques.

• 1820

Il y a des années, le MPO avait mis à prix les phoques; on payait 5 $ par tête. Cela a permis de ramener la population à un niveau raisonnable. Mais aujourd'hui, il y en a des milliers et des milliers.

En l'absence de mesures de mise en valeur, dans quelques années, il ne restera plus le moindre coho dans la rivière. Même si l'on enlevait complètement les filets maillants ou si l'on chassait les pêcheurs à la ligne plus en amont, il y a tellement de phoques qu'ils vont dévorer le stock tout entier, surtout qu'il est affaibli.

Là-bas, dans les îles de la Reine-Charlotte, quand j'étais gamin, je pêchais avec mon père à bord d'un navire de pêche à la senne. Nous prenions tous les jours plein de saumon kéta, de saumon coho et de saumon rose. Ensuite, j'ai pêché au filet maillant et les résultats étaient les mêmes. Nous prenions de 400 à 600 saumons kéta chaque jour. Ensuite, il y a eu de la surpêche et puis des dommages causés par l'industrie forestière.

Aujourd'hui, le seul endroit où on peut prendre du poisson dans les îles de la Reine-Charlotte s'appelle Cumshewa Inlet. C'est le seul secteur où la pêche commerciale est ouverte chaque année, le seul petit coin. À cet endroit, on fait la mise en valeur du saumon kéta.

Bella Bella est un autre secteur où l'on fait de la mise en valeur, seulement pour le saumon kéta, et la pêche commerciale est ouverte chaque année. Bella Bella était parmi les plus gros producteurs de kéta et de saumon rose. Aujourd'hui, il n'y a plus rien au village de Bella Bella, où l'on prend pourtant des mesures.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Pourrais-je vous demander d'en terminer en une ou deux minutes? Il nous reste environ 15 minutes et il y a d'autres personnes qui souhaitent intervenir.

M. Heber Clifton: C'est une bonne chose que vous veniez ici pour nous entendre, mais vous devez nous donner davantage de temps et nous écouter. Il ne sert à rien que je dise quelques mots et que vous partiez ensuite. Ce n'est pas juste. Je vous ai remerciés d'être venus, vous devriez m'écouter.

C'est vrai qu'il y a beaucoup de gens.

Le président: Pourriez-vous nous en dire un peu plus long au sujet des phoques, avant de passer à un autre sujet? Savez-vous de quelle espèce de phoque il s'agit? Sont-ce des phoques communs, des phoques gris?

M. Heber Clifton: Ce sont des phoques communs et il y en a partout, jusqu'à Kitwanga, tout le long de la rivière Skeena.

Une voix: Ils pullulent.

M. Heber Clifton: Ils sont innombrables et nous ne pouvons rien y faire.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Ils sont protégés.

M. Heber Clifton: Ils sont protégés, oui.

Le président: Avez-vous dit qu'il y a des années, c'était différent?

M. Heber Clifton: Non, je vous ai dit qu'on payait 5 $ par nez de phoque.

J'habite à Hartley Bay et auparavant, nous avions coutume de tuer les phoques, de saler leur viande et de leur couper le nez. Nous emportions le phoque à la maison pour le manger.

Le président: C'est ce que nous faisons à Terre-Neuve.

M. Heber Clifton: On nous donnait 5 $ pour le nez, ce qui permettait de régulariser leur nombre. Mais ces dernières années, on n'a plus le droit de toucher aux phoques. Ce n'est pas seulement dans la vallée de la Skeena, il y en a des milliers partout dans les îles de la Reine-Charlotte.

Il y a des années, le MPO avait une mitrailleuse dont on se servait pour abattre les lions de mer. On les abattait à coups de mitrailleuses, simplement pour réduire un peu leur nombre. On ne voulait pas les tuer jusqu'au dernier, parce qu'ils ont une raison d'être, et c'est la même chose pour les phoques.

Il y en a tout simplement trop et ils sont en train de faire disparaître le saumon.

Une voix: Ils sont comme le MPO: ils se multiplient.

M. Heber Clifton: Mais nous avons tout dit dans ce document et si vous avez des questions...

Le président: Je peux vous garantir que nous le lirons intégralement.

M. Heber Clifton: ... vous avez notre numéro de téléphone là-dedans.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, Heber.

M. Heber Clifton: Je préfère m'arrêter là, avant de me fâcher.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Monsieur Clifton, si vous pouviez obtenir copie de cela...

Le président: Quelqu'un est allé s'en occuper.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Nous entendrons maintenant M. Jack Rowbotham.

M. Jack Rowbotham (témoignage à titre personnel): Merci, mesdames et messieurs. Je viens de Masset, dans les îles de la Reine-Charlotte.

Après avoir accepté l'invitation de faire une présentation devant votre groupe, je me suis attelé à la tâche de mettre par écrit la triste histoire de la ruine de notre secteur de la pêche. Je voulais décrire l'évolution de la situation dans l'ordre chronologique, en commençant par le plan Davis, en racontant comment le ministère des Pêches avait conduit notre industrie au bord du désastre. Après avoir réfléchi à la question pendant un certain temps, je me suis rendu compte que j'avais déjà fait tout cela. Comme bien d'autres gens, j'ai déjà fait des présentations au sujet de notre industrie, sur des questions comme la mise en valeur des salmonidés, les localités côtières, les politiques de la pêche, les plans de pêche, la pêche commerciale et sportive, etc. Je n'ai pas encore vu le ministère des Pêches prendre la moindre mesure indiquant que l'on a tenu compte des préoccupations que nous avions exprimées.

• 1825

Par exemple, j'ai fait partie pendant 20 ans, aux côtés de John, du conseil consultatif des îles de la Reine-Charlotte, et je peux vous dire que le MPO n'a jamais donné suite à une seule recommandation faite par ce conseil. Vous direz peut-être que nous étions un conseil stupide. Je ne sais pas. Je ne le crois pas. Je pense que le conseil avait simplement été créé pour faire semblant. Ils prétendaient nous écouter, mais ce n'était pas vrai. Ils s'obstinaient à faire ce qu'ils avaient décidé de faire au départ. J'ajoute que je ne suis pas sûr qu'ils savaient ce qu'ils voulaient faire, de toute manière.

Je vous le dis bien franchement, je suis tanné d'être obligé d'aller aux quatre coins de la province pour me défendre et pour défendre mon industrie contre d'innombrables décisions négatives prises par le ministère. Je pense qu'il est grand temps que le ministère soit tenu comptable de ses actes et je pense que le temps est venu pour le ministère de répondre aux questions.

Je dois admettre que je ne connais pas la fonction précise de votre comité et je vous demande votre indulgence si je me trompe, mais pour les fins de cette présentation, je vais supposer que vous êtes la conscience du ministère. Les questions auxquelles je veux qu'on réponde portent sur les conséquences des décisions et des actes du ministère pour mon entreprise de transformation du poisson et sur ma localité. Mais avant de poursuivre, je voudrais vous parler un peu de moi-même, de ma compagnie et de ma collectivité.

Ayant passé mon enfance près des conserveries de la région de la rivière Skeena, je peux dire que toute ma vie a tourné autour du secteur de la pêche. En 1972, j'ai été embauché par la B.C. Packers comme superviseur du sennage dans le Nord. En 1983, j'ai déménagé à Masset pour diriger l'énorme usine de la B.C. Packers. Pendant quelques années avant 1983, et jusqu'en 1993, l'usine de Masset transformait entre 2 et 3 millions de livres de saumon chaque année, surtout du saumon quinnat. En 1995, la production a chuté à un demi-million de livres, ce qui a incité la B.C. Packers à fermer son usine de Masset.

Puisque cette dernière était le deuxième employeur de la ville et le seul à créer des emplois secondaires dans la communauté, j'ai accepté de louer les installations de la B.C. Packers, j'ai mis sur pied la société Omega Packing, et j'ai continué à faire la transformation sur commande.

En 1996, Omega comptait entre 20 et 25 employés. La production de saumon était faible, 180 000 livres, mais grâce à une bonne production de crabe, nous avons réalisé quelques profits. Mais l'année 1997 a été tout autre. Même si la production de saumon avait atteint 250 000 livres—loin d'être assez—les prises de crabe étant à la baisse, nous ne pouvions embaucher que 18 employés, et Omega a terminé l'année dans le rouge.

La collectivité a été durement éprouvée ces deux dernières années. La station des Forces canadiennes à Masset ne compte maintenant qu'une équipe réduite, ayant éliminé 60 postes civils ainsi que plusieurs postes militaires. Le secteur forestier s'est vu imposer une réduction de possibilités de coupes, le code des pratiques forestières a causé des retards, et il y a le chaos économique dans les marchés asiatiques. La cession du poisson au secteur de la pêche sportive commerciale n'a pas créé un seul emploi ou un seul débouché dans notre communauté.

En 1997, au départ, les contingents pour la pêche à la traîne dans les zones 1 à 5 s'établissaient aux alentours de 60 000 quinnats. Cela se traduit par une production très faible pour notre usine de Masset et nous avions prévu nos dépenses en conséquence. Le 3 juin, on nous a prévenus que les prévisions étaient beaucoup plus élevées: 90 000, peut-être même 120 000 quinnats. Cela signifiait une augmentation marquée des dépenses prévues pour la production et autres. Deux semaines plus tard, le ministère des Pêches et des Océans nous a dit qu'il s'était trompé et que le chiffre était ramené à 60 000. Un peu plus tard, on nous a dit que quelque 48 000 quinnats devaient être déduits du contingent pour la pêche à la traîne commerciale dans le Nord pour permettre des prises de 2 000 saumons quinnats à Port Alberni. Les pêcheurs sportifs commerciaux du Nord ont pêché à leur guise et n'ont pas donné un seul poisson aux gens du Sud. Même si on utilise les chiffres du ARA, cela n'a aucun sens sur le plan économique.

Les mesures prises par le ministère ont considérablement nui à ma société, à mes employés et à ma communauté. Ce comité peut-il nous assurer que le ministère n'accepte pas ce genre de gestion et ne le tolérera plus?

• 1830

Les défenseurs des intérêts de la pêche sportive commerciale ont réussi à faire pression sur le ministère des Pêches pour obtenir d'énormes quantités de saumon quinnat. Ces poissons ont été retirés du contingent de la pêche à la traîne commerciale et ont été transférés au contingent de la pêche sportive commerciale. Leur slogan était «Attentes et occasions». Une grande partie de leurs clients sont des gens riches de l'étranger. Est-ce logique que des non-résidants puissent venir ici pour faire de la pêche sportive et prendre tant de poissons, tandis que nous, Canadiens, qui dépendons de cette ressource pour notre survie, n'avons pas le droit de le faire?

Le plan de gestion de 1997 contenait des limites selon lesquelles les pêcheurs devaient pêcher le saumon quinnat dans des eaux improductives. Le raisonnement des gestionnaires était que les pêcheurs pouvaient prendre d'autres espèces, comme le saumon coho, prolongeant ainsi la saison de pêche. Les prises étaient minimes et la plupart des pêcheurs n'ont pas pu prendre assez de poisson pour couvrir leurs dépenses. Il leur était très difficile de voir ce qui se passait de l'autre côté de la limite, où des douzaines d'embarcations de pêche sportive commerciale prenaient d'énormes quantités de quinnats.

Lorsque j'ai parlé aux fonctionnaires du ministère et leur ai proposé de changer les limites pour permettre de meilleures prises aux pêcheurs, on m'a répondu qu'il était préférable de prolonger la saison que de maximiser la prise et réduire les coûts au minimum. Il est évident que ce raisonnement est tout à fait farfelu, mais c'est bien ce que m'a dit le fonctionnaire du ministère des Pêches et des Océans.

C'est navrant de voir ce qu'ils font pour assurer une continuité au secteur de la pêche sportive commerciale. Je veux savoir ce qui donne au ministère des Pêches et des Océans le droit de mettre ma société en faillite, mettre mes employés au chomâge et détruire ma communauté.

D'autres témoins ont déjà soulevé plusieurs autres questions, comme le rapport ARA, les permis de zone, l'accumulation de permis, la perte de champs de pêche traditionnels et la gestion de communautés. Ma société et ma communauté doivent recevoir l'assurance que ces questions seront réglées. J'espère qu'après toutes ces discussions, vous constaterez qu'il faut revoir les politiques des pêches.

Le ministère a réussi à détruire presque chaque communauté de pêche sur les deux côtes du Canada. La mienne est en train de disparaître. S'il vous plaît, aidez-nous à stopper l'hémorragie et redonnez-nous notre industrie. Merci.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Monsieur Doug Mavin.

M. Doug Mavin (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, je suis pêcheur commercial. J'ai choisi de l'être. Après un an d'université, j'ai décidé que ce n'était pas pour moi. La pêche commerciale est une chose que j'ai toujours voulu faire. Depuis l'âge de 10 ans, je ratissais les plages de l'Île de Vancouver.

J'ai toujours admiré la pêche. Je suis fier d'être pêcheur. C'est une profession honorable. Mais si vous regardez autour de la salle, vous constaterez qu'il n'y a que de vieux pêcheurs—sans vouloir être irrespectueux envers eux. Nous vivons une crise réelle. Les jeunes ne veulent plus travailler dans ce secteur.

L'une des raisons est la politique ministérielle en matière de permis. À l'heure actuelle, le ministère a une politique de permis mariés. Autrement dit, si on veut faire de la pêche à longueur d'année et qu'on veut pêcher autre chose que du saumon, aussitôt qu'un autre permis est octroyé à ce bateau, il devient marié. Si on veut pêcher des crevettes roses pendant la période hors saison afin d'augmenter ses revenus, ces deux permis sont dès lors mariés et ne peuvent pas être séparés.

Le résultat de cette politique a été la création de grandes entreprises dans le secteur des pêches. On est rendu au point que si on veut un grand bateau de pêche, il faut faire un investissement initial assez important.

Il est maintenant difficile pour les pêcheurs de prendre leur retraite, parce qu'ils doivent maintenant vendre ces grandes entreprises qu'ils ont créées au cours de leur carrière, et il est difficile pour les jeunes pêcheurs de démarrer. À mon avis, cette politique de permis mariés n'est plus valable et doit être réexaminée.

• 1835

Le deuxième sujet que je voudrais aborder avec vous cet après-midi est la pratique du ministère d'imposer des droits aux travailleurs du secteur. On en a beaucoup parlé.

Il y a trois ans, lorsque je pêchais, je payais environ 3 000 $ à 4 000 $ par année pour renouveler mes permis. L'an dernier, j'ai payé plus de 12 000 $ pour le faire. En plus, chaque année, je dois payer beaucoup d'impôt. Je trouve que je fais ma part, mais assez c'est assez.

Comme tout le monde dans cette salle l'a dit, nos revenus sont à la baisse. Ils n'augmentent pas au même rythme que le coût de la vie. Il faut se pencher sur cette question. L'autre jour, j'ai dépensé 1 500 $ pour renouveler un permis de pêche au saumon que je ne prendrai pas avant le mois de juillet afin de pouvoir garder les prises accidentelles de morue-lingue que je prends avec ma perche de mer. J'ai déjà payé mon permis de perche de mer pour cette année. Je suis en train de la pêcher. Mais l'autre jour, j'ai dû payer 1 500 $ pour renouveler ce permis et pouvoir garder ma morue-lingue. C'est un permis de pêche au saumon; et je ne vais pas prendre de saumon avant juillet.

Certaines des nouvelles politiques du ministère ne sont que des mesures pour augmenter leurs recettes; les impôts nous écrasent. Certains chalutiers essaient de gagner leur vie, et pour le faire, ils doivent transporter des observateurs de l'archipel. Une autre bureaucratie a vu le jour et gravite autour de l'industrie de la pêche. C'est une bureaucratie qui fonctionne sur le dos des pêcheurs.

Les équipages des chalutiers font moins d'argent que l'observateur à lui seul. Certains membres d'équipage font des trajets. Ils s'endettent, ne font pas d'argent, parce qu'ils doivent payer pour cette lourde bureaucratie.

Voilà ce qui se passe dans la réalité. Ce sont des situations avec lesquelles nous devons composer.

Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de vous parler de ces quelques questions.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Mavin.

On vient de me donner un autre nom, celui de M. Eidsvik.

M. Odd Eidsvik (témoignage à titre personnel): Le nom commence comme «Eisenhower», mais n'est pas aussi connu.

Je suis comptable agréé. Je m'intéresse à l'industrie de la pêche depuis l'âge de deux ans.

Je vous remercie de cette occasion de pouvoir vous parler. Je vous ai préparé un mémoire et je crois que vous en avez un exemplaire. Je n'ai pas l'intention de le lire au complet, mais je voudrais en aborder quatre parties principales et souligner ces questions particulières.

En 1996, l'industrie de la pêche a pris pour 259 millions de dollars de poisson ici à Prince Rupert. C'est beaucoup d'argent. Quant à son importance pour Prince Rupert, c'est la première chose dont je veux vous parler. Je dois d'abord souligner qu'en termes de rémunération pour les résidants du Nord, selon les estimations qui m'ont été fournies par les gestionnaires de diverses sociétés, 156 millions de dollars sont restés ici, dans les villages et villes, et ailleurs. Cette somme est restée dans la région du Nord, c'est-à-dire ici. Le reste de l'argent est allé vers le Sud, sur l'île de Vancouver. Le total des salaires payés par les sept principaux employeurs ici à Prince Rupert a été de 105 millions de dollars.

Dites-moi quel est le secteur le plus important ici à Prince Rupert. Qu'arrivera-t-il si le secteur des pêches meurt à Prince Rupert? Il ne fait aucun doute que c'est le plus important.

Le fait que le secteur de la pêche sportive ait eu un rapport me fâche beaucoup, et si je comprends bien—corrigez-moi si j'ai tort—dans le rapport, on disait que le secteur de la pêche sportive représentait 1,5 milliard de dollars pour la province de la Colombie-Britannique. D'après les économistes, on utilise normalement un facteur de 2,2 ou 2,5 pour les chiffres de base pour la ressource et les salaires payés. Si on fait ce calcul pour les 259 millions de dollars, la côte Nord a contribué 714 millions de dollars à l'économie de Prince Rupert et du reste de la province. C'est près de la moitié de la valeur totale du secteur récréatif; et dans le secteur de la pêche, cette partie-ci de la province n'est pas aussi importante que les basses terres du Fraser.

• 1840

Je crois—et j'en suis sûr—que la valeur économique du secteur des pêches en Colombie-Britannique se situe entre 3 et 4 milliards de dollars. J'ai essayé de convaincre la B.C. Fisheries Commission et d'autres gens d'embaucher quelqu'un pour faire une étude économique pour contrebalancer les effets de l'autre sondage, mais personne ne l'a fait.

J'essaie de faire cette étude depuis 12 ans sur les montants payés aux pêcheurs, et à Prince Rupert seulement, lorsqu'on utilise le facteur utilisé par la plupart des économistes, le secteur des pêches rapporte 714 millions de dollars. Je crois que c'est un chiffre très important.

Le secteur des pêches en 1996 a été très profitable à plusieurs égards; l'année 1997 est tout à fait différente, et certains chiffres sont disponibles pour vous donner une idée de ce qui s'est passé en 1997.

Je voudrais aborder quelques autres questions.

L'une d'entre elles est la Stratégie sur les pêches autochtones. Elle est déficiente. Tout le monde l'admet, sauf les Autochtones, parce que ce sont eux qui en tirent profit.

Je voudrais souligner que la Stratégie sur les pêches autochtones a été mise sur pied par suite de la décision dans l'affaire Sparrow, comme l'a dit M. Disney. Tout le monde avait pensé—et on a essayé de convaincre tous les pêcheurs et tous les autres—que la décision dans l'affaire Sparrow permettait aux Autochtones de vendre du poisson.

La Cour suprême de la Colombie-Britannique a décidé en 1991 que ce n'était pas le cas. La Cour suprême du Canada vient d'entériner cette décision. Les Autochtones n'ont pas le droit de pratiquer la pêche commerciale à moins de ne pouvoir prouver qu'ils le faisaient avant l'arrivée des Blancs en Colombie-Britannique. C'est exactement la décision des neuf juges, à deux exceptions près: les Autochtones n'ont pas le droit de pratiquer la vente commerciale de poisson à moins de pouvoir prouver qu'ils le faisaient avant l'arrivée des Blancs en Colombie-Britannique. Parmi les neuf juges, sept ont trouvé que le programme était illégal.

Or, lorsqu'il y a illégalité, quelqu'un devrait aider à fournir une compensation.

Je recommanderais au comité de veiller à ce que cette pêche commerciale cesse.

Ici, à Prince Rupert, dans le bassin hydrographique de la Skeena, dont Heber a parlé, 70 p. 100 de la flotte de pêche au saumon est la propriété des Autochtones. S'il n'y a plus de poisson, de saumon, à qui est-ce que cela nuit le plus? Aux personnes qui ont le plus besoin de cet argent, parce qu'il s'agit de leur principale source de revenu.

Je voudrais revenir à cette question dans le cadre du traité Nishgas, qui est un autre facteur dont j'aimerais vous parler. Pendant des années, on a dit que seulement 6 p. 100 du poisson serait accordé aux Nishgas. Le chiffre est passé à 11 p. 100, ensuite à 15 p. 100. J'ai une confirmation—qui fait partie de mon mémoire—selon laquelle le ministre des Pêches, M. Mifflin, tout comme le ministre actuel, M. Anderson, reconnaissent que le pourcentage de poisson alloué aux Nishgas en vertu du traité est de 27,1 p. 100.

J'ai cité plusieurs fois ce chiffre. Tout le monde disait que j'avais tort. Les deux ministres sont maintenant d'accord avec le chiffre de 27,1 p. 100.

Ce pourcentage ne comprend pas l'allocation du poisson excédentaire. L'article 27 du traité—dont une copie est fournie pour votre gouverne—stipule que le ministre peut permettre au gouvernement central Nishga de récolter des saumons excédentaires.

Les Nisghas et le ministre ont dit que les Nishgas ne reçoivent pas automatiquement une partie de ces saumons excédentaires, mais qui va capturer ces poissons? Ce ne sera pas le pêcheur en mer, parce que la décision sur le montant de poisson excédentaire est prise seulement une fois que les poissons remontent la rivière. Comment donc les pêcheurs ici pourraient-ils avoir accès à ces saumons excédentaires?

Il y a seulement un groupe de personnes qui va y avoir accès. Il s'agit des Autochtones.

J'ai fait le calcul, sur la base des excédents moyens de 1974 à 1994, en utilisant des chiffres du ministère des Pêches; selon mon calcul, 23 p. 100 des saumons excédentaires seraient pris par les Nishgas en vertu du traité actuel. Cela signifie que la moitié des saumons qui remontent la rivière Nass seront capturés par les Nishgas.

• 1845

Nous avons maintenant un autre problème. Il y a deux autres bandes indiennes, Lax Kw'Alaams et Gitksan et Wet'suwet'en, qui ont, elles aussi, des droits de pêche. Elles pourront récolter une petite proportion des poissons pour des fins de subsistance, pour les cérémonies et les traditions sociales. Cette proportion, selon les chiffres que m'ont cités les deux ministres des Pêches, se situe entre 6 p. 100 et 8 p. 100. Si ces bandes récoltent seulement 6 p. 100, mettons, un total de 62 p. 100 du poisson sera destiné aux Nishgas afin de respecter le traité territorial conclu avec les Autochtones. Si 62 p. 100 du poisson de la rivière Nass est récolté par les Nishgas, remonte la rivière, etc., ce poisson ne vient pas à Prince Rupert.

À mon avis, il est tout à fait injuste et inéquitable de faire payer les résidants de Prince Rupert, qui dépendent de l'industrie de la pêche, avec le poisson qu'ils ont toujours capturé afin de payer le prix d'un traité avec les Autochtones. C'est le gouvernement fédéral qui devrait payer pour cela; on ne devrait pas se servir du poisson à cette fin.

Si le gouvernement fédéral veut conclure un traité, il devrait débourser et s'abstenir de priver les pêcheurs actuels de poisson. Si les Autochtones, les Nishgas et les autres tribus veulent inclure le poisson dans leur traité, ils devraient recevoir de l'argent et avoir le droit d'acheter des permis des pêcheurs de la côte. La situation serait équitable à ce moment-là parce que les pêcheurs pourraient vendre leur permis et toucher une somme raisonnable. Mais il est inéquitable de demander aux pêcheurs de Prince Rupert et de la côte et de Vancouver de payer le traité avec les Nishgas ou tout autre traité autochtone.

Je vais maintenant vous donner une analogie. J'aimerais que vous retourniez à Ottawa et que vous recommandiez au gouvernement de congédier 50 p. 100 des fonctionnaires à Ottawa et de donner ces emplois aux Autochtones. L'idée est stupide, mais c'est ce que le gouvernement fédéral demande aux pêcheurs et à toutes les entreprises de la Colombie-Britannique. Ils nous demandent de payer le prix de ces traités avec les Autochtones, et je pense que c'est injuste.

D'ailleurs, quand je parle des pêcheurs, cela comprend les 70 p. 100 de pêcheurs de saumon ici dans le bassin hydrographique de la Skeena qui sont autochtones. L'argent de leur traité vient donc de leurs propres poches, ce qui est tout à fait illogique.

Je voudrais dire un mot sur la pêche sportive, et ensuite sur la pêche d'interception, et après je vous laisserai en paix.

Du côté sportif, quand ils ont commencé à ouvrir ces camps de pêche—et en principe j'étais pour ces camps, mais je ne savais pas qu'ils deviendraient si grands—, les propriétaires pouvaient pêcher du saumon et obtenir une allocation du gouvernement pour capturer du saumon n'importe où. En 1996, si on voulait acheter un permis pour pêcher le saumon, un permis pour un bateau au filet maillant, il fallait débourser 80 000 $. Je ne sais pas combien coûtait un permis pour un bateau pour la pêche à la traîne, mais en 1996, quand le plan Mifflin était en vigueur, le prix d'un permis pour pêcher le saumon avec un senneur était de 467 000 $.

Ceux qui sont des pêcheurs commerciaux de longue date doivent donc payer pour obtenir une allocation de saumon. Les camps de pêche n'ont rien payé. Est-ce juste? Je ne le crois pas. Je pense qu'ils auraient dû payer pour obtenir une allocation.

Je ne sais pas si le gouvernement peut faire quelque chose pour régler le problème à ce stade-ci, puisqu'il est trop tard, mais il s'agit d'une des questions sur lesquelles on devrait vraiment se pencher dans tout ce domaine.

Quant à l'interception des saumons, je suis d'accord avec ces pauvres pêcheurs qui ne pouvaient pas capturer le poisson. C'est terrible.

Si vous avez un grand frère qui mange tous vos bonbons et si vous vous plaignez à votre mère et elle dit «Eh bien, parle-lui. Il faut négocier avec ton grand frère», il est impossible de le faire. Négocier est vraiment impossible. C'est très, très difficile, et je plains le ministère fédéral des Pêches et nos représentants des Affaires étrangères qui ne peuvent pas résoudre le problème—parce que c'est impossible.

• 1850

Cependant, il y a une autre approche possible. Vous vous rappelez sans doute que les États-Unis ont indiqué qu'ils avaient l'intention d'étendre la frontière jusque dans le détroit Hecate. Vous vous en souvenez sans doute. Cela fait que les États-Unis réclament maintenant la moitié de la distance entre l'Alaska et les îles de la Reine-Charlotte; ils peuvent faire de la pêche dans ce territoire jusqu'à ce que la revendication soit réglée. Je pense que les Américains n'auront pas gain de cause et que la ligne A-B restera en vigueur. Mais dites-moi, si vous étiez les États-Unis, pourquoi iriez-vous devant les tribunaux pour obtenir une décision? Moi, je ferais traîner l'affaire pendant 100 ans si je le pouvais, parce que mes pêcheurs, les pêcheurs américains, continueraient de récolter le saumon dans les eaux sur la moitié de la distance entre l'Alaska et les États-Unis.

Eh bien, je crois qu'il faut renverser les rôles. Sous les auspices de la Chambre de commerce de la Colombie-Britannique en 1980 et 1982, j'ai animé des séminaires sur une proposition semblable. Plusieurs groupes ont examiné la proposition. Nous avons tenu deux séminaires, comme je l'ai dit. Nous proposions que le Canada présente une demande pour permettre à tous les pêcheurs canadiens de faire de la pêche de l'enclave alaskienne jusqu'au niveau de Haines.

Vous direz que c'est idiot. Mais ce n'est pas le cas. En Afrique, il y avait autrefois un pays appelé le Congo belge. Ce pays s'étendait sur un vaste territoire. Il s'est divisé ensuite en plusieurs petits pays, et le Nigéria contrôlait les eaux du large. Les pays de l'intérieur, qui n'avaient pas de droits aux eaux du large, ont présenté leurs revendications devant la Cour internationale de justice à La Haye, en disant qu'ils pêchaient autrefois dans ces eaux-là, et qu'ils croyaient avoir encore le droit de le faire. La Cour internationale de justice leur a donné raison. Les habitants du Chad et des autres pays intérieurs de l'Afrique ont maintenant le droit de faire de la pêche au large du Nigéria et de capturer du poisson pour leur subsistance ou pour la vente, à condition de respecter les règles de gestion de la pêche du Nigéria.

Or, depuis quand les Canadiens pratiquent-ils la pêche au large de l'Alaska? Notre cas est très solide, puisque les Autochtones ont pêché au large de l'Alaska pendant très, très longtemps. Les Canadiens peuvent présenter une revendication s'ils veulent faire planer une menace pour contrer cette demande d'interception et tout le reste.

Je vais vous donner deux noms. M. Erik Wang, conseiller juridique au ministre des Affaires extérieures en 1982, a dit qu'une telle revendication était très possible, mais qu'il pensait qu'aucun gouvernement n'aurait le courage nécessaire de la présenter. Erik Wang. Lui aussi, il a un drôle de nom. C'est un nom norvégien. Je ne sais pas s'il est toujours aux Affaires étrangères.

Il y a une autre personne, M. Don McRae. Il travaille au gouvernement provincial au Service des pêches. Lui aussi, le concept lui plaît, et il est aussi avocat.

M. Roméo LeBlanc, ancien ministre des Pêches, a assisté à notre séminaire, et a dit qu'il trouvait l'idée intéressante. Mais il m'a dit qu'il ne voudrait pas promouvoir cette idée devant les libéraux qui étaient au pouvoir à ce moment-là, puisqu'ils ne voudraient pas présenter une telle demande. Mais maintenant que les Américains jouent dur avec nous sur la question de l'interception, nous devrions peut-être faire ce que j'ai suggéré. Ne voudraient-ils pas trouver une solution à nos problèmes de l'interception? Je pense que l'idée est très bonne.

La dernière chose dont je voudrais vous parler, c'est la stratégie de pêche autochtone, et encore un point après celui-là. Vous dites que le plan Mifflin est mauvais. Pour ma part, je croyais que l'idée fondamentale était bonne, parce qu'il devait en résulter une diminution du nombre de bateaux. Mais j'aimerais vous lire une petite partie de la transcription de la cause concernant John Cummins devant la Cour provinciale. J'étais tout à fait étonné de voir que ces gens-là ont plus de droits que les autres d'envoyer des bateaux de pêche, n'importe quel type de bateaux, dans les zones de pêche... cela démolit complètement le plan Mifflin.

• 1855

Je vais vous le lire:

    Un des échanges les plus intéressants a eu lieu pendant le contre-interrogatoire par Chris d'un agent vedette du ministère des Pêches et des Océans.

      Chris: Y avait-il d'autres bateaux ayant un permis de type A qui pêchaient seulement dans la zone de la bande de Musqueam?

R: Oui.

Chris: Quelle était la différence entre le bateau de M. Cummins et ces autres bateaux?

R: Les autres bateaux avaient la désignation de la bande de Musqueam et au moins un membre de l'équipage possédait une carte personnelle de désignation émise par la bande de Musqueam.

Chris: M. Cummins aurait-il pu posséder une carte de désignation émise par la bande de Musqueam?

R: Oui.

Chris: La bande de Musqueam peut donc émettre une carte de désignation à l'intention de n'importe qui?

R: Oui.

Chris: Quelqu'un de Terre-Neuve?

R: Oui.

Chris: Quelqu'un des États-Unis?

R: Oui.

Chris: Quelqu'un de Nouvelle-Zélande ou d'Australie?

R: Oui.

Chris: Y a-t-il une limite quelconque au nombre de désignations que la bande de Musqueam peut attribuer?

R: Non.

Chris: Y a-t-il une limite au nombre de bateaux qui peuvent être désignés?

R: Non.

Chris: Y a-t-il une limite à la taille des bateaux?

R: Non.

Chris: Savez-vous que la participation à la pêche commerciale canadienne est limitée?

R: Oui, il faut acheter un permis d'un bateau de pêche titulaire d'un permis pour avoir le droit de pêcher.

Chris: Le gouvernement ne délivre donc pas de nouveaux permis de pêche permettant à de nouveaux bateaux de participer à la pêche au saumon commerciale canadienne?

R: Non.

Chris: Connaissez-vous le plan Mifflin?

R: J'en connais certains aspects, oui.

Chris: Est-il vrai de dire que l'un des principaux objectifs du plan Mifflin était de réduire le nombre de bateaux participant à la pêche commerciale au saumon?

R: Oui, c'était en effet l'un des aspects du plan.

Mais si la bande de Musqueam peut attribuer autant de permis qu'elle le veut, à quoi sert le plan Mifflin? Ce texte figure dans les documents que j'ai ici.

Je tiens à vous remercier d'être venus à Prince Rupert. Je sais que c'est loin, mais c'est tout aussi loin pour nous d'aller à Ottawa. Si vous vouliez payer notre billet d'avion, je suis sûr que nous aurions beaucoup de gens de Prince Rupert et d'autres endroits qui seraient prêts à aller à Ottawa.

Un dernier commentaire au sujet du traité Nishgas et de la stratégie de la pêche autochtone. Je cite des propos de Dennis Brown, qui est vice-président de la United Fishermen and Allied Workers' Union. Il a énoncé très clairement sa position sur le fait de renoncer à du poisson dans le cadre d'un règlement:

    On ne rend pas justice en faisant une injustice à un autre groupe.

Il ne faut pas l'oublier. Bien que je ne sois pas souvent d'accord avec Dennis Brown, j'ai trouvé que cette déclaration était très pertinente.

Je vous remercie de m'avoir entendu.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur.

M. Odd Eidsvik: Un dernier point. Je voulais vous montrer un peu de notre...

[Note de la rédaction: Inaudible] C'est une partie de la flotte de pêche qui était à l'ancre à Prince Rupert.

Une voix: Quand était-ce?

M. Odd Eidsvik: C'était il y a trois ou quatre ans. Ce n'est là qu'une petite partie de la flotte de pêche qui était à Prince Rupert à cette époque.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Y a-t-il quelqu'un d'autre qui veut prendre la parole? Que tous ceux qui voudraient prendre la parole veuillent bien lever la main. Il faudra s'en tenir à cinq minutes, dans la mesure du possible, pour que chacun ait son tour.

M. Bill Beldessi (membre régional du Conseil, district régional de Skeena et des îles de la Reine-Charlotte): J'habite dans l'île Moresby.

Je voudrais seulement faire une suggestion. Mon vieil ami ici présent, le maire Penna, ne vous a pas souhaité la bienvenue à tous au nom des îles de la Reine-Charlotte, Haida Gwaii, et je vais donc le faire.

Une voix: Il l'a fait hier soir au bar.

M. Bill Beldessi: La prochaine fois, nous aimerions que vous veniez dans les îles de la Reine-Charlotte. C'est comme tout ce que nous avons entendu depuis hier. Le gouvernement et la politique gouvernementale nous ont fondamentalement obligés à remplacer notre économie fondée sur les ressources par le tourisme. Si vous venez, cela augmentera le nombre de touristes.

À chaque fois que je viens à une réunion comme celle-ci, cela me rappelle une autre réunion. Il y avait là un bureaucrate de la santé qui était venu dans les îles de la Reine-Charlotte. Il avait plein de brillantes idées et, au bout d'une demi-heure, il s'est rendu compte que son message ne passait pas. En signe de frustration, il a levé les mains au ciel et a lancé: «Comment pourriez-vous comprendre cela, nous volons avec les aigles tandis que vous pataugez comme des canards».

Nous connaissons tous les problèmes et je soupçonne que ces gens-là connaissent les solutions tout autant que certains d'entre vous. Alors écoutez-les.

• 1900

L'une des raisons pour lesquelles j'ai décidé de parler aujourd'hui, c'est qu'il y a un problème dans les îles de la Reine-Charlotte. Quelqu'un a parlé aujourd'hui de la pêche au saumon kéta à Cumshewa Head. C'est parce que la frayère se trouve à cet endroit. Cela s'appelle la frayère de Pallant Creek. En mai dernier, on a commencé à entendre des rumeurs que cette frayère disparaîtrait peut-être.

C'est ainsi que nous avons appris comment le gouvernement fonctionnait en prenant des décisions majeures de ce genre. Les habitants des localités et leurs représentants sont les derniers à l'apprendre.

À cette époque, il y a eu des rencontres avec des représentants du ministère des Pêches et des Océans à Vancouver, des réunions avec les principaux employés de cette frayère. On discutait de la façon dont on s'y prendrait pour démanteler cette installation. Ils ont dit qu'il fallait le faire vite, dans les deux semaines, avant que ces maudits politiciens s'en aperçoivent.

Il ne parle pas de vous; il parle de gens comme Dave Penna.

La raison pour laquelle ils veulent se retirer—celle-là est bien bonne, je suis sûr que les pêcheurs vont se tordre de rire—est que la frayère donnait des résultats tellement bons, produisant 14 millions de saumons kéta, que les responsables pensaient qu'on n'en aurait plus besoin. En plus des 14 millions de kéta, ils ont produit un demi-million de cohos.

Sachez que dans les îles de la Reine-Charlotte, ce ne sont pas les habitats des poissons qui font problème. C'est le poisson, ou plutôt l'absence de poisson qui est le problème. Je ne comprends donc absolument pas comment on pourrait régler ce problème en fermant une frayère.

Je suis allé à la réunion du Conseil régional avec mon bon ami le maire Penna, qui me disait de poser des gestes radicaux. Nous avons rédigé ensemble une motion et envoyé une lettre à M. Anderson. Essentiellement, nous disions: écoutez, ne fermez pas cette frayère; nous voulons travailler avec vous; nous voulons que les intervenants se mettent ensemble—et cela comprenait des gens comme moi et Penna et des gens du ministère des Pêches, des représentants des Haïdas, d'autres pêcheurs, bien qu'il n'en reste pas beaucoup dans les îles de la Reine-Charlotte—et examinons l'affaire ensemble. Personne ne dit, oui, je sais que le kéta n'est peut-être pas très payant. Alors, envisageons d'autres options.

Leur réponse à cela, quatre mois à peine plus tard, a été une lettre que j'ai reçue de M. Anderson. Je ne vais pas la lire en entier, mais je cite:

    J'ai bien reçu vos lettres concernant le projet de fermeture et de démantèlement de la frayère de Pallant Creek. Je m'excuse si j'ai tardé à vous répondre.

    Je veux tout d'abord vous donner l'assurance que la frayère de Pallant Creek ne fermera pas cette année.

J'ai cru M. Anderson, à l'instar des gens de ma collectivité. Toutefois, je ne me rendais pas compte que pour M. Anderson, dans un an, cela voulait dire en 1998. Vous comprenez ce que je veux dire. Dès la nouvelle année, l'affaire semblait close, parce qu'à la veille de Noël, des déménageurs sont arrivés avec un camion et l'une des familles est partie. Je pense que les autres étaient prêtes à partir. Voilà donc pourquoi je suis ici aujourd'hui.

C'était un beau cadeau de Noël, monsieur Anderson. Oui, personne n'a plus confiance, mais au moins vous savez maintenant pourquoi.

Qu'a-t-on fait des consultations publiques que M. Anderson avait promises dans cette même lettre que je ne vais pas lire? Il n'y en a pas eu, pas l'ombre d'une consultation. Quel est l'avenir de cette installation? Qui sait? Mais je vais vous dire qui subira les conséquences de cette décision: ce sont d'abord les stocks de poisson, ensuite les travailleurs déplacés et leurs collectivités, et troisièmement, ce sont les générations futures dont les options seront réduites. Voilà à quoi revient la conservation.

Que faire? Eh bien, je ne vais pas suivre le conseil de son honneur Dave Penna et abattre des arbres pour bloquer la route afin d'empêcher les camions de déménageurs de venir ici. Je dois dire toutefois que j'y ai pensé et que je me suis sincèrement demandé si nous n'en étions pas rendus là. Est-ce ainsi que nous devons protéger nos collectivités et nos emplois? Est-ce ainsi que nous aurons notre juste part?

En terminant, je dirai ceci: j'ai seulement 50 ans et il y a ici même des gens qui ont beaucoup plus d'expérience que moi. Je n'ai jamais vu le secteur des ressources aussi gravement menacé qu'à l'heure actuelle. Le secteur des forêts, celui des pêches, les mines—ils sont tous en déconfiture. Nous avons besoin d'aide. Je crois que les gens qui possèdent les solutions sont ici présents. Nous vous demandons de prêter l'oreille à ce que nous vous avons dit aujourd'hui. Je parie que vous participez probablement à une cinquantaine de réunions de ce genre par année. Mais nos problèmes sont bien réels; nous sommes dans le pétrin. Nous avons besoin de votre aide.

• 1905

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci.

Mme Joy Thorkelson (témoignage à titre personnel): Je suis la représentante de la United Fishermen and Allied Workers Union pour le Nord. Je m'excuse de n'avoir pas été présente pendant la journée. Malheureusement, la crise dans l'industrie est d'une telle ampleur qu'il m'est impossible de passer toute une journée à écouter ce genre de délibérations. Je dois m'occuper des crises qui atterrissent sur mon bureau. Aujourd'hui, cela allait d'une mère célibataire qui était expulsée parce qu'elle n'avait plus droit à l'assurance-emploi ni à l'assistance sociale—c'est une travailleuse riveraine qui compte 25 ans d'expérience, mais qui n'a pas travaillé assez cette année pour toucher l'assurance-emploi—jusqu'à des dossiers concernant les négociations canado-américaines et ce qui est arrivé à certains de nos pêcheurs l'été dernier. J'essayais aussi de me préparer pour la réunion du conseil consultatif de la côte Nord, au cours de laquelle on discutera de l'absence de pêche pour les deux prochaines années.

Premièrement, je tiens à vous dire que je suis, ou plutôt que j'étais présidente du groupe des intervenants du Nord qui a négocié avec l'Alaska. Nous avons le rapport de M. Strangway et de M. Ruckelshaus, dans lequel on dit que les intervenants ne participeront plus aux négociations et que tout se passera de gouvernement à gouvernement. Les intervenants du panel du Nord du Canada souscrivent sans réserve à ce point de vue. Nous disons que ce processus ne peut se faire qu'entre gouvernements, parce que les pêcheurs américains refusent de donner du poisson aux pêcheurs canadiens. C'est autant d'argent en moins pour eux et ils seraient fous de le faire.

J'espère que le Canada réagira rapidement et mettra sur pied un processus. Nous voulons battre le fer pendant qu'il est chaud. Les intervenants du Nord croient qu'en fait... nous ne voulons pas nous en vanter, mais nous estimons avoir gagné cette manche. Nous avons dit haut et fort qu'il fallait que les Alaskiens donnent du poisson au Canada; or c'est exactement la teneur du rapport de MM. Ruckelshaus et Strangway.

Je veux vous dire que les intervenants du Nord et probablement presque tout le monde à la Commission du saumon du Pacifique, tout au moins du côté canadien, aimeraient que M. Fortier reprenne son rôle à titre de négociateur en chef pour le Canada. Nous n'avons que des louanges à son égard. Nous croyons qu'il faut un fonctionnaire de haut rang, autant au fédéral qu'au provincial, pour défendre les intérêts du gouvernement, afin qu'il y ait un lien direct autant du côté canadien que du côté américain—surtout du côté américain, à notre avis—dans tout futur processus de négociation. Nous croyons que M. Strangway et M. Ruckelshaus devraient continuer à surveiller le processus, afin que lorsque les Alaskiens refusent de bouger—car nous croyons que c'est ce qu'ils feront, en intervenants cyniques que nous sommes—, il y aura un quelconque mécanisme de surveillance formé de représentants américains et canadiens qui pourront trancher si les deux s'accusent mutuellement de blocage, puisqu'on semble toujours nous accuser de nous dérober, alors que ce n'est pas le cas.

Enfin, nous espérons que nous serons en mesure de prendre des arrangements pour la pêche au cours des deux prochaines années. Nous espérons que notre gouvernement n'acceptera pas un arrangement qui maintiendrait le statu quo, ce qui donnerait aux Alaskiens probablement la moitié des prises sur la Skeena; de 30 à 60 p. 100 du poisson sera pris en Alaska si nous signons les ententes confirmant le statu quo. Les intervenants ont réussi à progresser dans certains dossiers, notamment la protection pour les mauvaises années. Nous souhaitons faire en sorte que la position du gouvernement ne revienne pas au statu quo pour les deux prochaines années, mais que l'on profite plutôt de certains gains que nous, intervenants, avons réussi à faire.

Je voudrais dire quelques mots au sujet d'autres questions qui, j'en suis certaine, ont été traitées avec éloquence aujourd'hui par d'autres intervenants. Premièrement, je voudrais dire que je ne crois pas que le gouvernement fédéral et le ministère des Pêches sont seulement responsables du poisson et du bien-être du poisson. Je crois qu'ils sont également responsables des localités de pêcheurs et de leur bien-être socio-économique.

• 1910

Je sais que c'est une question controversée, à cause de ce qui s'est passé sur la côte Est. Bien des gens pensent qu'à Terre-Neuve, les stocks de morue se sont épuisés parce que le gouvernement s'intéressait davantage au mieux-être socio-économique des localités isolées qu'aux stocks de poisson.

Sur cette côte-ci, nous croyons que le poisson est bien sûr d'une importance primordiale. Faute de poisson, nous n'aurions évidemment pas de secteur de la pêche. Mais on ne peut pas non plus fermer les yeux sur les conséquences des politiques du gouvernement fédéral pour les localités visées, surtout les petits villages isolés de la côte Nord. C'est l'un des dossiers dont le ministère des Pêches doit s'occuper. Il ne peut pas nous laisser tomber. Actuellement, nous avons l'impression qu'on nous laisse tomber.

Depuis une demi-heure ou une heure que je suis la discussion, j'ai déjà beaucoup entendu parler de la réallocation de la ressource qui est détournée du secteur commercial. À chaque fois qu'on enlève du poisson au secteur commercial pour le donner, disons, au secteur sportif, tout ce que l'on fait, c'est d'appauvrir un pêcheur. Un pêcheur plus pauvre ne contribue pas à enrichir sa collectivité; il devient au contraire un boulet.

Vous avez entendu Jacques Rowbotham dire que dans les îles de la Reine-Charlotte, cet énorme secteur de la pêche sportive ne nous rapporte pas un sou. Cette réallocation ne donne de l'emploi à personne dans son village.

On a probablement parlé aujourd'hui de l'allocation de poisson à la pêche sportive dans le dossier du saumon Steelhead. En fait, le Steelhead ne pose aucun problème de conservation. On a dépensé 14 millions de dollars et passé trois ans à rédiger des rapports sur la rivière Skeena pour se faire dire par les pêcheurs commerciaux que de toute manière, il n'y a aucun problème de conservation du Steelhead, que le problème sur la Skeena en est un d'allocation.

Il y a une audience sur le mécanisme d'allocation sous l'égide de Samuel Toy qui permettra de répartir le poisson entre les trois secteurs. Malheureusement, on envisage cela comme un simple processus de division: comment diviser tout cela mathématiquement, en prenant du poisson ici pour le mettre là. Je vous le répète, il faut tenir compte des aspects socio-économiques. Va-t-on transférer une quantité minimale de poisson, ou bien permettra-t-on le transfert de poisson d'une seule personne parce que cette personne est disposée à vendre son poisson pour le remettre à autre une personne là-bas, ce qui reviendrait à transférer du poisson du secteur commercial au secteur sportif?

Quand on fait un pareil transfert, il ne reste plus de poisson pour les futurs pêcheurs. Ce n'est pas une réallocation temporaire; c'est permanent. Si je vends mon poisson à quelqu'un, je viens de vendre à cette personne le droit que quelqu'un d'autre aurait de devenir pêcheur commercial. Voilà le résultat net de tout ce processus de réallocation. Y a-t-il un niveau minimum? Les gens auront-ils le droit de décider de se départir de 100 p. 100 de leur poisson, ce qui mettrait fin à la pêche commerciale, ou bien y a-t-il un niveau minimum que l'on va maintenir pour assurer l'emploi dans mon village?

Je voudrais vous parler brièvement de la gestion de la pêche le long de la Skeena. C'est très préoccupant. Nous livrons un combat permanent pour la gestion de la pêche le long de la Skeena, à cause de ce que nous dénonçons comme une réallocation du secteur commercial au secteur sportif.

Cette année, la montaison sera extrêmement faible et, malgré tout, il nous faudra employer diverses techniques de récolte sélective afin de conserver la flotte de pêche au filet maillant. Si nous n'appliquons pas la récolte sélective parce que nous savons que nous avons un problème dans le cas du coho, alors la flotte de pêche au filet maillant sera grandement menacée.

L'été dernier, les pêcheurs au filet maillant ont fait une expérience de récolte sélective qui a sauvé 70 p. 100 des cohos attrapés dans la journée, ce qui est un très petit pourcentage des stocks que nous rencontrons.

Jusqu'ici, le ministère des Pêches a déclaré qu'il n'a pas les moyens de faire appliquer les règlements. Donc, pour les deux prochaines années, les pêcheurs au filet maillant ne seront peut-être pas en mesure de pêcher dans la Skeena parce que le gouvernement n'a pas accordé suffisamment d'argent au ministère des Pêches et des Océans pour lui permettre de faire respecter les règlements.

Nous avons un problème dans la Skeena parce que nous avons mis trop de poisson dans les zones de frai—non pas parce que nous en avons trop peu, mais parce que nous en avons trop. Une maladie s'est attaquée au poisson; elle a tué les géniteurs, les oeufs et le frai et nous n'avons pas relâché suffisamment de saumoneaux dans ces eaux, si bien que nous ne récupérons pas suffisamment de poisson. Le problème, c'est qu'il y a eu trop de poisson dans les zones de frai et non trop peu.

• 1915

Comme nous avons une faible remonte, parce que nous n'avons pas d'entente avec l'Alaska, nous aurons peut-être une saison de 100 000 poissons à prendre dans la Skeena. Ces 100 000 poissons devront être partagés entre 200 et quelques senneurs et 1 100 bateaux de pêche à filet maillant. C'est dérisoire.

Ce qu'il faut faire, toutefois, c'est permettre à ces bateaux, dans la mesure du possible, de pêcher. Le gouvernement doit mettre à la disposition du ministère des Pêches suffisamment d'argent et de ressources pour lui permettre d'appliquer les règlements afin que les pêcheurs au filet maillant puissent pêcher, et c'est ce que je viens demander aujourd'hui.

L'autre chose dont j'aimerais brièvement discuter, et je suis sûre que l'on en a déjà discuté, c'est du plan Mifflin. C'est qu'a fait Mifflin sur la côte Nord et ce que fera Mifflin c'est en fait de nous débarrasser des habitants de la côte Nord dans le secteur des pêches parce qu'ils ne peuvent faire concurrence à ceux de la côte Sud pour obtenir des capitaux.

Aussi, dans les deux prochaines années, il n'y aura plus de pêches, les gens feront faillite et quelqu'un va devoir acheter les permis. Ce sera les gens qui résident sur la côte Sud qui ont accès à de l'argent qui achèteront ces permis. Ce ne sera certainement pas les Autochtones parce qu'ils n'ont rien à hypothéquer s'ils vivent dans des réserves. Ils ne peuvent pas réunir de capitaux. On ne peut pas hypothéquer un permis. On ne peut pas aller à la banque et obtenir un emprunt en offrant un permis comme garantie. Il faut avoir quelque chose de concret que l'on puisse hypothéquer pour obtenir les 100 000 $ nécessaires pour se présenter à la banque comme pêcheurs au filet maillant. Si l'on est autochtone et que l'on vit dans un village, c'est quelque chose qu'on ne peut pas faire parce qu'on n'a rien que l'on puisse hypothéquer, surtout pour 100 000 $. Les résidants de la côte Nord n'ont pas le même accès aux capitaux que ceux de la côte Sud. Ils vont donc perdre faute d'accès aux capitaux et non pas parce que la population locale n'a pas besoin d'eux pour travailler ni parce que ce ne sont pas de bons pêcheurs.

Les changements apportés à l'assurance-emploi sont difficiles à supporter pour les populations rurales. Je vous mets au défi de faire adopter ou de présenter une loi qui stipule que chaque usine de transformation du poisson qui n'emploie pas un tiers de sa main-d'oeuvre aura une amende. Si elles emploient un tiers de leur main-d'oeuvre toute l'année, elles pourraient peut-être obtenir un genre de dispense de cotisation à l'assurance-emploi.

Je crois savoir qu'il y a des millions et des milliards de dollars d'excédent à la caisse de l'assurance-chômage et que certains disent que l'on devrait rendre cet argent aux employeurs sous forme de remboursement. C'est ridicule. Nous avons ici des usines de transformation du poisson qui restent à ne rien faire pendant huit mois, non pas parce qu'elles n'ont pas de produits à transformer mais parce que le travail se fait à l'extérieur de Prince Rupert, à Vancouver. On décharge ici; on transforme loin de nos villages.

Nos travailleurs à terre travaillent trois mois par an, deux mois par an, six semaines par an, mais ces entreprises exigent d'énormes capitaux engagés dans nos régions. Nos travailleurs à terre et nos pêcheurs sont ceux qui touchent l'assistance sociale en hiver. Ce sont ceux qui rendent ces entreprises productives parce qu'ils reviennent année après année—il n'y a pas d'autre emploi—et ce sont ceux qui sont pénalisés. Quand j'ai commencé, on pouvait travailler toute l'année dans ce secteur une fois que l'on avait assez d'ancienneté. Ce n'est plus possible.

Dans les deux prochaines années, les choses vont être terribles sur la côte Nord. Il nous faut une dispense de permis. Les pêcheurs ne devraient pas être tenus de payer le permis les deux prochaines années s'ils ne pêchent pas. Il faut majorer les taux d'assurance-emploi afin qu'ils atteignent le maximum pour ceux qui souhaitent suivre des études ou travailler à certains projets. Il faut avoir un programme du genre LSPA afin que les responsables locaux puissent mettre au point des programmes d'enseignement de sorte que les gens puissent obtenir un niveau suffisant pour participer aux programmes de formation. Il nous faut des programmes de formation afin que nous puissions former les gens pour les travaux de conservation des habitats et de mise en valeur des stocks et pour évaluer la situation des stocks. Il nous faut ensuite avoir suffisamment d'argent pour faire des évaluations convenables de la situation des stocks et pour les mettre en valeur.

Si vous le pouvez, vous devriez aller au bureau du ministère des Pêches demander un exemplaire de «Attentes». Cela vous montrera combien de nos cours d'eau ont été parcourus ces 10 dernières années. Y a-t-il eu une évaluation précise des stocks? Y a-t-il eu une évaluation précise des habitats? Dans nos rivières de la côte Nord, c'est négligeable, car, là encore, le gouvernement a effectué de telles compressions au ministère que ceux qui autrefois s'occupaient de ces rivières ne le font plus.

• 1920

Quand on parle de s'occuper de nos stocks, le gouvernement devrait faire ce qu'il dit et commencer à financer l'évaluation des habitats et l'évaluation de la situation des stocks en payant les gens pour faire ce genre de chose.

À long terme, il va falloir changer pas mal de choses.

Occupons-nous d'abord de Mifflin. Il faut arrêter cet exode de permis de la côte Nord vers la côte Sud afin que ces deux prochaines années nous puissions conserver des pêcheurs chez nous.

Il faut envisager une politique des pêches à long terme qui comprenne une composante socio-économique.

Il faut réexaminer le plan Mifflin et voir si, à long terme, c'est une bonne politique que de réduire la flotte de 50 p. 100 et de réaffecter ce poisson à d'autres secteurs.

Nous devons veiller à ce que l'on continue à financer les travaux de mise en valeur des stocks, d'application des règlements et de conservation des habitats.

Enfin, nous devons aider les entreprises qui ont du mal et veulent travailler toute l'année et vendre leurs produits sur les marchés. Nous devons les aider comme le font d'autres pays à trouver de nouvelles méthodes de mise en marché et à signer des contrats.

Si l'on regarde la Norvège et d'autres pays européens, de même que le Chili, le gouvernement est très actif dans la commercialisation du poisson. Au Canada, il ne semble pas trop s'en occuper et nous avons besoin d'une certaine aide pour utiliser les espèces que nous pêchons actuellement et les transformer en produits différents de ce que nous faisons afin que leur valeur augmente, que la valeur du produit augmente et que nous puissions payer nos pêcheurs davantage afin que ce secteur devienne prospère à long terme.

Je suis désolée d'avoir été aussi longue mais je voulais être sûre que vous compreniez bien que si dans les deux prochaines années le ministère et le gouvernement fédéral ne prennent pas des mesures, la prochaine fois que vous reviendrez sur cette côte, vous ne verrez pas autant de pêcheurs dans la salle parce qu'il n'y en aura plus autant sur la côte Nord.

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Monsieur Reschke.

M. Roman Reschke (témoignage à titre personnel): Je pêche à Rupert depuis 33 ans et à Masset depuis 3 ans, si bien que j'ai passé pratiquement toute ma vie à pêcher.

Je ne peux que répéter ce qu'ont dit d'autres avant moi, à savoir que le secteur des pêches est en péril si nous ne recevons pas d'aide du gouvernement fédéral et du ministre des Pêches.

J'ai écrit des lettres très explicites à chacun des ministres, à commencer par Tom Siddon et ensuite, tous les autres, John Crosbie, Brian Tobin, etc.—sans aucun résultat.

J'ai fait des suggestions constructives pour améliorer la situation.

À propos des interceptions, par exemple, je demandais pourquoi nous n'avions pas deux bateaux de patrouille qui parcourent la ligne A-B pendant l'été quand le saumon remonte plutôt qu'une patrouille de souveraineté l'hiver quand rien ne se passe. On répond que l'on ne peut pas envisager de mesures extrêmes. Ma foi, si c'est une mesure extrême, je me demande ce que le gouvernement a dans les tripes? Sommes-nous un État souverain? Je me le demande.

Je mets le ministre le défi de répondre à cette question. S'il veut que la population qui l'a élu le respecte, il ferait bien de se remuer et de faire quelque chose. C'est tout ce que je puis dire.

Et ce n'est pas tout, je suis très déçu de ce qui s'est passé il y a trois ans quand six gros navires américains noirs ont pénétré jusqu'au milieu de l'entrée Dixon, ils étaient escortés par la garde côtière américaine, qui est armée comme un bateau de la marine avec toutes sortes de pièces d'artillerie. Ils ont pêché; ils ont rempli leurs bateaux. Notre pays savait qu'ils étaient là mais l'on n'a rien fait. Cela me rend malade.

J'aimerais être fier de mon nouveau pays. Je ne suis pas né au Canada mais je vis ici depuis 44 ans. J'aimerais que nous protégions notre souveraineté.

Je leur ai dit dans mes lettres que je ne pensais pas qu'on nous enverrait des bombes nucléaires simplement parce que nous essayons de protéger les remontées de saumon. Il faut donc faire quelque chose et exercer certaines pressions.

Je serais très reconnaissant à ce comité de faire quelque chose dans ce sens.

C'est probablement à peu près tout ce que j'ai à dire.

• 1925

Encore une chose sur laquelle j'aimerais insister. J'ai eu l'occasion à une autre réunion du conseil consultatif de dire quelque chose à M. Einarson qui est à la tête de Pêches et Océans ici à Rupert. Je lui ai demandé combien de temps il allait laisser proliférer les camps de pêche sportive dans le Nord étant donné que nous en avons déjà plus qu'il ne faut. Il m'a répondu que l'on n'y pouvait rien, que cela relevait de la compétence provinciale. Je lui ai dit que c'était absolument faux. J'ai dit que ce n'était pas du tout provincial parce qu'il leur avait donné 10 000 de nos saumons du Pacifique; qu'on nous a empêchés de continuer à pêcher à la traîne et qu'ils en ont profité, si bien que ce n'est pas du tout provincial. C'est tout simplement de la foutaise. Il n'a pas su quoi me répondre. Il a simplement rougi.

Ils connaissent mes lettres. Je les publie toujours dans les journaux et je les signe en mettant mon nom au complet. Je n'ai pas peur de mes opinions. Je suis heureux de vivre dans un pays où nous jouissons de la liberté d'expression. Je n'ai pas recours à un vocabulaire ordurier dans mes lettres mais je dis carrément ce que je pense.

Par exemple, lorsque l'on a introduit le quota individuel pour le flétan, on nous a dit que nous retrouverions le privilège de conserver 10 ou 12 p. 100 de nos prises fortuites de morue noire. Quand on pêche le flétan, on ne peut éviter d'attraper de la morue noire et, pour la plupart, elle est à moitié morte quand on la prend parce qu'elle est en eau très profonde.

Oui, vous aurez ce privilège. Absolument, aucun problème, à condition que vous acceptiez le système des quotas individuels.

Que s'est-il passé? L'année suivante, voici ce qui était diffusé partout dans le secteur de pêche: «Attention, pêcheurs à l'aiglefin. Ici le bateau Tanu du ministère des Pêches. Toute prise fortuite doit être rejetée à la mer immédiatement.»

J'ai donc écrit une lette à Brian Tobin. Je lui ai demandé ce qu'il était advenu de sa promesse. S'est-elle évanouie en fumée? Je lui ai dit qu'on entend dire à gauche et à droite que l'on va arraisonner les bateaux et tout le reste. Je lui ai dit que l'on devrait peut-être songer à embaucher quelques anciens agents du KGB congédiés ou mis à la retraite forcée. J'entends déjà, lui ai-je dit, les conversations sur le canal 78A: «Hé, camarade Kowalski, nous avons ici un type qui a deux goberges à bord de son bateau. Que faut-il faire? L'abattre tout de suite ou bien le torturer d'abord?»

Des voix: Oh, oh!

M. Roman Reschke: Les gens aiment bien mes lettres. Ils me demandent toujours quand je vais en écrire une autre. Je leur réponds que j'aimerais bien qu'ils en écrivent, eux aussi. Qu'est-ce qui vous en empêche? Vous avez deux mains gauches, ou quoi?

Quoi qu'il en soit, je vous remercie beaucoup. Je pense que je me suis fait comprendre.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Quelqu'un d'autre?

M. Leonard Reece (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, je m'appelle Leonard Reece.

Depuis ce matin, je ne cesse d'entendre une litanie de tout ce qui ne va pas. Un intervenant a parlé de congédiement à Ottawa, mais il avait tort. Il faut le congédier à Rupert, ici même, dans ce bureau, il faut tout chambarder. Il faut aller ensuite au bureau régional de Vancouver et changer tout cela, parce qu'ils ont des préjugés contre nous, pêcheurs et travailleurs. On les entendait toujours au téléphone nous dire que nous faisons trop d'argent. Ce que je gagne ne regarde que moi, parce que j'ai une famille à nourrir.

Si vous ne recommandez pas au gouvernement de faire des changements là-bas, nous reviendrons ici et vous n'avez pas fini de nous entendre.

On blâme les Américains. Je pêche depuis longtemps. Ils ont toujours pris du poisson, peut-être en ont-ils pris un peu plus cette année. Ce qui s'est passé, c'est la faute à nos responsables des pêches, ici même. Ils nous ont empêchés de pêcher.

Je me suis fait prendre les culottes baissées. Je payais mes factures. Je les avais toutes payées, et après il ne me restait plus rien pour la bouffe. On a tout simplement fermé la pêche.

• 1930

J'ai un fils qui a des problèmes. Il n'arrivait pas à faire un paiement sur son bateau. Ces pêcheurs sportifs commerciaux, comme on les appelle, ont deux emplois. Ils travaillent à l'usine et ensuite ils s'en vont noliser des bateaux. C'est mauvais. Ils ne devraient pas enlever un emploi à une personne qui en a besoin, parce qu'il n'y a pas assez d'emplois dans notre pays pour se les voler mutuellement.

Qu'on arrête de nous rebattre les oreilles au sujet du recyclage. Ce n'est pas la première réunion à laquelle j'assiste. Se recycler, mais pour faire quoi? Je suis capable de signer mon nom pour toucher l'assistance sociale. Pas besoin de formation ni de recyclage pour cela. J'ai ma fierté. J'ai travaillé toute ma vie. Nous avons tous été au travail à un moment ou l'autre, jusqu'à ce que quelqu'un décide qu'il en voulait plus que son voisin. C'est alors qu'on a commencé à s'entre-déchirer. Plus ça change, plus c'est pareil. Mais peut-être pas; ce n'était pas pareil quand l'homme blanc a enlevé son bien à l'Indien. Mais aujourd'hui qu'on l'enlève à l'homme blanc, c'est la même chose.

Vous, là-bas. Quand vous dites que le gouvernement donne du poisson aux Indiens, vous dites qu'il devrait plutôt nous donner de l'argent.

Une voix: C'est vrai, et après vous pourriez acheter un permis.

M. Leonard Reece: Ils ne donnent pas de poisson. Ils nous remettent simplement ce qu'ils nous ont enlevé.

Vous avez entendu tout à l'heure celui qui a dit que nous devons tous partager. Il y a deux tribunaux, un en Nouvelle-Écosse et l'autre en Colombie-Britannique, qui ont dit que nous sommes propriétaires des arbres. Et puis, il y a un autre tribunal qui a dit que nous sommes propriétaires du terrain. Ne comprenez-vous donc pas que c'est nous qui allons donner du poisson, pas le gouvernement? Ils ne possèdent rien. Ils sont squatteurs sur nos terres depuis 400 ans. Mais nous ne sommes pas ce genre de personne. Nous aimons partager et nous aimons à ce que tout soit en ordre. La seule chose que nous ne partageons pas, c'est une femme. À chacun la sienne!

Quant aux compressions et aux bateaux qui ont été vendus—on vient de vous en parler—, les grandes compagnies n'ont pas subi la moitié de ces réductions. Ce sont les pauvres qui ont été forcés de vendre, mais eux ont pu garder les leurs. Les compagnies devraient faire de la transformation seulement, pas de la pêche.

Il y a beaucoup de techniques dont on devrait se débarrasser dans le secteur de la pêche. On devrait par exemple se débarrasser des avions. D'autres engins aussi, comme les filets, les sennes devraient être ramenées à 3,5 et les filets maillants devraient avoir des mailles de 50. Tout cela pour aider à conserver la ressource et assurer un avenir aux générations futures. Il faut y voir. Il y a trente ans, nous avons offert de faire de la mise en valeur du saumon coho. Nous connaissons les ruisseaux dans notre secteur. Ils ont refusé. Ils nous ont claqué la porte au nez. Nous avons offert de le faire gratuitement, mais ils n'ont pas voulu en entendre parler.

Maintenant, ils nous ont coupé la pêche l'été dernier le 29 juillet; quelqu'un a dit que c'était le 31 juillet, mais c'était plutôt le 29. Plus de pêche. Et j'ai dû faire 200 milles pour aller faire encore deux jours de pêche. Cela ne devrait pas arriver. Nous sommes en 1998, nous étions l'année dernière en 1997. Tout aurait dû être plus facile.

Comme un autre intervenant l'a dit tout à l'heure, on n'a jamais vérifié dans les ruisseaux, on n'est jamais allé voir sur place. Ces gens-là n'ont jamais parcouru les ruisseaux. Avec toute leur instruction, ils se prétendent agents des pêches, mais ils n'ont jamais vérifié.

• 1935

Il y a un type qui était garde-pêche d'une rivière. C'est lui qui a fait la vérification. Il n'avait aucune formation, mais il s'en est chargé.

La situation est très difficile. Nous avons 200 travailleurs dans notre petite usine chez nous. L'année dernière, à cause de cela, ils n'ont pas fait beaucoup d'argent, seulement 2 millions de dollars: 1 million pour les travailleurs et 1 million pour les pêcheurs. Si le gouvernement peut leur donner cela, ils seront contents.

Si l'on veut réduire le nombre de bateaux de pêche et remettre la ressource au secteur de la pêche sportive, donnez-moi 80 000 $ et je vais jeter les filets dans mon bateau et je vais rester à la maison. Quatre-vingt mille dollars, jusqu'à ma mort. C'est la même chose pour tout le reste. Après, ce sera à vous et vous pourrez faire ce que vous voudrez avec.

Mais l'été dernier, alors qu'on voulait conserver la ressource, alors qu'on disait que la montaison des cohos était mauvaise, des pêcheurs lançaient leurs lignes tout le long de la rivière Skeena. On leur en permettait deux par jour. Et nous, ils nous ont écartés, ils nous ont dit qu'on pouvait manger du pain dur pour le reste de l'hiver. Ce n'est pas bien.

Rappelez-vous ce que quelqu'un a dit. Faites quelque chose à ce sujet cette fois-ci, quand vous retournerez là-bas. Autrement, nous prendrons les édifices du Parlement à Ottawa et nous irons les mettre quelque part dans une île. Vous êtes en terre indienne.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Monsieur Krause.

M. Gary Krause (témoignage à titre personnel): Je suis propriétaire indépendant d'un bateau de pêche au saumon à la senne, je suis exploitant d'un bateau de pêche à la ligne traînante. Je souscris à peu près à l'ensemble des réflexions qu'on a entendues ici pour ce qui est de l'Alaska et de la pêche sportive. Je ne veux répéter ce qu'on a déjà dit à maintes reprises aujourd'hui. Je voudrais aborder un aspect du plan Mifflin dont on n'a pas parlé.

On a dit que la flotte a été réduite d'un tiers et peut-être qu'en nombre total, c'est vrai. Mais si l'on divise la côte en deux secteurs, la côte Sud et la côte Nord, nous avons réduit la taille de notre flotte beaucoup plus que cela. Je pense que le secteur de la pêche au saumon à la senne était censé avoir été réduit de 37 p. 100. Sur la côte Nord, la réduction a été de 73 p. 100; et c'est la même chose pour les pêcheurs au filet maillant et les pêcheurs à la traîne et tous les autres intervenants dans l'industrie. Les chiffres doivent être régionalisés pour discerner exactement le véritable impact économique de toute cette situation.

Je travaille dans ce secteur depuis 20 ans. Je me rappelle quand j'étais petit et que j'allais dans une usine coopérative de transformation du poisson; il y avait là probablement 40 ou 50 pêcheurs à la senne, sans compter la B.C. Packers et toutes les autres petites compagnies. Je me promène et je constate que je suis l'un des derniers à exploiter un bateau de pêche à la senne sur la côte Nord.

C'est très désolant, car j'en vois les répercussions partout, depuis les chantiers navals jusqu'aux fabricants d'engins et aux travailleurs riverains, et tous les autres, jusqu'aux exploitants de petites entreprises connexes. Ce que j'aimerais en fait, c'est que l'on inscrive sur la liste des espèces menacées toutes les localités de la côte Nord et tous les pêcheurs commerciaux de la côte Nord, afin qu'on s'occupe un peu de nous de temps en temps et que les gens sachent qu'il y a un problème chez nous. Je suis absolument convaincu qu'il faut le faire, même si je sais que ce n'est pas possible. Quand nous aurons enfin trouvé comment s'y prendre, nous aurons disparu jusqu'au dernier.

De toute façon, je ne veux pas répéter ce que tous les autres ont dit. Je les appuie à 100 p. 100. Merci pour votre temps.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci.

S'il n'y a pas d'autres intervenants, à la toute fin, je vais donner le dernier mot à Mike Scott, qui est le député de cette région. C'est en partie grâce aux efforts de Mike que l'on a inscrit Prince Rupert sur la liste des localités à visiter. Je pense que ni John Duncan ni moi-même n'aurions pu nous en tirer vivants si nous n'avions pas accepté de venir à Prince Rupert. Vous pouvez donc remercier Mike Scott pour notre présence ici et je vais lui laisser le dernier mot.

• 1940

Je vais d'abord répéter ce que j'ai dit ce matin, et j'en ai pour moins d'une minute. Notre mandat est d'écouter. Nous ne représentons pas le ministère des Pêches et des Océans, ni le gouvernement du Canada. Nous sommes un comité permanent formé de représentants des cinq partis politiques présents à la Chambre des communes et nous faisons rapport à la Chambre des communes.

J'ai dit à George Baker: «Pouvons-nous vraiment faire une différence? Vous êtes député depuis 24 ans. Mon voyage là-bas aura-t-il une utilité quelconque? Pourquoi irais-je?». Mais ce comité-ci est quelque peu différent. Nous ne ménageons aucun effort pour laisser la politique derrière nous à Ottawa. Nous travaillons en très étroite collaboration, en groupe, et nous l'avons fait jusqu'à maintenant. J'espère que nous continuerons à travailler pour essayer de remettre un rapport à la Chambre des communes. Notre objectif est de rédiger un rapport unanime et nous y travaillons très fort. Nous n'y parviendrons peut-être pas dans tous les domaines, mais c'est ce que nous visons. Ce sera très difficile pour le gouvernement de ne pas nous écouter.

Je tiens à vous remercier. Vous avez beaucoup d'excellentes idées. J'ai beaucoup de documents écrits et vous pouvez être assurés que nous les lirons. Je vous suis donc reconnaissant pour vos commentaires et vos suggestions. Je sais que vous avez déjà participé à un processus semblable et que l'on a parfois l'impression de parler dans le désert. Je ne peux pas vous faire de promesse quelconque, sinon pour dire que nous travaillerons ensemble pour remettre un rapport. Le rapport sera public; vous pourrez l'obtenir par l'intermédiaire de votre député. Une fois qu'il est déposé à la Chambre des communes, c'est un document public. Si vous voulez y jeter un coup d'oeil et savoir quelles sont nos recommandations, vous pouvez probablement en obtenir un exemplaire en vous adressant au bureau de votre député.

Cela dit, s'il y a peut-être un député qui voudrait une minute, nous pouvons la lui accorder.

Madame Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): À titre de député de Vancouver Kingsway, je tiens à vous remercier tous pour vos exposés très intéressants. Certains d'entre vous ont été fort éloquents, certains exprimant leur message avec beaucoup d'émotion mêlée de colère. Nous le comprenons. Je veux seulement vous dire que nous partageons vos inquiétudes, votre douleur et vos souffrances. Ce n'est pas facile pour une nouvelle députée comme moi d'écouter tout cela. Je tiens simplement à vous rassurer.

L'un de vos porte-parole a dit que nous serons peut-être votre conscience. Nous avons un comité très compétent présidé par un homme capable et nous ferons un rapport. Ce rapport sera présenté au Parlement; c'est ce que nous allons faire.

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Gary Lunn): M. Stoffer voudrait dire un mot avant que nous cédions la parole à M. Scott.

M. Peter Stoffer: Oui, je voudrais faire écho aux propos de ma collègue Sophia Leung. C'est un véritable régal, un honneur et un privilège d'être parmi vous aujourd'hui à titre de titulaire d'une charge publique à la Chambre des communes pour écouter vos points de vue. Je peux vous assurer que l'une des choses les plus frustrantes, pour moi qui ai été élu pour la première fois le 2 juin dernier... Je me suis dit pourquoi ces gens-là souffrent-ils, pas seulement ici mais aussi à Terre-Neuve? Nous avons vu les chéquiers et les soldes bancaires de certaines personnes. C'est épouvantable de voir une ville qui compte 300 étudiants à l'école et trois ans plus tard, il n'y a plus que 100 élèves dans cette école. Les gens quittent leur maison, ils s'en vont tout simplement.

J'ai déjà vécu à Watson Lake, au Yukon et je fréquentais le restaurant Smile dans les années 80. Prince Rupert était une belle ville, une ville en plein essor. Hier soir, je suis allé me promener et j'ai vu que cette ville commence à tomber en ruine. Je me suis demandé pourquoi, pendant tant d'années, vous vous êtes dépensés en vain sans malheureusement atteindre vos objectifs. Pourquoi? Je suis résolument déterminé à le découvrir. C'est pourquoi je suis le seul, comme mes collègues du comité le savent, à réclamer publiquement que le gouvernement déclenche une enquête judiciaire sur les pratiques et les politiques du MPO. Je crois sincèrement...

Des témoins: Bravo!

M. Peter Stoffer: Nous avons entendu tellement de témoignages encore une fois aujourd'hui, des témoignages qui font écho à ceux des gens de Terre-Neuve et du Nouveau-Brunswick et d'autres régions aussi, au sujet de ce qui est arrivé aux gens, des gens qui ont été oubliés par les gouvernements en place, avec toutes les conséquences que cela comporte.

• 1945

Je voulais simplement vous remercier tous du fond du coeur. J'ai beaucoup d'autres questions à poser, mais je le ferai en privé après la séance.

Merci encore d'être venus aujourd'hui et de nous avoir fait part de vos points de vue. Je partage tout à fait le sentiment de M. Lunn, quand il a dit que nous laissons la politique derrière nous à Ottawa. C'est un véritable plaisir que de travailler avec ce comité pour trouver des solutions qui vous aideront de façon durable.

Merci.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, Peter.

Je cède maintenant la parole à M. Scott qui aura le dernier mot de la journée.

M. Mike Scott: Merci beaucoup, monsieur le vice-président.

Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.

Je fais partie de ce comité depuis quatre ans. Juste après les dernières élections, mes fonctions ont changé. Je suis maintenant membre associé du comité, mais je continue bien sûr à m'intéresser de très près aux travaux du comité. Je peux vous dire que j'ai assez confiance en la nature non partisane de ce comité, surtout que j'en connais plusieurs membres, dont le président. Je connais maintenant le président depuis quatre ans. Je sais que M. Baker ne craint pas de mettre en évidence les lacunes de son propre gouvernement de temps à autre quand il le juge nécessaire et je lui en suis reconnaissant. Je sais que d'autres membres du comité ont également adopté la même attitude.

J'espère sincèrement que cet exercice n'a pas été une perte de temps. Je suis votre député et à ce titre, j'ai reçu des lettres et des coups de téléphone, j'ai rencontré bon nombre d'entre vous au cours des quatre dernières années et je suis tout aussi frustré que vous pouvez l'être au sujet de certaines politiques du MPO qui ont été des échecs et au sujet du fait qu'il y a un accord général... Nous ne sommes peut-être pas d'accord sur tout, mais je pense que ce que vous avez entendu aujourd'hui, ce que le comité a entendu, c'est qu'on est généralement d'accord, par exemple, pour ne pas réduire le financement accordé aux frayères, contrairement à ce qu'on a fait ici en Colombie-Britannique depuis trois ans, car il faut en fait rétablir le niveau de financement de ces frayères. Je pense qu'il y consensus là-dessus.

Je pense qu'il y a consensus pour dire que lorsqu'il y a de un à deux millions de saumons sockeyes de remonte de trop dans le bassin de la Skeena, on ne va pas dire aux pêcheurs d'amarrer leur bateau et de laisser tous ces poissons remonter la rivière pour aller détruire les frayères. On ne fait pas pareille chose. Je pense qu'on est tous d'accord là-dessus.

Il semble y avoir cinq ou six points fondamentaux sur lesquels nous sommes tous d'accord. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi nous ne passons tout simplement pas à l'action; cela me dépasse. J'espère que le comité va en faire la recommandation.

Jack Rowbotham m'a téléphoné samedi. Il m'a demandé quel était le rôle du comité. J'ai essayé de le lui expliquer. Il a dit essentiellement que c'était un peu la conscience du ministre et j'espère que c'est effectivement le rôle que notre comité va jouer.

J'ai très hâte de lire le rapport du comité. J'ai très hâte d'entendre ce que le comité aura à dire au sujet des activités florissantes de pêche sportive commerciale dans l'île Langara. J'ai hâte d'entendre ce que le comité va recommander au sujet de la remonte de sockeye dans la rivière Skeena, des frayères, et de certaines autres questions, notamment, les permis de secteur et le plan Mifflin et l'opportunité de revenir sur certains aspects du plan Mifflin qui éprouvent durement les localités septentrionales et côtières. Cela dit, je remercie le comité d'être venu ici. C'est regrettable que vous ne pouviez passer plus de temps sur la côte Nord, parce que c'est vraiment une très belle région du Canada et l'un des plus beaux coins de la Colombie-Britannique. Nous vous souhaitons le meilleur succès dans les autres réunions que vous tiendrez plus loin sur la côte.

Nous soupçonnons que vous entendrez des interventions très semblables dans les autres localités côtières. Je vous remercie d'être venus ici et je vous remercie tous d'être venus témoigner devant le comité. Espérons qu'il en ressortira quelque chose de positif.

Merci.

M. Arnie Nagy: Monsieur le président, savez-vous combien de temps il s'écoulera entre la fin de votre tournée et la publication du rapport, pour que nous prenions les arrangements voulus pour l'obtenir le plus vite possible?

Le président: Nous n'avons pas encore d'échéancier précis. Quand nous aurons terminé les dix réunions publiques—en fait, nous essayons d'en tenir onze—, nous retournerons à Ottawa, relirons tous les mémoires qui nous ont été remis, examinerons tout cela, et nous tiendrons des réunions pour en discuter et peut-être convoquerons-nous des représentants du ministère des Pêches et des Océans, peut-être même remettrons-nous des citations à comparaître pour exiger certains renseignements. Qui sait? Le processus pourrait donc prendre deux ou trois mois, mais nous vous tiendrons au courant.

Merci d'être venus. La séance est levée.