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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 28 novembre 1997

• 1000

[Traduction]

Le président (M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.)): La séance est ouverte. Mesdames et messieurs, je m'appelle George Baker et je suis le président du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui.

Je veux donner la parole au député Charles Hubbard, qui a proposé la motion que le comité se déplace et tienne des audiences à Miramichi, dans la province du Nouveau-Brunswick... puisque M. Hubbard est responsable de la motion pour que le comité tienne des séances ici, j'aimerais lui demander d'ouvrir officiellement cette séance.

Monsieur Hubbard.

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, George. Bonjour tout le monde.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue à Miramichi et une bienvenue spéciale à M. Bernier.

[Traduction]

Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui. Nous représentons tous les partis politiques de la Chambre des communes. J'ai mentionné M. Bernier parce qu'il reçoit un accueil tout spécial. M. Bernier est de la belle province de Québec et représente le Bloc québécois.

Nous n'avons pas demandé de passeport vert ce matin, Yvan, mais bienvenue à Miramichi.

Nous étions dans sa circonscription des Îles-de-la-Madeleine hier. En fait,

[Français]

nous avons voyagé

[Traduction]

partout à Terre-Neuve. Nous avons parcouru la Côte-Nord du Québec, d'où Yvan est originaire, jusqu'aux Îles-de-la-Madeleine, et aujourd'hui, naturellement, après la tempête d'hier soir, nous nous retrouvons ici. Au nom de tous les gens et de tous les pêcheurs de Miramichi, nous voulons vous dire que nous sommes très heureux que le comité ait pu se rendre ici.

M. Godin, du Nouveau Parti démocratique, s'est joint au comité. M. Stoffer était avec nous jusqu'à hier.

Nous sommes certainement heureux, Yvon, pour ce qui est de la péninsule, que vous ayez pu vous joindre à nous, car vous représentez un très grand nombre de pêcheurs.

Nous espérons pouvoir entendre vos points de vue aujourd'hui. Nous avons un ordre du jour établi. Différents groupes comparaîtront devant le comité pour nous présenter leur point de vue. D'après mon expérience à Terre-Neuve, particulièrement sur la côte sud de Terre-Neuve, notre président, comme toujours, a invité tous les groupes à rester aussi longtemps qu'ils le souhaitaient. En fait, à Terre-Neuve, à un moment donné nous nous demandions si la soirée se terminerait. Nous avons travaillé presque jusqu'à une heure du matin. Mais je peux vous assurer, après que les différents groupes auront fait leur exposé, que nous donnerons l'occasion aux gens présents dans la salle de se joindre à notre table ronde et à exprimer leur point de vue.

[Français]

C'est très important

[Traduction]

pour nous tous ici sur la péninsule et dans cette région de Miramichi de pouvoir s'exprimer devant notre comité. Comme George l'a mentionné à de nombreux endroits, le comité présentera un rapport non pas devant un parti, mais plutôt devant la Chambre des communes.

Lorsque nous étions à Terre-Neuve et ailleurs dans d'autres régions—nous serons en Nouvelle-Écosse demain—on nous a fait part de très graves préoccupations. Naturellement, nous espérons que le rapport que nous présenterons reflétera ce que nous entendons. Nous ne sommes pas ici pour parler. Nous sommes ici pour écouter. Notre bon ami Alan rédigera un rapport avec lequel nous espérons être tous d'accord, tous les cinq partis. Nous présenterons ce rapport à la Chambre en espérant que la Chambre des communes et ses 301 députés pourront ainsi entendre ce que les gens de la région de l'Atlantique ont à dire au sujet des pêches.

Bienvenue, George. Ce sera une bonne journée. Les habitants de Neguac sont toujours du bon monde—comme tous les autres le long de la côte, Yvon. Nous savons que vous serez très bien reçus, et je suis certain que vous aurez une bonne impression de ce que représentent nos divers groupes.

Le président: Mesdames et messieurs, comme Charles l'a dit, nous avons avec nous aujourd'hui les gens qui rédigent la politique pour chacun des partis politiques représentés à la Chambre des communes, et cela est très important. Nous avons le porte-parole officiel du Parti réformiste du Canada, et le porte-parole associé, qui rédige la politique sur les pêches pour le Parti réformiste du Canada, l'Opposition officielle.

Nous avons le porte-parole officiel pour les pêches du Parti progressiste-conservateur du Canada. Personne d'autre que la personne présente ici aujourd'hui rédige la politique pour le Parti progressiste-conservateur du Canada.

Nous avons également deux personnes qui rédigent la politique pour le Nouveau Parti démocratique du Canada.

• 1005

Nous avons la personne responsable de la politique pour le Bloc québécois, pour leur parti, ici aujourd'hui avec nous également.

Pour le Parti libéral du Canada, nous avons le secrétaire parlementaire, le ministre en second pour le ministère, ainsi que d'autres députés libéraux.

Donc, le groupe de personnes que nous avons ici aujourd'hui est un groupe de gens très importants. Si vous faites rapport à la Chambre des communes, ce que nous ferons, pour dire ce qui ne va pas dans le secteur des pêches, ce qui ne va pas au ministère des Pêches et des Océans en ce qui concerne les pêcheurs et les travailleurs des usines de transformation du poisson, il serait très difficile pour le gouvernement du Canada de ne pas tenir compte des recommandations de tous les partis politiques de la Chambre des communes. Je prends la peine de le souligner parce qu'il est très important que vous compreniez que nous ferons rapport au Parlement sur ce que nous aurons entendu au cours de ces séances, comme celle que nous tenons ici aujourd'hui.

J'aimerais vous présenter les députés, tout d'abord: Bill Matthews est le porte-parole du Parti progressiste-conservateur du Canada et député de Terre-Neuve; Gary Lunn est le porte-parole associé pour le Parti réformiste du Canada et est de la Colombie-Britannique; John Duncan est le principal porte-parole du Parti réformiste du Canada, l'Opposition officielle, et il est de la Colombie-Britannique. Naturellement, vous connaissez tous Yvon Godin. Yvon et Peter Stoffer, un député de la Nouvelle-Écosse, rédigent la politique sur les pêches pour le Nouveau Parti démocratique du Canada.

Nous avons également la députée Nancy Karetak-Lindell, qui est des Territoires du Nord-Ouest; le député Wayne Easter, de la province de l'Île-du-Prince-Édouard, qui est, comme vous le savez, le secrétaire parlementaire, le ministre en second des Pêches et des Océans; le député Charles Hubbard, qui représente le Parti libéral et qui rédige la politique sur les pêches, qui représente cette province et grâce à qui notre comité est ici aujourd'hui; et le député Yvan Bernier, qui rédige la politique pour le Bloc québécois à la Chambre des communes.

Mesdames et messieurs, comme je l'ai mentionné, nous faisons rapport au Parlement; nous ne faisons pas rapport au gouvernement du Canada. Nous n'avons donc pas de parti pris en ce qui concerne la politique. Ce que nous dirons dans notre rapport reflétera ce que nous aurons appris lors de ces séances sur ce qui ne va pas au ministère des Pêches et des Océans en ce qui a trait à la politique affectant les pêcheurs et les travailleurs des usines de transformation du poisson, et parce que la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique est à la veille de prendre fin nous examinons également ce programme pour faire une recommandation à cet égard.

Notre façon de procéder ici aujourd'hui est très simple. Nous avons certains témoins devant nous, et nous allons nous assurer que tout le monde aura son mot à dire et se verra allouer le même temps de parole. Une fois que tous les témoins auront été entendus, nous ferons une pause pour déjeuner d'environ une heure. Cela pourrait se faire vers les 14 heures, car nous avons une heure de retard. Nous passerons ensuite à la séance de l'après-midi.

Comme je l'ai dit, chaque groupe aura le même temps de parole. La motion de M. Hubbard précise qu'il s'agit d'une séance d'une journée pour s'assurer que si nous avons du retard, nous avons du retard. En d'autres termes, après les exposés officiels, si quelqu'un dans la salle veut prendre la parole, on lui donnera l'occasion de le faire. Il suffit de vous approcher du micro et de dire ce que vous avez à dire. Nous pensons que c'est une bonne façon de procéder.

Comme Charles l'a dit, nous sommes ici pour écouter. C'est notre premier rôle. Nous ne sommes pas ici pour parler; nous sommes ici pour écouter, car nous voulons écouter et apprendre pour être bien certains que ce que nous dirons dans notre rapport reflétera bien la réalité, d'après ce que nous aurons entendu. Cela est très important. Si nous ne l'entendons pas, nous ne pourrons pas le comprendre.

Il est donc très important que certains des pêcheurs ici présents—et je vois qu'il y en a quelques-uns—ne quittent pas la salle en regrettant de ne pas avoir dit certaines choses. Si l'on veut parler, il faut le faire aujourd'hui.

• 1010

Nous allons entendre nos premiers témoins, de l'Union des pêcheurs des Maritimes. M. Belliveau pourrait peut-être nous présenter ceux qui l'accompagnent aujourd'hui.

M. Michael Belliveau (secrétaire général, Union des pêcheurs des Maritimes): En fait, c'est M. Frank McLaughlin qui est notre président; je vais donc lui céder la parole.

[Français]

M. Frank McLaughlin (président, Union des pêcheurs des Maritimes): Mesdames et messieurs, nous représentons l'Union des pêcheurs des Maritimes. J'aimerais vous souhaiter la bienvenue dans la péninsule acadienne, et plus particulièrement à Neguac.

[Traduction]

Je vais d'abord vous présenter ceux qui m'accompagnent. M. Zoël Breau est de New York; il est le secrétaire-trésorier de l'union. M. Mike Belliveau est le secrétaire général, et M. Reg Comeau est le coordonnateur pour le Nouveau-Brunswick; enfin M. Ron Cormier est le deuxième vice-président pour le Nouveau-Brunswick.

Combien de temps avons-nous? Une heure? Je vais céder le micro à Mike, et il tentera de vous lire notre mémoire.

M. Michael Belliveau: Nous n'avons pas eu l'occasion de faire traduire notre texte. Nous savions que vous aviez des interprètes ici même, et nous allons donc en profiter. Nous lirons donc le document en anglais, mais dans les échanges qui suivront nous pourrons répondre dans la langue de votre choix.

Nous sommes persuadés que c'est la première fois que le Comité permanent des pêches et des océans se réunit dans la région de Neguac. D'entrée de jeu nous aimerions donc vous dire que vous vous trouvez dans l'une des zones de pêche les plus abondantes de tout le pays. Si nous avons eu suffisamment de confiance et d'audace pour affirmer ce qui suit, c'est avant tout parce que la nature nous a généreusement donné un écosystème océanique remarquablement riche dans le sud du golfe du Saint-Laurent. En tant que syndicat, nous tenons à ce que le plus grand nombre possible d'habitants des centaines de collectivités côtières du sud du golfe profitent légitimement de ces ressources.

L'Union des pêcheurs des Maritimes regroupe un grand nombre de pêcheurs côtiers des provinces Maritimes. Notre organisme est vaste à bien des égards. Il compte des membres dans 150 collectivités de pêche de trois provinces, il est enraciné chez les pêcheurs tant francophones que'anglophones et il est représenté dans la région du golfe et dans celle de Scotia-Fundy. On trouve aussi nos membres dans presque toutes les pêches commerciales des Maritimes, qu'il s'agisse de celles du homard ou du hareng, du maquereau, de l'éperlan, du gaspareau, du thon, des pétoncles, du crabe commun, du crabe des neiges, des huîtres, de la morue, de la goberge, de l'aiglefin, du brochet maillé, de la sole ou d'autres encore.

Nos membres travaillent dans des pêches assujetties à des quotas, dans des pêches collectives, dans des pêches à activité contrôlée et dans celles à agrès fixes et mobiles. Toutefois, le seul critère d'admission imposé à un homme ou à une femme qui souhaite joindre les rangs de notre union est d'être un pêcheur côtier, et non pas d'utiliser tel genre d'agrès ou d'avoir d'autres caractéristiques.

Au sein des pêches côtières, on peut donc dire que nous sommes un organisme généraliste, ce qui nous distingue de ceux qui se consacrent à une seule espèce, à un seul agrès, à un seul quai, ou à un seul intérêt. De par notre nature, nous nous penchons sur les intérêts de tous les pêcheurs côtiers, et à cet égard nous estimons que le bien commun ne peut se confondre avec un intérêt particulier.

L'ampleur et la variété de notre base nous rendent très sensibles et vulnérables à ce mouvement de privatisation des pêches que semble suivre le gouvernement national, et je pense d'ailleurs que d'autres vous l'ont aussi affirmé. Cela nous met en opposition au ministère des Pêches et des Océans, car le ministère considère de plus en plus son rôle de gestionnaire des pêches comme menant à des partenariats avec des intérêts particuliers ou des flottes spécialisées. Cela exerce également d'énormes pressions sur un organisme aussi vaste que le nôtre, car c'est à nous qu'on cède le souci du bien commun et la responsabilité d'en assumer les conséquences.

La plupart de nos remarques porteront sur la région du sud du golfe du Saint-Laurent, mais sachez que nos membres du Cap-Breton, de Meteghan, de Clarks Harbour et d'ailleurs partagent tous les préoccupations que nous exprimons ici.

• 1015

En cette période de transition dans les pêches, les organismes généralistes comme le nôtre sont coincés par ce qu'on peut appeler «les ambiguïtés de la cogestion». D'une part, les pêcheurs aiment bien l'idée d'avoir davantage voix au chapitre et d'exercer davantage de contrôle. D'autre part, le ministère des Pêches et des Océans et le Conseil du Trésor, par le truchement de ces beaux projets de cogestion et de partenariats, favorisent en fait une privatisation tout à fait contestable.

Les aspirations des pêcheurs à un plus grand droit de regard sur ce qui se passe dans les pêches sont tout à fait légitimes, mais elles s'inscrivent dans une puissante dynamique contrôlée par le Conseil du Trésor, qui, lui, semble vouloir se défaire des pêches à son avantage.

Nous reviendrons sur cette question de la cogestion, mais auparavant nous aimerions dire quelques mots sur les prononcés scientifiques du ministère des Pêches et des Océans, car je sais que cela est un de vos sujets de préoccupation.

Le débat entourant le rôle des sciences par rapport à l'effondrement des stocks de poisson de fond, entretenu principalement par les médias, est dans une grande mesure un faux débat à notre avis. Nous reconnaissons que les scientifiques du ministère et ceux de l'extérieur ont fait ressortir des vérités très importantes sur les causes de cette disparition du poisson de fond, et nous admettons aussi que les hauts fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans ont bel et bien essayé de sauver les apparences.

Tout cela est vrai, mais importe peu aux yeux des pêcheurs côtiers, qui vous crient sur les toits depuis au moins le début des années 80 que la ressource était trop vulnérable pour soutenir encore longtemps la pêche massive dont elle faisait l'objet de la part des chalutiers canadiens depuis l'adoption de la limite de 200 milles.

En effet, à notre avis les efforts des scientifiques du ministère ont été contrôlés par les efforts concertés des grands de l'industrie canadienne de la pêche depuis 1977.

Il est tout à fait ridicule de s'en prendre aux scientifiques. Ces derniers n'avaient pas la moindre chance dans un climat dominé par de riches intérêts et par la classe politique, qui ont toujours représenté les puissants. Cela dit, ne vous méprenez pas ici; nous ne parlons pas que d'une ou deux grandes compagnies, comme la National Sea et la FPI. Soyons réalistes: la destruction des stocks de morue est aussi le fait des simples pêcheurs côtiers ou semi-côtiers. Nous le savons très bien, tout comme d'ailleurs l'union elle-même. Une petite entreprise de pêche et même le pêcheur individuel sont très efficaces, et sont d'ailleurs encouragés par des subventions provinciales, après quoi ils ont besoin de plus de poissons à pêcher.

• 1020

Pendant les années 80, nous avons observé les intérêts Cadegan à l'oeuvre dans la zone 4Vn, des compagnies comme la DB Kenney au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse et dans la péninsule de l'Acadie, et des pêcheurs mobiles qui investissaient et se spécialisaient. On pouvait noter des tendances semblables partout, comme à Chéticamp ou à Souris. Ici je laisse tomber Terre-Neuve, car vous vous rendrez compte vous-mêmes de la situation qui prévaut là-bas.

On achète donc des machines qui établissent des antécédents en matière de prises. Ensuite on établit des quotas individuels, ainsi que c'était le cas à Port-au-Choix, à Terre-Neuve, où pour la première fois une flotte est passée à un système de quotas individuels. C'est à ce moment-là que les pêcheurs mobiles de la péninsule de l'Acadie ont eux aussi adopté ce système en 1988, puis ceux du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse en 1989. Ensuite il y a eu les pêcheurs utilisant des navires de moins de 45 pieds à Chéticamp et dans d'autres endroits du golfe en 1991.

Dans bien des cas, les pêcheurs ayant adopté ces quotas individuels rompaient avec leur organisme traditionnel, puis créaient leurs propres associations à intérêt particulier pour exercer des pressions relatives aux quotas et aux titres de propriété. Nous le savons fort bien, tout comme l'union. En raison de ces systèmes de prises autorisées à une entreprise et de quotas individuels transférables, ces flottes ont réclamé le droit de pêcher la plupart des poissons de fond du sud du golfe du Saint-Laurent, et, à notre avis, c'est ce qui a signé leur arrêt de mort.

La politique officielle du ministère des Pêches et des Océans appuie le statu quo pour ce qui est des prises autorisées en matière de poisson de fond. Nous comprenons qu'un pêcheur ou une compagnie veuille tenir mordicus à sa part de la ressource, même lorsqu'il n'y a pas de pêches, mais nous ne comprenons pas que le ministère et les provinces n'aient rien exigé en retour de ces subventions accordées aux flottes mobiles, de tous ces paiements d'intérêt étalés, de toutes ces prises autorisées de crabe et de crevette et de tous ces projets expérimentaux si coûteux, et le reste. On peut comprendre qu'on fasse cela, mais pourquoi n'a-t-on rien exigé en retour? Cela nous ne le saisissons pas.

Il y a quatre ans, nous avons recommandé que le gouvernement participe à des rachats plutôt qu'à des achats des quotas détenus par les entreprises et les pêcheurs. Pourquoi ne pas les remettre dans le réservoir commun des autorisations? Cela permettrait d'envisager l'avenir des autorisations de prises de façon globale et la gestion à venir des pêches. Or cela ne s'est jamais matérialisé. Vous savez sans doute que le programme de rachat dans les provinces Maritimes a fait très peu d'adeptes. Il s'est soldé par un premier échec, puis a été tout à fait sous-financé. Dans le golfe, on a commencé par lui accorder 30 millions de dollars, et pour l'ensemble du programme on n'a dépensé que 3 millions de dollars.

Il faut que les membres du comité sachent qu'il y a déjà un exemple de renversement de la vapeur en matière d'attribution des contingents dans le sud du golfe. Après que l'importante flotte de pêche au hareng avec conteneurs eut presque décimé les stocks de hareng de la zone 4T en 1980, le pourcentage des prises avait été réduit, passant de 80 p. 100 à 20 p. 100. Le reste avait été attribué aux pêcheurs côtiers à agrès fixes. Pendant les années 80 la ressource a donc continué à se renouveler, et jusqu'à ce jour elle demeure à des niveaux relativement sains.

Par contraste, évoquons les tentatives de renouveler les stocks de morue pendant la même décennie. Ces efforts se sont vus contrariés en raison d'un modèle de gestion tout à fait différent. La morue avait bel et bien commencé à réapparaître en plus grand nombre, mais nous savons ce quÂil en est maintenant. Notre préoccupation au sujet de la gestion actuelle et future des pêches va donc bien au-delà de la catégorie du poisson du fond.

• 1025

Les pêcheurs côtiers du sud du golfe ont élaboré l'un des régimes d'octroi de permis les plus efficaces et les plus stables au pays. Nous l'appelons le système fondé sur la bonne foi. Il se fonde avant tout sur le fait qu'un pêcheur de carrière et travailleur cumule un certain nombre de permis qui lui permettront de pêcher diverses espèces selon le moment de l'année de pêche. Nous appelons cela la stratégie de pêche multi-espèces et à multi-objectifs.

Pour que cela donne de bons résultats, il faut que nous ayons accès à toutes les espèces vivant dans les fonds marins côtiers, y compris le crabe des neiges, la morue, le maquereau, le hareng, le homard, etc.

Pour ce qui est du crabe des neiges de la zone 12, il est dispersé entre les zones côtières et semi-hauturières du sud du golfe, bien qu'on en trouve un peu dans quelques petites zones côtières distinctes du Cap-Breton. Or, jusqu'en 1995, notre flotte authentique du Nouveau-Brunswick ne s'est pas vu attribuer une seule livre de crabe. Le quota revenait exclusivement à la flotte spécialiste semi-hauturière de 130 détenteurs de permis du sud du golfe, dont 81 mouillaient au Nouveau-Brunswick,

En 1995, on a donné à notre union la responsabilité de gérer 2000 tonnes de crabe des neiges au nom de la flotte authentique du Nouveau-Brunswick. C'était une percée importante en matière d'attribution des contingents, mais depuis lors, en raison des pressions très fortes exercées par les intérêts du crabe, le ministère a reculé constamment. En 1997, nos quotas ont été réduits sensiblement, pour s'établir à 800 tonnes. En outre, malgré le fait que les attributions totales depuis 1995 ont été abaissées de 20 p. 100 seulement, les nôtres l'ont été de 60 p. 100 depuis la même date.

Cette histoire est loin d'être terminée. Le ministère des Pêches et des Océans a conçu ce qu'on appelle parfois un arrangement de partenariat, soit un plan de gestion intégrée des pêches, soit encore un plan conjoint avec les intérêts crabiers. Quels que soient les termes utilisés, cela garantit à ces derniers des prises débarquées brutes de 500 000 $ par permis avant même qu'on attribue quoi que ce soit aux pêcheurs côtiers.

Au cas où vous ne seriez pas au courant, selon des professionnels des finances fiables cette flotte à l'oeuvre dans la péninsule acadienne vaut à elle seule peut-être quelque 500 millions de dollars.

C'est tout simplement scandaleux à nos yeux. Cela se fonde tout simplement sur une analyse des seuils et sur des définitions très arbitraires de la fiabilité des espèces.

Le ministère avance vraiment sur un terrain très dangereux lorsqu'il signe ce genre d'entente avec une poignée de titulaires de permis qui valent déjà 60 fois plus que le Canadien moyen. De plus, il leur promet 500 000 $ en prises débarquées brutes, quand le reste des véritables pêcheurs professionnels se voient refuser un accès permanent à cette ressource.

Or cette ressource se trouve dans leur zone de pêche. Elle est tout aussi facile à pêcher et de façon tout aussi économique par des navires côtiers.

Il ne s'agit pas là d'une question liée à la protection de l'espèce; il s'agit tout simplement d'une capitulation face à certains intérêts. Le même ministère qui signe ce genre d'entente ne fait rien d'autre que d'imposer encore davantage de droits aux pêcheurs côtiers pour le recouvrement de ses coûts.

À l'heure actuelle, certains pêcheurs de notre flotte authentique font face à la faillite en raison des chutes locales des prises de homard et de l'effondrement du prix des oeufs de hareng, sans mentionner le dépérissement prolongé des stocks de morue.

Nous ne pouvons nous résigner au caractère inévitable de ces faillites lorsque nous voyons les politiques du ministère des Pêches et des Océans et ses agissements.

Nos pêcheurs estiment payer entre 3000 $ et 10 000 $, et même dans certaines zones ils doivent assumer de nouveaux coûts encore plus élevés, et ce, depuis les trois ans que durent ces programmes de recouvrement des coûts. Ces sommes doivent couvrir les frais d'octroi des permis, la surveillance au mouillage, les observateurs, les coûts liés aux observations scientifiques, les coûts aux quais, et même la multiplication par trois des cotisations de l'assurance-emploi.

Ce n'est qu'un aspect de la question. Comment pouvons-nous accepter que le petit exploitant fasse faillite lorsqu'on fixe de tels seuils pour une seule flottille?

• 1030

Selon nous, le MPO n'a ni le droit ni le pouvoir moral de décider qui part et qui reste. C'est pourtant exactement ce qu'il semble faire dans son désir de privatisation. C'est dans cette optique qu'on demande aux organismes comme le nôtre de gérer la ressource de façon responsable. C'est pour cela que la cogestion nous semble pour le moins ambiguë.

Nous ne pouvons pas accepter la proposition relative au crabe des neiges. Cette proposition n'est fondée ni sur l'éthique ni sur des facteurs économiques. Nous ne pouvons accepter que notre accès au crabe des neiges soit relié au taux de change du yen japonais, à la reprise du crabe de l'Alaska ou à d'autres considérations reliées au marché international.

En fixant un seuil de viabilité de 500 000 $ pour une pêche qui dure cinq semaines, le MPO ne songe pas au bien des pêcheurs en général. Il vise manifestement la privatisation de l'industrie dans l'intérêt de groupes particuliers.

Les hauts gestionnaires à Ottawa nous donnent l'entente de partenariat comme modèle. Ils veulent une nouvelle loi sur les pêches pour que de telles ententes soient reconnues aux yeux de la loi à l'avenir. Un tel modèle plaît bien au Conseil du Trésor, j'en suis certain, parce qu'il ne songe qu'aux gains produits par les droits pour les permis, les transferts de données scientifiques et les coûts d'application de la loi.

C'est sur cette toile de fond qu'on nous parle d'ententes de partenariat. D'après nous, cela signifie simplement que le gouvernement fédéral veut conférer la propriété de la plus grande partie, sinon de la totalité, du crabe du sud du golfe à une poignée de propriétaires pour gagner quelques droits et réaliser quelques économies. Nous exhortons votre comité à examiner sérieusement les conséquences de cet accord.

Essentiellement, nous voulons une part permanente des ressources de la zone 12 pour les pêcheurs côtiers, et, pour les 1400 pêcheurs véritables du Nouveau-Brunswick, nous réclamons comme strict minimum le rétablissement de la part que nous avions en 1995. Je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails, mais ce programme avait eu énormément de succès et favorisait toutes les localités de la côte est du Nouveau-Brunswick.

Nous avons géré nos ressources jusqu'ici en les divisant entre le plus grand nombre de pêcheurs possible. Chaque année, nous avions un tirage qui donnait à un groupe 120 à 240 pêcheurs 11 000 livres chacun. Jusqu'ici, environ 500 bateaux de pêche—et cela représente beaucoup plus de 500 pêcheurs si l'on comprend l'équipage—ont été autorisés à prendre du crabe des neiges. Leur nom ne peut pas être tiré de nouveau tant que tous les pêcheurs véritables de l'est du Nouveau-Brunswick n'auront pas eu leur tour.

Cela veut dire que nous utilisons notre petit quota de crabe de façon à profiter à tous les pêcheurs côtiers au lieu que ce soit une poignée de pêcheurs privilégiés qui en profitent. Nous pouvons prouver que même un quota aussi faible a eu des conséquences positives partout pour l'économie des localités de la côte Est.

Nous n'avons pas le temps d'examiner d'autres exemples du programme de privatisation et de recouvrement des coûts du MPO. Cela a causé de la dévastation dans les localités de pêche au poisson de fond du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. La privatisation de 20 permis de pêche à la crevette sur la plate-forme Scotian est passée presque inaperçue et n'a certainement pas fait l'objet d'un examen approfondi.

Il y a plusieurs autres exemples d'accords de gestion à l'état de projet. Nous avons entendu hier à la réunion des pêcheurs de poisson de fond que les propriétaires de navires hauturiers sont en train de négocier avec le MPO pour conclure leur propre entente spéciale de projet conjoint. Tout cela fait partie de cette initiative de cogestion et de partenariats. Ils devraient peut-être conclure une telle entente, mais celle-ci devrait faire l'objet d'un examen public, et le MPO ne procède pas d'habitude de cette façon. Ordinairement, les accords sont examinés une fois qu'ils sont conclus.

Nous n'avons pas le temps d'en parler aujourd'hui, mais le MPO est en train de mettre au point un programme de privatisation très ambitieux de concert avec les administrations de quais et de ports. Certains aspects de ce programme sont attrayants et plaisaient beaucoup aux pêcheurs côtiers au départ. Par la suite, cependant, les programmes de ce genre deviennent un fardeau. Ils deviennent un nouveau coût pour les pêcheurs côtiers. On ne sait pas encore très bien quels quais seront conservés et desquels on se débarrassera et quel système de gestion fonctionnera sur un quai ou sur un autre. C'est peut-être une chose que nous pourrions examiner pendant la période des questions.

• 1035

Pour l'instant, nous devons nous concentrer sur la pêche au homard. Il y a 10 000 pêcheurs côtiers dans le sud du golfe. Le homard est l'espèce la plus importante pour le programme de pêche de plusieurs espèces. C'est le secteur où le régime de gestion est le plus stable. Il faut noter que c'est une pêche sans quotas. Parmi tous les secteurs de la pêche de l'Atlantique, c'est celui où l'on continue de pouvoir avoir de bonnes prises.

C'est le secteur de pêche le plus important des provinces Maritimes. Pourtant, le MPO dépense dans ce secteur pour la recherche et la gestion seulement une fraction de ce qu'il dépense pour le secteur dévasté de la pêche au poisson de fond. Selon nous, cela doit changer.

Malgré sa stabilité relative, l'industrie de la pêche au homard a des défis à relever. L'un des plus importants est relié à la supposée pêche de subsistance des Autochtones. Nous disons «supposée» parce qu'il n'y a pas un pêcheur de homard de la côte est qui pense que les Autochtones pêchent uniquement pour leur subsistance. Les Autochtones eux-mêmes ne le prétendent pas. Ils pêchent pour réaliser des gains commerciaux sans permis commerciaux et à l'extérieur de la pêche au homard commerciale.

D'après les chiffres du MPO lui-même, les pêcheurs de la petite localité de Burnt Church, très près d'ici, ont pris quelque chose comme 400 000 livres de homard en dehors de la saison de pêche, sans entente de pêche et sans entente communautaire autochtone non plus. C'est l'équivalent de 40 nouveaux permis de pêche au homard ici même, où nous avons 100 pêcheurs commerciaux. Je ne sais pas ce que cela représente comme pourcentage d'augmentation de l'activité de pêche.

La situation a poussé des pêcheurs de Neguac à pêcher dans la zone d'autres pêcheurs côtiers. Cela met sérieusement à l'épreuve le meilleur des systèmes de gestion du MPO. Cela nuit aussi aux relations communautaires, et pas seulement dans cette région-ci. C'est la même chose à Big Cove, un peu plus loin dans la région de Richiboucto.

Cela cause des problèmes à tout le monde. La situation doit être réglée. Chaque fois que nous parlons à un nouveau comité ou à un nouveau ministre, nous essayons d'obtenir satisfaction.

Nous voulons que les Autochtones continuent à pêcher, mais nous voulons qu'ils fassent partie de la pêche commerciale. S'il faut pour cela instaurer un programme de rachat pour les permis de pêche au homard, on devrait le faire pour garder la paix sociale et pour des raisons historiques. On ne doit pas laisser les choses s'envenimer. C'est une situation sur laquelle vous devriez vous pencher de plus près.

Ce n'est certes pas le seul problème relié à la pêche au homard. Le fait est que nous devons nous préparer à une situation de plus en plus difficile dans ce secteur. Le homard pourrait être tellement important que nous avons du mal à croire que le MPO ne veuille pas instaurer la meilleure mesure de conservation qui soit, c'est-à-dire augmenter la taille minimum des prises. Pourtant, c'est ce que réclament environ les trois quarts de tous les pêcheurs véritables et détenteurs de permis de pêche au homard du sud du golfe du Saint-Laurent depuis au moins la fin des années 80. Un nouveau régime avait été instauré en 1990, mais on l'a annulé après l'arrivée d'un nouveau ministre.

Il y a un groupe sur la côte nord de l'Île-du-Prince-Édouard que M. Easter connaît très bien. Pour ce groupe, la taille minimum est encore de 2 pouces et demi alors que, dans bien d'autres régions, elle est de 2 pouces et trois quarts. Ailleurs, c'est quelque chose entre les deux.

Il est absolument essentiel de trouver un moyen d'harmoniser la taille minimale pour le homard dans le sud du golfe du Saint-Laurent. Le homard voyage. Les zones d'alimentation sont les mêmes pour tout le homard. Le homard arrive ensuite sur le même marché. On devrait harmoniser la taille minimale. Selon nous, on doit relever la taille minimale à au moins 2 pouces et demi pour la protection à long terme de cette ressource tellement productive.

• 1040

Étant donné qu'on prêche tellement la conservation, nous trouvons incroyable que nos représentants politiques ne fassent rien à ce sujet alors que cette mesure pourtant très simple protégerait la principale ressource de pêche du sud du golfe. Cette fois-ci, nous ne parlons pas à tort et à travers. Je ne pense pas que le problème soit dû au MPO. À mon avis, c'est un problème politique. Le problème est devenu presque aussi insoluble que la question constitutionnelle. Que personne ne nous prêche la conservation si l'on ne peut pas faire quelque chose à ce sujet.

Nous allons devoir nous arrêter sans avoir parlé de bien d'autres questions sur lesquelles vous devrez vous pencher. Nous n'avons pas parlé suffisamment des mesures de recouvrement des coûts qui imposent tellement de nouveaux fardeaux aux pêcheurs côtiers.

Nous n'avons pas examiné l'important secteur de la pêche au hareng du sud du golfe du Saint-Laurent et nous n'en avons pas non plus dit assez au sujet de la privatisation générale de l'industrie.

Pour terminer, nous voulons que vous sachiez que nous sommes encore furieux que le ministère retire graduellement ses pouvoirs et ses activités de son centre à Moncton pour les transférer à Halifax.

Le ministre des Pêches et des Océans nous a bien dit récemment que le ministère annoncerait peut-être l'annulation de ce programme, mais ce n'est pas encore fait. Le centre de Moncton est insuffisamment financé depuis quelques années. C'est le même genre de problème que celui du sous-financement de la recherche et de la gestion pour la pêche au homard.

Les pouvoirs de gestion du MPO sont en train d'être transférés à Halifax. Nous avons pourtant des hauts fonctionnaires du MPO à Moncton qui sont tout aussi compétents que ceux de Halifax et qui passent la moitié de leur temps à se rendre à Halifax pour obtenir des approbations pour des choses qu'ils connaissent beaucoup mieux que le directeur général à Halifax. C'est un gaspillage de ressources. Cela veut dire qu'on éloigne encore plus la gestion des localités de pêche. Il y a aussi un problème de langue parce que le centre de Halifax ne peut pas fonctionner aussi bien en français que celui de Moncton.

Nous espérons que vous prendrez note de tout cela. Nous voudrions que le ministère cesse d'éroder ainsi les ressources de son centre à Moncton.

Merci de votre patience. J'espère que nous aurons un bon échange de vues.

Le président: Merci, monsieur Belliveau.

D'autres témoins ont-ils quelque chose à ajouter?

Nous allons donc passer aux questions des membres du comité.

Monsieur Duncan.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Merci beaucoup, George.

Mes questions ne sont pas longues, mais j'en ai plusieurs. Vous avez parlé de «pêcheurs véritables». S'agit-il d'une expression du ministère que vous avez reprise à l'UPM, ou est-ce simplement une désignation générale? J'essaye de comprendre la signification de l'expression.

M. Michael Belliveau: Cela correspond à une politique de délivrance des permis élaborée par notre organisme de concert avec d'autres pêcheurs côtiers du sud du golfe du Saint-Laurent. C'est effectivement une désignation précise. Si vous commencez tout juste à vous intéresser aux pêches, vous ne trouverez plus cette expression, parce qu'on parle maintenant de politique de délivrance des permis pour pêcheurs professionnels désignés.

Ceux qui forment ce noyau de pêcheurs professionnels sont encore des pêcheurs véritables, mais on n'utilise plus cette expression. Nous allons continuer à l'utiliser de notre côté parce que nous pensons que c'est un bon système.

• 1045

M. John Duncan: Très bien. Vous avez parlé beaucoup de la pêche au homard et vous avez aussi exprimé certaines inquiétudes au sujet des quotas individuels relativement à la nouvelle Loi sur les pêches. Dans le cas des activités de pêche autochtones qui ne font pas partie de la pêche commerciale, la nouvelle Loi sur les pêches proposée pendant la dernière législature autoriserait aussi le ministre à légitimer cette pêche.

Il y a effectivement des inquiétudes au sujet de la nouvelle Loi sur les pêches. Vous avez parlé uniquement des quotas individuels. À part les quotas, avez-vous d'autres inquiétudes au sujet de la nouvelle loi?

Le président: Monsieur Belliveau, je pense pouvoir vous expliquer ce que M. Duncan veut savoir. Vous avez dit aux membres du comité que la nouvelle loi favorisait la privatisation, et il veut savoir de quoi vous vouliez parler quand vous avez fait cette affirmation, à part les quotas individuels. Était-ce votre principale objection? Ce que vous avez dit exactement...

M. Michael Belliveau: Oui. J'essaye de voir exactement ce que cela signifie pour la pêche autochtone. C'est ce qui me rend perplexe.

Le président: Non, c'est une question distincte. M. Duncan voulait savoir pourquoi vous avez affirmé que la nouvelle loi favoriserait la privatisation.

M. John Duncan: Par exemple, cette question cause beaucoup d'inquiétude sur la côte Ouest. La stratégie de pêche autochtone a été contestée bien des fois, et elle l'a été parce que le ministère n'a pas vraiment de pouvoir statutaire à cet égard. Tout le monde n'est pas d'accord là-dessus, mais il est bien évident que cette stratégie deviendrait tout à fait légitime selon les modifications proposées à la Loi sur les pêches pendant la dernière législature. Ce que je veux savoir, c'est si vous vous inquiétez uniquement de cette question de partenariat aux termes de la nouvelle Loi sur les pêches.

M. Michael Belliveau: Dans l'ébauche que nous avons vue, cette question était traitée à l'article 17 de la nouvelle Loi sur les pêches. Nous avons effectivement beaucoup d'objections à ce sujet, et c'est effectivement relié au partenariat. Les ententes de partenariat peuvent varier et ne portent pas uniquement sur les quotas. Elles peuvent porter sur n'importe quel secteur de pêche et n'importe quel groupe qui est prêt à conclure une entente avec le gouvernement du Canada.

Une de nos objections à ce système, c'est que nous ne savons pas qui définira qui peut conclure quelle entente avec qui. Nos pires inquiétudes semblent se réaliser. On dirait que, toutes les semaines, nous apprenons qu'un fonctionnaire du MPO est en train de négocier de nouveaux droits avec un groupe de pêcheurs quelconque sans jamais tenir compte des conséquences que cela peut avoir pour les autres pêcheurs et leur accès aux ressources.

M. John Duncan: Vous vous inquiétez donc du fait que nous avons une ressource commune et que le ministre a plein pouvoir de conclure des ententes au sujet de cette ressource avec n'importe qui.

M. Michael Belliveau: C'est ce qu'on dirait.

M. John Duncan: Nous avons donc le même genre d'inquiétude.

L'autre chose que je voudrais dire, c'est que je suis un peu mêlé au sujet de la taille minimale du homard. D'après les discussions que j'ai eues avec d'autres personnes, j'avais l'impression que la taille minimale n'était pas la même partout parce que l'on a des taux de croissance tout à fait différents selon les régions du golfe. Est-ce exact?

M. Michael Belliveau: Le taux de croissance dans la baie de Fundy est différent. Il ne servirait à rien de fixer une taille minimale de moins de 3 1/4 po ou 3 3/16 po parce que le homard ne parvient pas vraiment à maturité dans cette région avant d'atteindre cette taille. Dans le golfe, par ailleurs, on pense que la plupart des homards arrivent à maturité quand ils atteignent une taille de 2 3/4 po, mais pas de 2 1/2 po. Le taux de croissance est plus rapide dans le golfe.

M. John Duncan: Très bien. Merci.

Le président: Merci, monsieur Duncan.

Monsieur Godin.

• 1050

[Français]

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): J'aurais quelques questions et j'aimerais que vous précisiez certains points dont vous avez parlé brièvement dans votre mémoire, notamment la question du bureau de Moncton. Puisque je suis le député d'Acadie—Bathurst, je rencontre beaucoup de pêcheurs; certains viennent de la région de la péninsule acadienne, de la région de Petit-Rocher, de Pointe-Verte et de partout le long de la côte. Certains d'eux me disent qu'il ne devrait pas y avoir des bureaux seulement à Moncton et à Halifax, mais aussi dans la région parce qu'ils sont parfois obligés de perdre des journées de pêche pour aller chercher leurs permis à Moncton. Pourriez-vous nous parler davantage de cette situation et nous dire si elle est véridique et s'il y a un problème dans la région?

• 1055

M. Frank McLaughlin: Il est certain, monsieur Godin, que ce serait encore mieux si nous avions un bureau dans la région, mais pour l'instant, nous nous battons pour essayer au moins de conserver nos acquis dans notre région, à Moncton, ce que nous risquons de perdre. Il est garanti que ce serait plus avantageux, surtout pour les pêcheurs qui auraient à se déplacer moins loin.

M. Yvon Godin: Il y a des pêcheurs qui perdent des journées de travail parce qu'ils doivent se déplacer pour faire changer ou ajuster leurs permis pour la pêche.

M. Frank McLaughlin: Ça dépend la région à laquelle vous faites allusion. Est-ce que vous parlez de Tracadie?

M. Yvon Godin: Oui, La Grande Anse, Caraquet...

M. Frank McLaughlin: Il y en aurait un à chaque...

M. Yvon Godin: Non, on souhaite que dans une région donnée, un pêcheur puisse aller chercher son permis en moins d'une heure plutôt que d'être obligé d'aller à Moncton et de perdre sa journée au complet.

M. Frank McLaughlin: Nos permis en tant que pêcheurs côtiers sont tous émis dans la région de Tracadie.

M. Yvon Godin: Vous autres, c'est à Tracadie?

M. Frank McLaughlin: Oui.

M. Yvon Godin: Certains autres sont obligés de se rendre à Moncton, tandis que vous tous allez à Tracadie?

M. Frank McLaughlin: Oui.

M. Yvon Godin: J'avais l'impression que vous étiez obligés d'aller à Moncton pour renouveler vos permis.

M. Frank McLaughlin: Non, pas nous autres, les pêcheurs côtiers. Peut-être y a-t-il d'autres sortes de permis, mais nous, on doit aller à Tracadie.

M. Yvon Godin: Il y a autre point dont vous n'avez pas parlé dans votre mémoire et j'aimerais que vous en traitiez. C'est le fait qu'il y a des pêcheurs côtiers qui ne pêchent pas tous le homard; certains font la pêche à la morue et au poisson de fond et sont touchés par le programme de la Stratégie du poisson de fond. Je ne crois pas que vous en ayez fait état dans votre mémoire. Encore là, j'entends des pêcheurs me dire qu'ils entrevoient des problèmes avec la fin de la SPA prévue pour 1998. J'aimerais que vous précisiez votre pensée à ce sujet.

M. Frank McLaughlin: Il est certain que, même si cette question préoccupe moins les pêcheurs côtiers, elle nous concerne. Le prochain groupe de témoins qui comparaîtra vous parlera sûrement de ce sujet. La fin de ce programme aura un grand impact sur certains employés d'usine de la péninsule.

M. Yvon Godin: Il y a certains de vos pêcheurs qui sont aussi visés par la SPA?

M. Frank McLaughlin: Oui.

M. Yvon Godin: J'aimerais poser une dernière question sur l'histoire des quais et des répercussions de leur fermeture dont vous avez parlé. J'ai entendu beaucoup de plaintes de la part de pêcheurs qui craignent que si on ferme, par exemple, le quai de Pointe-Verte, les pêcheurs de homard seront obligés d'accoster à Petit-Rocher, bien que leur endroit de pêche soit à Pointe-Verte. Leur journée de pêche serait plus longue et plus dure. Certains croyaient que cela pourrait bien fonctionner, mais en plus de tous les problèmes qu'ils connaissent déjà avec la pêche, ils n'ont pas besoin que retombe en plus sur eux le fardeau de la réparation des quais. Pourriez-vous nous en parler davantage, puisque vous devez avoir beaucoup d'expérience dans ce domaine?

M. Frank McLaughlin: Je suis très heureux que vous ayez soulevé ce point. La fermeture des quais représente déjà un grave problème et, dans l'avenir, cela deviendra un problème encore plus grave.

• 1100

Ce ne sera pas seulement une question de transférer nos opérations d'un quai à l'autre, mais on ne pourra même plus garder nos quais. Il n'y a pas assez d'argent pour réparer les quais; ça s'en va en valdrague, comme dit l'expression acadienne.

On est vraiment inquiets. On n'a pas demandé cela et on nous a forcés à prendre les quais. On a vraiment un problème face à cela pour les deux premières années. Je pourrais sûrement demander à Zoël, qui travaille sur les quais à Neguac, de nous en parler. On nous a fait croire qu'on nous donnerait un peu d'argent pour réparer les quais, mais on s'aperçoit après deux ans que tel n'est pas le cas. C'est un gros problème.

M. Yvon Godin: Une toute dernière question, monsieur le président.

Une autre chose dont on n'a pas parlé, c'est qu'on a maintenant réduit les quotas de hareng et que les prises de homard n'ont pas été tellement bonnes cette année. Afin de nous donner une idée du problème, pourriez-vous comparer le nombre de semaines au cours desquelles travaillait un pêcheur il y a cinq ans et aujourd'hui? Je pense qu'on n'en a pas parlé.

M. Frank McLaughlin: Je crois que Mike en en a parlé un petit peu, mais peut-être pas de façon assez détaillée. Beaucoup de nos pêcheurs font faillite dans le moment. Ici, dans la région de Neguac, les prises de homard qu'ont recueillies les pêcheurs au printemps ne le permettent même plus de garder leur permis. Ils essaient de les vendre et de faire un petit peu d'argent. C'est là qu'on en est rendus aujourd'hui dans notre région. Comme je vous le dis, il n'y a plus rien à pêcher. Il ne faudrait pas que le homard qui vit dans la péninsule vienne à disparaître. Selon les exemples que nous avons, de 1993 à 1996, les quotas originaux ont chuté de façon draconienne. En comparant l'année passée à l'année courante, on constate une baisse de 20 p. 100. C'est un problème pour nos pêcheurs.

Le président: Monsieur Bernier.

M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Je ne voudrais pas déclencher de polémique, mais je voudrais saluer tout d'abord les témoins. J'ai connu plusieurs d'entre vous dans une vie antérieure. Et justement, par rapport à cette vie antérieure, monsieur le président, je vois qu'on n'a pas encore réglé le fameux débat entre les semi-hauturiers et les côtiers, mais ça me semble être beaucoup plus profond que cela par rapport à l'attitude de gestion.

Je ferai un commentaire à la suite duquel j'aimerais avoir une réponse. J'aimerais partager une philosophie de gestion. Lorsque la pêche au crabe a commencé, ou même un peu plus tôt parce que c'est une espèce lucrative qui est visée présentement, mon beau-père, qui a maintenant 72 ans, disait: «Chez nous, on était pauvres; on mangeait des sandwichs au homard à l'école et les riches mangeaient du saucisson de Bologne.» Aujourd'hui, c'est l'inverse. Nous, on n'a plus les moyens de manger du homard.

Il me racontait qu'il y avait un autre de ses chums qui, lui, était malchanceux. Mon beau-père était un bon pêcheur de morue, mais l'autre pêcheur était malchanceux et ne réussissait jamais à garder ses gréments en ordre. Il a fini par pêcher le crabe. Mais le beau-père l'agaçait et lui disait: «Pourrais-tu m'apporter un voyage de ta saloperie pour je que je puisse engraisser mon jardin?» Ce que je veux dire par là, c'est que les espèces qui n'étaient pas intéressantes il y a un certain temps sont devenues intéressantes.

Le mode de gestion par contingent individuel a été réclamé par les gens qui occupaient cette pêche, dont celles à la crevette, à la morue et au crabe. Si on regarde en quelle année les modes de gestion ont été présentés, c'est justement dans les années creuses. Le stock était rendu environ cinq fois plus petit que ce qu'il était, et en même temps le prix avait chuté de cinq fois.

Je me souviens d'avoir rencontré les pêcheurs et je dis merci au petit Jésus de m'avoir donné des épaules assez larges pour me permettre de ne pas me faire casser la gueule quand c'est le temps. Il y en a qui n'étaient pas capables d'accepter de perdre tout leur avoir. Je leur ai alors dit que la seule façon de s'en sortir était de s'unir. Pourquoi en prendrais-tu plus que ton voisin? Vous êtes dans la même mer. À ce moment-là, ils ont accepté de se mettre ensemble. Et par malchance, ça a marché. Le stock est revenu un peu et le prix aussi.

• 1105

Je comprends que les gens veuillent améliorer leur sort. Quand les gens demandent des contingents dans le crabe, je ne dis pas non parce que je pars du principe que je souhaiterais que tout le monde puisse avoir une polyvalence des captures. Mais comment va-t-on faire? Est-ce qu'on déshabille Ti-Pierre pour habiller Ti-Paul? Je ne sais pas.

J'aimerais savoir si les gens qui demandent de la ressource se sont aussi penchés sur leur propre gestion. Je donnerai un exemple, bien que je ne sois pas un expert dans tout. Si dans une région où l'on pêche le homard, les gens veulent avoir du crabe pour mieux gagner leur vie, ce qui est normal, est-ce que ce n'est pas d'abord parce qu'il y a trop de pêcheurs dans une région? Est-ce que c'est la biomasse qui est basse ou si c'est le prix qui s'adonne à être bas cette année-là? Je ne le sais pas.

Ce que je remarque aussi, c'est que des pêcheurs comme ceux que vous représentez ici, il y en a au Québec. Ils partagent votre vision des pools compétitifs et je respecte cela. Là où ils sont un peu différents, c'est qu'ils se sont créé un office de mise en marché de leurs produits.

J'ai toujours pensé que lorsqu'on veut jouer sur le marché et réussir à exercer une influence sur le prix, il faut être capable d'avoir une influence sur la quantité. C'est ce qui a fait que les pêcheurs de morue, quand ils ont été dans le fond du baril au niveau des engins mobiles, ont été capables de dire: «J'ai juste un petit quota, mais quand je vais aller voir mon producteur, s'il ne veut pas me payer tel prix, j'attendrai.» C'est ce qui leur a permis d'avoir de l'influence et d'améliorer leur sort. Les pêcheurs de homard du Québec, particulièrement ceux des Îles-de-la-Madeleine, ont fait cela et m'ont dit: «Yvan, on s'est fait avoir trop longtemps.» Ils ont mis en oeuvre ce système de mise en marché.

Si ça va mal dans certains secteurs de la pêche et que vous avez besoin d'autres ressources, on doit déshabiller quelqu'un. De quelle façon va-t-on le faire? Si le mode de gestion des contingents individuels n'est pas le bon, peut-être que tout le monde devrait avoir des systèmes bona fide comme ceux que vous avez, mais cela suppose qu'il faut éliminer des gens.

Je rappelle que dans le système de contingents individuels transférables, ni le gouvernement fédéral ni le gouvernement québécois n'ont mis une maudite cent pour faire la rationalisation au niveau des pêcheurs semi-hauturiers. Ce sont les gars—et j'en vois dans la salle ici—qui se sont achetés entre eux et se sont dit: «Si tu ne peux pas réussir à vivre, on va se mettre à deux ou trois et on va t'acheter, mais toi, tu vas t'en aller chez toi.» Ce n'est pas le gouvernement qui l'a fait; ils ont fait des échanges entre eux.

Est-ce qu'il y a dans votre système bona fide des façons de faire qui permettraient d'atteindre ce but ou est-ce que le gouvernement doit le faire? Si cela n'est pas bon, de quelle façon pouvons-nous rationaliser? Et comment fait-on pour mettre le coffre à outils sur la table afin que les pêcheurs puissent travailler et négocier ensemble et afin d'enlever les politiciens et les green smurfs, les agents des pêches? C'est cela qui est intéressant.

Avant qu'on vous remette le coffre à outils, dites-nous quelle sorte de coffre à outils vous voulez avoir. C'est peut-être une longue question, mais je sais que Mike Belliveau connaît tout l'engrenage et vous aussi, messieurs. Pour moi, c'est bien important.

Vous avez raison, Mike, quand vous dites qu'à l'article 17 de l'ancienne loi, le projet de loi 62, figure déjà le pouvoir discrétionnaire du ministre. Il sera peut-être là s'il revient encore, mais de toute façon, il est dans la loi actuelle: le ministre a le pouvoir discrétionnaire de faire ce qu'il veut.

La preuve? Les gars de crabe, les pêcheurs dits traditionnels, ont eu la surprise de voir que vous aussi aviez eu accès à la ressource. C'est à la discrétion du ministre que vous y êtes entrés.

Quel sera le mode de gestion? Comment fait-on pour vous donner un coffre à outils qui vous permette d'éliminer certains de vos joueurs, cela d'une façon très digne? Personne ne doit se faire avoir là-dedans. C'est cela que j'aimerais connaître.

[Traduction]

Le président: Monsieur Belliveau.

M. Michael Belliveau: Il faut garder certaines choses à l'esprit. Quand nous parlons de la pêche au crabe des neiges, ce n'est certainement pas pour critiquer le système de façon générale. Nous ne voulons pas dire qu'il ne doit pas y avoir de système de quotas individuels. Mais bien avant qu'on ait un système de quotas individuels, nous réclamions une zone de pêche côtière pour le crabe des neiges au Nouveau-Brunswick, et nous ne l'avons jamais obtenue. Il y en a une au Cap-Breton. Il y en avait une à l'Île-du-Prince-Édouard jusqu'à l'année dernière, quand on a fusionné cette zone avec la zone semi-hauturière. Ce que nous réclamons, c'est une partie relativement faible des ressources côtières. Nous ne réclamons pas d'aller pêcher jusqu'au Banc Bradelle ou ailleurs. Nous demandons l'accès à une ressource dans notre zone. Nous ne demandons pas la lune; nous réclamons 2 000 tonnes sur...quand nous avions un quota de 2 000 tonnes, le total des prises admissibles était de 20 000 tonnes. Qu'est-ce que cela représente? C'est 10 p. 100.

• 1110

Si vous parlez de chiffres et si vous voulez prendre d'une main et donner de l'autre... Saviez-vous que les ressources totales de homard dans le sud du golfe du Saint-Laurent représentent environ 15 000 tonnes? Cela suffit pour 4 000 entreprises côtières qui ont chacune deux membres d'équipage en plus du capitaine. Qu'est-ce que cela représente dans l'ensemble? C'est le nombre de pêcheurs qui peuvent subsister grâce à cette pêche.

Nous parlons maintenant d'une autre ressource, le crabe des neiges. Il y en a 15 000 tonnes. Qui exploite cette ressource? Il y a 130 bateaux de pêche dans tout le sud du golfe pour cette ressource. Il ne s'agit donc pas de prendre d'une main pour donner de l'autre. Nous voulons une distribution raisonnable. Nous ne demandons pas au gouvernement de démanteler son système. Nous ne lui demandons pas de détruire le système et de toucher au prix au Japon ou ailleurs. Nous demandons simplement une part de 10 p. 100 pour quelque 1 400 pêcheurs véritables de l'est du Nouveau-Brunswick.

Je ne sais pas si cela répond vraiment à vos questions, mais je ne peux pas être plus clair que cela relativement au crabe des neiges.

En ce qui concerne la rationalisation des flottilles, nous avons vu quelque chose de très intéressant l'autre jour. Je ne sais même pas si je suis d'accord avec cela moi-même. En Nouvelle-Écosse, les pêcheurs côtiers du golfe de la Nouvelle-Écosse, près de Pictou, Antigonish et Chéticamp, se sont réunis et ont décidé de racheter une partie des quotas des pêcheurs semi-hauturiers selon un système de rationalisation. Il y a deux jours, les pêcheurs semi-hauturiers ont boycotté la réunion des pêcheurs au poisson de fond parce qu'ils trouvaient tout à fait aberrant que les pêcheurs côtiers aient rassemblé eux-mêmes des fonds pour racheter une partie des quotas des pêcheurs semi-hauturiers. C'est une affaire compliquée.

[Français]

M. Yvan Bernier: J'ai deux commentaires, monsieur le président. D'une part, monsieur Belliveau, je me réjouis de ce qu'on puisse commencer à s'entendre puisqu'on ne parle pas d'effacer tous le système des contingents individuels tel que l'ont conçu les gens. Donc, c'est une place au soleil pour votre groupe; on commence à parler de polyvalence de captures, comme je le dis dans mon langage. Je commence à y voir un peu plus clair.

Au sujet du dernier phénomène de rationalisation, vous dites qu'il est peut-être intéressant que des côtiers aient pu acheter un permis d'engins mobiles. Mais avant que l'on puisse offrir cela à un autre groupe, c'était dûment défini par contrat entre Pêches et Océans, et les pêcheurs concernés de ce groupe disaient que s'il devait y avoir un retrait de permis, les gens devaient d'abord être consultés.

Ce qui vient de se produire—et je le dis devant la caméra—, c'est un bris de confiance de la part de Pêches et Océans face aux pêcheurs. Venant moi-même de la Gaspésie, je peux prédire que les gens ne voudront plus rien savoir des partenariats et ne voudront plus accorder leur confiance à Pêches et Océans. C'est comme si vous aviez un contrat en bonne et due forme et que vous veniez d'acheter une maison ou quelque chose comme cela, et que quelqu'un, un George Baker, arrive dans votre salon et le déchire. C'est inadmissible. Inadmissible.

Si les pêcheurs semi-hauturiers le voulaient, de par les contrats qui avaient été établis, ils acceptaient de payer de bonne foi tous les systèmes de contrôle et de surveillance acquis, les observateurs et toutes les choses du genre pour essayer de domestiquer leur industrie. Cela existe depuis peut-être cinq ans. Pêches et Océans vient de déchirer ce contrat-là. Si j'étais à leur place, je poursuivrais Pêches et Océans en cour. Cela n'a pas de bon sens. Si le ministre ne répare pas cette erreur tout de suite, plus personne ne pourra se faire confiance dans le monde des pêches. Le système de contingents individuels donnait un moyen de communication entre le monde des semi-hauturiers et le vôtre.

• 1115

Moi, je suis prêt à travailler à établir un pont un fois que les pêcheurs auront rationalisé entre eux la pêche semi-hauturière. Si on veut que les pêcheurs côtiers viennent partager la ressource, il faudra bien le demander à l'ensemble des membres de leur propre comité. Il ne faut pas permettre à un petit fonctionnaire de Moncton de faire une gaffe comme celle-là. Si le ministre endosse le geste de ce fonctionnaire, je ne pourrai répondre de ce que les pêcheurs semi-hauturiers vont faire. J'imagine que certains d'entre eux prendront la parole cet après-midi. Je participerai personnellement à la construction d'une harmonisation entre les pêcheurs des cinq provinces concernées. Le geste qui vient d'être commis, je ne peux pas l'accepter. Ceux qui ont fait cela devront vivre avec les conséquences de leurs actes, mais j'imagine qu'ils ne pourront pas accepter cela non plus.

[Traduction]

Le président: Une courte réponse, monsieur Comeau.

[Français]

M. Réginald Comeau (Union des pêcheurs des Maritimes): Merci, monsieur Baker.

Camarade Bernier, c'est sûr que tous les groupes de pêcheurs n'ont pas la chance d'avoir un député au Parlement qui défende leurs intérêts avec autant de vigueur et de ténacité que vous venez de le faire. Mais peut-être devriez-vous reculer un petit peu en arrière. Je sais qu'on ne peut pas vous demander d'avoir une philosophie ou une orientation politique différente de ce que vous avez vécu.

Lorsqu'on a voulu établir les quotas individuels, comme vous l'avez dit plus tôt, les contingents étaient déjà à la baisse. Certaines gens avaient des équipements spécialisés pour capturer le peu de poisson qui restait et les pêcheurs côtiers ont été laissés à la dérive. Cela faisait déjà belle lurette qu'on disait à Pêches et Océans et aux politiciens qu'il n'y avait plus de poisson, plus de morue.

Puis le gouvernement du Canada, de concert avec certains groupes de pêcheurs, a établi des quotas individuels sur notre dos parce qu'il n'y avait plus de poisson pour les pêcheurs côtiers. On n'en capturait plus, alors on n'avait plus d'historique. Lorsqu'on a établi des quotas individuels, les pêcheurs côtiers ont été laissés avec des miettes.

Que le Comité permanent des pêches et des océans vienne nous faire la morale ce matin, je ne le prends pas. Il faut que les comptes rendus de vos délibérations indiquent que ce n'est pas un débat politique ici et qu'on est ici pour donner notre point de vue. On s'est fait avoir—si je puis employer l'expression que vous avez employée plus tôt—et on n'accepte pas de se faire faire la morale.

On a le droit de vivre dans des communautés. Si on est ici pour prêcher, on peut prêcher nous aussi. Il y a des communautés sur les côtes, dans l'est du Nouveau-Brunswick et tout le long de la Gaspésie qui vivent ainsi depuis longtemps. On ne va pas changer du jour au lendemain pour quelques individus. Merci beaucoup.

Des voix: Bravo!

M. Yvan Bernier: Monsieur le président, j'aimerais apporter des précision pour m'assurer que mes propos ne sont pas mal interprétés. Ma saute d'humeur n'était pas dirigée contre vous. C'était bel et bien parce que M. Belliveau m'avait offert la chance de faire connaître ma position sur le geste que le fonctionnaire a fait.

M. Réginald Comeau: Vous n'êtes pas ici à la Chambre des communes; ça va faire.

M. Yvan Bernier: Le dernier mot que je voudrais ajouter, c'est que si mes propos vous ont offensé, je m'en excuse publiquement.

Secundo, je suis prêt à offrir mes services pour vous aider à atteindre la communication quant à la polyvalence des captures. Je reconnais les torts de Pêches et Océans au niveau des pêcheurs côtiers; vous avez tout à fait raison à ce sujet. Et encore une fois, si mes propos vous ont offensé, je m'en excuse.

M. Réginald Comeau: Ils ne m'ont pas offensé. Ce sont des propos déformés et inacceptables. Monsieur Baker, mettez de l'ordre dans votre comité.

[Traduction]

Le président: Très bien, monsieur Comeau, vous avez raison.

Comme vous pouvez le voir, monsieur Comeau, les opinions même au comité sont très variées. Je peux vous garantir que cela rend les discussions très animées le soir.

Aviez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Cormier ou monsieur Breau? Non. Nous passons maintenant à deux autres membres du comité. Il y a d'abord le secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans.

Monsieur Easter.

M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Merci, monsieur le président.

• 1120

Je trouve que la discussion que nous venons d'entendre est très appropriée, vu ce qui s'est passé lors de nos audiences à Terre-Neuve et au Labrador et aux Îles-de-la-Madeleine. D'après ce que nous avons entendu ailleurs, il me semble que les anciens pêcheurs traditionnels éprouvent beaucoup de difficulté à cause du ralentissement dans l'industrie de la pêche au poisson de fond alors que les nouveaux venus ou ceux qui ont eu la chance d'entrer dans le système et d'obtenir des engins ou de se lancer dans la pêche à de nouvelles espèces sont en train de devenir des millionnaires. Il me semble que cela pose un problème.

Mike a dit quelque chose tantôt. Je n'ai pas très bien saisi, mais ce sera sans doute plus clair dans le texte écrit. Vous avez donné un exemple, je pense, d'un quota inversé, qui avait fonctionné.

M. Michael Belliveau: Oui.

M. Wayne Easter: Pouvez-vous être plus précis?

M. Michael Belliveau: Ceux qui m'accompagnent connaissent la situation beaucoup mieux que moi.

Ce qui est arrivé, c'est qu'une grosse flottille de seiners de hareng nous est arrivée de la côte Ouest à la fin des années 60. À la fin des années 60 et au début des années 70, nous avions une énorme flottille de seiners de hareng dans le sud du golfe. Certaines années, si je ne m'abuse, leurs prises atteignaient 300 000 tonnes. En 1980, il n'y avait plus de hareng pour personne, ni pour les pêcheurs côtiers, ni pour les pêcheurs semi-hauturiers.

La flottille a donc été démantelée. Certains sont allés tenter leur chance dans la baie de Fundy. À la fin du compte, après bien des protestations de la part des pêcheurs côtiers—et c'est l'une des raisons pour lesquelles on a formé l'Union des pêcheurs des Maritimes—on a inversé les quotas. Pendant toutes les années 70, 80 p. 100 des quotas étaient distribués dans le sud du golfe, mais à partir de ce moment-là on a donné plutôt 20 p. 100 à cette région.

Depuis, nous tenons nos distances. Il y a toujours des problèmes à cause des seiners de hareng dans certaines parties du sud du golfe.

Néanmoins, les stocks ont repris pendant les années 80. Il me semble que, certaines années, le total des prises admissibles a été de près de deux ou trois centaines de milliers de tonnes pour l'ensemble des groupes.

La flottille des pêcheurs côtiers à filet maillant prenait et prend encore 80 p. 100 du poisson. Je ne sais pas si vous pourrez trouver un autre cas dans le monde occidental d'une industrie de la pêche côtière qui ait pu récupérer une aussi grande partie de la ressource. Les choses semblent bien fonctionner.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas beaucoup de problèmes sur le plan de la commercialisation, des problèmes internes, etc. Mais en ce qui concerne les stocks, nous avons une ressource durable.

M. Wayne Easter: Mais en ce qui concerne la flottille de la Colombie-Britannique, si l'on compare la situation actuelle à ce qu'elle était en 1970, cette ressource profite maintenant à plus de localités qu'auparavant. Est-ce ce qui compte le plus?

[Français]

M. Réginald Comeau: Oui. À la fin des années 1970, il n'y avait plus qu'une centaine de pêcheurs qui pouvaient vivre du hareng ou faire une campagne de pêche aussi lucrative. On pouvait les compter sur les doigts de la main. Depuis 1985, on fait une campagne très intensive dans le hareng; des pêches d'une valeur de plusieurs millions de dollars ont été faites dans presque toutes les communautés, y compris à l'Île-du-Prince-Édouard, le long de la côte de la Gaspésie, au Nouveau-Brunswick, dans le sud du golfe et le long de la Nouvelle-Écosse.

• 1130

On peut parler facilement de 3 000 à 4 000 bateaux côtiers qui peuvent amener un revenu assez substantiel à la côte, sans compter le nombre d'heures de travail généré dans les usines, que ce soit pour l'extraction de la rave ou la transformation du hareng fumé.

Je suis conscient qu'il reste du travail à faire pour essayer de raffiner nos débarquements et conquérir des marchés plus lucratifs, comme on peut en trouver en Europe. Mais le fait demeure que le hareng est revenu et qu'il semble en santé. Il faudra toujours rajuster les quotas vis-à-vis de la biomasse, mais je pense qu'il n'y a pas de plus belle histoire ou de plus beau succès que la reconstruction des stocks de hareng. Cela a permis à un plus grand nombre de communautés, voire des centaines de communautés de la côte, de pouvoir en vivre.

[Traduction]

Le président: Monsieur Easter, une brève observation?

M. Wayne Easter: Ce que vous dites peut nous être utile, et cela m'amène à ma question suivante. Que pouvons-nous faire à l'avenir pour gérer la pêche au poisson de fond?

Je sais que ce que vous nous dites porte sur le crabe. Encore une fois, nous faisons des millionnaires dans ce secteur, et je pense que votre exemple montre bien que la façon dont vous répartissez les quotas de crabe permet de récolter de la mer et de distribuer les bénéfices parmi les diverses localités d'une façon raisonnable, équitable et rationnelle.

Mais pour revenir à l'avenir de la pêche au poisson de fond, on a instauré la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique parce que l'on supposait que l'industrie reprendrait. Nous savons maintenant que les choses ne s'amélioreront pas beaucoup avant probablement dix ans. D'autre part, on nous dit que nous devrions nous lancer dans la pêche aux espèces sous-utilisées, qu'il s'agisse du capelan ou d'autres espèces.

La question que je me pose est celle-ci. Vu que les stocks de morue ne reprennent pas et que le poisson de fond ne revient pas non plus, allons-nous exploiter les espèces sous-utilisées au point d'éliminer toute chance d'une reprise de la pêche au poisson de fond parce que certaines de ces espèces font partie de la chaîne alimentaire du poisson? Je voudrais savoir ce que vous en pensez. Comment pouvons-nous à la fois partager les ressources disponibles tout en donnant au stock de poisson de fond une chance de reprendre sur une dizaine d'années?

Le président: Qui veut répondre?

M. Michael Belliveau: D'après moi, il n'y a pour ainsi dire plus d'espèces sous-utilisées dans le monde, et l'on ne peut pas vraiment penser qu'on peut tirer beaucoup plus de l'océan que nous ne l'avons fait dernièrement.

Nous avons un exemple ici même sur notre côte. Je veux parler d'un cas très problématique, celui du crabe nordique, un petit crabe des eaux côtières. Certains pêcheurs voudraient qu'on en fasse une pêche sélective. Ensuite, il y en a d'autres qui disent que ce devrait rester une prise accessoire. C'est une prise accessoire pour les pêcheurs de homard depuis des années. D'après eux, le crabe nordique doit rester une prise accessoire.

Je ne pense pas qu'il y ait tellement de possibilités d'expansion de la pêche aux espèces sous-utilisées, à moins qu'on ne veuille pêcher... Il y a deux espèces qui sont maintenant sous-utilisées. Je n'aurais pas dû le dire. Les phoques sont nettement sous-utilisés, et, si l'on ne peut pas les vendre sur le marché, on devrait simplement en éliminer. Même si ce ne sont pas les phoques qui ont causé l'effondrement de la pêche au poisson de fond, il est de plus en plus évident qu'ils nuisent à la reprise, et je pense que les scientifiques commencent à s'en rendre compte aussi. Les phoques adorent le jeune poisson et ils interceptent... Nous ne voyons plus les poissons d'un an. Qui est à blâmer? Ou bien la morue a cessé de se reproduire, ou bien les phoques festoient.

• 1135

L'autre espèce sous-utilisée—si je veux me contredire—serait le poisson-castor. Il pourrait y avoir un avenir pour la pêche à cette espèce. On est en train de faire des essais intéressants en utilisant certains des fluides du poisson-castor à Québec. Cela pourrait augmenter de beaucoup la valeur du poisson-castor. On est en train de faire des essais.

Nous serions bien d'accord si l'on pouvait faire une meilleure utilisation de cette espèce.

Le président: Vous n'avez pas de buccins ou de bigorneaux dans la région? Vous ne pêchez pas ces espèces?

M. Michael Belliveau: Je suis certain que oui.

Le président: Avec des seaux?

M. Michael Belliveau: Non.

Le président: À Terre-Neuve, nous utilisons des seaux pour la pêche aux buccins.

Je donne maintenant la parole à Bill Matthews.

M. Bill Matthews (Burin—St. Georges's, PC): Merci, monsieur le président.

Je m'excuse si je pose une question qui a déjà été posée, vu que je me suis absenté quelques minutes.

Monsieur Belliveau, vous avez parlé de racheter des quotas dans votre exposé. C'est une chose dont je n'ai jamais entendu parler. Vous pourriez peut-être nous donner un peu plus de détails sur ce que vous vouliez dire par là.

M. Michael Belliveau: Entre les deux tiers et les trois quarts des stocks de poisson de fond de l'Atlantique sont répartis sur papier en quotas pour les compagnies ou les pêcheurs. Quand l'industrie s'est effondrée, il nous a semblé qu'on ne devrait pas rouvrir la pêche de la même façon.

Comment le gouvernement du Canada pourrait-il instaurer un autre système? Ce que nous avions proposé, c'est qu'au lieu de racheter les permis des pêcheurs... Supposons qu'un pêcheur ait dû quitter l'industrie définitivement. On pourrait aller sur le marché et racheter le quota. Cela pourrait aider le pêcheur. Il pourrait gagner un peu d'argent et se diriger vers une autre pêche s'il le veut.

Entre-temps, les stocks appartiendraient de nouveau au secteur public, c'est-à-dire aux planificateurs du gouvernement. Comment pourrait-on inverser les quotas de 80 p. 100 à 20 p. 100, comme nous l'avons fait pour le hareng, sans quelque chose de ce genre?

Notre position à ce sujet est souvent mal interprétée, ou du moins la mienne l'est. Nous savons que les pêcheurs ont eu énormément de problèmes à cause de l'effondrement de cette industrie. Nous n'essayons pas de leur enlever leurs moyens de subsistance à l'avenir. Pas du tout. Nous demandons un système de rachat. Nous sommes prêts à envisager un système de rachat pour notre propre secteur parce que nous considérons qu'il y a trop d'activités, par exemple dans la pêche au homard.

Pour ce qui est de vos programmes futurs pour remplacer la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, par exemple, ce n'est pas vraiment à nous de commenter. Nous n'avons pas tellement de membres qui profitent de la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique. D'après moi, on devrait ramener la partie du programme qui prévoyait le rachat des permis, et je pense qu'on devrait insister là-dessus, mais qu'il faudrait procéder de façon différente. Il est plus problématique de demander à un pêcheur de quitter la pêche pour toujours que de lui demander combien il vendra son quota.

M. Bill Matthews: Essentiellement, il s'agit de racheter sa vie. D'après moi, et c'est ce qui porte à confusion, le quota est une ressource commune. C'est la ressource du peuple. Elle appartient au peuple. Pourquoi paierait-on quelqu'un pour lui racheter son quota?

Voyez-vous ce que je veux dire? Il y a sans doute quelque chose qui m'échappe.

M. Michael Belliveau: Non, c'est une très bonne question. Je suis certain que bien des gens demanderaient la même chose que vous. Comment peut-on indemniser cette personne?

C'est pour cela que nous avons besoin d'un programme de rachat. Nous devons indemniser le pêcheur pour son travail, son investissement, etc.

M. Bill Matthews: Certainement. C'est ce que le ministère a fait pour les rachats. Il a examiné les gains du pêcheur sur une certaine période, il a repris le permis de pêche et il a donné un certain montant au pêcheur.

M. Michael Belliveau: Mais le ministère lui a dit qu'il ne pourrait plus jamais pêcher.

M. Bill Matthews: Oui.

M. Michael Belliveau: La plupart de nos membres et la plupart des autres pêcheurs le long de la côte ne songeraient jamais à accepter une telle offre.

M. Bill Matthews: En effet.

Pour le homard—et j'ignore si cette question a déjà été posée et si elle l'a été je m'en excuse—pourquoi le MPO hésite-t-il tellement à relever la taille minimale de 2,5 à 2,75 pouces? Quelle raison vous a-t-on donnée?

Vous avez parlé de conservation. Nous sommes censés nous en soucier énormément. Pourquoi, depuis si longtemps, ont-ils refusé d'adopter cette taille? La réponse est peut-être évidente, mais pas pour moi.

• 1140

M. Wayne Easter: Nous pourrions avoir un débat à ce sujet.

M. Bill Matthews: D'accord. Je veux simplement qu'on éclaire ma lanterne. Je ne comprends pas. Si l'on en discute depuis 1980, si l'on essaye d'obtenir cette augmentation, sans succès, et qu'il s'agit d'une mesure de conservation, pourquoi n'y arrive-t-on pas?

Le président: Monsieur Breau, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Zoël Breau (secrétaire-trésorier, Union des pêcheurs des Maritimes): Vous voulez savoir pourquoi. Lorsqu'on ne veut pas qu'un dossier progresse, on exige un consensus. Si on n'a pas besoin d'un consensus, il suffit d'aller de l'avant et d'agir et de laisser les gens se disputer par la suite.

C'est essentiellement ce qui s'est passé dans le cas du homard. Tout le monde a prétexté différentes excuses pour ne pas agir. En général, c'est la science qui justifie certaines choses, mais lorsqu'elle ne correspond pas à l'idée qu'on se fait, la science ne fonctionne pas. Montrez-nous une preuve scientifique. C'est précisément ce que Wayne a dit.

Si cette justification scientifique existe surtout dans votre esprit et que vous devez faire face à 500 personnes, peut-être plus, qui sont vraiment contre, il est très difficile dans un tel contexte d'en arriver à un consensus.

Le président: Monsieur Breau, votre première phrase constituait une excellente citation. Il faudrait que je note cela.

Nous allons maintenant passer à M. Hubbard pour conclure.

M. Charles Hubbard: Monsieur le président, je voudrais simplement faire consigner au compte rendu...nous sommes en retard sur notre horaire et nous devons nous en excuser, mais je pense, George, que nous avions prévu faire une pause pour le lunch vers 13 h 15. Pour l'information des participants, le comité visitera l'usine locale de transformation du poisson, Blue Cove, pendant la pause-repas, et nous devrions être de retour pour entendre d'autres exposés vers 14 h 45.

Monsieur Belliveau, lorsque je vous ai entendu expliquer votre façon de voir les choses ce matin, je n'ai pu m'empêcher de penser à votre père, qui, il y a une trentaine d'années, préconisait lui aussi l'égalité des chances pour tous. Lorsque mon ami Yvon a mentionné Peter et Paul, je pensais qu'il faisait référence à cette affaire survenue au Nouveau-Brunswick dans les années 60.

Aux fins du compte rendu, je pense qu'il y a un point mineur, ou peut-être majeur, sur lequel nous devrions obtenir votre opinion. Je sais que les pêcheurs côtiers accumulent de multiples permis, et, par souci de conservation, bon nombre d'entre eux n'ont pas exploité tous leurs permis au fil des ans. Je pense qu'il y a dans la salle aujourd'hui bon nombre de pêcheurs qui sont titulaires de permis pour le poisson de fond et d'autres espèces pour 15, 20 ou 100 ans, mais qui ne les ont pas utilisés depuis une dizaine d'années. Il semblerait que dans certains milieux, au ministère des Pêches, on veuille retirer aux pêcheurs les permis non utilisés.

Je pense qu'il est important que nous entendions aujourd'hui officiellement votre position quant à l'importance de ces permis, qu'on pourrait voir d'un mauvais oeil, surtout en ce qui concerne la pêche à la morue. N'est-il pas exact que des conservationnistes convaincus dans votre groupe ont conservé la morue en ne la pêchant pas pendant de nombreuses années? Que pensez-vous du fait que certains fonctionnaires estiment que leurs permis pourraient être révoqués pour cette raison?

M. Michael Belliveau: Monsieur Hubbard, notre position était très claire en 1992, lorsque M. Crosbie a essayé de nous retirer ces permis. Nous sommes montés aux barricades et au bout du compte les permis de pêche au poisson de fond ont été rendus à leurs propriétaires.

C'est précisément d'ailleurs pour la raison que vous avez évoquée que l'on avait décidé de constituer un portefeuille de permis en vertu d'un système de délivrance de permis légitimes. Ces permis n'étaient pas tous utilisés en tout temps. Dans le contexte du régime, on a voulu faire perdre aux pêcheurs les permis qu'ils n'utilisaient pas. Le ministre des Pêches et des Océans menaçait de retirer aux pêcheurs les permis non utilisés... Nous avons gagné cette bataille, et nous en sommes très fiers. Notre position est donc très claire.

M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci. Je remercie aussi l'Union des pêcheurs des Maritimes de son excellent exposé. Nous allons l'examiner en détail avant de rédiger notre rapport. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus comparaître aujourd'hui.

• 1145

M. Michael Belliveau: Merci.

Le président: Nous allons faire une courte pause de deux minutes pendant que s'installent les représentants du Comité du bassin hydrographique de la Miramichi... Monsieur Mills et monsieur Price, pourriez-vous vous asseoir à la table des témoins?

• 1146




• 1152

Le président: Nous reprenons nos travaux. Je prierais les députés de reprendre leur place. Nous allons maintenant poursuivre la séance.

Nous accueillons à titre de témoins M. Alex Mills, M. Manley Price, M. Grant Ross et M. Bruce Whipple, du Comité de gestion du bassin hydrographique de la Miramichi. Monsieur Mills, voulez-vous commencer?

[Français]

M. Yvon Godin: Excusez-moi, mais comme les gens de la région le savent, d'habitude, je ne suis pas un gars qui se sauve des problèmes. J'ai le plaisir d'être ici aujourd'hui, mais je devrai repartir à 13 h 45 puisqu'en tant que critique en matière d'assurance-emploi, je devrai prendre l'avion cet après-midi à 16 h 10 à Bathurst pour me rendre à Regina, où je participerai à des réunions demain. Alors, je ne voudrais pas que vous pensiez qu'Yvon Godin s'est sauvé; je voulais en faire l'annonce pour m'assurer que les gens comprennent bien ce qui se passe. Mes responsabilités m'appellent à Regina cet après-midi.

[Traduction]

Le président: Monsieur Godin, étant donné qu'il s'agit d'un dossier aussi important que l'assurance-emploi, qui concerne toute votre circonscription, ainsi que la mienne et celle de tous les autres députés, sans compter les pêcheurs eux-mêmes, nous allons vous pardonner de partir plus tôt.

Nous allons maintenant donner la parole aux témoins. Monsieur Mills.

M. Alex Mills (secrétaire, Comité de gestion du bassin hydrographique de la Miramichi, Inc.): Monsieur le président, honorables députés, je vous remercie beaucoup. C'est un plaisir que de vous recevoir dans la région de Miramichi. Permettez-moi de faire un court préambule. Nous sommes ici à titre de représentants du Comité de gestion du bassin hydrographique de la Miramichi. Il s'agit d'un organisme constitué en société qui représente les intérêts des pêcheurs sportifs de la Miramichi.

Permettez-moi de vous présenter brièvement les personnes qui m'accompagnent. Grant Ross est directeur du comité de gestion. C'est un employé rémunéré de l'Association du saumon de la Miramichi, et, à ce titre, il travaille à temps plein dans le dossier de la conservation. Manley Price est gérant d'Avenor, Inc., qui s'intéresse à la pêche sportive et à la conservation de la Miramichi. Il y est aussi employé à temps plein. Bruce Whipple en est aussi un administrateur, tout comme Manley, si je ne l'ai pas déjà dit. Bruce est administrateur et, je crois, président d'un autre organisme de conservation, l'Association de protection du saumon de Northumberland.

• 1155

J'ai remis des exemplaires de notre mémoire au comité. Monsieur le président, je suis entre vos mains. Préférez-vous que je lise notre mémoire pour qu'il soit consigné au compte rendu ou que je le résume simplement?

Le président: Monsieur Mills, le comité vous serait reconnaissant de résumer votre mémoire en vos propres termes, car cela nous permettrait d'aller plus vite. Bien entendu, nous allons par la suite passer au peigne fin chacun de ces mémoires et faire nos propres résumés.

M. Alex Mills: Très bien. Puisque vous vous engagez à examiner le mémoire au peigne fin, en contrepartie je peux bien vous rendre service et en faire un résumé.

Nous sommes très heureux d'accueillir ici les membres du Comité des pêches et des océans. Les eaux de la Miramichi comptent de nombreuses espèces de poisson qui intéressent à la fois les pêcheurs sportifs et commerciaux. Cependant, l'âme de la Miramichi est le saumon de l'Atlantique. Qu'on se remémore seulement l'histoire des hameaux autochtones sur ses berges pour se rendre compte que cette source alimentaire accessible attire les gens depuis des milliers d'années. De nos jours, il suffit de voir l'activité économique, sociale et culturelle qui entoure le saumon de l'Atlantique pour voir à quel point cette espèce de poisson en particulier est importante à la fois en soi et pour les humains.

Notre organisme compte des membres de tous les horizons. D'ailleurs, vous trouverez à la dernière page de notre mémoire une liste de nos membres. Je crois pouvoir affirmer sans crainte de me tromper que la majorité de nos membres sont des organismes de conservation. Toutes les bandes autochtones qui vivent le long de la rivière sont membres. Nous avons aussi la chance d'avoir comme membres d'importantes sociétés forestières, dont Noranda. En somme, nous avons une très bonne représentation parmi tous ceux qui s'intéressent à la pêche au saumon de l'Atlantique dans la Miramichi.

En préparant notre mémoire hier, j'ai fait un petit sondage pour avoir une idée de ce que dépensent annuellement nos membres pour la conservation et la protection du saumon. J'ai parlé à plusieurs personnes, et c'est au moins 500 000 $. Il s'agit là de fonds émanant de la collectivité qui sont consacrés à la conservation et à la mise en valeur du saumon de l'Atlantique dans la Miramichi.

Notre objectif global est de participer à la gestion de la pêche sportive dans la Miramichi. Nous sommes l'un des organismes avec lesquels le MPO discute de partenariat et de cogestion. Nous existons depuis environ deux ans et demi. En fait, nous avons été fondés dans la foulée de l'accord auxiliaire fédéral-provincial sur la pêche sportive. Un organisme permanent a été créé à la suite de cet accord.

Nous sommes impatients d'assumer toute responsabilité de gestion que les pouvoirs publics, tant fédéraux que provinciaux, voudront bien nous déléguer. Évidemment, cela dépend de ce que le gouvernement estime que nous sommes capables de faire.

• 1200

La province du Nouveau-Brunswick est très hésitante en ce qui a trait à la participation de la communauté à la gestion du bassin hydrographique. Pour ce qui est de la pêche commerciale au filet ou de toute autre pêche commerciale, le fait qu'elle se déroule en eaux maritimes simplifie les choses. En effet, il n'est pas nécessaire que la province participe au processus.

Le ministère des Pêches et des Océans adhère sans réserve au principe de la gestion communautaire. Quant aux fonctionnaires provinciaux, ce sont d'excellents sceptiques. Ils veulent qu'on leur donne la preuve qu'il s'agit d'un concept valable. Nous avons constamment des rencontres avec eux. Nous avons rédigé une ébauche du protocole d'entente qui établira le cadre formel de notre participation à la gestion.

• 1205

Comme certains députés le savent sans doute, à Terre-Neuve le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial ont signé et institué des protocoles d'entente par lesquels ils ont délégué certaines responsabilités à des comités semblables au nôtre. Notre objectif est de faire la même chose.

Permettez-moi de vous donner une idée de la valeur de la pêche sportive, et particulièrement de la pêche sportive au saumon de l'Atlantique dans la Miramichi. Cette pêche donne lieu à des dépenses annuelles d'environ 25 millions de dollars. On lui attribue environ 600 emplois. La part fédérale de la taxe de vente se chiffre approximativement à 1,6 million de dollars, et celle du gouvernement provincial à 2,7 millions de dollars environ. Ces chiffres sont antérieurs à la taxe de vente harmonisée, issue de l'union de la TPS et de la taxe de vente provinciale. Je n'ai pas eu l'occasion de faire les calculs en vertu du nouveau régime.

Je reviendrai là-dessus plus tard, mais la Miramichi bénéficiait à la fois de la pêche publique et privée. La présence de la pêche privée ajoute au bas mot—et je suis très conservateur—de 25 à 50 millions de dollars à la valeur de la propriété riveraine. Il est déjà arrivé qu'une propriété privée change de main pour plus d'un million de dollars. On m'a dit que les deux tiers d'une installation, la plus grande part, s'étaient vendus pour 6 millions de dollars il y a cinq ou six ans.

Voilà qui vous donne une idée de la valeur économique de cette pêche. Pour traduire cela en poissons pris, selon un calcul approximatif, nous avons probablement pris environ 20 000 grilses dans le système l'année dernière, ce qui représente plus de 1000 $ par poisson. C'est donc un rendement très lucratif. Cela ajoute une valeur intéressante au saumon qui est pris.

• 1210

Évidemment, comme la plupart des stocks halieutiques, le saumon de l'Atlantique connaît un déclin radical. Depuis 20 ans, le nombre de saumons de l'Atlantique qui reviennent en Amérique du Nord est tombé d'environ 1 million à moins de 200 000 l'année dernière. Nous avons de la chance avec la Miramichi, en ce sens qu'environ la moitié de ces 200 000 poissons qui reviennent en Amérique du Nord reviennent dans cette rivière. Encore là, cela en dit long sur l'importance de la Miramichi pour le saumon de l'Atlantique.

Il serait très facile de s'attacher uniquement au saumon de l'Atlantique, mais d'autres espèces qui intéressent les pêcheurs sportifs ont aussi leur habitat dans la Miramichi. Il y a la truite mouchetée, et sans doute que la truite saumonée est le summum de cette espèce. Il y a également l'alose tyran et le bar d'Amérique. Ces deux espèces intéressent les pêcheurs sportifs, mais leur apport ne se compare pas aux avantages que procure à la région le saumon de l'Atlantique.

Les stocks de saumon de l'Atlantique en Amérique du Nord ont donc accusé un déclin de 80 p. 100 depuis 20 ans, et la question est de savoir pourquoi. On peut répartir les problèmes en deux catégories: ceux qui surviennent dans la rivière et ceux qui surviennent en mer. Pour ce qui est des problèmes liés à la rivière, sans vouloir les minimiser, je crois pouvoir affirmer qu'il est prouvé que dans la Miramichi—et je parle de la Miramichi seulement, et non pas des autres rivières de l'est du Canada—la dégradation de l'habitat n'est pas aussi grave que dans d'autres régions. Nous avons de la chance, en ce sens que nous pouvons au moins élever le saumon jusqu'au stade smolt dans la rivière sans craindre une perte d'habitat.

Dans notre mémoire, je cite un exemple de la qualité de l'eau dans la Miramichi. Je mentionne le fait que, lorsque je vais à la pêche, je n'hésite pas à boire de l'eau. Mais ce n'est là qu'une déclaration mineure qui ne veut pas être trompeuse. Il va de soi que nous devons demeurer vigilants quant à la qualité de l'habitat de notre saumon.

D'ailleurs, nous le sommes. J'en veux pour preuve l'adhésion à notre comité du bassin hydrographique, et notamment leur participation financière, de compagnies comme Avenor, Noranda, J.D. Irving et Repap. Cela démontre un niveau de sensibilisation à l'environnement et de respect des ressources en eau et de la pêche beaucoup plus élevé que par le passé, et cela augure bien pour l'avenir. On n'a qu'à voir les travaux qu'effectuent les grandes sociétés forestières, notamment en ce qui a trait à la construction de routes, de ponceaux, à la solidification des berges, etc. Il y a eu à cet égard un changement marqué au cours des quelques dernières années.

Il semble acquis que le saumon de l'Atlantique rencontre un problème entre les estuaires et le Groenland dans la plupart des cas, ou encore dans l'Atlantique Nord.

Dans ce contexte, nous avons l'intention de parler au comité de six problèmes en particulier: les problèmes auxquels fait face le saumon de l'Atlantique dans l'Atlantique Nord; la question des compressions gouvernementales et de leurs répercussions; l'aliénation du South Esk Salmon Enhancement Centre ici sur la Miramichi, la plus ancienne écloserie de saumon de l'Atlantique au Canada; les problèmes réglementaires et les lacunes de la réglementation; toute la question de la gestion du bassin hydrographique; et les pêches autochtones.

• 1215

Cela dit, je passerai directement aux problèmes du saumon de l'Atlantique. Des personnes très compétentes en la matière me disent que nous ne savons pas vraiment ce qui cause le déclin précipité des stocks de saumon de l'Atlantique. On évoque les fluctuations des températures océaniques, l'effondrement de leur base alimentaire et le réchauffement de la planète. Divers problèmes sont identifiés, mais aucun n'a été pointé du doigt comme la cause unique de ce phénomène. En fait, il peut s'agir d'une combinaison de tous ces facteurs.

Les problèmes liés au réchauffement de la planète sont très difficiles à régler, et je crois savoir que la Fédération du saumon atlantique entend s'y attaquer. Elle déploie des efforts considérables pour recueillir des fonds et obtenir des engagements de la part du gouvernement et du secteur privé pour trouver la solution. Cette initiative nous permettra à tout le moins de déterminer si le réchauffement de la planète est en cause. Si c'est effectivement le cas, le problème est de taille. S'il est attribuable à des changements cycliques de la température des océans, il nous faudra attendre la fin du cycle.

Mais on a aussi identifié d'autres facteurs susceptibles de causer le problème, et nous implorons les membres du comité de soulever la question à la Chambre des communes et auprès des fonctionnaires du MPO. On nous avise qu'il y aurait une surpêche du capelan et de la crevette, contrairement à ce qu'a dit M. Easter. J'avoue que mes renseignements ne sont pas de première main, mais je pense que la première étape consiste à déterminer s'il y a effectivement épuisement de cette base alimentaire du saumon.

Lorsque M. Easter a demandé si le capelan était sous-utilisé, j'ai trouvé intéressant que les représentants de l'Union des pêcheurs des Maritimes disent qu'à leur connaissance il n'y a pas d'espèce sous-utilisée, à l'exception des phoques. Nous soulevons la question et nous invitons le comité à l'examiner.

Le président: Vous dites le capelan et la crevette. D'accord.

M. Alex Mills: Je réitère qu'il est établi que ces deux espèces constituent un pourcentage important de la base alimentaire du saumon de l'Atlantique. Pour ce qui est de l'état de ces stocks, nous n'en parlons pas dans notre mémoire, mais il me semble évident que si votre bétail a un problème, ou que votre élevage de bétail ne va pas bien, il serait illogique de couper tout le foin et d'essayer de tirer sa subsistance de la vente du foin. Il faut laisser intacte cette base alimentaire.

La pêche commerciale se poursuit au large du Labrador, et je sais que c'est une question délicate. Je sais que les gens de cette région n'ont pas beaucoup d'autres solutions de rechange. Le défi consiste sans doute à trouver une solution de remplacement à la pêche au saumon de l'Atlantique. Chose certaine, à ce stade-ci notre position est qu'il convient de supprimer cette pêche.

• 1220

Je n'ai jamais demandé l'élimination d'une pêche sans reconnaître que cela comporte un volet humain. Il s'agit d'un problème considérable, et l'on doit débloquer les ressources nécessaires pour le résoudre. À titre d'exemple, la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique a montré à quel point cette question est compliquée, mais nous ne pouvons sacrifier des espèces au profit d'intérêts humains.

Il faut que le gouvernement intervienne massivement, et je sais que c'est la dernière chose que le gouvernement du Canada ou que les représentants du Parlement du Canada souhaitent entendre. Il faut que cet engagement soit assorti d'une contribution financière. Si l'on veut s'attaquer au problème, il faut le faire sérieusement, c'est-à-dire qu'il ne faut pas simplement s'engager sur le plan moral ou sur le plan des principes, mais y aller aussi d'un effort financier.

Ce qui est rassurant, c'est qu'il est clair qu'à la lumière de la contribution financière des membres de notre organisation et de l'histoire de la conservation du saumon le secteur privé apportera sa contribution. La Fédération du saumon atlantique, d'autres associations nationales et des organisations de conservation locales recueillent chaque année des millions de dollars pour la conservation du saumon. Sans en avoir discuté avec les représentants de la Fédération du saumon atlantique, je peux vous garantir qu'ils déploient des efforts considérables pour recueillir des millions de dollars en vue de régler le problème. Il convient de s'en souvenir lorsque ces représentants font appel au gouvernement pour obtenir des fonds.

Le programme d'indemnisation des pêcheurs du saumon de l'Atlantique du Groenland a permis d'interrompre la pêche pendant environ deux ans. Des millions de dollars ont été versés presque instantanément par les protecteurs du saumon de l'Atlantique. On peut donc avoir l'assurance que le secteur privé fournira l'équivalent de la contribution du gouvernement.

Dans le dossier des problèmes du saumon de l'Atlantique, nous recommandons que votre comité invite instamment le gouvernement du Canada, à la Chambre des communes ou ailleurs, à appuyer fortement cette initiative de la Fédération du saumon atlantique. Cette dernière exige de nouvelles ressources. Nous ne pouvons prendre les ressources des programmes actuels de protection du saumon de l'Atlantique pour financer cette initiative. Nous avons besoin d'argent neuf.

Je crois savoir que la Miramichi reçoit environ 60 p. 100 du budget des Maritimes consacré au saumon de l'Atlantique. Il va de soi qu'il y aurait un tollé si cet argent était réaffecté pour régler le problème en haute mer. Cette initiative exige de nouveaux fonds. À l'heure actuelle, la contribution du gouvernement fédéral a atteint un seuil minimal. Nous ne pouvons nous permettre, nous ne pouvons accepter d'autres réductions.

Nous recommandons également que l'on prenne des mesures sérieuses pour examiner l'effet de la pêche au capelan et à la crevette et pour supprimer la pêche au large du Labrador. Pardon?

M. Bill Matthews: Et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

M. Alex Mills: Oui, excusez-moi. Et à Saint-Pierre-et-Miquelon, si vous me permettez d'ajouter cela.

Avec la permission du comité, j'ajouterais cela à nos recommandations.

En outre, compte tenu de l'ampleur de la pêche au saumon de l'Atlantique, j'estime que le Canada se doit d'exercer toutes les pressions possibles pour obtenir l'appui et la collaboration des pays qui pêchent dans l'Atlantique Nord et qui ont des stocks de saumon, afin de les rallier à nos efforts.

Je vais maintenant passer à la question des compressions gouvernementales. D'après les fonctionnaires du MPO, de tous les domaines de responsabilité constitutionnelle du gouvernement du Canada, c'est le volet de la pêche côtière qui a subi les pires compressions au cours du récent exercice de rationalisation. Il y a eu des coupures disproportionnées dans le domaine des pêches côtière et sportive. Je me demande si, compte tenu de son niveau actuel de financement, le gouvernement du Canada respecte l'obligation constitutionnelle qui est la sienne de conserver et de protéger le saumon.

• 1225

Manifestement, le gouvernement du Canada souhaiterait se retirer de la pêche côtière. S'il essayait de le faire, il violerait certainement ses obligations constitutionnelles. Dans d'autres provinces, il y a déjà eu délégation de pouvoir aux autorités provinciales. Certaines raisons militent en faveur d'une telle recommandation. Il serait avantageux que la pêche côtière relève d'une seule instance, mais il va de soi que le MPO ne peut déléguer cette responsabilité à une province ou à toute autre instance sans déléguer également les fonds nécessaires.

Outre l'obligation constitutionnelle du gouvernement relative à la pêche côtière, il y a aussi de bonnes raisons économiques qui justifient le maintien de sa participation ou la délégation à la province, pourvu qu'elle soit assortie d'un financement adéquat, et ce sont les avantages économiques que nous avons cités au début de notre exposé. D'ailleurs, la Miramichi n'est qu'un exemple. Les rivières de Terre-Neuve, tout comme celles du Québec et du Labrador, génèrent des revenus tout aussi intéressants. Le gouvernement doit donc maintenir son engagement, et, s'il le fait, la récompense est là.

Permettez-moi de vous citer un exemple. Aux termes de l'entente auxiliaire fédérale-provinciale sur la pêche sportive, certaines sommes étaient consacrées à la commercialisation du saumon atlantique, de la pêche sportive au Nouveau-Brunswick. En fait, on avait réservé certains fonds précisément pour la commercialisation du saumon atlantique de la Miramichi.

Au cours de la même période, de 1990 à 1995, le nombre de saumons a baissé, mais grâce à l'aide financière accordée aux pourvoyeurs—aide jumelée par les pourvoyeurs eux-mêmes—, on a enregistré une croissance des dépenses de non-résidents dans la région de la Miramichi. On a noté que ces dépenses avaient doublé, passant de 3,6 à 7,2 millions de dollars. L'investissement en vaut la chandelle, pour peu que le financement soit disponible.

Comme je l'ai dit, l'aide financière fournie aux termes de cette entente auxiliaire était d'environ 300 000 $ à 400 000 $ pour l'ensemble des pourvoiries du Nouveau-Brunswick sur la Miramichi. Globalement, on a peut-être eu 50 000 $, 60 000 $ ou 70 000 $. Cela représente un bon rendement pour ce genre d'investissement.

Et à propos de coupures nous sommes en deçà du seuil limite pour ce qui est du volet exécution. Il faut assurer la protection du poisson de nos rivières. S'il y a un facteur qui joue dans le déclin du saumon de l'Atlantique, plus que la dégradation de l'habitat, je dirais que c'est la pêche illégale, sous une forme ou sous une autre. Et la seule façon de régler le problème, c'est d'avoir suffisamment d'agents de protection sur la rivière.

Au sujet des compressions gouvernementales, nous recommandons que le gouvernement fédéral réexamine son engagement financier à l'égard de la pêche côtière et du saumon de l'Atlantique. Si le gouvernement fédéral veut se retirer du secteur de la pêche côtière, il doit assortir son départ d'une délégation étayée par un financement pour la province. Je crois que les autorités provinciales accepteraient volontiers de se charger de l'administration ou de la gestion de l'ensemble de la pêche côtière.

• 1230

Je voudrais maintenant parler de la question de l'écloserie South Esk—j'en suis à la page 10 de notre mémoire. J'ignore si M. Hubbard veut prendre la parole en premier à ce sujet. Je sais que, comme nous, il a une opinion très tranchée en ce qui a trait à l'aliénation de l'écloserie South Esk.

Nous sommes tout à fait contre cette décision. Nous y opposons la plus grande résistance. Nous avons lutté pour la renverser. Des membres de notre comité sont allés à Ottawa. Nous avons parlé à quiconque aurait pu être sensible à nos arguments à Ottawa, mais en vain.

Le ministère des Pêches et des Océans semble déterminé à se retirer des écloseries sur la côte est. Les raisons évoquées sont plutôt vagues. On a essayé, de façon facile et tout à fait déplacée, de comparer la situation des écloseries de la côte est à celle de la côte Ouest, où l'expérience a été un désastre. La South Esk Hatchery est la plus vieille écloserie de saumon atlantique au Canada. En soi, cela lui donne... Elle fonctionne depuis 1850. C'est un site patrimonial que le MPO aurait dû conserver.

Notre comité du bassin hydrographique était confronté à un dilemme: se borner à lutter contre l'aliénation, ou s'y opposer d'une part tout en essayant d'autre part de réunir les ressources nécessaires pour assurer la survie de cette écloserie. En fin de compte, la South Esk Hatchery a été remise entre les mains de notre comité. Nous sommes au premier stade du processus d'aliénation, qui au bout du compte fera de nous des propriétaires de l'écloserie.

Encore une fois, nous avons essayé de convaincre le MPO ou n'importe quel ministère du gouvernement fédéral de nous fournir un financement de transition réaliste pour assurer la survie de l'écloserie. Nous nous sommes heurtés à un refus. Je crois savoir qu'à l'Île-du-Prince-Édouard et en Nouvelle-Écosse il existe d'autres écloseries pour lesquelles le gouvernement a jugé bon d'offrir un financement de transition plus considérable. Nous avions demandé 300 000 $ en guise de fonds de transition pour assurer, que nous, la collectivité de Miramichi, nous puissions assumer la responsabilité constitutionnelle du gouvernement du Canada. Nous espérions obtenir 300 000 $, mais nous n'en avons reçu que 150 000 $.

Nous ne sommes pas certains de pouvoir réussir. À l'heure actuelle, il y a de la truite et du saumon. L'écloserie fonctionne. Nous avons conclu une entente avec un exploitant. Notre démarche est celle d'une entreprise privée. Tout le poisson de l'écloserie sera vendu. Certains de nos membres seront des clients. Nous sollicitons toutes les sources de financement possibles pour que l'expérience soit fructueuse, mais nous sommes loin d'être certains de réussir. Nous avons besoin de 150 000 $ de plus. Notre demande de financement était fondée sur une analyse financière très claire.

Nous avons fait le saut. Nous ne savons pas ce qui va se passer ni quel genre d'atterrissage nous aurons. Contrairement au gouvernement fédéral, nous ne sommes pas disposés à laisser aller cette installation. Lorsque je dis «nous», j'entends la communauté de la Miramichi.

• 1235

Nous recommandons que le comité exerce des pressions pour que nous obtenions les 150 000 $ de plus dont nous avons besoin pour garantir la survie de cette écloserie.

Le sujet suivant—et j'en suis à la page 12 de notre mémoire—est la gestion du bassin hydrographique. À la lumière de la politique et des initiatives législatives du ministère des Pêches et des Océans depuis plusieurs années, il semble bien que l'on préconise la gestion communautaire des ressources et le partenariat avec le secteur privé. Il est aussi évident que le ministère juge opportune la gestion communautaire du bassin hydrographique, en tout cas en ce qui concerne la pêche côtière.

C'est dans la foulée de ces politiques et des ententes auxiliaires que j'ai mentionnées tout à l'heure que notre comité a vu le jour. Nous sommes convaincus que le ministère des Pêches et des Océans adhère sans réserve au concept de la gestion communautaire du bassin hydrographique. Les fonctionnaires fédéraux se sont faits à maintes reprises les champions de cette cause auprès des autorités provinciales dans un effort pour les convaincre de conclure un accord qui établirait le cadre ou la structure officielle de notre participation à la gestion de la pêche sportive ici, sur la Miramichi.

Je ne vois pas pourquoi le gouvernement de Terre-Neuve aurait accepté de faire ce que le gouvernement du Nouveau-Brunswick ne veut pas faire, mais je pense que les autorités du Nouveau-Brunswick pourraient tirer des enseignements de cette expérience.

J'ignore ce que l'avenir réserve au projet de loi sur les pêches, mais après l'avoir parcouru rapidement, je ne suis pas certain qu'il appuie la participation communautaire et le partenariat pour la pêche côtière et sportive avec autant de vigueur que pour la pêche commerciale.

Nous avons l'assurance que le ministère des Pêches et des Océans appuie le principe de la gestion communautaire du bassin hydrographique, et nous recommandons au gouvernement fédéral de la concrétiser soigneusement. D'ailleurs, le gouvernement du Canada devrait poursuivre ses efforts pour convaincre son homologue provincial du bien-fondé de cette démarche de gestion des pêches.

En ce qui a trait à la réglementation, les administrateurs locaux du MPO nous disent que leurs efforts pour gérer convenablement les pêches sont entravés parce qu'ils n'ont pas la marge de manoeuvre voulue pour prendre des règlements concernant des lacs, des cours d'eau, des zones, etc. Ils ne peuvent assurer une microgestion de la pêche côtière, comme ils devraient le faire.

Les fonctionnaires locaux du ministère ont à plusieurs reprises fait des recommandations à l'administration centrale d'Ottawa pour que la réglementation soit simplifiée afin qu'ils puissent mieux répondre, comme je le disais, aux problèmes à caractère local. Mais chaque fois ces demandes sont tombées dans l'oreille d'un sourd.

Ce serait merveilleux si le comité pouvait inviter un représentant du ministère à venir lui dire pourquoi rien ne s'est passé. Il s'agit d'une question toute simple et qui ne relève que du ministère. Il y a tout simplement qu'Ottawa n'a jamais donné suite aux recommandations pourtant parfaitement valables de ses gestionnaires locaux.

• 1240

Nous recommanderions donc, comme je l'ai déjà dit, que le ministère soit invité à venir dire pourquoi il n'a pas donné suite aux demandes de ses gestionnaires locaux et qu'on lui dise qu'il devrait une fois pour toutes promulguer ces changements.

Enfin—et ceci correspond à la page 14 de notre mémoire—même s'il y a au sein du comité des représentants des bandes autochtones, nous n'estimons pas avoir autorité pour être leur porte-parole ici. Je vous livrerai néanmoins l'une de leurs observations dont ils nous ont fait part lors de nos réunions, et il s'agit en l'occurrence d'une critique à l'endroit de la stratégie concernant la pêche autochtone.

En fait, permettez-moi de revenir un peu en arrière en précisant pour commencer qu'il ne fait aucun doute que depuis quelques années la gestion de la pêche autochtone dans la Miramichi s'est énormément améliorée. Je pense que le ministère et les bandes ont fait ici un excellent travail. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'y a pas de problèmes. Ni que la pêche sportive ne pose pas problème non plus. Mais une chose qui nous a été très clairement dite par les bandes, c'est que les progrès accomplis dans le domaine de la conservation et de la protection ne sont nullement récompensés par le ministère. Il n'existe aucun incitatif, ou du moins aucun incitatif suffisant, pour que les bandes interviennent vigoureusement sur le plan de la conservation et de la protection dans leurs propres pratiques de pêche.

Il y a à cet égard un exemple... et je n'ai pas eu l'occasion d'en confirmer la véracité auprès du ministère, mais je pense néanmoins qu'il est bien exact. Avant cette dernière saison, il aurait été possible pour une bande soucieuse d'agir dans le sens de la conservation et d'adapter ainsi ses pratiques de pêche de signer l'entente qui la concerne avant le début de la saison et d'obtenir ainsi le financement correspondant, alors qu'une autre bande, peut-être moins soucieuse celle-là, aurait pu aussi bien ne rien faire pendant toute la saison, pêcher au mépris de toute réglementation et pourtant obtenir les mêmes montants. Cette dernière bande aurait fort bien pu signer son entente à la fin de la saison et toucher néanmoins sa subvention.

De toute évidence, cela pénalise les bandes qui sont disposées à signer leurs ententes dans les délais prévus et de les respecter pendant la saison de pêche. Il n'y a absolument rien qui vienne encourager et récompenser ceux qui pratiquent la pêche de façon responsable et dans le souci de la conservation.

S'agissant de la pêche autochtone, nous recommandons que le gouvernement intervienne pour faire en sorte que les bandes qui mettent en place des programmes de conservation et de protection rigoureux à l'appui de leurs droits de pêche soient récompensées en conséquence.

Enfin, en guise de conclusion, le président m'a promis que notre mémoire serait passé à la loupe, et c'est tout ce que nous pouvons en fait vous demander.

Merci, monsieur le président.

Le président: C'est ce que j'allais dire, monsieur Mills. Je lisais votre mémoire pendant que vous nous parliez, et vous nous avez donné plus de détails encore que ce qui figure dans votre texte.

M. Alex Mills: Excusez-moi.

Le président: Il n'y a pas de quoi, monsieur Mills.

Nous allons maintenant passer aux questions et nous allons devoir insister pour qu'elles restent relativement courtes si nous voulons pouvoir respecter notre horaire. Pour commencer, monsieur Mills, permettez-moi de poser une question au nom de l'ensemble du comité.

Nos membres ont été choqués d'apprendre l'autre jour que la France pratiquait de façon très active la pêche commerciale du saumon sur la côte sud de Terre-Neuve. Un seul de nos membres connaissait toute l'envergure de cette activité, et il s'agit de M. Bill Matthews, dont toute la circonscription comprend le littoral sud de Terre-Neuve. Le gouvernement fédéral y avait interdit toute pêche commerciale du saumon parce qu'on nous avait dit qu'il s'agissait du saumon de la Miramichi. Lorsque le programme de rachat a été mis en place, c'est ce qu'on nous avait dit. La côte sud de Terre-Neuve? M. Matthews nous a signalé que tous les filets avaient été rachetés par les pêcheurs français, et nous en avons eu d'ailleurs la preuve pendant notre tournée. Tous les pêcheurs commerciaux locaux dont le permis avait été racheté avaient effectivement vendu leurs filets aux Français.

• 1245

Alors voici ma question. Lorsqu'on pose un filet ordinaire pour la pêche commerciale du saumon—et je suis sûr que M. Bernier et d'autres membres du comité ont déjà vu ce genre de chose, comme moi d'ailleurs lorsque j'étais jeune—on le pose à environ trois ou quatre pieds de la surface. Du moins, c'est ce que nous avions coutume de faire. Mais ce qu'ils font, eux, c'est de disposer des filets qui sont reliés les uns aux autres. La zone ainsi pêchée se trouve bien entendu à mi-chemin de Terre-Neuve, jusqu'à 80 milles au large, et la zone à proprement parler est large de 12 milles. C'est en effet cela que les tribunaux ont concédé à la France il y a trois ans. Quelle est à votre avis l'incidence de cette pratique sur le saumon de la Miramichi?

M. Alex Mills: Il ne fait aucun doute que ce genre de pêche illégale est horrible—et j'utilise ici le terme «illégale» dans l'optique de la conservation, même si ce terme n'est pas à proprement parler exact, puisque c'est peut-être légal pour les Français. Mais c'est quelque chose qu'on ignore en règle générale. C'est d'ailleurs quelque chose que moi-même j'ignorais, mais il n'empêche que cette pratique fait des ravages au niveau de notre pêche. En effet, c'est précisément de cette zone que viennent nos saumons—le long de la côte sud, sur toute la longueur de Terre-Neuve via Port-aux-Basques, puis la remontée dans les cours d'eau du golfe. Si les poissons sont ainsi arrêtés d'une façon ou d'une autre, cela pourrait avoir des effets catastrophiques.

Si vous me demandez ce qu'il faudrait faire, je vous dirais d'envoyer une canonnière.

Le président: À votre avis, l'arraisonnement en haute mer est peut-être la question la plus importante dont nous devrions nous saisir.

M. Alex Mills: Effectivement, s'il s'agit d'un problème identifiable qui pourrait ainsi faire l'objet d'une intervention immédiate.

Le président: Monsieur Matthews, avez-vous quelque chose à ajouter à ce que vous venez de dire? Cette pratique de racheter les filets dans votre district, dans votre circonscription, est en fait relativement courante, comme nous l'ont attesté certains pêcheurs. Quant à la pêche commerciale, ni moi, ni les autres membres du comité ne savions qu'elle était aussi intensive.

M. Bill Matthews: On a toujours pêché le saumon depuis Saint-Pierre-et-Miquelon, mais cette pêche a véritablement connu une expansion énorme depuis quelques années. Les pêcheurs français ont acheté des filets auprès des pêcheurs de la côte sud de Terre-Neuve, et en particulier de la péninsule de Burin, et, effectivement, cette pêche est vraiment devenue assez importante.

M. Alex Mills: Monsieur le président, je me demande où vont ces captures. Ce poisson est-il acheminé vers la France, ou va-t-il ailleurs?

M. Bill Matthews: Je n'en sais rien. Il n'empêche que cette pêche est relativement intensive.

Le président: C'est ce qu'on appelle le saumon de l'Atlantique, et on le trouve sur les étals en Europe et dans le monde entier. J'imagine qu'on en vend même une partie ici au Canada, mais sous l'appellation de saumon de l'Atlantique.

M. Alex Mills: C'est de toute évidence quelque chose dont le gouvernement du Canada peut se saisir lorsqu'il négocie les droits de pêche internationaux. Il peut négocier, exercer des pressions ou, comme je le disais, faire comme l'a fait le premier ministre de Terre-Neuve jadis et adopter la ligne dure. Je sais que ces eaux appartiennent à la France, mais ce n'est pas...

Le président: Mais c'est votre saumon.

M. Alex Mills: C'est notre saumon...

Le président: C'est le saumon de la Miramichi.

M. Alex Mills: ...et il ne fait que passer. Si les stocks avaient augmenté, on pourrait toujours justifier l'octroi aux gens du Groenland d'un genre de droit d'interception, c'est certain, mais pas dans le cas des saumons de passage. Je ne vois pas comment on pourrait justifier cette pêche. Pour moi, c'est du vol, ni plus ni moins.

Le président: Je vais maintenant demander aux membres du comité s'ils ont des questions à poser, mais avant cela, une dernière chose, et il s'agit de la première écloserie de saumon au Canada. Il est certain que nous déplorons tous et trouvons inconcevable que le gouvernement fédéral ait laissé couler cette entreprise. M. Hubbard, comme vous le savez, a conduit à Ottawa sa propre campagne pour s'opposer à cette fermeture. La première chose que nous avons notée dans votre mémoire, c'était bien sûr votre demande, et je suis convaincu que le comité et tous ses membres en feront état dans le rapport au Parlement.

• 1250

Je voudrais que les membres du comité vous posent rapidement une ou deux questions, si c'est possible. Pour commencer, le porte-parole de l'Opposition officielle à la Chambre des communes, M. Duncan.

M. John Duncan: Je vous remercie.

Je voudrais commencer par remercier nos témoins pour leur mémoire, que je vais reprendre page par page, étant donné que c'est la démarche la plus facile. À la page 10, vous parlez des raisons pour lesquelles le ministère a abandonné cette écloserie. Dans cet extrait, vous parlez également de l'expérience désastreuse enregistrée sur la côte Ouest avec les écloseries. Moi qui viens de la côte Ouest, je puis vous dire que si le ministère des Pêches et des Océans ne veut pas subventionner quelque chose, il trouvera toujours une bonne raison.

Nous avons sur la côte Ouest beaucoup d'écloseries rentables, mais ce sont souvent de petites écloseries. Auparavant, elles avaient été en quelque sorte asphyxiées, et le ministère avait continué à financer les plus grosses d'entre elles. Maintenant, il veut se dessaisir du dossier. Les grandes écloseries posent manifestement problème, étant donné qu'elles ont tendance à inonder le bassin génétique des populations sauvages. Nous pourrions peut-être insérer ici le mot «grandes» avant le mot «écloseries»; cela serait plus fidèle à la réalité. C'était un commentaire à votre intention, et non pas une question. Mais je voulais le signaler.

Pourriez-vous nous dire à combien se chiffrait, pour le ministère, le budget annuel d'exploitation de l'écloserie de South Esk?

M. Alex Mills: Les dernières années, le budget était de l'ordre de 200 000 $ par an.

M. John Duncan: Ce que vous voulez nous dire en fait, c'est que vous voulez l'équivalent de 18 mois de budget d'exploitation.

M. Alex Mills: C'est bien exact.

M. John Duncan: Voilà qui met les choses en perspective, dirais-je.

Vous dites également qu'il faut déléguer les pouvoirs au niveau de la microgestion du cours d'eau. C'est le même problème qui se pose partout dans le cas du ministère. Chaque décision prise par un agent local risque d'être validée par un simple coup de téléphone de l'administration régionale ou de l'administration centrale à Ottawa quelques instants plus tard. C'est le genre de plaintes que je n'arrête pas de recevoir dans ma circonscription. Le ministère a en effet tout un système hiérarchique de commandement et de contrôle qui ne permet absolument aucune souplesse sur le plan local. J'en conviens donc: il faudrait une certaine délégation de pouvoirs à cet égard.

Je vais maintenant essayer d'aller avec vous un peu plus loin encore. Vous nous dites dans votre mémoire—et je ne m'en étais pas rendu compte—qu'il n'existe pas au Nouveau-Brunswick de permis de pêche en eaux de marée ou de permis de pêche sportive à la ligne. Ce genre de chose existe toutefois, vous le savez, sur la côte Ouest. Ces permis sont une importante source de recettes. Si vous aviez le pouvoir de déléguer et de délivrer des permis et si vous pouviez en conserver les recettes, seriez-vous également les nouveaux administrateurs du bassin correspondant? Laissez-moi terminer, je vous prie, avant de répondre à cette question.

Ce que je disais au tout début aux témoins précédents concernant les stratégies pour les pêches autochtones a peut-être été mal interprété. Dans le cas de la pêche commerciale autochtone, je présentais le point de vue de la Colombie-Britannique, où nous voulons une seule pêche commerciale. C'est ce que disait également l'Union des pêcheurs des Maritimes. Déjà, la pêche autochtone représente 30 p. 100 de cette pêche commerciale. Certes, le gouvernement peut intervenir et augmenter l'importance de la composante autochtone dans la pêche commerciale existante—et c'est d'ailleurs une perspective qu'on retrouve dans l'ensemble du secteur—mais il faut le faire de manière à ce qu'il n'y ait qu'une seule pêche commerciale. C'est une précision que je tiens à apporter, parce que je pense que les gens risquent de mal comprendre. Vous n'avez pas besoin de répondre à ce commentaire, sauf si vous voulez le faire, mais j'aimerais par contre avoir votre avis sur ma question précédente.

• 1255

M. Alex Mills: Ce concept d'un permis de pêche en eaux de marée qui servirait avant tout pour l'octroi des autorisations et le contrôle et qui offrirait certains avantages au comité de gestion du bassin est intéressant. Comme vous le savez, la délivrance des permis est normalement du ressort de la province, mais j'estime personnellement que les eaux de marée sont plutôt de la compétence du gouvernement fédéral.

L'un des problèmes tient au fait que nous en avons parlé au gouvernement provincial, mais que celui-ci hésite à reconnaître notre comité, ce qui nous a empêchés d'avoir une véritable source de financement. Nous sommes en effet un organisme bénévole et, malheureusement, nous avons toutes les peines du monde à réunir les fonds nécessaires pour assurer notre fonctionnement quotidien. Nous n'avons pas de personnel rémunéré, et il nous faut une source de financement. Mais l'idée d'obtenir une quelconque délégation de pouvoirs du ministère des Pêches et des Océans, alliée à la notion d'un permis de pêche en eaux de marée, est effectivement intéressante. Voilà ce que j'en pense. D'autres pourraient également avoir une idée différente à ce sujet.

M. John Duncan: Nous aimerions savoir ce que vous en pensez parce que c'est sans nul doute quelque chose que je pourrais faire valoir dans le cadre des recommandations du comité.

M. Bruce Whipple (directeur, Comité de gestion du bassin hydrographique de la Miramichi, Inc.): À mon avis, cela ne marcherait pas parce que dans les eaux de marée, le saumon ne mordrait ni à la mouche, ni au leurre. Pas le saumon de l'Atlantique en tout cas, contrairement au saumon de la Colombie-Britannique. Alors à qui donneriez-vous des permis? Les gens n'en achèteront pas s'ils savent qu'ils ne pêcheront rien.

M. Alex Mills: C'est exact. Il ne faut pas confondre la pêche en eaux de marée dans l'Atlantique et dans le Pacifique. Il n'en demeure pas moins que les gestionnaires du ministère auxquels j'en ai parlé m'ont dit qu'un système de permis pour la pêche au saumon de l'Atlantique dans les eaux de marée serait un outil de gestion utile. Cela n'a en fait rien à voir avec le fait que cette pêche est pratiquement inexistante et qu'il n'y a pas non plus de pêche sportive commerciale qui se pratique dans les eaux de marée, mais les responsables de Pêches et Océans auxquels j'en ai parlé ont trouvé l'idée utile.

Le vice-président (M. Charles Hubbard): John, avez-vous une autre question?

M. John Duncan: Non.

Le vice-président (M. Charles Hubbard): Comme on l'a déjà dit, la pêche se pratique ici exclusivement à la mouche. La réglementation interdit l'utilisation de leurres ou de cuillères tournantes, de sorte qu'il s'agit uniquement de questions de réglementation.

M. Easter a des questions et je lui cède maintenant la parole.

M. Wayne Easter: Il semble peu probable que le gouvernement revienne sur sa décision concernant l'écloserie. Je m'empresse d'ajouter que votre député s'est bien battu pour ce dossier.

Si l'on veut penser à l'avenir, il faut s'occuper immédiatement du présent. Pour l'essentiel, vous nous demandez—et c'est ce que John disait—l'équivalent de 18 mois de budget d'exploitation. Mais après cela? Je vous laisse y réfléchir.

Un autre problème a été abordé par les autres témoins et vous aussi vous en avez fait état dans votre exposé. Ces audiences nous ont appris, et cela m'inquiète de plus en plus, que la pêche au poisson de fond étant en déclin, nous avons essayé de trouver d'autres espèces à exploiter et nous travaillons dans les deux sens. D'aucuns nous disent que nous devrions envisager le développement de la pêche au capelan et agir dans ce sens. D'autres prétendent que les eaux sont riches en crevettes. Nous devons choisir.

Même les scientifiques du ministère nous disent qu'effectivement les crevettes sont abondantes et que nous devons ouvrir de nouveaux quotas pour permettre l'exploitation de cette ressource. Je voudrais que vous nous disiez ce que vous en pensez parce que c'est l'avenir qui m'inquiète. Nous risquons d'ici cinq ou dix ans de connaître des problèmes beaucoup plus graves que nous le pensons actuellement si nous continuons à exploiter la ressource au maximum.

• 1300

Enfin, pour ce qui est de l'état du stock, nous avons des problèmes non pas dans le cas du saumon sauvage de l'Atlantique mais assurément dans celui de la salmoniculture. Dans une rivière des environs, il y a également eu un problème d'épizootie. Manley, vous l'aviez je crois mentionné cet été lorsque je vous avais parlé. Avons-nous au ministère suffisamment de ressources pour protéger la ressource contre les nouvelles maladies, les virus ou ce genre de chose qui risque de se produire à un moment donné?

M. Alex Mills: Je vais commencer par répondre à la question relative aux crevettes et aux capelans par opposition au saumon. Nous ignorons le problème qui affecte le saumon de l'Atlantique. Les scientifiques du ministère sont-ils capables de nous affirmer que ce problème n'a rien à voir avec les populations de crevettes? Voilà le genre de questions et de réponses qui s'imposent. Moi, je l'ignore.

Si un chercheur du ministère des Pêches et des Océans nous dit qu'il s'agit d'une espèce sous-exploitée, a-t-il fait toutes les analyses nécessaires pour savoir au juste quelle est l'interaction entre la crevette et le saumon ou entre le capelan et le saumon? Est-ce que ces analyses lui permettent de le dire? Dans la négative, il faut mettre la pédale douce jusqu'à ce que nous ayons une certitude. Je ne vois pas comment il pourrait ne pas y avoir d'interaction. Toutes ces espèces font partie de la chaîne alimentaire.

Il s'agit d'avoir des réponses précises. Il est certain que s'il y a des réponses précises, alors il faudrait y donner suite. De toute évidence, les données scientifiques du MPO ont été critiquées récemment et je sais que les données scientifiques relatives à l'Atlantique-Nord, en mer libre, en ce qui a trait au saumon de l'Atlantique, sont malheureusement insuffisantes. C'est un fait. Donc jusqu'à ce qu'elles soient complètes, notre position serait de ne pas toucher à leurs bases alimentaires.

M. Bruce Whipple: Je voulais tout simplement souligner que je pense qu'il a dit qu'il n'y avait pas de problème pour ce qui est du poisson sauvage, et Manley vous a fait remarquer qu'il y avait un problème.

M. Wayne Easter: Non, j'ai dit qu'il y avait un problème.

M. Bruce Whipple: En ce qui a trait aux stocks de poisson, il y a certainement un problème. Même cette année, les stocks ont baissé de 30 p. 100 par rapport à l'an dernier, et l'an dernier les stocks étaient marginaux.

M. Alex Mills: Une autre chose—en fait c'est un oubli dans notre mémoire—c'est que nous prenons certainement la position que nous ne voulons pas d'aquiculture du saumon de l'Atlantique dans cette rivière. Cela devient tout simplement trop inquiétant étant donné tous les problèmes, et je ne suis pas certain que nous ayons un contrôle là-dessus non plus.

Il y a certaines hypothèses... L'une des causes possibles de la furonculose dans la Miramichi serait le saumon qui se serait échappé des piscifactures. Regardez ce qui se passe en Norvège. Tout cela est extrêmement inquiétant. Notre comité ne voudrait certainement pas que l'on fasse de l'aquiculture du saumon de l'Atlantique dans ce système. Les menaces sont trop grandes. Ils ne vont pas le faire de toute façon, cela est évident; l'eau est trop froide. Si quelqu'un trouvait un moyen de le faire...

Le président: Les membres du comité tiennent à remercier nos témoins aujourd'hui. Nous allons certainement répondre à certaines des préoccupations que vous avez soulevées dans notre rapport au Parlement. Nous voulons vous remercier d'être venus ici aujourd'hui.

Nous reviendrons, chers collègues, pour entendre l'Association des pêcheurs de poisson de fond acadiens, le Conseil du saumon du Nouveau-Brunswick, la Fédération régionale des producteurs et des pêcheurs acadiens et d'autres.

Nous reviendrons ici après le déjeuner, et nous reprendrons alors nos délibérations.

• 1304




• 1505

Le président: Nous allons maintenant reprendre la séance. Avant d'inviter nos témoins de la Fédération régionale acadienne, le maire, Cleo Sonier, aimerait nous dire quelques mots.

Monsieur Sonier.

[Français]

Mr. Cleo Sonier (maire de Neguac): Monsieur le président, mesdames et messieurs, distingués invités, chers amis, je suis heureux de vous accueillir dans notre belle communauté. Comme vous le savez, la pêche est un élément important de notre économie. Nous valorisons les relations que nous entretenons avec tous les intervenants du domaine.

J'espère que vous profiterez de votre séjour chez nous pour savourer non seulement les meilleurs fruits de mer au monde, mais aussi la richesse et la joie de vivre de notre patrimoine acadien. Je vous souhaite un bon séjour chez nous. Merci.

[Traduction]

L'honorable Danny Gay, ministre des Pêches, assiste à une réunion à Halifax et il ne pouvait donc pas être ici ce matin. Il m'a demandé de vous souhaiter bonne chance cet après-midi.

Merci.

Le président: Merci, monsieur le maire. Nous n'avons certainement jamais mangé des fruits de mer aussi bons que ceux que nous avons mangés ici aujourd'hui, et nous tenons à vous en remercier.

Une voix: Eh bien.

Le président: Vous entendez des objections de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve.

Nous aimerions maintenant inviter M. Robert Haché et les autres témoins de la Fédération régionale acadienne des pêcheurs et producteurs.

M. Robert Haché (Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels): Notre organisation s'appelle la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels.

Le président: Très bien. Je me demande, monsieur Haché, si vous pouvez nous présenter les gens qui vous accompagnent et peut-être nous faire un exposé liminaire. Je sais qu'une bonne partie de ce que vous allez dire a déjà été portée à l'attention du comité. Je vous donne donc la parole, monsieur Haché.

[Français]

M. Robert Haché: Je vous remercie. J'aimerais passer la parole en tout premier lieu au président de la Fédération, M. Renald Guignard.

M. Renald Guignard (président, Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels): Bonjour, messieurs. Je voudrais vous saluer au nom de la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels, monsieur le président George Baker, ainsi que Charles Hubbard qui nous reçoit dans sa circonscription.

Je vais vous présenter les membres de la Fédération qui est formée de quatre associations de pêcheurs: M. Daniel Gionet est le président de l'Association des crevettiers du golfe; M. Gilles Noël est le président de l'Association des membres d'équipage; M. Fernand Friolet, président de l'Association des seineurs, est absent à cause du court délai de la réunion; moi-même, Renald Guignard, je suis président de l'Assocation des crabiers acadiens et président de la Fédération; et M. Robert Haché est notre directeur général.

Robert Haché va vous parler de notre système de gestion de la ressource et des espèces que l'on pêche au niveau semi-hauturier à la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels

Même si on a déjà pas mal parlé de notre ressource ou des espèces que l'on pêche, je voudrais vous faire part de la manière dont nous gérons la ressource et les espèces de poissons que nous pêchons. Nous n'avons nullement l'intention de démontrer la façon de gérer des espèces qui ne nous concernent pas.

Monsieur Haché, je vous demanderais de faire la présentation.

M. Robert Haché: Merci, Renald. On vous a remis un document. Je vais vous en expliquer un peu le contenu.

La première partie de ce document constitue la présentation qu'on va vous faire aujourd'hui. Ensuite, il y a quatre autres parties concernant chacune des associations membres de la fédération. Ces informations-là peuvent vous servir, en tant que députés impliqués dans les pêches, pour obtenir des données factuelles et précises sur les associations en question, ce qu'elles représentent et ce qu'elles sont.

• 1519

On y a inclus le nom du président et son adresse et on a fait la description des ressources que l'on pêche et des débarquements qui sont faits. On y décrit la pêche elle-même et le territoire de pêche de chacun des groupes. On y décrit la flotte, la main-d'oeuvre et un peu l'organisation avec la liste des administrateurs. Puis, pour chaque cas, on y fait l'historique des espèces et de la gestion que l'on en fait.

Tout cela est pour votre propre information, pour vous-mêmes et vos équipes. Si, à un moment donné, on vous parle de nous et que vous vouliez nous rejoindre, j'espère que cela vous sera utile.

Nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de nous présenter devant vous, particulièrement ici, dans notre propre région. Nous savons que vous avez déjà entendu parler de la flotte semi-hauturière du golfe Saint-Laurent, particulièrement par le biais du crabe des neiges et à cause de toutes les interprétations qu'on a pu donner de cette flotte. Toutes ces interprétations et la richesse présumée de cette flotte ont été utilisées au Parlement à toutes les sauces, en particulier pour motiver et justifier l'implantation des droits d'accès aux pêcheurs. On a utilisé le crabe des neiges de la zone 12 pour s'exprimer contre les quotas individuels et la privatisation. On a parlé des millionnaires crabiers de la zone 12, mais toute cette histoire devient un peu farfelue.

Nous sommes donc très heureux, pour une fois, d'avoir l'occasion de remettre les pendules à l'heure, de mettre les points sur les i et de vous soumettre bien humblement l'historique de la flotte non compétitive du golfe, qui ne comprend pas uniquement des crabiers; c'est une flotte très diversifiée et extrêmement intéressante, comme vous allez en juger, je l'espère.

Les pêches durables pour les communautés côtières sont une tradition de l'association. Les pêcheurs professionnels du golfe Saint-Laurent possèdent trois caractéristiques principales qui les distinguent et les définissent.

Une première caractéristique est l'existence de deux modes de pêche: la pêche compétitive et la pêche non compétitive. Une deuxième caractéristique est l'existence de deux catégories de pêcheurs, soit les capitaines-propriétaires et les membres d'équipage. Comme vous le savez, notre fédération représente une association dûment constituée de membres d'équipage.

Une troisième caractéristique est l'existence de quelques organisations qui regroupent un très grand nombre de détenteurs de permis et d'organisations qui regroupent peu de pêcheurs.

Les pêcheurs non compétitifs: qui sont-ils? Les associations de pêcheurs ainsi que les pêcheurs représentés par notre fédération opèrent tous dans des pêches non compétitives. Leur pêche est caractérisée par des sorties en mer de plus d'une journée, parfois plusieurs jours, et par l'utilisation de bateaux d'une longueur qui peut varier entre 45 et 85 pieds. Ces pêcheries non compétitives sont régies par des modèles de gestion basés sur l'octroi de quotas individuels à chaque pêcheur.

Les pêcheurs compétitifs: Les pêcheurs compétitifs sont surtout rattachés, dans le golfe Saint-Laurent, aux pêches côtières et regroupent essentiellement des pêcheurs qui pêchent près des côtes. Leur pêche est caractérisée par des sorties en mer de 24 heures ou moins et par l'utilisation de bateaux de moins de 45 pieds. Ces pêches côtières sont régies par des modèles de gestion basés sur le contrôle de l'effort de pêche avec ou sans contingent global.

Les membres d'équipage: Jusqu'à tout récemment, les membres d'équipage étaient représentés à l'intérieur d'associations de capitaines ou, dans bien des cas, pas représentés du tout. Il existe maintenant au moins cinq associations de membres d'équipage canadiens, dont une au Nouveau-Brunswick faisant partie de notre fédération et quatre au Québec.

• 1515

Les organisations de pêcheurs: Il existe dans le golfe Saint-Laurent quelques organisations qui jouissent d'un membership très étendu et qui représentent essentiellement les intérêts du secteur des pêches côtières compétitives, secteur où l'on retrouve un très grand nombre de détenteurs de permis de pêche.

D'autre part, la grande majorité des organisations reliées aux pêches non compétitives regroupent moins de 200 membres. Cette caractéristique s'explique par le fait que les flottilles qu'elles représentent ont choisi au cours de années de se rationaliser.

La Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels: La FRAPP existe depuis 30 ans. Bien qu'elle ait changé de nom et que sa structure organisationnelle ait évolué avec le temps, elle représente toujours les mêmes pêcheurs et poursuit toujours les mêmes objectifs. Sa clientèle est constituée de pêcheurs non compétitifs qui ont, au cours des années, réussi à développer et maintenir des entreprises de pêche qui connaissent ou qui ont connu un certain degré de succès. Ces entreprises de pêche sont toutes détenues par des capitaines-propriétaires exploitants qui ont à coeur de maintenir le secteur de la capture du poisson entre les mains de pêcheurs professionnels rattachés à leurs communautés côtières.

Au cours des années, la FRAPP a toujours tenté de faire reconnaître l'importance d'inclure et de responsabiliser les pêcheurs dans la gestion des ressources qu'ils exploitent. Ce concept de cogestion et de partenariat demeure un objectif extrêmement important pour notre fédération.

Finalement, la FRAPP, à l'image de son membership, a toujours favorisé la professionnalisation des pêcheurs et l'approche entrepreneuriale dans l'industrie de la capture. Le concept ou la perception qui veut que les pêches soient un créateur d'emplois de dernier recours ne reflète aucunement la vision de la FRAPP et de ses pêcheurs membres.

Nos objectifs: Ici, mon discours va traiter des quatre objectifs de la FRAPP pour vous faire comprendre que chez nous, les objectifs poursuivis sont très concrets et rattachés à l'expérience de nos pêcheurs, qui ont évolué avec le temps comme vous allez le voir.

La FRAPP poursuit essentiellement quatre objectifs, à savoir promouvoir la professionnalisation des pêcheurs, promouvoir les pêcheries durables, promouvoir le concept de pêcheurs entrepreneurs, et promouvoir des approches de cogestion et de partenariat.

Promouvoir la professionnalisation des pêcheurs: Comme je le mentionnais au début de mon exposé, la pêche n'est pas et ne devrait plus être considérée comme un métier de dernier recours.

Cependant, contrairement à la plupart des autres corps de métier ou corps professionnels, il n'existe actuellement aucun système d'accréditation formelle de la profession, sauf peut-être à Terre-Neuve. La FRAPP dans son ensemble, et plus particulièrement l'Association des pêcheurs professionnels membres d'équipage, travaille depuis quelques années au développement de la certification des pêcheurs professionnels basée sur des standards de formation et d'expérience adéquats.

L'essentiel de la démarche est le suivant: dans tout processus de certification qui serait mis en place, les pêcheurs actuellement actifs seraient automatiquement reconnus par une clause grand-père. Ceci est justifié par le fait qu'ils possèdent déjà les habilités, les connaissances de base et l'expérience nécessaire à l'exercice sécuritaire de leur profession.

Les critères pour les nouveaux arrivants seraient cependant différents. Dans le but d'encourager les futurs pêcheurs à compléter leurs études secondaires au moins, il est proposé que les personnes désirant faire carrière dans la pêche et être reconnues comme pêcheurs professionnels soient tenues d'obtenir leur diplôme d'études secondaires, de suivre un certain nombre de cours de formation sur la pêche et de compléter cinq années de pêche semi-hauturière.

Il est aussi impératif que l'enregistrement, c'est-à-dire la certification, autant des nouveaux arrivants que des pêcheurs actifs actuels, soit obligatoire et cela, dès le début.

• 1520

Promouvoir les pêcheries durables: Avant la fin des années 1980, les pêcheurs semi-hauturiers que nous représentons opéraient tous dans le contexte de pêcheries compétitives, comme les pêcheries côtières d'aujourd'hui.

La croyance populaire de l'époque considérait les ressources de la mer comme inépuisables. Il fallait pêcher le plus possible afin de favoriser des gains économiques immédiats. Dans la mentalité des pêcheurs et des communautés côtières, le meilleur pêcheur était celui qui réussissait à débarquer la plus grande quantité de poisson à chaque sortie en mer.

Or, à la fin des années 1980, avec ce système, nos pêcheurs avaient déjà été témoins—les effondrements de stocks de morue n'ont pas été les premiers à Terre-Neuve; on a d'abord connu des effondrements de stocks plus petits, qui ont été tout aussi douloureux pour des petites communautés que le gros effondrement qui a coûté 2 milliards de dollars au gouvernement fédéral—d'effondrements importants pratiquement dans tous leurs stocks clés: la morue et le sébaste dans les années 1960, le hareng à la fin des années 1970 et le crabe des neiges à la fin des années 1980. Ces effondrements successifs ont finalement eu raison de cette croyance populaire en l'abondance sans fin des stocks de poisson du golfe.

Ayant pris conscience de la dure manière que les ressources halieutiques étaient épuisables, les pêcheurs membres de la FRAPP ont adopté une nouvelle attitude, messieurs, à savoir l'instauration de modes de gestion favorisant la reconstruction ainsi que la durabilité de leurs ressources. Cette conception est basée sur le fait que la ressource est épuisable, qu'il faut établir un équilibre entre la viabilité économique des entreprises et la viabilité de la ressource et qu'il faut sauvegarder la ressource pour les pêcheurs du futur et leurs communautés.

Dans cette optique nouvelle, le meilleur pêcheur n'est plus celui qui débarque de plus en plus de poisson, mais celui qui tire le meilleur profit d'une part limitée de poisson qui lui est allouée.

Promouvoir le concept de pêcheur-entrepreneur: Le changement d'attitude de nos pêcheurs face à la fragilité des ressources halieutiques est à l'origine d'un changement d'attitude face à leur propre vision du pêcheur. Nos pêcheurs sont passés du concept du pêcheur commercial compétitif à celui du pêcheur-entrepreneur. Quelles étaient donc les caractéristiques du pêcheur commercial compétitif et quelles sont celles du pêcheur-entrepreneur?

Le pêcheur commercial compétitif: À l'époque des pêches compétitives, tous nos pêcheurs avaient accès au même quota global de poisson et chacun voulait capturer la plus grande part du quota global. Dans ce contexte, le pêcheur avait toujours besoin d'un bateau plus gros et plus performant, d'engins de pêche plus efficaces et d'équipement électronique plus perfectionné afin de mieux compétitionner. Par conséquent, son endettement augmentait et tout imprévu, tels des bris mécaniques ou électroniques, la maladie ou autres, nuisait à sa compétitivité.

Finalement, le rythme de travail sur les bateaux devenait souvent inhumain parce qu'il fallait toujours compétitionner davantage pour prendre plus de poisson. De fait, cette compétition entre pêcheurs ne se faisait pas entre pêcheurs. Elle se faisait sur le dos de la ressource. Cela engendrait une course inévitable vers la ressource. L'effort de pêche de chaque pêcheur augmentait, les conditions menant à la surpêche s'installaient et les stocks se sont effondrés.

Le pêcheur-entrepreneur: Le virage qu'ont pris nos pêcheurs vers la fin des années 1980 en faveur des pêches non compétitives a changé tout cela. Dans ce nouveau contexte, chaque pêcheur reçoit un pourcentage fixe du quota global et cette part individuelle lui est réservée. Il lui est interdit de débarquer plus que sa part de poisson et toute surpêche individuelle est durement pénalisée. Le pêcheur a donc dû changer littéralement son approche afin de pouvoir tirer un meilleur profit de ses limites de quotas.

• 1525

Cette nouvelle formule lui ouvrait d'autres possibilités: il peut mieux planifier ses activités de pêche, il peut humaniser le rythme de travail sur son bateau et il peut échelonner sa saison de pêche sur une plus longue période, dans le but d'éviter les engorgements à l'usine et de prolonger la durée des emplois sur terre et sur mer. Il est encouragé à mieux manutentionner son poisson sur le bateau et au débarquement s'il veut obtenir un meilleur prix pour la quantité limitée de poisson.

Il n'a plus besoin de suréquiper son bateau pour compétitionner et il peut adapter la capacité de ce dernier à son quota fixe. Il peut plus facilement financer ses investissements puisqu'il peut offrir au prêteur un plan d'affaires basé sur une certaine garantie d'un quota fixe de poisson.

Finalement, et le plus important, la nécessité de compétitionner sur le dos de la ressource est éliminée. Le pêcheur est plutôt motivé à protéger le stock parce que si le stock s'effondre, sa part s'effondre. Et si le stock grossit, sa part grossit.

Contrairement au pêcheur commercial compétitif, le pêcheur commercial non compétitif est placé dans une situation propice pour qu'il prenne sa part de responsabilité dans la conservation des stocks et dans la gestion de son entreprise, à la manière d'un homme d'affaires soucieux de sa viabilité à long terme. C'est ce qu'on appelle un pêcheur-entrepreneur.

Promouvoir des approches de cogestion et de partenariat dans les pêches: Pêches et Océans Canada utilise deux principales approches de gestion des stocks, dont l'une est dirigée surtout vers les pêches compétitives et l'autre vers les pêches non compétitives.

L'approche de gestion pour les pêches compétitives est soutenue principalement par des mesures de contrôle de l'effort de pêche. On tente de protéger les stocks en contrôlant les activités des pêcheurs. L'approche de gestion des pêches non compétitives, même s'il y a du contrôle de l'effort, est soutenue principalement par des ententes de cogestion et de partenariat avec les pêcheurs. On tente de protéger les stocks en offrant à chaque pêcheur une certaine sécurité d'accès à sa ressource.

L'approche de contrôle, l'approche du bâton: Le MPO gère essentiellement l'effort de pêche en faisant trois choses: en imposant des règlements, en mettant en place des systèmes de contrôle et en imposant des sanctions. Par réglementation, le ministère limite le nombre de permis, limite les saisons de pêche, limite la longueur des bateaux, limite le type et le nombre d'engins de pêche, etc., etc., etc. Vous êtes au courant de tout cela. Ils mettent des tas de règlements; il y en a partout.

Le ministre met des systèmes de contrôle en place, qui sont, pour l'essentiel, appliqués par des agents de protection du ministère présents sur les quais, en mer et dans les airs. On impose des sanctions telles que des saisies de bateaux, des saisies de captures, des amendes, des retraits de permis, etc.

Bien que toutes ces mesures soient nécessaires dans la gestion des pêches compétitives et non compétitives, elles se sont avérées, s'avèrent et s'avéreront lamentablement insuffisantes pour éviter l'avènement de la surpêche dans les stocks compétitifs.

Cette approche est incapable de déjouer l'ingéniosité des pêcheurs, qui excellent au jeu du chat et de la souris. Les deux exemples suivants démontrent clairement cette faiblesse, et il y en a beaucoup d'autres. On réussit à contourner les règlements.

• 1530

Au milieu des années 1980, certains pêcheurs ont réussi à contourner légalement l'effet de la limite de la longueur de bateau qui leur était imposée par le ministère en faisant construire des bateaux beaucoup plus larges. Ces bateaux sont connus sous le nom de «super 45» ou encore, en anglais, «pregnant 44-footers».

L'autre exemple est tiré de la pêche au homard côtier. Les pêcheurs ont réussi à contourner légalement l'effet de la limite du nombre de casiers en doublant la taille de leurs casiers. Ces casiers sont maintenant connus comme des casiers à double salon.

Finalement, la mise en oeuvre d'une approche de gestion des pêches basée essentiellement sur le contrôle de l'effort est très coûteuse, très onéreuse, très fatigante pour le gouvernement et la société en général.

L'approche de la responsabilisation, la carotte: Comme je le disais précédemment, le MPO gère les pêches non compétitives essentiellement en offrant une certaine sécurité d'accès aux pêcheurs individuels et en leur déléguant personnellement des responsabilités de protection de la ressource.

Le partage par le MPO du quota global entre tous les pêcheurs pour une certaine période, habituellement entre cinq et dix ans, est généralement basé sur deux principes: l'historique des débarquements et des parts égales. Le partage initial peut se faire sur la base de l'historique des débarquements de poisson de chaque pêcheur. On retourne en arrière, on prend les cinq dernières années, on fait la moyenne de chacun et ensuite on divise la tarte en fonction de cela.

Cette formule a été utilisée pour le partage des quotas individuels de la crevette du golfe Saint-Laurent. Le groupe de Daniel Gionet ici présent pêche la crevette et utilise ce système. Le partage peut également être basé sur une répartition égale des parts de quota entre chaque pêcheur. Cette formule a été utilisée dans le cas des seineurs du golfe. On a pris le quota et on a dit qu'on faisait une part égale à tout le monde.

Le partage initial peut également comprendre une partie historique et une partie de part égale. Cette formule mixte a été utilisée pour le partage du crabe des neiges de la zone 12; 80 p. 100 du quota global a été réparti également entre tous les crabiers et l'autre 20 p. 100 a été réparti en fonction de l'historique des débarquements de chaque pêcheur.

Une fois le partage initial fait, les pêcheurs veulent s'assurer que personne ne débarque plus que sa part de quota. Ainsi, dans toutes nos pêches, les pêcheurs ont mis sur pied et financé des systèmes de contrôle des débarquements de chaque pêcheur par des firmes indépendantes de pesage à quai.

Finalement, des règles de gestion sont établies pour gérer les systèmes. Il est important de comprendre cela. Pour l'essentiel, ces règles sont instaurées soit pour prévenir l'acquisition de monopoles par certains pêcheurs, soit pour encourager la rationalisation à l'intérieur d'une flottille où cela est nécessaire.

Ces deux objectifs sont atteints par la transférabilité ou la non-transférabilité de quotas entre pêcheurs. Ainsi, le système de quotas individuels de nos crabiers ne permet pas la transférabilité temporaire ou permanente de quotas d'un crabier à un autre. L'absence de transférabilité, dans ce cas-ci, est motivée par le fait que le ministère considère que la part de chaque pêcheur est suffisante pour assurer sa viabilité économique à long terme.

• 1535

Dans le cas de nos crevettiers, les règles sont différentes. Les crevettiers ont le droit d'acquérir une partie ou l'ensemble de leurs quotas sur une base permanente ou de s'en départir. Ce privilège de transférabilité de quotas est justifié, dans ce cas-ci, par la nécessité qu'il y avait, au moment de l'instauration du système, de rationaliser une certaine partie de cette flottille. Il y avait trop de pêcheurs et trop de bateaux.

Cependant, on limite le volume de quotas qu'un crevettier peut acheter à un maximum fixé à 714 000 livres par crevettier, cela afin de prévenir l'acquisition d'un monopole.

D'autre part, tout en permettant à un crevettier de vendre une partie de son quota, on l'oblige à vendre tout son quota s'il arrive en bas d'un seuil minimal. La limite minimale pour qu'un crevettier puisse rester dans la pêche est fixée à 350 000 livres. Rendu à cette limite, un gars qui avait 500 000 livres en a vendu 100 000 pour des raisons économiques. L'année suivante, il a décidé d'en vendre 50 000 livres. À ce moment-là, ce n'est plus sérieux. Le quota individuel n'est pas là pour faire du marchandage. À 350 000 livres, s'il veut toujours vendre, il faudra qu'il vende l'ensemble de son quota à un pêcheur qui pêche, sinon il devra quitter la pêche.

Avec ce système-là, dans le cas des crevettiers—je ne connais pas les chiffres pour le Québec—, au Nouveau-Brunswick, on a réussi à éliminer deux crevettiers de la flotte sans que cela coûte quoi que ce soit au gouvernement, sans que cela fasse de mal à qui que ce soit et sans que le crevettier qui a vendu soit dans la rue. Au Québec, je pense que c'est cinq, mais je n'en suis pas sûr. M. Bernier devrait le savoir et pourrait nous le dire.

Ces approches flexibles de cogestion et de responsabilisation du pêcheur, jumelées à certaines mesures de contrôle de l'effort—contrairement à M. Bernier, je ne veux pas tout éliminer étant donné qu'on a besoin des green smurfs, des agents des pêches même dans ces systèmes-là—, sont en vigueur dans nos pêches depuis moins de 10 ans, messieurs. Ça fait moins de 10 ans que nos pêcheurs ont quitté les pêches compétitives.

Il faut donc reconnaître que c'est quand même un changement fondamental extrêmement important. Il a fallu moins de 10 ans. Les résultats positifs ne se sont pas fait attendre pour les pêcheurs qui ont eu le courage d'adopter ces approches ainsi que pour les stocks qu'ils exploitent. Elles ont permis de sauver les stocks de crabe du golfe Saint-Laurent d'un effondrement certain, au début des années 1990.

Certains membres, ce matin, parlaient des millionnaires crabiers. Messieurs, vous savez bien qu'en 1989, les crabiers ont forcé le ministère à fermer la pêche parce qu'ils voyaient que le stock était en danger. Ils avaient attaché leurs bateaux aux quais. Ils ont dit: That's it, il faut arrêter ça. Il a fallu 24 heures au ministère pour décider de fermer la pêche. La raison pour laquelle le ministère ne voulait pas fermer la pêche, messieurs, c'est qu'on avait besoin de 10 semaines de travail pour garantir l'assurance-chômage des employés d'usine. C'est pour cela que le ministère a hésité à fermer la pêche.

Mais ces crabiers ont permis de sauver les stocks de crabe, et regardez ce qui se passe maintenant. Ces crabiers qui n'ont pas pêché en 1989 et qui ont commencé à pêcher en 1990, avec un quota de 7 000 tonnes, avec un prix de moins de 1 $ la livre, et qui ont fait pour leurs entreprises à peine 100 000 $ bruts une année et l'année suivante à peine 150 000 $, se sont retrouvés tout d'un coup, en 1995-1996, simplement à cause du jeu de l'échange du dollar canadien par rapport au yen japonais, avec un prix astronomique pour leur crabe. À la suite de cela, certaines entreprises ont pu faire un chiffre d'affaires brut de 1 million de dollars en un an. C'est depuis ce moment-là que tout le monde parle des crabiers millionnaires.

• 1540

Il faut avoir au moins l'honnêteté et la décence de regarder les choses comme elles sont. Il n'empêche que le crabe a été sauvé et maintenant, le crabe est une ressource qui est en santé, et c'est tant mieux! Bravo! Ce système-là a aussi permis de bien gérer la croissance des stocks de crevette du golfe. Les stocks de crevette sont maintenant—et vous le savez aussi—en excellente santé. Ces exemples mériteraient d'être suivis dans la gestion d'autres stocks du golfe qui sont menacés de surexploitation.

En guise de conclusion, la FRAPP fait siens deux constats suivants tirés du Rapport annuel du vérificateur général du Canada:

    14.6. L'attachement culturel profond pour la pêche au poisson de fond a été renforcé par plusieurs décennies de subsides gouvernementaux. Il en est résulté des pressions appréciables sur le gouvernement pour le maintien du statu quo, c'est-à-dire l'utilisation du poisson pour la prestation de soutien au revenu. Les gouvernements qui se sont succédé ont accordé un soutien au revenu de plus en plus important aux personnes qui habitent les collectivités côtières éloignées du Canada atlantique. Cette façon de réagir aux pressions sociales ne s'est pas traduite par une pêche rentable. En réalité, la disparition de la pêche a révélé, plus clairement que jamais, qu'une partie importante de l'industrie de la pêche de l'Atlantique reposait fortement sur le soutien du revenu. Cette dépendance complique encore plus les problèmes déjà complexes découlant de la surcapacité ou de la gestion des pêches.

    14.7 L'avenir de la pêche au poisson de fond demeurant incertain, les problèmes demeurent, eux aussi, critiques. Selon nous, le Ministère, de pair avec le gouvernement, se doit de prendre d'autres mesures afin de mettre en application le principe selon lequel la «conservation demeure le premier impératif»,...

Parmi ces autres mesures, les quotas individuels sont une option très valable, messieurs. On les utilise et on sait que cela marche.

    ...et de maintenir ses efforts afin de veiller à ce que les décisions en matière de gestion de la ressource soient conformes au principe selon lequel «la capacité de récolte se doit de correspondre à la ressource disponible.» En même temps, le gouvernement doit prendre de difficiles décisions socio-économiques...

Ce ne sont pas les pêcheurs, la pêche ou la ressource qui peuvent faire cela.

    ...quant à l'avenir de ceux que la pêche ne peut faire vivre, si la gestion des pêches a pour objet de garantir le caractère durable des pêches des points de vue écologique et économique.

Il ne faut pas se raconter des histoires et il faut savoir, messieurs, qu'il n'y a pas assez de poisson pour tout le monde, pour créer de l'emploi pour tout le monde. Il faudrait que le gouvernement fédéral fasse cette distinction-là très, très clairement.

On ne veut rien enlever à personne, mais le discours que l'on tient en disant que la ressource est là pour tout le monde et que tout le monde peut en profiter est un discours dangereux. C'est un danger parce que les exemples démontrent que, quand tout le monde peut participer sur une base compétitive, on perd finalement la partie la plus importante de notre avenir en termes de développement, c'est-à-dire la ressource elle-même.

Mais cela n'enlève pas au gouvernement fédéral la responsabilité de créer des emplois et de s'occuper des gens qui ne peuvent plus vivre de la pêche.

• 1545

J'espère qu'on est clairs. Ce qu'on peut vous dire, messieurs, c'est «don't throw the baby with the bathwater», comme on dit en anglais. Les pêcheurs que je représente savent que les quotas individuels de pêcheurs marchent.

Quand on parle de privatisation, il faut bien comprendre que la privatisation ou les droits de quasi-propriété dans les pêches n'existent pas uniquement depuis les quotas individuels. Quand un gars qui détient un permis le vend et fait de l'argent, cela relève du droit de privatisation.

Il n'y a pas d'autres solutions pour la ressource, selon nous, que de responsabiliser de plus en plus le pêcheur en lui donnant une sécurité d'accès. Finalement, ce qu'on vous demande de promouvoir, c'est la nouvelle Loi sur les pêches, le concept de partenariat, qui va donner des choses à un groupe de pêcheurs, non pas pendant des générations mais pendant cinq ou dix ans. Il s'agit de leur dire: Écoutez, pendant les 10 prochaines années, you have it; make good use of it. Construisez-vous de bonnes entreprises et prenez soin de la ressource. C'est ce qu'il faut faire.

Merci, messieurs.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Haché. Vous avez fait un excellent travail, un très bon travail

[Français]

M. Robert Haché: On essaie, parce que cette industrie nous tient à coeur et qu'il vaut la peine de l'appuyer.

[Traduction]

Le président: Est-ce que l'un des autres témoins aurait quelque chose à ajouter à ce que Robert a dit, avant que nous passions aux questions? Très bien.

Le porte-parole du Parti réformiste, le député John Duncan.

M. John Duncan: Tout d'abord, je n'ai pas compris tout votre exposé. Lorsqu'on a des commettants qui ne reçoivent pas leurs chèques d'assurance-chômage à cause de la grève des postes, ils ne considèrent pas le fait que vous assistiez à une réunion comme étant une raison suffisante pour ne pas téléphoner. Je m'en excuse donc.

Au sujet des quotas individuels, question sur laquelle vous avez consacré la majeure partie de votre exposé, nous avons entendu de nombreuses préoccupations, au cours de nos délibérations, au sujet de la communauté qui profite de la pêche adjacente. Certains laissent entendre que le système de quota individuel est tout à fait incompatible avec tous bénéfices pour la communauté, et pourtant je pense que vous diriez sans doute le contraire.

À votre avis, serait-il logique qu'une communauté détienne un quota individuel? Est-ce une bonne pratique?

[Français]

M. Robert Haché: Une communauté qui détiendrait un quota individuel? Je n'y ai pas pensé. Je sais que ça fonctionne bien pour des pêcheurs individuels.

• 1550

Il n'y a pas de pêcheurs qui ont été éliminés. Quand on a fait les quotas individuels pour ces flottes-là, on n'a éliminé aucun pêcheur. Ils vivent tous dans des communautés. Ils sont encore là et ils pêchent comme avant.

Maintenant, je pense que le principe de pêches non compétitives et de quotas individuels est bon maintenant, et il se peut fort bien que ce soit une solution très intéressante pour certaines pêches dans certaines communautés.

Mais il faut faire attention ici. Si les gens pensent qu'un quota communautaire va permettre de bâtir une usine dans chaque petite communauté en Atlantique, je pense qu'ils se fourvoient. Je ne sais pas si vous me comprenez.

Je ne vois pas de problème comme tel, mais il faut dire que je n'y ai pas pensé et que je n'ai jamais vu cela. Il y a peut-être des pêches qui se prêtent à cela. On pourrait diviser un quota par groupe de pêcheurs ou par communauté. Il faut toujours éviter de mettre en place des systèmes où la pêche est basée sur le principe du premier arrivé, premier servi, sur le principe d'au plus fort la poche, des systèmes compétitifs.

Aujourd'hui, avec le développement technologique, avec la capacité technologique qui existe, c'est très néfaste pour tous les stocks. Alors, il est bon d'avoir un système qui limite des choses.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Haché, je pense que la raison pour laquelle M. Duncan vous a posé cette question, c'est que récemment, dans le nord de Terre-Neuve, un groupe a reçu un quota pour la pêche à la crevette... Nous avons tenu des audiences dans la communauté. La communauté reçoit le quota, puis elle essaye d'aller chercher des pêcheurs et passe un contrat avec une société privée pour la production de la crevette.

Vous avez tout à fait raison. Ce que vous suggérez, c'est la professionnalisation, et une professionnalisation dans le contexte des quotas communautaires. Le quota communautaire ne fonctionne pas aussi facilement que les gens le croient. C'est la façon dont ils vous le présentent. Lorsque vous allez à la banque pour emprunter de l'argent pour votre bateau ou pour votre matériel de transformation, on veut des garanties que votre activité ne sera pas éphémère.

Nous allons maintenant passer à M. Bernier du Bloc québécois. Monsieur Bernier.

[Français]

M. Yvan Bernier: M. Haché veut peut-être d'abord vous répondre.

M. Robert Haché: J'aimerais ajouter une chose sur la question des quotas communautaires. C'est un nouveau concept qui vient d'apparaître; c'est assez récent. Notre principe est que vous devez garder le domaine de la capture entre les mains du pêcheur professionnel.

La communauté est composée de personnes. Les personnes qui sont le plus aptes à prendre soin d'un quota, autant pour le détruire que pour le faire fructifier, ce sont les gars qui sont sur l'eau, et c'est avec eux qu'il faut jouer.

[Traduction]

M. John Duncan: J'aimerais apporter une petite précision.

Le président: Vous pouvez faire une toute petite précision, monsieur Duncan.

M. John Duncan: Je voulais tout simplement expliquer que le président me fait toujours dire certaines choses lorsqu'il apporte des éclaircissements. C'est parce qu'il est de Terre-Neuve et que je suis de la Colombie-Britannique.

L'idée ne m'est pas venue autant des quotas de crevettes, des quotas communautaires, que de la Colombie-Britannique, mais l'un renforce l'autre.

Merci.

Le président: Nous allons passer à M. Bernier.

[Français]

M. Yvan Bernier: Bonjour, messieurs de la péninsule acadienne.

• 1555

J'ai pris connaissance de votre document. Le comité permanent est ici pour entendre tous les problèmes au niveau des pêches, de la gestion et de la SPA. Je pensais qu'on entendrait un peu plus de gens qui sont sur la SPA. Dans votre texte, un peu comme le groupe qui est venu ici ce matin, vous abordez la gestion comme telle. Comme je l'ai mentionné ce matin, ayant eu une vie antérieure, je suis à même de constater qu'il peut y avoir des divergences de vues. Moi, je suis le genre de bonhomme qui croit qu'on doit respecter toute entente qu'on conclut. Je m'excuse encore si je me suis emporté un peu ce matin.

Pour continuer dans la même veine, au niveau de la discussion sur la philosophie de gestion, je trouve intéressant que vous ayez pris le temps de noter, à la page 10, une citation du vérificateur général. On dit que le gouvernement doit prendre de difficiles décisions socioéconomiques quant à l'avenir de ceux que la pêche ne peut pas faire vivre.

Cela implique des décisions douloureuses. Cela implique que le gouvernement, en bon père de famille, si on peut utiliser cette expression-là, a parfois des décisions difficiles à prendre. Parfois on peut trouver que dans la vie, certains ont peut-être été un peu plus favorisés que d'autres pour telle ou telle raison. Il incombe parfois au père de famille de dire: Qu'est-ce que je peux faire?

Je ne veux pas jouer les gros méchants, mais je pense que tout le monde est conscient qu'on a un problème actuellement dans le golfe. Je veux parler principalement du golfe Saint-Laurent. Vous nous dites que vous êtes conscients aussi qu'il y a trop de monde.

Je sais que vous avez procédé à une première rationalisation des contingents individuels. J'avais posé la question au groupe ce matin. Je leur avais demandé si on pouvait travailler avec eux pour voir s'il y aurait une rationalisation ou quelque chose à faire dans leur cas. C'est une chose.

Je crois avoir déjà jasé avec vous et j'aimerais savoir ce que vous pensez du principe de la polyvalence des captures. Un pêcheur pourrait avoir accès à plusieurs licences ou, en principe, pouvoir pêcher à un endroit et à l'autre. Mais je ne sais pas comment on pourrait le faire exactement.

Dans cette optique, le premier groupe qu'on a entendu ce matin, même s'il n'est pas toujours d'accord sur le système de contingents individuels, ne remet pas tout le système en cause. Ils ont commencé en disant qu'ils aimeraient en avoir une partie. C'est vrai que certains n'y ont pas accès. C'est toujours dans l'optique d'instaurer la polyvalence des captures.

Vous n'avez peut-être pas nécessairement une réponse aujourd'hui, mais j'aimerais savoir si votre groupe accepterait d'y réfléchir. Je vous demande cela dans le respect de ce que vous êtes, en termes de système de contingents individuels. Lorsque l'autre groupe sera prêt à discuter, est-ce que le gouvernement, comme père de famille, pourra obtenir de vous une opinion? On pourrait soit en acheter, soit en prendre une partie, mais est-ce que c'est quelque chose qui est envisageable dans le but d'obtenir la polyvalence de captures?

Quand on parle de polyvalence et du respect du bon père de famille, cela peut vouloir dire acheter du contingent, ou cela peut vouloir dire échanger d'autres permis. Je ne le sais pas, mais je sais que dans une négociation, le plus difficile est de définir le problème. Je pense que la définition du problème, tout le monde l'a. On se dit qu'on est peut-être un peu trop nombreux.

Maintenant, la responsabilité du père de famille, c'est de trouver le pont qui va permettre aux deux groupes de vivre en harmonie. Je sais que c'est une étape difficile. Si vous n'avez pas la réponse aujourd'hui, je ne l'exige pas. Mais pour moi, ce serait le début du commencement si on pouvait se demander si c'est une chose envisageable, mais toujours dans le respect des deux groupes. Je n'entends pas trancher entre l'avis des pêcheurs côtiers et celui des pêcheurs semi-hauturiers qui ont un autre mode de travail.

Je compléterai en disant que cette notion pourrait être conciliée avec ce que disait M. Duncan au sujet des contingents communautaires. Au Québec, on avait ce qu'on appelait une coopérative des pêcheurs unis. Toutes les ressources des pêcheurs étaient mises en commun au niveau de la transformation. L'addition de tous leurs débarquements constituait le contingent des pêcheurs québécois à cette époque-là.

Il y a des principes qui sont peut-être conciliables. Certains groupes pourront utiliser tel mode de gestion ou tel autre, mais j'aimerais que vous me disiez si, à un moment donné, on pourrait envisager une façon de construire un pont.

• 1600

Je n'ai pas la réponse, mais je cherche à voir s'il peut y avoir un dialogue entre les deux groupes et si le père de famille pourra rassembler les composantes.

M. Robert Haché: Premièrement, comme vous le savez, on ne s'est pas plaints et on n'a pas demandé de quotas. Le concept est très intéressant, monsieur Bernier, mais avant de s'asseoir, il faut s'assurer que le problème de la surcapacité dans les autres secteurs est réglée. Tant et aussi longtemps que la surcapacité dans les autres secteurs ne sera pas réglée, on ne pourra pas s'asseoir.

Il y a une étape préalable à franchir. Il y a des groupes qui continuent à penser, à tort ou à raison—moi, je pense que c'est à tort—qu'ils n'ont pas besoin de se rationaliser. Par exemple, dans le secteur du hareng côtier, je pense qu'il y a 3 000 permis dans le sud du golfe. Si je me trompe, je m'en excuse, mais je pense qu'il y a beaucoup, beaucoup de permis. Il y a des gens qui disent qu'ils n'ont n'a pas besoin de se rationaliser; nos stocks baissent mais ce n'est pas grave, parce qu'on va aller chercher du crabe et de la crevette. Donc, premièrement, il faut que chacun fasse sa part.

Je vais demander à Renald de m'aider à répondre à votre question. Mais on est ouverts. On peut vous dire essentiellement que nous, on est ouverts à l'idée de participer, mais il faut aussi que les autres joueurs soient ouverts. Si tout le monde veut avoir quelque chose pour rien...

M. Yvan Bernier: Monsieur Haché, je reviens au rôle de père de famille que j'utilise comme exemple aujourd'hui. Le père de famille dit aussi parfois: Je t'ai posé une question à toi, et je vais régler cette portion-là avec ton frère. On ne demande pas quels devoirs les autres groupes devront faire. Ce n'est pas tout cela que je veux remettre en cause. Ce que je retiens de votre réponse, c'est que l'entité que vous êtes pourrait être disposée à discuter. Vous souhaitez que M. Renald Guignard puisse élaborer là-dedans. Je ne voudrais pas qu'on fasse le procès de quelqu'un qui n'est pas ici.

M. Robert Haché: Je n'avais pas l'intention de faire le procès de qui que ce soit. J'essayais de vous répondre le plus clairement possible.

M. Renald Guignard: Il va falloir que je fasse attention pour ne pas faire le procès de personne moi non plus. Je reprends la comparaison que vous faites. Si le père de famille dit à son fils de faire telle ou telle chose et que le fils dit qu'il a besoin de quelque chose pour son cousin et son voisin, on n'arrivera jamais à une entente.

Vous demandez si on peut trouver d'autres formules à long terme, qui pourraient bénéficier à plus de pêcheurs ou qui pourraient favoriser une collaboration d'une ressource à une autre ou d'une espèce à une autre. Cela a déjà été fait le printemps dernier dans la pêche au crabe. On a signé une entente avec Pêches et Océans qui comportait un seuil de rentabilité pour la flotte de crabiers; elle partage les surplus avec des pêcheurs traditionnels et même l'industrie, les employés d'usine et tout ce monde-là. C'est la plus grande échelle qu'on pouvait toucher.

Certains disent que les 130 crabiers du golfe gardent tout pour eux et ne veulent rien savoir des autres. Selon l'entente qu'on a signée en avril 1996, il y a du crabe pour tout le monde.

M. Yvan Bernier: J'ajoute juste un petit commentaire et je vais être bref, monsieur le président. Je sais que vous avez une entente, et ce n'est pas moi qui vais déchirer quoi que ce soit.

• 1605

Cependant, comme père de famille, je souligne qu'il y a une des parties prenantes qui dit: On aimerait voir de quelle façon ça pourrait être permanent. Aux termes de votre entente, chacun des pêcheurs de crabe est amené à collaborer individuellement à cette entente avec le profit annuel.

Disons que chacun de ces profits représente un pourcentage x. Disons que ça représente 5 p. 100 et qu'on permet ensuite au gouvernement de s'adresser à chacun de vos pêcheurs en particulier. Supposons qu'on s'aperçoit que certains de vos pêcheurs, rendus à un certain âge, seraient intéressés à vendre leur contingent. Vous opposeriez-vous à ce que le gouvernement l'achète et en fasse la répartition à qui le voudra à ce moment-là? Mais ça n'influera pas sur vos actions ou vos entreprises personnelles.

Un témoin:

[Note de la rédaction: Inaudible].

M. Yvan Bernier: Si vous n'avez pas de réponse, vous pouvez au moins y réfléchir. Je sens qu'on est dans une impasse.

M. Renald Guignard: Je n'ai pas de misère à répondre à cela parce que je me dis qu'on a une entente qui satisfait tous les pêcheurs. Je ne m'oppose pas à ce que le gouvernement achète un permis pour le donner à un autre. Je serais moins satisfait si tu voulais acheter mon permis pour les distribuer aux 129 qui restent. L'entente dit qu'on doit se satisfaire d'une rentabilité et d'une protection de la ressource pour ces 130 détenteurs de permis et entreprises. Si le gouvernement veut en racheter 5, 10 ou 15, il n'a pas besoin de les racheter pour améliorer la situation des autres entreprises. C'est juste qu'il veut le transférer de l'un à l'autre. Il veut reprendre un cadeau qu'il a fait au plus vieux de la famille pour le donner au plus jeune.

[Traduction]

Le président: Merci. Merci, père Bernier.

Nous allons maintenant passer au député Wayne Easter de l'Île-du-Prince-Édouard.

M. Wayne Easter: Merci, monsieur le président.

Je ne sais pas si vous étiez ici ce matin lorsque l'Union des pêcheurs des Maritimes a fait son exposé, mais nous avons entendu deux exposés très différents. Je me demande si les deux philosophies ou les deux systèmes peuvent coexister.

Personnellement, j'ai travaillé dans le secteur de la gestion des approvisionnements dans l'industrie agricole et je peux vous dire que j'ai eu énormément de hauts et de bas avec les quotas, et que je j'appuie un système de quotas, du moins dans le secteur de l'agriculture.

Vous avez mentionné un des problèmes—et nous n'avons pas trouvé de solution dans le secteur de l'agriculture—c'est-à-dire le fait que vous n'empêchez pas la concentration dans l'industrie, avec de moins en moins d'intervenants. Vous avez dit dans votre mémoire, si je comprends bien le français, que vous avez une limite de 714 000 livres, je crois, pour les crevettes.

Ce qui arrive avec le temps, c'est que l'industrie commence à se regrouper. C'est bel et bien ce qui s'est produit dans le secteur agricole lorsque l'on a fixé une limite. La limite augmente jusqu'à ce qu'elle disparaisse, et on se retrouve alors avec une industrie dans laquelle la valeur des quotas correspond à un prix qui n'a aucun rapport avec le prix final du produit. C'est tout simplement la concentration dans l'industrie, et il devient essentiel que seuls ceux qui en font partie peuvent prendre de l'expansion, ou seuls ceux qui sont très riches peuvent entrer. Voilà ce qui me préoccupe avec ce système, d'après ma propre expérience.

Lorsque nous étions à Terre-Neuve et au Labrador, on nous a dit que pour établir les quotas de crevettes, on devrait tenir compte de la proximité des bancs de crevettes et de la tradition de cette pêche.

Ma question est donc la suivante: Est-ce que deux systèmes peuvent coexister, et comment pouvons-nous passer à un système qui nous permette de maximiser le revenu pour le plus grand nombre de gens, d'entreprises et de communautés?

Deuxièmement, les quotas sont essentiellement établis en fonction de la biomasse, je pense—c'est-à-dire d'après la quantité de produits que l'on suppose être disponibles. Mais il y a un autre facteur qui est le suivant: comment cela se compare-t-il à la demande sur le marché? Y a-t-il des années où nous ne devrions pas pêcher autant? On se retrouve à prendre davantage de produits et à le vendre à un prix moindre, ce qui est encore pire en fin de compte. Y a-t-il une façon d'en arriver à un système où on essaie d'intégrer les deux: la quantité raisonnable de produits de la biomasse que l'on peut prendre tout en laissant jouer les forces du marché de façon à maximiser le rendement?

• 1610

Le président: Monsieur Haché.

[Français]

M. Robert Haché: Au sujet du système de quotas individuels, monsieur Easter, je vais essayer de répondre à votre question. Je vais vous dire et vous redire que la raison fondamentale pour laquelle nos pêcheurs ont choisi des quotas individuels était qu'ils voulaient protéger la ressource. C'était vraiment pour protéger la ressource parce que le système compétitif en soi is badly flawed.

Au sujet de la concentration des quotas, le ministre des Pêches et des Océans, d'après la Constitution canadienne, est le ministre qui a plus de pouvoirs après le ministre de la Défense nationale. Je ne peux pas croire que le ministre des Pêches et des Océans ne peut pas à un moment donné intervenir pour éviter cette consolidation. C'est la responsabilité du gouvernement. Il doit faire cela pour nous.

De notre côté, on ne voit pas les monopoles comme quelque chose d'avantageux pour les communautés côtières. On s'entend là-dessus, d'accord? Pour nous, les pêches compétitives comme celles qu'on voit aujourd'hui sont la fin des communautés côtières, parce que ce sera la fin de toutes les ressources.

Le meilleur système qu'on voit présentement, c'est celui des quotas individuels. Il s'agit de s'assurer, et le gouvernement fédéral peut le faire, qu'on ne permette pas aux individus, aux pêcheurs professionnels, aux vrais pêcheurs d'acquérir plus qu'une certaine limite. Il vaudrait la peine de l'essayer. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

Vous dites qu'on a une biomasse et qu'on la pêche sans nécessairement tenir compte des marchés. Dans le contexte d'une pêche compétitive, c'est vraiment le cas. Dans la pêche compétitive, où le premier venu est celui qui a le plus de chance de prendre son quota, c'est sûr que le quota est toujours pris. Dans une pêche individuelle, on peut ajuster la quantité de poisson qu'on va prendre pendant une certaine période pour obtenir un meilleur prix. Je ne sais pas si vous me comprenez.

[Traduction]

Le vice-président (M. Charles Hubbard): Merci, monsieur Haché.

Est-ce une petite question?

M. Wayne Easter: Oui, toute petite.

Ce matin, l'Union des pêcheurs des Maritimes a parlé des allocations de crabe, je crois. On leur alloue une part qui est en fait utilisée par leur organisation qui, au moyen d'un tirage, alloue à chaque bateau une petite quantité. Comment ce programme a-t-il fonctionné, à votre avis, et est-ce qu'il a des possibilités pour d'autres espèces?

[Français]

M. Robert Haché: Le premier problème qu'on voit, c'est que les quotas ont été donnés à des pêcheurs qui n'ont pas eu besoin d'aller les pêcher. Ils les ont vendus à un pêcheur. Il y a des pêcheurs qui ont eu des quotas et qui ne sont pas allés les pêcher. Ils les ont fait pêcher par d'autres. Je ne pense pas que c'est la faute des pêcheurs en question jusqu'à un certain point. C'est le système qui était comme cela.

• 1615

Pour ce qui est du deuxième point, je vais laisser mon président répondre.

M. Renald Guignard: Si j'ai bien compris la question que Robert vient de me traduire et de me répéter, je dois vous donner mon opinion sur le partage des petits quotas qui ont été donnés à des pêcheurs dans les communautés. Si on dit que dans d'autres domaines, dans d'autres espèces, à cause d'un manque de contrôle ou un manque de ressource, on ne peut pas avoir une pêche rentable et on a besoin d'autres ressources, ce n'est pas une manière de rentabiliser.

Qui dit au ministre ou aux fonctionnaires... C'est un tirage au sort, une loterie. Ce n'est pas une manière de rentabiliser une entreprise qui est en danger ou qui manque de ressource. C'est un mauvais système. Pour quelle raison le fait-on de cette manière-là? Pourquoi va-t-on chercher une ressource alors que les pêcheurs de cette espèce se sont chicanés entre eux avant d'adopter des directives strictes pour protéger la ressource, pour avoir une pêche durable à long terme?

Tu viens prendre une partie de cela et tu tires au sort pour voir qui va l'avoir. C'est comme prendre un billet de 6/49. C'est un peu ridicule.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, messieurs, d'avoir comparu devant notre comité. Nous avons parlé pendant environ une heure vingt minutes.

Au début, monsieur Haché, j'ai fait une petite blague, que vous n'avez pas comprise. J'ai dit que je pensais qu'une bonne partie de ce que vous alliez dire avait déjà été dit.

M. Robert Haché: J'ai compris la blague. J'ai décidé de ne pas y répondre.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Merci beaucoup. Avant de faire nos recommandations, nous allons passer au peigne fin le mémoire que vous nous avez présenté. Nous vous remercions.

M. Eric Smith de la conserverie que nous avons visitée tout à l'heure aimerait faire une déclaration, et nous passerons ensuite aux témoins suivants.

Nous avons goûté des fruits de mer excellents tout à l'heure, et je dirais que nous avons en quelque sorte déjeuné deux fois, car les fruits de mer étaient tellement bons. Nous avons vu de nombreuses personnes qui travaillaient dans l'usine; c'était merveilleux de voir des centaines de gens travailler dans cette usine en particulier. Nous avons donc demandé à M. Smith de faire un exposé devant notre comité.

Monsieur Smith.

M. Eric Smith (Blue Cove Group): Mon exposé porte sur les ressources humaines dans le secteur de la transformation du poisson.

Blue Cove Group (1993) Inc. est l'un des principaux employeurs du secteur des fruits de mer au Nouveau-Brunswick, avec 1 000 employés saisonniers et à temps plein. Il y a toutes sortes de programmes ponctuels de création d'emplois et d'aide sociale du gouvernement qui rendent la vie difficile à notre industrie car ils empêchent les gens de travailler et causent des pénuries de main-d'oeuvre dans les périodes de pointe.

• 1620

Blue Cove Group a entrepris un certain nombre de projets coopératifs avec les ministères fédéral et provinciaux des Ressources humaines afin de résoudre ces problèmes et de créer des emplois saisonniers et à temps plein valables au Canada.

En 1996, un projet de développement de l'emploi a Neguac Seafoods, une division de Blue Cove Group, a créé 75 postes pour des personnes défavorisées qui ne pouvaient trouver ou garder un travail. Dans une étude qui portait sur une période de six mois, on a constaté que ce programme avait permis d'économiser 186 942 $ en aide sociale. Vous pouvez prendre connaissance de l'étude ci-jointe.

J'aimerais maintenant passer à la page 3 qui est essentiellement un résumé de ce rapport. Dans ce projet en particulier, nous nous sommes intéressés aux gens qui étaient incapables de travailler suffisamment longtemps au cours d'une année pour toucher des prestations d'assurance-chômage ou qui bénéficiaient constamment d'aide sociale. Je ne vous lirai pas ce rapport.

À la page 4, vous constaterez que le coût total des dépenses était de 238 550 $. Le programme a coûté 51 563 $. Comme je l'ai mentionné, le programme a permis d'économiser un montant net de 186 000 $ et ce en cinq mois seulement. Cette étude ne portait que sur une période de cinq mois. Ces gens ont toujours un travail, de sorte qu'essentiellement, je dis qu'en cinq mois on a économisé 185 000 $, les gens ne dépendent plus de l'aide sociale et des divers programmes ponctuels de création d'emplois et autres programmes d'aide, et ils travaillent maintenant pour nous, chaque année.

Les 20 pages suivantes vous donnent des statistiques, les groupes d'âge, etc.—une étude détaillée du projet, dont vous pourrez certainement prendre connaissance lors de votre prochain voyage en autobus ou autre. C'est un exemple, et il s'agit d'une étude qui a été faite.

J'aimerais passer à l'exemple suivant. Maisonnette Seafoods, une division de Blue Cove Group, entreprend une expansion de 1,1 million de dollars pour mettre en bouteille du hareng mariné. Cinquante nouveaux emplois à temps plein seront créés, ce qui représente plus de 12 millions de dollars de revenus additionnels pour la société.

Cela va créer environ 100 emplois indirects dans le secteur manufacturier:

—Consumers Glass à Moncton, Nouveau-Brunswick, vend 4,5 millions de bocaux de verre dans lesquels nous mettons le hareng.

—Domtar Packaging à Moncton, Nouveau-Brunswick, vend 400 000 boîtes de carton.

—Wine Bottle & Packaging à Toronto vend 4,5 millions de couvercles en métal; ce sont des couvercles pour les bocaux.

—Stanchem à Halifax vend 200 000 livres d'acide acétique que l'on utilise comme agent de salaison.

—St. Lawrence Starch de Toronto vend 3 millions de livres de sirop de maïs. C'est l'équivalent d'une semi-remorque pleine de sirop maïs—5 200 gallons par semaine.

—McCormik Canada à Toronto vend 400 000 livres d'épices pour marinade.

—Country Taste à l'Île-du-Prince-Édouard vend 530 000 livres d'oignons traités. C'est une nouvelle société qui vient d'être mise sur pied et nous sommes leur seul client. Ils ont 40 acres d'oignons et nous achetons et traitons toute la production.

—McCain Refrigerated Food à Oakville en Ontario vend un million de livres de crème sure. C'est l'équivalent d'une semi-remorque pleine toutes les deux semaines.

—Lantic Sugar à Saint John vend 100 000 livres de sucre blanc.

• 1625

Ce sont là les plus gros articles. Il y a beaucoup d'autres articles plus petits que nous achetons également. On ne parle pas ici des coûts de camionnage, de manutention ou de distribution et des emplois qui seront créés là également. Il s'agit de 100 emplois indirects dans le secteur manufacturier.

Ce projet est possible sans que l'on soit obligé de récolter du hareng supplémentaire. Nous exportons tout simplement le produit fini dans des bocaux plutôt que de mettre le produit semi-fini dans des barils. Au cours des 40 dernières années, nous avons expédié ce produit aux États-Unis dans des barils de 35 gallons. Ils les mélangeaient à des oignons et à d'autres produits dans des bocaux là-bas. Maintenant, nous empaquetons pour des compagnies aux États-Unis.

Une aide provinciale a été approuvée pour ce projet. Nous attendons toujours l'approbation du ministère fédéral du Développement des ressources humaines. C'est le deuxième projet.

Cet été la région de Neguac avait 13 000 personnes au chômage, 600 familles bénéficiant d'aide sociale et plusieurs centaines de personnes qui travaillaient à des projets ponctuels de création d'emplois lancés par le gouvernement, et le taux de chômage était de 16 p. 100. Neguac Seafoods avait besoin de 60 travailleurs, mais n'a pu en embaucher que deux dans la région. Ce sont des statistiques qui m'ont été données par le gouvernement.

Nous entreprenons actuellement un projet coopératif avec le personnel de Développement des ressources humaines Canada en vue de créer 89 nouveaux emplois saisonniers dans la région, en ciblant des groupes spécifiques de chômeurs. La production de Neguac Seafoods a augmenté de 78 p. 100 en 1996 et de 52 p. 100 en 1997, la grande majorité des employés ayant obtenu entre 800 et 1 200 heures d'emploi, soit entre 24 et 30 semaines de travail en 1997. Les 89 nouveaux employés travailleront à ajouter une valeur à la production actuelle, ce qui rendra l'usine plus concurrentielle sur le marché mondial.

À l'heure actuelle, 70 p. 100 de tous les fruits de mer récoltés pour cette usine sont importés au Canada. À mesure que nous deviendrons plus concurrentiels, la production et la création d'emplois devraient augmenter. Je vous demanderais de prendre connaissance de l'information ci-incluse sur le projet.

J'aimerais vous demander maintenant de vous reporter aux dernières pages, plus particulièrement à la huitième page avant la fin. Il s'agit essentiellement d'un projet qui s'intitule Neguac Seafood Employment Project, avec 89 nouveaux emplois pour 1997-1998. On donne ici des détails sur l'endroit où seront créés ces emplois et on parle un peu du projet. La page suivante parle des dépenses d'investissement que nous ferons pour créer ces emplois. La page suivante décrit simplement l'augmentation de la production. Nous donnons les niveaux d'emploi dans l'usine. Ensuite, dans les toutes dernières pages, on parle de nos communications avec divers groupes du ministère du Développement des ressources humaines pour coordonner ces 89 nouveaux postes.

Voilà donc pour la description de trois projets.

En conclusion—veuillez vous reporter à la deuxième page à partir du début, où je me suis arrêté—, le gouvernement provincial dépense 9 millions de dollars par année dans notre région pour que les gens qui bénéficient des programmes d'aide sociale provinciaux puissent recevoir de l'assurance-chômage du gouvernement fédéral. Récemment, un montant additionnel de 2 millions de dollars a été dépensé par année pour que les travailleurs d'usine de transformation du crabe des neiges aient droit à l'assurance-chômage.

• 1635

Des emplois valables peuvent être créés dans l'industrie de la transformation des fruits de mer, comme l'a souligné le Blue Cove Group. Ces emplois donnent une formation dans le domaine de l'étique du travail, de l'hygiène alimentaire, des pratiques de gestion de la qualité, des compétences sociales, du contrôle de la qualité, de l'analyse des dangers, des points de contrôle critique, de l'assainissement, du contrôle des bactéries, des études de production, des chaînes de fabrication, et permettent aux gens de connaître la satisfaction et la fierté qu'apporte le travail.

Nous recommandons vivement au gouvernement de rediriger ses efforts en matière d'emploi vers des projets d'entreprise conjointe entre l'industrie et les ressources humaines, comme on peut le voir dans ces exemples, pour mettre fin au cycle de dépendance sociale. Le Blue Cove Group a augmenté ses recettes de 3,5 millions de dollars en 1991 à 45 millions de dollars en 1997, avec une augmentation correspondante de l'emploi. Cette société a adopté ce concept pour l'expansion future de l'emploi.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Smith. Nous avons certainement aimé notre visite à votre usine. Nous avons certainement aimé les délicieuses choses que nous y avons goûté, et vous nous avez exposé des faits étonnants ici aujourd'hui. Nous lirons tout cela avant de présenter notre rapport. Je vous remercie également pour la très belle revue que vous nous avez donnée.

Oui, monsieur Lunn.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): J'ai une seule question à vous poser, monsieur Smith.

Nous avons visité les provinces de l'Atlantique. Il y a de nombreuses communautés que j'appellerais unisectorielles qui comptent uniquement sur le secteur des pêches. Leurs conserveries sont vides, on n'y travaille pas et on n'y a pas travaillé depuis très longtemps.

Je crois comprendre que cette usine avait également été fermée pendant assez longtemps avant que vous ne la réouvriez. Y a-t-il eu une réaction négative de la communauté, ou la réaction a-t-elle été uniquement très positive lorsque vous êtes arrivé pour la réouvrir? Vous transformez des espèces que vous devez importer pour garder l'usine ouverte.

M. Eric Smith: Pour vous situer un peu—l'usine a été achetée je crois en 1992. Nous l'avons utilisée au cours des premières années comme entrepôt. Elle était sous séquestre lorsque nous l'avons achetée. Elle avait eu plusieurs propriétaires.

En fait, nous en avons annoncé l'ouverture dans cet immeuble. La nouvelle a été bien accueillie par la communauté et par les administrateurs de la municipalité.

En fait, j'ai passé beaucoup de temps moi-même à la construction et à la réouverture de cette usine. Je fais de la mise au point technique. Je trouve que cette usine a l'une des meilleures éthiques de travail de toutes les usines où je travaille, et elles sont nombreuses.

• 1640

M. Gary Lunn: La raison pour laquelle je pose la question, c'est que nous essayons de trouver des solutions de rechange pour tout le secteur. Nous tentons de démontrer que l'industrie est viable et qu'elle a un avenir, mais nous cherchons également des solutions de rechange. Vous êtes de toute évidence un expert dans ce domaine. Croyez-vous qu'il y a d'autres possibilités dans d'autres provinces, comme Terre-Neuve? Y a-t-il un marché là-bas qui peut encore être développé?

M. Eric Smith: Oui. Je vais vous donner un exemple. Nous n'avons pas suffisamment d'usines à l'heure actuelle pour traiter tous les produits auxquels nous avons accès—ni l'espace utile. Nous avons de nombreuses technologies pour lesquelles nous sommes les seuls au Canada à détenir une licence de traitement. Je pense qu'il y a d'excellentes possibilités à Terre-Neuve. Ma femme est originaire de la région de la rivière Saint-Augustin dans le nord du Québec, alors j'ai travaillé dans le nord pendant de nombreuses années. Je pense qu'il y a des possibilités fantastiques partout au Canada dans le secteur des pêches.

M. Gary Lunn: Je vous remercie de votre commentaire.

Le président: Merci, monsieur Smith. Nous vous remercions de votre exposé. Nous lirons votre mémoire détaillé. Nous vous remercions également de votre hospitalité à l'égard des membres du comité.

M. Eric Smith: Merci.

Le président: Il nous reste encore sept témoins à entendre. Je demanderais aux témoins de prendre place à la table. Ce sont Alyre Gauvin, Jean Gauvin, Wesley Myles, Inka Milewski, Alvin Scott, Emilien Lebreton et Clément Savoie.

Nous entendrons individuellement chaque exposé, car je sais que les membres du comité voudront poser des questions. Premièrement, nous entendrons M. Alyre Gauvin, après quoi les députés pourront lui poser des questions. Ensuite, nous ferons le tour et nous entendrons les exposés l'un après l'autre. M. Gauvin en premier.

[Français]

M. Alyre Gauvin (président, Association des pêcheurs de poisson de fond acadiens): Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Hubbard, de nous recevoir dans votre circonscription. Merci à tous les membres du comité.

• 1645

J'ai ici un petit document. Ce n'est pas un mémoire que je vais vous présenter. C'est plutôt une introduction et c'est pour cela que je ne l'ai pas distribué.

Si je suis ici aujourd'hui, c'est à cause d'un article qui a paru dans le journal il y a près de deux semaines, où j'ai appris que le Comité des pêches mettait en doute les informations du MPO. C'est à partir de cela que j'ai décidé de me présenter ici pour faire valoir mes impressions sur ce sujet-là. J'aimerais autant que possible me limiter à cela. Cependant, après avoir entendu deux organisations de pêcheurs, je constate que non seulement les fonctionnaires du MPO semblent mal vous informer, mais aussi que beaucoup de gens semblent mal vous informer. Si vous avez des questions à ce sujet, je me ferai un plaisir d'entrer dans les détails plus tard.

Sachez que je suis très déçu de l'attitude des deux organisations qui sont passées avant moi. Je me devrai, à un moment donné, de les dénoncer.

Permettez-moi d'abord de vous féliciter pour l'initiative que vous avez prise de vous rendre directement sur le terrain afin de voir par vous-mêmes l'état de la situation. Beaucoup de vos confrères de travail préfèrent attendre les messages à Ottawa, et nous pensons fortement que les messages ne se rendent pas correctement aux destinataires.

Avant de poursuivre, je devrais me présenter. Je m'appelle Alyre Gauvin et je suis président de l'Association des pêcheurs de poisson de fond acadiens.

Les pêcheurs que je représente sont les plus touchés par la crise du poisson de fond en Atlantique et plus précisément au Nouveau-Brunswick. Nous sommes le seul groupe de pêcheurs au Nouveau-Brunswick qui ne détient qu'un permis de poisson de fond. Nous étions surtout spécialisés dans la morue. Nous étions à 100 p. 100 dépendants du poisson de fond et plus précisément de la morue.

Pour élaborer sur la raison de votre visite, je me permets ici d'utiliser un langage de sous-entendus. Puisque les fonctionnaires du ministère, le ministère lui-même et, bien trop souvent, d'autres organisations de pêcheurs nous tapent dessus, nous, les enfants pauvres de la région, sommes portés à être de plus en plus méfiants dans nos propos.

Sachez aussi que je suis le pêcheur qui a demandé en août dernier au premier ministre du Canada une enquête publique quant aux événements qui nous ont amenés à vivre la crise du poissons qu'on connaît aujourd'hui. La lettre envoyée à M. Chrétien n'est qu'une parmi tant d'autres envoyées aux ministres des Pêches et des Océans, que ce soit à M. Anderson, M. Mifflin, M. Tobin ou les autres ministres qui les ont précédés.

Cette dernière lettre au premier ministre semble m'attirer, ainsi qu'aux gens que je représente, des représailles odieuses et de plus en plus difficiles à vivre. Je ne vous donnerai pas tous les détails, mais sachez que je suis présentement en procédure judiciaire contre le MPO, plus particulièrement contre ce fonctionnaire auquel M. Bernier faisait allusion ce matin, à cause d'un autre bris de contrat avec des pêcheurs. Cela, c'est à un niveau personnel, bien entendu. C'est beaucoup plus personnel, parce que c'est moi qui ai été attaqué.

Je vais démontrer que ces fonctionnaires ont pris des décisions trop arbitraires. Ces décisions, d'après moi, n'avaient que pour but de me nuire et de nuire à ma crédibilité en tant que représentant de pêcheurs. Si j'ai fait des erreurs, je suis prêt à en payer les conséquences, mais j'accepte très difficilement que mon groupe en paye les conséquences.

Il y a eu une décision défavorable quant au partage d'allocations temporaires pour le crabe, la crevette, etc. Je pourrai élaborer un peu plus tard. Il y a eu une décision défavorable quant à la gestion des stocks de poisson de fond, et une décision défavorable quant au plan de capture supposément axé sur la conservation de la ressource.

• 1650

Ce ne sont que quelques exemples de ce que nous avons à vivre quotidiennement. Bien entendu, comme je vous le disais, je pourrai élaborer sur bien des points, mais je ne pourrai pas élaborer sur tous les points. Il aurait fallu que j'apporte la petite bibliothèque que j'ai dans mon petit bureau, qui n'est pas plus grand que la table ici.

Vous me direz que les décisions viennent du ministre, et j'en conviens. Mais le ministre, pour prendre ses décisions, doit avoir des conseils de quelqu'un. Ce quelqu'un, ce n'est nul autre que les bons hauts fonctionnaires sans tache et sans reproche.

Je voudrais également attirer votre attention, messieurs, sur le cas d'autres personnes qui ont un rôle très important à jouer au niveau politique et qui méritent d'être observées de plus près.

Ces personnes, ce sont vos adjoints politiques qui, trop souvent à mon avis, ont des agendas qui diffèrent beaucoup de celui d'un gouvernement responsable de ses actes. Je pense par exemple à Max Short, employé par le MPO à titre de conseiller des trois derniers ministres qui ont passé, Tobin, Mifflin et Anderson. Étant donné ses alliances antérieures avec des groupes côtiers, nous pensons fortement que M. Short n'a pas démontré d'impartialité dans ses conseils au ministre. J'aurai un très très bon exemple à vous donner lorsque j'aurai fini ma petite présentation, si on veut élaborer sur celui-là. Il mérite d'être mentionné. Tout nous porte à croire que plusieurs décisions sont prises directement par M. Short au nom du ministre sans que ce dernier ait à intervenir. Alors, messieurs, de temps en temps, regardez donc par-dessus votre épaule pour voir ce qu'ont fait vos adjoints politiques et vos fonctionnaires.

En terminant, je n'ose pas prétendre que je peux recevoir la communion sans confession, mais sachez que je suis le seul pêcheur de la région à avoir déjà fait son mea culpa, et je suis encore prêt à le faire. Je suis encore prêt à mettre mes péchés sur la table. Malheureusement, ça fait des années que j'essaie de convaincre les autres de faire la même chose et ça ne marche pas. On l'a démontré ce matin.

De plus, nous sommes un petit groupe. Nous sommes une vingtaine de morutiers aujourd'hui au Nouveau-Brunswick. On était environ 32 lors de la fermeture du poisson de fond en 1993. Il n'en reste qu'une vingtaine. Trois seulement ont participé au programme de rachat de permis. Où sont les autres, pensez-vous? En faillite, messieurs.

L'UPM est arrivée ce matin et a parlé de ses 1 200 membres. Ils ne vous ont jamais dit que lors de leur allocation, ils avaient formé une compagnie qui s'appelle Opilio avec les fonds qu'ils ont amassés à partir de ce crabe-là. Des centaines de pêcheurs y ont participé. Allez voir où l'argent de ce crabe est passé en réalité. Il faudrait qu'on prenne un bon après-midi pour essayer de décortiquer tout ça. Vous ne semblez pas savoir grand-chose de ça et ça nous dérange. J'aimerais qu'on revienne sur ce point-là. C'est très important.

Regardez la FRAPP qui a fait une présentation tout à l'heure. La FRAPP découle d'une organisation d'une trentaine d'années qui a eu trois ou quatre noms. J'ai été pendant 15 années dans la FRAPP, qui s'appelait l'APPA dans le temps. J'ai passé 15 années au bureau de direction de cette organisation, dont les cinq dernières années comme président.

Tout à l'heure, Robert disait que les membres n'avaient pas changé. Malheureusement, nous sommes deux représentants d'organisations locales qui ne faisons plus partie de cette organisation pour diverses raisons. Dans mon cas, c'est parce qu'on m'a mis le pied au cul après 15 années de services bénévoles sous prétexte d'un manquement grave à la solidarité envers mes collègues pêcheurs. Si vous avez des questions, je suis capable d'y répondre longuement. Je suis capable de faire mon propre procès là-dessus. On s'est permis de me faire mon procès, et je suis capable de me défendre moi-même.

• 1655

Remarquez bien que je n'ai pas de cravate au cou. Je suis un pêcheur qui représente une organisation de pêcheurs à titre bénévole. Comme je vous le disais, on est maintenant dans un petit bureau grand comme ça avec une secrétaire à mi-temps. On n'a pas les moyens d'être autrement.

Lorsque je suis arrivé au bureau de direction de la FRAPP, qui s'appelait l'APPA dans le temps, on avait un petit chiffre d'affaires de moins de 100 000 $. Lorsque j'ai quitté, on avait un chiffre d'affaires d'au-delà de 1,5 million de dollars. On m'a mis le pied au cul pour manquement grave à la solidarité envers mes collègues pêcheurs.

Ces deux derniers commentaires sur l'UPM et la FRAPP, c'était pour vous dire qu'il n'y a malheureusement pas que les fonctionnaires qui doivent changer d'habitudes, mais aussi toute l'industrie.

Je devrais peut-être m'adresser à M. Bernier. Je ne veux pas faire de politique, mais il y a un détail qui me dérange souvent. Sachez que j'écoute CPAC aussi souvent que je le peux et les débats de la Chambre des communes. Mais sachez que le poisson ne l'écoute pas, lui. Les problèmes constitutionnels, il n'en a rien à foutre. C'est un détail personnel. Pardonnez-moi.

Il y a d'autres questions que j'aimerais soulever, notamment la professionnalisation dont on a parlé tout à l'heure. Je suis un de ceux qui ont osé en parler les premiers, au tout début des années 1990. Cela, c'était même avant la fermeture de la pêche au poisson de fond de l'Atlantique. Ils disaient: Il est à peu près temps qu'on se prenne en main et qu'on se donne des codes d'éthique, de savoir-vivre. Je me suis mis le cou sur un bloc. Sachez qu'il y a une masse qui est venue trop souvent à mon goût me frapper de l'autre côté de la tête. Je suis passé à travers et je pourrai vous donner l'information tout à l'heure, maintenant que tout le monde semble favorable à cela.

Au mois de janvier, presque toutes les organisations de pêcheurs se rencontrent à Toronto pour en discuter d'une façon presque finale.

M. Bernier et d'autres ont voulu parler à un moment donné de la SPA. Si vous voulez en parler, d'accord, on va en parler, mais sachez que la SPA est un programme dont on a toujours pensé qu'il remettait le problème à plus tard. Et on est rendus à plus tard et le problème est toujours là. On pourra entrer dans les détails plus tard.

Le rachat de permis est un autre problème. Encore une fois, parce qu'on n'a pas été écoutés, cela n'a pas fonctionné. Après deux rondes, on a brûlé l'argent qu'il y avait là-dedans et cela n'a pas marché. Pourtant, on avait dès le départ des propositions qui n'étaient pas acceptables et qui, aujourd'hui, semblent être acceptables. Qu'est-ce qui se passe?

Il y a un autre point que j'aimerais mentionner. Vous avez entendu parler du retrait progressif du bureau de Moncton vers Halifax, qui semble inquiéter beaucoup de monde. Cela aussi...

[Note de la rédaction: Inaudible]. Qu'on le déménage ou qu'on ne le déménage pas, cela ne changera pas grand-chose. Quand on regarde l'attitude de tous ces bons fonctionnaires, on voit que cela ne changera pas grand-chose. Qu'on l'amène dans les régions ou en Afrique, si on ne change pas l'attitude des gens qui y travaillent, cela ne mènera à rien du tout. Cela ne fera que remettre le problème à plus tard.

[Traduction]

Le président: Merci monsieur Gauvin. J'ai deux ou trois brèves questions.

Vous êtes un pêcheur au poisson de fond. Quelles sortes de poissons pêchiez-vous, à part la morue?

[Français]

M. Alyre Gauvin: C'était la morue. La morue pouvait représenter 90 p. 100 de nos pêches. Les autres, c'étaient des espèces de poissons plats qu'on prenait accidentellement: la plie et d'autres espèces de poisson de fond. On était vraiment des pêcheurs de morue.

J'ai oublié un détail très important.

[Traduction]

Le président: Vous n'aviez pas de permis restreint. Vous n'avez pas de permis de pêche au homard.

[Français]

M. Alyre Gauvin: Non, aucun permis autre que celui du poisson de fond.

[Traduction]

Le président: Uniquement du poisson de fond.

[Français]

M. Alyre Gauvin: Il y a un autre détail qui est très important. C'est le groupe que je représente qui a créé le principe de gestion QIT. On a fait partie de cela. Lorsqu'on faisait partie de cela, ce n'était aucunement pour gérer une espèce, mais pour gérer une flottille. C'est différent. Il y a le poisson de fond et il y a la flottille de poisson de fond. Il n'était aucunement question de gérer une espèce. C'était une question de gérer une flottille qui, croyait-on, aurait pu fonctionner. D'ailleurs, on avait déjà donné des exemples. De telles rationalisations avaient été faites bien avant la fermeture du poisson de fond.

• 1700

[Traduction]

Le président: Quel type d'engin utilisiez-vous?

[Français]

M. Alyre Gauvin: Ce qu'on appelle des engins mobiles; cela veut dire qu'on tire un chalut derrière un bateau. Il y a deux procédés qui sont plus ou moins semblables. Il y a le chalut écossais, une technique qui emploie un engin très mobile tiré derrière le bateau, et ensuite le chalutier, qui est aussi un engin qu'on tire derrière le bateau. C'est différent de ce qu'on appelle l'engin fixe, celui qu'on dépose sur le fond et qui ne bouge plus.

[Traduction]

Le président: C'est donc en fait un petit chalut?

[Français]

M. Alyre Gauvin: Oui, ce sont de petits chaluts, parce que nous avons de petits chalutiers. Nous n'avons pas de gros bateaux.

[Traduction]

Le président: Un petit chalutier. Vous n'aviez pas d'hameçon appâté?

M. Alyre Gauvin: Non.

Le président: Non. Le mot «trawl», pour certaines personnes, évoque un hameçon appâté, c'est-à-dire une ligne munie d'hameçons.

[Français]

M. Alyre Gauvin: Le vrai mot pour «trawl», expression que vous employez, c'est «longlining» en anglais.

Le président: Oui.

M. Alyre Gauvin: Ce sont des détails techniques, mais cela m'intéressait de vous les expliquer.

[Traduction]

Le président: Oui. Respectiez-vous les exigences de ce que l'on appelait le SEC, c'est-à-dire le critère spécial d'admissibilité, avant les programmes CORE et LSPA?

[Français]

M. Alyre Gauvin: Oui, absolument.

[Traduction]

Le président: Vous respectiez ces exigences.

[Français]

M. Alyre Gauvin: Absolument. Nous avons participé à cela. Nous avons même été consultés pendant ce temps-là. Malheureusement, tous étaient invités à venir dire ce qu'ils pensaient et quels devaient être les critères pour y être admissibles. Les critères sont devenus tellement flexibles, à la fin, que je crois que des morts ont reçu de l'argent du programme de la SPA, mais je n'en suis pas certain.

[Traduction]

Le président: Vous avez raison.

[Français]

Vous avez raison.

M. Alyre Gauvin: J'ai raison, hein? C'est juste pour vous dire encore une fois que la consultation, à mon point de vue, n'a pas été respectée objectivement, mais l'a plutôt été du point de vue politique.

[Traduction]

Le président: Étiez-vous conforme aux exigences du programme CORE?

[Français]

M. Alyre Gauvin: CORE. Je devrais peut-être entrer dans d'autres détails qui pourraient aussi vous intéresser.

M. Belliveau parlait ce matin du principe du Bonafide. Le Québec n'a jamais eu accès à cela, d'une façon ou d'une autre. Ceci est un autre détail. Nous aussi, nous faisons partie du Bonafide. Nous avons dû nous retirer de ce programme-là parce qu'il ne convenait pas nécessairement bien à la gestion de flottilles.

En effet, vous pouvez utiliser la gestion de flottilles que vous voulez, mais elle ne conviendra pas pour autant à la conservation d'une espèce. On nous a forcés à le laisser, et cela faisait quand même notre affaire. Nous avons eu à choisir entre le CORE, le groupe QIT et le groupe Bonafide. Pour une question de gestion de flottilles, on a convenu que le groupe QIT faisait mieux notre affaire au niveau économique de la flottille.

[Traduction]

Le président: Mais respectez-vous les exigences de ce programme maintenant? Les hommes qui font partie de votre organisation sont-ils considérés comme des pêcheurs faisant partie du noyau de base de l'industrie?

[Français]

M. Alyre Gauvin: Oui.

Le président: Oui?

M. Alyre Gauvin: Oui.

Le président: C'est bon.

[Traduction]

Il reste combien de ces pêcheurs qui touchent des prestations de LSPA parce qu'ils pêchent de la morue à 90 p. 100?

[Français]

M. Alyre Gauvin: Je ne suis pas certain que j'ai compris la question.

[Traduction]

Le président: Oh, je m'excuse.

[Français]

M. Alyre Gauvin: Je voudrais m'assurer de bien comprendre la question. Pouvez-vous la répéter?

[Traduction]

Le président: Combien de membres de votre organisation touchent des prestations de LSPA?

[Français]

M. Alyre Gauvin: Tout notre groupe, ainsi que tous les membres d'équipage.

[Traduction]

Le président: D'accord. Ils vont toucher des prestations de LSPA jusqu'en mai, n'est-ce pas?

[Français]

M. Alyre Gauvin: Oui. C'est peut-être un point sur lequel on devrait élaborer un peu. On avait présenté des solutions de rechange au gouvernement qui sont, à mon avis, très valables et qui nous auraient permis de nous retirer de la SPA. Elles n'ont jamais été acceptées.

[Traduction]

Le président: Pourrait-on avoir copie de vos recommandations?

[Français]

M. Alyre Gauvin: Oui. Je ne les ai pas ici aujourd'hui, mais je peux vous les faire parvenir très facilement. Elles concernaient justement les allocations temporaires de crevette et de crabe, et elles n'auraient pas coûté un cent au gouvernement. Si cela avait été bien géré, il n'en aurait pas fallu beaucoup. Je suis d'accord que cela dérangeait les crabiers traditionnels et les crevettiers traditionnels. Je respecte cela. Malgré tout, on a accordé des allocations temporaires, mais en nous ignorant. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, on a attribué ce fameux crabe à l'UPM, dont les pêcheurs étaient tous actifs dans la pêche d'autres espèces et nous, on nous a mis de côté.

• 1705

En 1995, le ministère a donné une allocation à l'UPM et, en plus, a dit à l'UPM—je pourrai vous en faire parvenir la preuve—qu'elle devait s'occuper de ceux qui dépendaient du poisson de fond. Nous nous sommes dit: Fine, nous allons en faire partie. Nous sommes donc retournés voir l'UPM pour lui faire savoir que nous étions disposés à négocier quelque entente afin de travailler et de faire travailler nos gars. No way! Deux de nos bateaux seulement ont été affrétés par eux pour un prix bien plus bas que le prix réel, cela pour amasser de l'argent dans un coffre, supposément pour l'aide aux communautés, etc. J'aimerais savoir où est rendu cet argent-là. Seulement deux bateaux sur au-delà de 20!

• 1710

L'an dernier, le ministre a dit que, très bien, il allait s'y prendre autrement pour garantir que nous puissions participer à ce programme. Il est venu nous dire que le programme serait partagé entre les deux groupes: l'UPM et mon groupe, l'APPFA. Gérez-le entre vous, a-t-il dit, et entendez-vous entre vous. C'était toute une aventure à tenter! On s'est dit qu'on serait beaux joueurs et qu'on essaierait. On est allés les rencontrer une première fois: ce qu'ils nous offraient était ridicule. On est retournés chez nous et on a dit au gouvernement que cela serait très difficile. Le gouvernement nous a dit d'essayer encore. On a fini par convenir de prendre un médiateur qui, lui, devait soumettre un rapport sur la décision à prendre. Encore là, cela n'a pas fonctionné. Le ministère a dit qu'il fallait prendre une décision pour le vendredi suivant et qu'il fallait décider entre nous, si nous pouvions finir par nous entendre. Les deux parties se sont enfermées dans un hôtel de Moncton. Nous avons négocié jusqu'à 4 heures du matin sans en arriver à une entente. Bien sûr, ce qu'on demandait—et cela je pourrai vous le démontrer aussi—, c'était une part légitime de cette allocation temporaire. L'UPM trouvait que c'était beaucoup trop élevé. Cela a duré jusqu'à 4 heures du matin.

À 8 heures ce matin-là, quatre heures plus tard, nous sommes entrés dans le bureau de Pêches et Océans, à Moncton. Max Short entre dans le bureau—il avait couché au même hôtel que nous—et nous annonce que le ministre avait pris sa décision au cours de la nuit. Croirez-vous que cette décision était extrêmement proche de la suggestion que l'UPM avait faite quant au partage? Voudrez-vous me faire croire que c'était honnête, cela? On n'en a même pas eu assez pour faire nos paiements.

[Traduction]

Le président: Monsieur Gauvin, nous avons ici présent le secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, et M. Short, comme vous le dites, a été l'adjoint de deux ou trois ministres. Avant que vous ne partiez aujourd'hui, je vous serais reconnaissant d'avoir un entretien avec M. Easter au sujet de vos objections à M. Short, afin que M. Easter en prenne connaissance et que nous puissions discuter de ces problèmes au comité.

Je sais que vous n'avez pas de copie de la présentation que vous avez faite, mais si vous pouviez me la remettre directement, à titre de président du comité afin que nous puissions examiner ces suggestions avant de rédiger notre rapport vers le milieu de janvier... Pouvez-vous vous engager à le faire, à communiquer directement avec moi, et aussi, avant de partir aujourd'hui, à avoir un entretien avec le secrétaire parlementaire au sujet de M. Short? Pouvez-vous me donner l'assurance que vous le ferez?

[Français]

M. Alyre Gauvin: Oui, c'est promis.

[Traduction]

Le président: D'accord.

[Français]

M. Alyre Gauvin: Peut-être pourrions-nous revenir un peu... J'ai tapé sur la tête de quelques associations de pêcheurs, mais j'aimerais aussi taper sur la tête de quelques fonctionnaires pour me défouler, parce que c'est la première fois que je rencontre le Comité des pêches depuis la fermeture de la pêche au poisson de fond.

Sachez que je n'ai rencontré qu'un ministre des Pêches depuis la fermeture du poisson de fond, après maintes et maintes demandes. Nous l'avons rencontré pendant une heure à Ottawa, alors que nous avions eu un délai de 24 heures pour nous y rendre. On nous a appelés, et on ne nous laissait même pas 24 heures pour nous y rendre. Nous sommes arrivés dans le bureau du ministre, en ce temps-là l'honorable Fred Mifflin, qui s'est assis au bout de la table et qui a dit...

Nous sommes arrivés là, rejoignant d'autres organisations de pêcheurs qui faisaient la même démarche que nous. Nous sommes allés jusqu'à Ottawa et le ministre s'est assis et nous a dit de ne pas lui parler d'allocations temporaires, de ne pas lui parler de la SPA ni de rachat de permis, de ne pas lui parler de ceci ou de cela. Parlez-moi du poisson de fond, a-t-il dit.

• 1715

Nous avons répondu: Monsieur le ministre, il est fermé, le poisson de fond. Que peut-on dire de plus? La réunion a duré 45 minutes. Nous étions très déçus. Une petite organisation comme la mienne avait payé au-delà de 1 100 $ pour mon billet d'avion pour Ottawa, pour que je me fasse dire que la morue était fermée, cela trois ans plus tard. Je suis extrêmement déçu, monsieur.

C'est ce que nous vivons depuis la fermeture du poisson de fond. Nous sommes les enfants pauvres d'une société. Cela devient extrêmement fatiguant. On a de petits bateaux, mais de très grosses dettes. Nous ne sommes plus capables. À chaque année, il y en a un qui disparaît.

Est-ce là la rationalisation que le ministre souhaite? Les crabiers et les crevettiers qui ont des arrérages dépendent presque tous d'un permis de poisson de fond qui leur apporte un revenu complémentaire. Les homardiers qui ont des arrérages, les pêcheurs de hareng, de maquereau, de pétoncle, nommez-en, ont tous des permis complémentaires de poisson de fond.

Il y a un autre point que j'aimerais apporter. M. Hubbard disait ce matin qu'il y avait beaucoup de pêcheurs qui avaient eu des permis de poisson de fond et qui les avaient gardés pour cause de conservation. Ce n'est pas vrai. Vous avez été induit en erreur, monsieur Hubbard, ce n'est pas vrai.

Tout le monde avait sa chance de participer, mais il y avait des pêches qui étaient bien trop lucratives, dans ce temps-là, pour perdre son temps dans la morue.

[Traduction]

Le président: Vous aurez donc avant de quitter la réunion un entretien au sujet de M. Short. Je tiens à ce que vous ne l'oubliiez pas, d'accord?

Les membres du comité ont peut-être des questions à vous poser, mais je voudrais d'abord entendre d'autres intervenants.

Premièrement, je vais donner la parole au Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick. Je pense que c'est bien le nom de l'organisation. Veuillez bien expliquer aux membres du comité en quoi consiste exactement le Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick et aussi nous donner votre nom.

Mme Inka Milewski (présidente, Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick): Je m'appelle Inka Milewski et je suis présidente du Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick. Notre organisation a été fondée en 1969. Nous sommes une organisation dont l'orientation est déterminée par ses membres, par les citoyens. Notre mandat consiste en fait à s'assurer que les ressources économiques, écologiques et sociales de notre province continueront d'exister à l'avenir.

Les gens parlent de prévoyance. En 1969, quand nous avons établi notre charte, nous avons utilisé l'expression «développement durable», longtemps avant que l'expression ne soit popularisée par Mme Brundtland.

Nous sommes une organisation qui propose des solutions aux problèmes de durabilité des ressources. Nous les avons proposées et nous sommes ici aujourd'hui pour en discuter.

J'ai ici un mémoire à votre intention, ainsi qu'une publication à laquelle je vais me reporter. Monsieur Baker, je crois que vous en avez reçu copie.

Le président: Oui.

Mme Inka Milewski: J'en ai d'autres exemplaires. Malheureusement, ce mémoire a été broché à 14 heures cet après-midi et je n'en ai pas la traduction. Si je pouvais...

Le président: Oui, vous pouvez certes commencer. M. Hubbard va assumer la présidence pendant quelques instants, car je dois m'absenter. Merci.

Mme Inka Milewski: Très bien.

Le Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick a passé les trois dernières années à examiner l'historique de l'actuelle crise du poisson de fond dans le Canada de l'Atlantique. Nous nous sommes efforcés de proposer une méthode différente de gestion des pêches, une méthode qui respecte à la fois le poisson et les localités qui dépendent de ces ressources.

Nous participons aux audiences du comité parce que nous sommes convaincus que l'analyse actuelle de ce qui cloche dans le secteur des pêches et de ce qu'il faut faire pour y remédier est profondément erronée. Comme votre comité l'a sans nul doute entendu dire de la part de divers intervenants, il y a trop de pêcheurs qui courent après un trop petit nombre de poissons et la solution consiste à imposer les QIT et la LSPA. La raison d'être des QIT et de la LSPA était d'aider à réduire le nombre des pêcheurs. Les QIT étaient censés donner aux pêcheurs les moyens de se retirer du secteur de la pêche, parce que cela leur donnait un titre négociable. Dans une pêche privatisée, les pêcheurs seraient en mesure de vendre leur droit de pêcher ou leur permis de pêche au plus offrant. On supposait qu'il en résulterait une baisse du nombre des pêcheurs et que ceux qui resteraient présents dans le secteur de la pêche seraient de meilleurs gardiens des ressources parce qu'ils en seraient propriétaires.

• 1720

Cette solution simpliste démontre une méconnaissance fondamentale du poisson et de la pêche. La privatisation n'oblige pas et n'obligera pas les propriétaires de quotas à protéger les reproducteurs, les zones de frai et les bancs de jeunes poissons. Ce sont les pierres d'assise du secteur de la pêche. Si l'on ne protège pas les frayères, on n'aura plus de poissons. Et la privatisation n'obligera pas non plus les pêcheurs à changer leurs pratiques de pêche pour éviter les prises accidentelles, l'écrémage et la destruction de l'habitat.

Nous sommes convaincus que deux raisons fondamentales expliquent pourquoi presque tous les stocks de poisson commerciaux sont en crise ou sur le point de s'effondrer. L'actuel système de gestion fondé sur les quotas, qui présuppose que les poissons peuvent être comptés et gérés, a échoué à protéger les stocks de poisson et à éviter l'effondrement. S'ajoute à cela une technologie non réglementée.

Dans le premier cas, si la gestion des pêches consistait simplement à compter les poissons et à ajuster l'effort de pêche d'une année à l'autre, alors pourquoi les divers stocks de poisson de fond qui font l'objet d'un moratoire depuis bon nombre d'années ne se sont-ils pas reconstitués, en dépit de l'absence totale d'effort de pêche? Il faut une transformation radicale de l'effort scientifique et de la gestion, il faut passer de la gestion des quotas spécifiques par espèce à une gestion tenant compte de toutes les espèces et de l'ensemble de l'écosystème. L'inadéquation de la science est directement liée à la question qu'elle s'efforce de résoudre. Si l'on ne pose pas les bonnes questions, on ne peut pas trouver les bonnes réponses. Les gestionnaires doivent poser de nouvelles questions, des questions différentes, et la science doit répondre à ces questions. Nous devons cesser de calculer le nombre de poissons pour essayer plutôt de déterminer quand, où et comment le poisson est pris. Cette forme de gestion s'appelle la gestion paramétrique ou écosystémique.

J'ajoute que si cela vous semble quelque peu technique, je suis prête à répondre à toutes questions. Je suis diplômée en biologie marine et je peux mettre à profit mon bagage de connaissances pour répondre à vos questions.

On a allégué—et il en est question dans les publications scientifiques—que le type d'information qui est nécessaire pour gérer le poisson selon ce système différent, ce système de gestion paramétrique ou écosystémique, est trop vaste et pas fiable. J'ajouterais à ce moment-ci que même si à l'heure actuelle de nombreuses pêches font l'objet d'un moratoire, il y a des légions de scientifiques et de techniciens qui sont actuellement en train de recueillir des données scientifiques et de les incorporer à des modèles informatiques, mais ils ne savent toujours pas pourquoi les stocks de poisson de ne rétablissent pas. En passant à un nouveau système de gestion, nous allons transférer ce qui est à mon avis un effort tout à fait inutile à l'heure actuelle.

Nous sommes d'avis qu'il faut recueillir de l'information à l'échelle à laquelle les peuplements de poisson fonctionnement. Cela signifie qu'il faut segmenter les stocks de poisson à partir d'une unité de gestion. Nous parlons de la morue 4T ou de l'aiglefin 4, ou autres. Nous savons à l'heure actuelle qu'un stock de poisson peut être composé de nombreuses populations distinctes, chacune ayant une série de caractéristiques pouvant être bien définies. Nous devons identifier et surveiller ces sous-populations ou ces méta-populations, à long terme, et nous serons alors mieux à même de constater les tendances et les modèles importants qui nous en diront davantage au sujet de l'état de l'écosystème et de la pêche que si nous savons seulement combien il y a de poisson.

• 1725

Le fait de savoir qu'il n'y a pas suffisamment de poisson à pêcher ne vous dit rien au sujet de la capacité du stock de poisson à se rétablir. Cela signifie également que la collecte et l'analyse des données, la gestion et l'observation doivent être décentralisées pour correspondre à l'échelle de l'information écologique recueillie.

Deuxièmement, le gouvernement fédéral n'a pas abordé le rôle de la technologie dans la crise des pêches. Nous rejetons la notion selon laquelle il y aurait trop de pêcheurs; nous n'acceptons pas cela. Nous croyons qu'il y a trop de technologie, et jusqu'à ce que la technologie et les engins soient bien rodés, il est peu probable que la gestion des pêches, quelle qu'elle soit, donne les résultats voulus. À l'heure actuelle, l'industrie a la capacité de trouver tous les poissons dans l'océan, d'y avoir accès et de les attraper.

Il y a un peu plus d'un an, le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, qui, comme vous le savez peut-être, est un organisme du gouvernement qui a été mis sur pied pour conseiller le ministre, a publié un document de travail et tenu des consultations sur la technologie des engins. Plutôt que de déterminer les besoins écologiques ou de conservation pour le poisson et d'élaborer une série de critères relatifs à l'utilisation, à la conception et aux avantages relatifs des engins pour le poisson de fond qui respectent ces besoins, le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques a protégé les intérêts de la technologie plutôt que ceux de la conservation.

Par exemple, le document de consultation sur la technologie des engins n'aborde pas la façon dont les engins sont utilisés, à quel moment ils sont utilisés ni l'importance de la technologie. Les engins doivent être évalués par rapport aux besoins écologiques et biologiques du poisson, non pas des gens, car c'est le poisson qui donne de l'emploi aux gens.

Les critères écologiques signifient la protection du flux d'énergie dans le réseau alimentaire. Dans ce cas-ci, les engins doivent être conçus pour minimiser les prises et les tailles non voulues et limiter les prises totales par voyage de pêche.

Les critères biologiques signifient protéger l'habitat pour divers cycles biologiques et éviter la capture d'oeufs et de géniteurs, ce qui exige à la fois des engins spécialisés et une utilisation spécialisée de ces derniers. Cela signifie que les engins doivent être conçus pour minimiser la destruction des frayères et de l'habitat des jeunes poissons pour toutes les espèces commerciales, non pas seulement pour le poisson de fond, et cela inclue l'habitat des homards et des pétoncles.

Pour ce qui est de l'importance de la technologie, le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques a complètement évité cette question, ce qui démontre qu'il y a toujours dissonance de la politique entre la conservation, dont le Conseil est responsable, et le développement, qui fait partie du mandat du ministère des Pêches et des Océans. Bien que le sous-comité de la technologie des engins ait indiqué que le Conseil n'a pas l'intention de recommander l'interdiction de quelque type d'engin particulier que ce soit, la politique des pêches du ministère des Pêches et des Océans envisage l'interdiction de l'engin de pêche pour le poisson de fond qui cause le moins de dommage possible et qui encourage le plus la conservation, soit la pêche avec ligne et hameçon. Le ministère des Pêches et des Océans a déterminé que la pêche du poisson de fond à la palangre n'est pas une licence clé et par conséquent a suggéré son élimination. Dans le cadre d'une restructuration de la pêche au poisson de fond, on a également songé à éliminer deux autres types de pêche axés sur la préservation, soit la pêche au hareng à la masse et les fermetures.

À la suite de l'analyse que nous avons faite, le Conseil de conservation préconise une réorientation et une restructuration complètes de la gestion des pêches. Deux principes nous ont guidés lors de l'élaboration de cette nouvelle structure de gestion des pêches. Les droits de propriété à la ressource commune des pêches devraient être accordés aux collectivités géographiques qui dépendent le plus de cette ressource. L'autre principe est que la gestion des pêches devrait être confiée à un organisme public au niveau communautaire et non pas privatisée et confiée à des sociétés.

• 1730

La première étape du processus de restructuration consiste à placer l'administration fiduciaire et la responsabilité des ressources halieutiques entre les mains de la collectivité. Nous croyons que ce niveau de gestion est celui auquel les événements écologiques et les changements se produisent dans la nature, et qu'ils sont plus facilement observés par les gens qui sont sur l'eau.

Cela permet également à la collectivité d'assurer une gestion intégrée de la ressource et de l'environnement. Donc, lorsqu'un développement est proposé, comme cela a été le cas dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick pour la récolte du goémon, les pêcheurs se sont opposés à ce projet car ils savaient que cet habitat était vital pour au moins six espèces commerciales importantes. Ils n'ont aucune influence sur ces décisions. Dans un système de gestion communautaire, ces gens ne permettraient pas qu'une telle chose se produise.

Naturellement, cette gestion communautaire requiert de nouvelles institutions et de nouvelles structures communautaires. Nous avons proposé trois niveaux d'institutions pour surveiller les pêches, la conservation et l'habitat. Au niveau communautaire, que nous définissons en termes géographiques, il ne s'agit pas d'une collectivité de pêcheurs, mais d'une collectivité sur le plan géographique et écologique.

Un conseil d'administration communautaire des pêches serait élu et il y aurait un conseil de gestion des pêches composé de représentants du secteur des pêches. Au niveau général de l'écosystème, il y aurait des conseils d'administration des pêches bio-régionaux composés de représentants du conseil d'administration des pêches communautaire. Il y aurait un conseil d'administration pour la pêche au large.

En passant à la gestion communautaire, la majeure partie de l'allocation budgétaire du ministère des Pêches et des Océans pour la gestion de l'administration serait transférée à ces nouvelles institutions communautaires et régionales. Il est difficile de vous donner beaucoup de détails au sujet de notre approche dans le peu de temps dont nous disposons.

Je vous encourage à lire notre publication intitulée Beyond Crisis in the Fisheries, une proposition pour une gestion écologique des pêches communautaires. Ce document explique en détail le rôle et la fonction de chacun de ces conseils d'administration et explique comment nous sommes arrivés à adopter cette position.

Vous pensez sans doute qu'une restructuration complète de l'approche traditionnelle actuelle à la gestion des pêches représentera beaucoup de travail et sera difficile—cela est vrai. Nous croyons que nous n'avons pas d'autre choix que de nous attaquer à ces problèmes. Pourtant, sans une telle restructuration, je vous dis que nous perdrons encore davantage de stocks de poisson et les collectivités qui en dépendent. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Matthews, je me demande si vous pourriez attendre que nous ayons entendu les autres témoins avant de poser votre question. C'est juste au cas où nous arriverions à la fin et que quelqu'un ne puisse faire son exposé.

Nous pourrions maintenant passer à Wesley Myles du Conseil du saumon du Nouveau-Brunswick.

M. Wesley Myles (ancien président, Conseil du saumon du Nouveau-Brunswick): Merci, monsieur le président. Il n'est pas facile de prendre la parole après un tel exposé. J'espérais que vous alliez demander à quelqu'un d'autre de le faire.

Jim Gillepsie, président du Conseil du saumon du Nouveau-Brunswick, ne peut être ici aujourd'hui parce qu'il y a une tempête de neige à Saint John. Je pense que s'il avait su qu'il aurait présenté son exposé à cette heure-ci, il serait sans doute venu.

Le Conseil du saumon du Nouveau-Brunswick est un groupe qui représente 21 organismes affiliés de notre province. Son mandat est triple.

1) Promouvoir et encourager la protection, la conservation et la mise en valeur du saumon de l'Atlantique pour tous les groupes d'utilisateurs.

2) Éduquer le public et le sensibiliser à la valeur du saumon, et lui faire comprendre qu'une gestion adéquate est essentielle à la survie de cette ressource unique.

3) Encourager la protection, le restauration et la gestion adéquate de l'habitat nécessaire à la survie du saumon.

• 1735

Mon mémoire sera très court. Il a été quelque peu raccourci à cause du groupe de Gestion du bassin hydrographique de Miramichi. Ce groupe devait témoigner avant nous et il y a bien des choses que nous voulions dire mais que ce groupe a déjà abordées. Nous avons donc raccourci notre mémoire et décidé de mettre l'accent sur quatre ou cinq points bien précis.

La gestion actuelle de la ressource du saumon de l'Atlantique au Nouveau-Brunswick est partagée par deux compétences régionales au sein du ministère des Pêches et des Océans: la région de Scotia-Fundy et la région du Golfe.

Les techniques et les stratégies de gestion diffèrent souvent entre ces deux compétences, et il y a souvent conflits et confusion entre les deux régions et au sein des utilisateurs de ressources.

À l'heure actuelle, une ligne imaginaire divise la conservation, la protection et la science dans la zone 23 le long de la rivière Saint-Jean. Au cours des dix dernières années, à plusieurs reprises, nous avons demandé au ministère des Pêches et des Océans de mettre sur pied une équipe pour une seule région et une seule rivière, mais le ministère n'a pas tenu compte de nos demandes.

Le Conseil du saumon du Nouveau-Brunswick recommande que la gestion de la ressource du saumon de l'Atlantique dans la province relève entièrement de la compétence d'une seule région plutôt que deux, et que cette région soit située dans notre province.

Chaque année, il y a des négociations entre le ministère des Pêches et des Océans et plusieurs premières nations de notre province. Chaque année également, l'échéancier pour conclure certains de ces accords ou tous ces accords va au-delà de la date d'ouverture de la saison de pêche, permettant ainsi des prises accidentelles dépassant les allocations prévues dans l'entente. Certains estiment que le fait que l'on tarde à signer ces ententes nuit peut-être au taux de remonte dans certaines rivières.

Le Conseil du saumon du Nouveau-Brunswick recommande que tous les accords sur les pêches conclus avec les premières nations du Nouveau-Brunswick soient négociés de bonne foi et devraient être en place au plus tard le 1er avril de chaque année.

Il est difficile de justifier le délestage des couvoirs de saumon dans le Canada Atlantique. Bien qu'en fait il y ait peut-être un plu grand nombre d'écloseries que nécessaire pour maintenir l'appui dont a besoin la population de saumon qui est en train de diminuer, nous croyons que le ministère des Pêches et des Océans a prématurément abandonné la ressource en saumon de la province. Si nous voulons assurer la durabilité de cette ressource, il faudra aider les écloseries dans les rivières qui n'ont pas atteint leur taux de remonte.

À cette époque où les stocks diminuent, le moment est certainement venu d'améliorer les populations de juvéniles dans nos rivières dans une encore plus grande mesure en utilisant les compétences et la collaboration du personnel du ministère des Pêches et des Océans.

Le Conseil du saumon du Nouveau-Brunswick recommande d'attendre, avant d'aliéner les écloseries de saumon dans la province, que la ressource en saumon dans les rivières desservies par chacune de ces écloseries ait atteint les conditions optimales et que soit mis en place un fonds spécial, semblable à celui qui a été mis en place sur la côte Ouest, pour venir en aide à ces installations.

Chaque année, les rivières du Nouveau-Brunswick souffrent à cause de Mère Nature ou de l'homme dans sa recherche de prospérité. À l'heure actuelle, la situation des tributaires à l'intérieur de la baie de Fundy est un véritable mystère pour les utilisateurs de la ressource car les colonies de poissons y ont presque disparu.

Les passes à poissons sur plusieurs rivières ont grandement besoin d'être modernisées et améliorées. La destruction de l'habitat due à l'érosion, l'envasement et d'autres conditions environnementales artificielles sont presque trop avancés pour qu'on puisse y remédier en raison des compressions de main-d'oeuvre et de ressources financières au ministère des Pêches et des Océans.

Le Conseil du saumon du Nouveau-Brunswick recommande donc que des ressources additionnelles soient allouées pour aider l'amélioration des zones ci-dessus mentionnées et qu'un fonds spécial soit mis en place pour s'attaquer au problème des rivières tributaires de la baie de Fundy.

Nous sommes par ailleurs fermement convaincus que le ministère des Pêches et des Océans devrait être plus énergique et intenté des poursuites lorsqu'il y a violation de l'habitat selon la Loi fédérale sur les pêches.

• 1740

Contrairement aux conseils que leur ont donnés les Autochtones et ceux qui pêchent le saumon à la ligne dans la rivière Saint-Jean, les hauts fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans ont donné le feu vert pour sacrifier 42 saumons mâles d'un hiver de mer à la station de pisciculture de Mactaquac à deux reprises en 1997 pour répondre aux besoins alimentaires des Autochtones. Il ont fait cela dans une rivière qui, au cours des 14 dernières années, n'a pas atteint ni dépassé le nombre de saumons qui atteignent les frayères, une rivière qui, par un décret de dérogation, a été fermée à tous les utilisateurs de la ressource en saumon pour des raisons de conservation.

Le ministère des Pêches et des Océans et l'honorable M. Anderson ont invoqué toutes sortes d'excuses pour ce sacrifice, mais ces excuses sont tout à fait inacceptables aux yeux du Conseil du saumon. Nous remettons en question la décision de fournir du poisson, compte tenu de notre interprétation de la responsabilité fiduciaire du ministre d'offrir la possibilité de pêcher. Le Conseil du saumon du Nouveau-Brunswick recommande que, dans le cadre du plan de gestion régional pour 1997, le ministère des Pêches et des Océans améliore son effort de communication et que chaque fois qu'il décide de sortir du saumon de cette rivière en difficulté, il donne un préavis.

Tout le monde sait que les groupes d'utilisateurs ne sont pas très heureux qu'on leur dise que leurs impôts serviront à gérer les ressources plutôt que d'avoir l'occasion d'être consultés de façon démocratique.

Le très court été pour la ressource du saumon de l'Atlantique au Nouveau-Brunswick est l'un de nos produits les plus précieux et qui a le plus de valeur. Le retour de ces poissons uniques dans nos rivières chaque année nous signale que nos rivières sont propres et saines et que c'est une importante contribution à l'économie de notre province. Il est impératif que le ministère des Pêches et des Océans améliore le processus de consultation, fournisse des conseils d'experts et coopère le plus possible avec tous les utilisateurs de la ressource dans un effort d'équipe si nous voulons maintenir notre ressource en saumon pour l'avenir.

Nous avons de nombreuses possibilités de travailler ensemble pour rétablir cette ressource unique et renouvelable et il n'y a pas de meilleur moment pour le faire que le présent.

Le Conseil du Nouveau-Brunswick appuie le mémoire qui a été présenté aujourd'hui par la Gestion du bassin hydrographique de Miramichi, presque mot à mot. Nous avons eu l'occasion d'en prendre connaissance auparavant. Nous tenons à le dire aux fins du compte rendu.

Le président: C'est fait, monsieur Myles.

M. Wesley Myles: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous avons trois autres témoins qui veulent dire quelques mots, de sorte que nous allons passer à Jean.

[Français]

M. Jean Gauvin (Crabiers Nord-Est): Monsieur le président, je voudrais d'abord remercier les membres du comité de nous donner l'occasion d'exprimer nos opinions sur la gestion du poisson de fond de l'Atlantique. Je pense que c'est une occasion privilégiée de le faire directement à nos élus.

Tout d'abord, monsieur le président, je voudrais développer quelques points qui ne peuvent nous laisser indifférents. J'écoutais très attentivement les présentations qui ont été faites ce matin. Lorsque j'entendais les présentateurs de ce matin parler du partenariat comme d'un nouveau concept élaboré par le gouvernement fédéral, c'était comme si c'était nous, communément appelés les seigneurs du manoir, qui avions élaboré ce concept et avions forcé le gouvernement fédéral à s'aventurer sur cette route.

Monsieur le président, laissez-moi vous exprimer un peu notre désaccord. À l'automne 1995, nous avons été invités par le gouvernement fédéral à nous asseoir à une table de concertation pour commencer à discuter de ce concept de partenariat, comme on l'appelait à ce moment-là, et qu'on appelle maintenant la cogestion parce que la loi n'est pas passée.

• 1745

Je dois vous dire que nous avons négocié de bonne foi de septembre jusqu'au mois de février. On nous a fait dépenser des fortunes en voyages à Ottawa, à Montréal ou à Québec. Laissez-moi vous dire que cette négociation a été très frustrante parce qu'on s'est littéralement fait leurrer, en ce sens que nous avons toujours cru que les fonctionnaires assis en face de nous à la table de négociation avaient le mandat de négocier au nom du gouvernement fédéral. À plusieurs reprises, on a soulevé la question, à savoir s'ils avaient l'autorité de négocier et leur réponse a toujours été oui.

Lorsque nous sommes arrivés le 18 février, je crois, nous avons signé une entente en bonne et due forme avec les fonctionnaires du gouvernement fédéral. Nous avons par la suite attendu. Ils ont remis cela entre les mains du ministre, l'honorable Fred Mifflin, à l'époque. Entre le 18 février et le 11 avril, date à laquelle on nous a convoqués à Ottawa pour nous annoncer le plan de pêche, ce dernier allait exactement dans le sens opposé à celui contenu dans le contrat signé en bonne et due forme avec le gouvernement fédéral. Si j'en parle, c'est que mes collègues ont parlé de l'historique, etc. Je veux en arriver au nerf, au noeud du problème de gestion dont on parle.

Par la suite, il y a eu une injonction. On nous a approchés de nouveau pour savoir si on était prêts à se rasseoir à la table de négociation après avoir reçu cette claque dans la face. On a accepté de le faire à nouveau. Vous savez, il semble que les plans de pêche, il devient de plus en plus populaire de les négocier à la dernière minute parce qu'alors, nous négocions avec un fusil sur la tempe.

En 1997, le gouvernement provincial était impliqué dans le dossier. Il y avait aussi des travailleurs d'usine ainsi que des membres d'équipage à qui M. Mifflin avait réservé une place à la table du conseil consultatif. On nous a dit—je sais que ce n'est pas de votre juridiction, mais il s'agissait tout de même du palier de gouvernement provincial—que si on voulait être généreux, il fallait envisager de mettre 10 ¢ la livre dans un fonds et, en contrepartie, la province nous appuierait pour qu'on obtienne 16 000 tonnes. On s'est fait jouer en 1996 et encore en 1997. À la fin de la journée, il nous en a coûté 15 ¢ la livre et on a obtenu 12 000 et quelques centaines de tonnes. Tout cela pour dire que lorsqu'on parle d'entente de partenariat, comment voulez-vous que l'industrie traditionnelle puisse avoir confiance dans les éléments négociateurs when we are being screwed again, and again, and again.

Lorsque les gens parlaient ce matin du concept de partenariat, ils semblaient nous blâmer et dire que c'était nous qui l'avions inventé. C'est le gouvernement fédéral qui nous l'a imposé. Et je puis vous dire que l'industrie traditionnelle, celle des semi-hauturiers de la zone 12, a subi des pertes, depuis 1995, comme elle n'en avait jamais subi auparavant, à cause de l'application de ce concept.

Monsieur le président, ce matin on mentionnait devant vous, devant la presse, devant le public, le chiffre de 500 000 $ et plus, qui serait une somme globale que les pêcheurs semi-hauturiers empochent chaque année. Il est absolument vrai que nous avons parlé d'un seuil de 500 000 $, mais je dois vous dire,

[Traduction]

et je veux le déclarer publiquement. Si on regarde toutes les dépenses, lorsqu'on parle d'investir 15c. dans un fonds, lorsqu'on parle de partager 2 987 tonnes du quota traditionnel, et si on prend toutes les dépenses du bateau et du partage, dans certains cas, monsieur le président, il vaut mieux être un pêcheur de homards qu'un crabier lorsqu'on va à la banque.

[Français]

Monsieur le président, on a aussi dit ce matin que la province du Nouveau-Brunswick était la seule province qui n'avait pas de zone côtière.

• 1750

C'est vrai, mais je dois vous dire

[Traduction]

que M. Easter pourrait se lever demain matin et dire que l'Île-du-Prince-Édouard n'a pas un seul pêcheur semi-hauturier dans sa province. Je peux vous dire que les gens de la Nouvelle-Écosse ne pourraient pas se lever demain matin et dire qu'ils n'ont que deux permis de pêche semi-hauturière dans leur province. Nous avons 81 permis de pêche semi-hauturière au Nouveau-Brunswick. Pourquoi avons-nous 81 permis de pêche semi-hauturière au Nouveau-Brunswick? Eh bien c'est parce que nous étions la première province à avoir une pêche côtière dans l'industrie du crabe.

Je me rappelle, nous avions des pêcheurs côtiers qui pêchaient dans la baie de Sholare. Je suis certain que M. Hubbard sera d'accord avec moi. Lorsque nous avions un bon gouvernement au Nouveau-Brunswick, nous avons construit six bateaux de pêche semi-hauturiers en une année. Tous ces pêcheurs côtiers sont donc devenus des pêcheurs semi-hauturiers au Nouveau-Brunswick car ils n'étaient pas en mesure de prendre leurs quotas de pêche—qui n'étaient pas des quotas individuels à l'époque, dans la baie de Sholare. Dans la province du Nouveau-Brunswick, nous avons dû construire des bateaux semi-hauturiers et tous ces pêcheurs côtiers sont maintenant des pêcheurs semi-hauturiers. Nous devons donc faire très attention lorsque nous parlons de tout cela.

[Français]

Monsieur le président, on a dit également avoir l'impression que les crabiers traditionnels voulaient s'accaparer de tout.

Je dois vous dire également que les autres flottilles ont plusieurs permis, que ce soit dans le homard, le hareng, le pétoncle ou les huîtres. La plupart de ceux qui font la pêche traditionnelle n'ont qu'un permis de crabe. Si on est en train, à cause d'une mauvaise gestion, de mettre cette pêche à terre, monsieur le président, on se retrouvera avec ce qui s'est passé dans le poisson de fond.

Monsieur le président, je voulais faire ces commentaires parce que je les estime nécessaires, mais aussi parce que la question des pêches préoccupe l'industrie au plus haut point. D'entrée de jeu, nous admettons qu'il n'est pas facile de gérer une ressource qui fluctue en fonction d'une série de facteurs souvent mal connus.

D'une part, nous dépendons presque uniquement des évaluations scientifiques et, d'autre part, entièrement de l'ingérence politique. Il est malheureux de devoir subir l'intervention des politiciens lorsque vient le temps d'élaborer des plans de pêche qui s'avèrent, au bout du compte, néfastes pour tout le monde.

Monsieur le président, permettez-moi de vous réitérer que, justement, à propos du 11 avril 1996, c'est l'ingérence des politiciens dans différentes circonscriptions qui a fait pencher la balance en faveur d'un plan de pêche contraire à celui qui avait été signé en bonne et due forme le 18 février.

Permettez-moi de vous en donner quelques exemples. Lorsqu'il s'agit d'une ressource importante, mais pas nécessairement sur le plan politique, ce sont les fonctionnaires qui décident du plan de pêche, comme dans le cas de la crevette, par exemple.

Par contre, lorsqu'il s'agit du crabe des neiges, c'est le ministre ainsi que tous les politicailleurs qui gravitent autour du ministère qui décident du sort de la ressource, indépendamment de la pression qu'on exerce sur cette ressource. Ils sont en train, croyez-moi, de faire exactement dans ce secteur ce qu'ils ont fait dans le poisson de fond. Pourquoi? Parce que, justement, ces politiciens s'imaginent gagner ainsi quelques votes. Nous ne pensons pas que la saine gestion doit reposer sur la politique mais tout simplement sur le respect dû à une ressource.

Monsieur le président, nous espérons que les élections du 2 juin dernier auront servi une bonne leçon à ces gens-là. Il y a des gens autour de la table qui se rappelleront que l'ancien député en Gaspésie s'était fait justement un cheval de bataille de la proposition d'une zone côtière pendant la campagne électorale. Il n'est pas permis de faire de la politique à ce point-là avec une ressource qui doit être gérée de façon rationnelle.

• 1755

Lorsqu'il s'agit de rouvrir la pêche, comme dans le poisson de fond, il est de notoriété publique maintenant que les politiciens font dire ou font faire n'importe quoi aux scientifiques pour encore une fois satisfaire leurs fins politiques.

Beaucoup de gens de l'industrie considèrent au départ que c'est une erreur monumentale de fermer une pêche, comme cela a été le cas pour le poisson de fond dans la 4T, au lieu de diminuer rationnellement les contingents.

Les Européens ont connu la même catastrophe, lors de la fermeture du hareng de la mer du Nord dans les années 1980. Les consommateurs perdent leurs habitudes alimentaires et l'industrie perd ses marchés. Conséquemment, la reprise de cette activité économique en prend pour son rhume.

De toute évidence, Pêches et Océans Canada gère les pêches avec des diachylons. Pour pallier la situation, nous suggérons fortement au gouvernement fédéral d'inviter l'industrie à s'engager dans les prises de décisions au lieu de faire semblant de consulter, dans un exercice de cogestion ou de partenariat, ou bien à devenir des partenaires à part entière.

Nous avons un bel exemple de ce que nous avançons dans le secteur du crabe, justement. Même si l'industrie, qui est censée être partenaire à part égale, s'oppose à certaines décisions, comme celles de voyager au Japon inutilement ces temps-ci, les fonctionnaires tranchent unilatéralement sans considération aucune. On se dit partenaires de part et d'autre, mais si un côté de la table collectivement dit non, bien que cela ne fasse pas l'affaire de l'autre côté, on tranche de façon unilatérale et, encore une fois, on ne prend pas les décisions en tant que partenaires.

Il est déplorable que les fonctionnaires, dans leur tour d'ivoire, ne considèrent et n'écoutent pas l'industrie davantage, car les pêches ne s'en porteraient que mieux. Tant et aussi longtemps qu'ils vont se cacher derrière des arguments de protection et de conservation pour justifier leurs décisions, on ne pourra avoir affaire qu'à une gestion d'états de crise.

Afin de connaître l'heure juste de la part des pêcheurs vis-à-vis du MPO, il faudrait, si ce comité-ci est sérieux, consulter les pêcheurs individuellement, sous forme de questionnaire. Publiquement, vous ne connaîtrez jamais la réponse à votre question. Les pêcheurs ont peur d'exprimer leurs frustrations parce qu'ils craignent des représailles de la part du MPO.

Monsieur le président, en terminant, je dirai qu'il faudrait, d'une part, dépolitiser les prises de décision aux fins électoralistes et, d'autre part, impliquer l'industrie de façon concrète afin d'éviter les situations où les hauts fonctionnaires décident sans connaître tous les éléments qui auront des répercussions néfastes sur tous les secteurs concernés. Comme M. Alyre Gauvin le mentionnait plus tôt—j'ai lu avec attention l'article de M. Hubbard, la semaine dernière—, je ne vous blâme pas de mettre en question certaines informations qui sont probablement filtrées lorsqu'elles arrivent à vos oreilles.

Ce n'est pas pour rien non plus, monsieur le vice-président, qu'à partir du vérificateur général à aller jusqu'aux grassroots, il y a un manque de transparence, un manque de crédibilité, un manque de confiance envers les gens qui, pour des fins qui ne sont peut-être pas connues, donnent une fausse information et ne vous donnent pas l'heure juste.

Merci.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Gauvin.

Tout à l'heure, vous avez parlé des hommes et des femmes politiques. N'avez-vous pas été ministre des Pêches à un moment donné?

M. Jean Gauvin: Oui. C'est pourquoi j'ai dit Jean et non Jack, monsieur le président. C'est pourquoi j'ai dit que lorsque nous avions des pêcheurs côtiers qui sont devenus des pêcheurs semi-hauturiers, il y avait un bon gouvernement au pouvoir.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Le président fait remarquer que c'est le Parti réformiste qui applaudit.

Nous allons maintenant entendre M. Alvin Scott. Il a son propre exposé à présenter devant le comité.

M. Alvin Scott (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président, de me permettre de parler en mon nom personnel et au nom des pêcheurs côtiers. Je pense qu'aujourd'hui je suis le seul pêcheur côtier de l'intérieur de la baie et de la rivière Miramichi.

Il semble peut-être que je sois venu de très loin pour faire un exposé, mais en même temps, après avoir écouté les exposés qui ont été faits précédemment aujourd'hui, j'ai remarqué que bien des choses qu'a dites l'union des pêcheurs maritimes ne les concernaient qu'eux et ne concernaient pas les pêcheurs ordinaires. Cela est une chose.

• 1800

Par ailleurs, je ne croyais pas qu'on parlerait autant du saumon qu'on l'a fait ici aujourd'hui. Pour ma part, je viens d'une famille de pêcheurs. J'étais le plus jeune garçon d'une famille de 10 enfants. Je pêche depuis que je peux monter dans un bateau.

L'une des choses qu'a dites M. Mills dans son exposé aujourd'hui, c'est qu'il devrait y avoir un moratoire—je ne sais pas si c'est le mot à utiliser, mais c'est ce que j'ai compris—sur la pêche au saumon commerciale. Il demande aux députés aujourd'hui de faire quelque chose qu'ils n'ont pas le droit de faire. Ces députés aujourd'hui, comme bon nombre d'entre vous autour de cette table, ne sont élus que pour quatre ans. Vous devez faire face à la musique pendant quatre ou cinq autres années. Vous n'avez pas le droit de fermer la pêche pour les 100 prochaines années. Les stocks de saumon sont si bas qu'ils ne se rétabliront peut-être jamais. Mais s'ils se rétablissent, il n'appartient pas aux députés d'aujourd'hui de fermer la porte pour quelqu'un qui voudrait les utiliser le siècle prochain. C'est ce qu'il y a de plus injuste et cela est absolument inutile.

Regardons la croissance du saumon depuis 1970. La pêche a été fermée en 1970, c'était il y a 27 ans. Les stocks étaient supposément si bas qu'on croyait qu'ils prendraient beaucoup de temps avant de se rétablir. Une période de fermeture de cinq ans permettrait donc de régler le problème. Nous sommes allés de cinq ans à cinq ans, et aujourd'hui la situation des stocks est encore pire qu'elle ne l'était en 1970.

Le rachat qu'ils ont mis en place... Certains des membres à l'extérieur du gouvernement ont ramené ces deux mots—le rachat—ce qui n'aurait jamais dû se faire. On n'aurait jamais dû laisser le gouvernement fédéral songer à un permis de rachat. C'est parti de là, et on parle de rachat partout aujourd'hui dans les pêches.

Or, le rachat est une des choses dont je veux parler également pour le saumon. Je ne m'étendrai pas trop sur le sujet, mais on pourrait certainement parler pendant des heures pour ce qui est du saumon. J'ai été membre du conseil d'administration du saumon pendant 25 ans et j'ai rencontré beaucoup de gens—certaines personnes qui sont ici, et d'autres qui n'y sont plus depuis longtemps.

Aujourd'hui, il y a un privilège de pêche au saumon au filet tendu sur la Miramichi, et c'est sans doute le seul qui existe dans la province du Nouveau-Brunswick. Il appartient à notre fils. J'en avais un et il en avait un. J'ai vendu le mien et gardé le sien, pour la simple raison qu'il avait 22 ans lorsqu'il l'a gardé. Il a maintenant 27 ans de plus, et regardez l'état du saumon. Il va falloir des années avant que les stocks de saumon puissent se rétablir pour qu'il fasse de nouveau cette pêche; il sera alors un très vieil homme. Il n'a pas vendu son privilège, et l'an dernier il a fait une demande auprès d'un groupe de pression qui travaillait avec le gouvernement qui rachetait les droits. Ils l'ont avisé il n'y a pas très longtemps qu'il arrivait trop tard et qu'il avait manqué le bateau, en quelque sorte. Ces choses ne peuvent être rachetées par le gouvernement fédéral. C'est très désastreux d'entendre ce genre de chose-là.

• 1805

Les autres qui pêchent avec lui ont vendu il y a 27 ans—certains d'entre eux ont reçu jusqu'à 50 000 $, ce qui leur a permis de se remettre sur pied. Voici un jeune homme qui ne pouvait même pas obtenir 25 000 $ pour son permis à l'époque, mais ils ont eu ces 25 000 $ jusqu'à présent et ils ne veulent toujours pas acheter ce privilège.

Il leur a donné la possibilité d'échanger le permis pour deux permis de pêche au gaspareau dans le système de Miramichi. Il y a des permis de pêche au gaspareau en suspens; ces permis sont inactifs. Ils n'ont pas été créés par le gouvernement fédéral. Il a présenté cette demande il y a un an, et elle a été rejetée.

C'est une excellente occasion pour moi de vous présenter mon point de vue, à vous qui siégez au gouvernement fédéral, afin que vous sachiez exactement ce qui se passe. Même ce matin, on m'a dit que le Comité du bassin hydrographique veut 150 000 $ pour financer les écloseries.

C'est très bien. La seule chose, c'est que ce privilège dont je parle est un privilège qu'on doit à cet homme et voilà maintenant de nombreuses années qu'il ne peut pêcher. Nous écoutons les excellents exposés qu'ont faits aujourd'hui les crabiers et d'autres pêcheurs sur les possibilités des gens de gagner leur vie et de pouvoir assurer leur avenir, mais il n'y a pas beaucoup d'avenir pour qui que ce soit, particulièrement pour ce jeune homme.

Je demande donc à quelqu'un de votre comité de s'assurer que cette question sera portée à l'attention du ministre.

Le président: Monsieur Scott, ce que vous proposez, c'est que le comité inclue dans son rapport une proposition de racheter... Combien reste-t-il de permis de pêche au saumon commerciale dans cette région de la province?

M. Alvin Scott: Il y un permis de pêche au filet tendu et peut-être cinq ou six permis de pêche au filet dérivant.

Le président: Cinq ou six permis de pêche au filet dérivant. On parle donc de peut-être sept permis.

M. Alvin Scott: Oui, sept permis.

Le président: Nous ne pourrions recommander le rachat de l'un sans le rachat de tous les autres, s'ils veulent tous vendre. Est-ce ce que vous demandez? Voulez-vous que le comité incorpore cela dans son rapport?

M. Alvin Scott: Il faudrait faire un effort pour essayer de régler cette question. Je sais que les pêcheurs au filet dérivant veulent exactement la même chose. Ils ne sont pas ici pour présenter leur point de vue aujourd'hui. Je ne suis pas un pêcheur au filet dérivant. Je n'en ai jamais été un. Je suis un pêcheur au filet tendu, et c'est ce dont je veux parler aujourd'hui. Je n'ai pas le pouvoir—on ne me l'a pas demandé—de parler en leur nom.

Le président: Mais c'est le nombre de pêcheurs, cependant. Il n'y en a qu'un tout petit nombre. Donc, vous suggérez au comité de porter cette question à l'attention des gens qui détiennent les permis et de dire au gouvernement que si ces gens veulent qu'on leur rachète leur permis, ils devraient en avoir la possibilité?

M. Alvin Scott: Oui. À ce moment-ci, nous ne croyons pas que le gouvernement devrait fermer la porte à qui que ce soit. Et c'est exactement ce qu'il nous a fait.

D'autres questions ont été posées ici aujourd'hui autour de cette table, questions qui représentent beaucoup d'effort et d'argent. Tout ce que nous demandons ici, c'est un peu d'équité. Pour cela, tout ce qu'il suffit de dire, c'est que cette question devrait être examinée.

• 1810

Pour ce qui est de l'idée selon laquelle le gouvernement n'en a pas les moyens, eh bien, il a deux permis de pêche au gaspareau qu'il pourrait lui émettre, sans que cela leur en coûte un sou. Cela réglerait le problème. C'est une partie de la question.

Au fait, monsieur le président, j'avais cinq choses à dire à ce sujet. Je suis fort indigné par certaines choses qui ont été dites aujourd'hui. Il y a un type ici ce matin qui a parlé des phoques. Lorsque j'étais jeune homme, j'étais pêcheur. Il y a environ 30 ans, pour les fonctionnaires et les pêcheurs à la ligne, nous sommes venus des exploitants. Lorsque nous parlons de quelqu'un comme moi, nous les appelons des pêcheurs. C'est très bien, il n'y a rien de mal à cela. Mais les pêcheurs dont on devrait se préoccuper n'ont été mentionnés qu'une seule fois aujourd'hui, et je veux parler de nos phoques.

Le saumon se trouve au beau milieu de la chaîne alimentaire du phoque. Personne ne semble vouloir dire ou faire quoi que ce soit à ce sujet. Nous avons soulevé la question à maintes reprises au cours des 30 dernières années ou plus. Bon nombre de gens veulent protéger les phoques. Je me demande pourquoi. De toute façon, c'est l'une des raisons pour lesquelles les stocks de saumon ne se rétablissent pas. Voilà donc une chose.

À un moment donné il n'y a pas très longtemps—il y a peut-être deux ans, j'étais un pêcheur de bonne foi. J'ai découvert que j'avais 25 permis de pêche à l'éperlan à l'hameçon et un permis de pêche au gaspareau. Étant donné que je n'ai pas de permis de pêche au hareng ou au maquereau, je ne suis pas admissible. J'avais ces privilèges avant 1981, j'avais alors un permis de pêche au saumon, un permis de pêche au maquereau, un permis de pêche au gaspareau. Mais en 1981-1982, j'ai travaillé pour une compagnie de dragage avec un des bateaux en deux ans, et ils m'ont littéralement enlevé mon permis de pêche au hareng et au maquereau. Aujourd'hui, je pourrais fort bien devenir pêcheur de bonne foi, il y a toutes sortes de possibilités qui me le permettraient, mais cela me coûterait 10 000 $. Je devrais payer 6 000 ou 7 000 $ pour un permis de pêche au hareng, un privilège, et un autre montant pour les engins. Voilà ce à quoi je dois faire face aujourd'hui.

Voilà donc un aspect des critères auxquels il faut répondre. Il faut également avoir un autre permis à part celui-là. Il n'y en a que quelques-uns. Avec le homard, le crabe et d'autres espèces, on peut devenir pêcheur de bonne foi avec une seule espèce. J'en ai deux, mais il m'en faudrait une troisième, soit le maquereau ou le hareng. Je ne sais pas qui pourrait avoir cela.

Une autre chose, c'est que si on gagne plus de 50 p. 100 de son revenu brut des pêches, le MPO vous renvoie cela par courrier et vous êtes rétrogradés à la pêche commerciale. Or, en 1995, j'ai débarqué pour 22 000 $ de gaspareaux et 40 000 $ d'éperlans. Personne n'a regardé ça. Il n'est absolument pas préoccupé par ce genre de choses. C'est là quelque chose d'important à mon avis, car j'ai pour 100 000 $ de charges de personnel par an, et cela représente l'embauche de beaucoup de gens. Charlie le sait. Il y a des gens qui travaillent pour moi pratiquement toute l'année, de sorte que je dois avoir une source de revenu, et notamment d'autres espèces que je peux utiliser pour faire face à mes frais de personnel.

• 1815

Je ne sais pas ce que nous pouvons faire à ce sujet en ce moment-ci. A-t-on un choix multiple? Doit-on avoir le permis de pêche au hareng? Ou doit-on verser tel montant sur ce que l'on gagne chaque année? Au cours des quelques dernières années, les charges sociales et les impôts sur le revenu que je dois verser au gouvernement fédéral sont passés de 0 à 27 000 $. Donc, la seule chose est qu'il est difficile de dire tout simplement combien je fais au cours d'une année donnée.

Il y a deux ans, j'avais 16 filets qui ont été gelés. Ils m'ont coûté à peu près 1 000 $ pièce. C'est une perte, mais c'est la vie. Nous sommes devenus des chiffres, vous savez. Nous n'avons pas la touche humaine avec les pêches et les pêcheurs. C'est l'une des choses que nous devrions peut-être examiner également, si cela est possible.

Moi-même et mes deux fils devons maintenant songer à passer à un permis de pêche à l'éperlan. Nous exploitons un petit engin de pêche à l'éperlan. J'ai moi-même 25 permis de pêche à l'éperlan, mon fils en a 15, et nous les exploitons. À l'heure actuelle, nous ne pouvons pas les transférer. S'il m'arrive quelque chose, si je disparais ou autre, 25 de ces permis devront être abandonnés. L'exploitation comprend des immeubles, des dragues, de l'équipement, et Dieu sait quoi encore. La moitié de tout cela serait perdue. Et il y en a d'autres sur la côte qui sont dans la même situation.

Il faudrait donc examiner cela aussi, pour voir si nous ne pourrions pas faire quelque chose. De nos jours, on ne nous permet plus d'acheter plus de 15 permis. Je parle en l'occurrence d'une équipe formée d'un père et de son fils qui travaillent ensemble; or, s'il se trouve qu'il devait partir... Nous avons peut-être 60 000 ou 70 000 $ de filets dans cette exploitation. Si on leur enlève 25 permis, que vont-ils faire de tous leurs filets?

C'est un autre problème de la saison de l'éperlan. Nous pêchons dans le cours principal de la rivière. Aucun de nos filets n'est placé à plus de huit pieds de profondeur, et ils ont 24 pieds de large sur 32 pieds de long. C'est un filet de bonne taille. Il faut plus de trois hommes pour les manoeuvrer. Nous travaillons là où l'eau est très profonde et on ne sait jamais quand des glaces vont descendre la rivière. Il nous arrive très souvent de perdre des filets. J'en connais qui ont perdu 20 filets l'année dernière. Nous avons été chanceux l'année dernière, puisque nous n'avons rien perdu du tout, mais il y a des gens à moins d'un mille de nous qui ont perdu plus de 20 filets. C'est une très grosse perte. Il leur a fallu tout l'automne pour les refaire.

• 1820

La saison est commencée depuis un certain temps, mais elle ferme autour du 1er mars à chaque année. Il n'y a absolument rien de mal là-dedans. Mais dans la province de Québec, la pêche continue pendant deux autres semaines et ils envoient leur poisson à des usines de transformation ici même, dans la province du Nouveau-Brunswick.

Nous serions très contents d'arrêter nos activités le 1er mars et d'attendre à l'année prochaine, à condition que l'on ne prenne pas du poisson dans ce secteur immédiat. Mais les pêcheurs du Québec continuent de pêcher des deux côtés de la baie des Chaleurs. Ils partent de la rive nord de la baie des Chaleurs et continuent tout droit jusqu'à Richiboucto, dans notre province.

Voilà ce que j'avais à dire. Charlie, je crois que nous pourrons peut-être remettre le reste à plus tard. Vous pouvez prendre les arrangements voulus et peut-être que je pourrai vous rencontrer à Ottawa à ce sujet, ou n'importe lequel d'entre vous, parce qu'il commence à se faire tard.

Le président: Merci monsieur Scott; c'était très intéressant, monsieur.

Nous passons maintenant à M. Lebreton.

M. Emilien Lebreton (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis tellement fier d'accueillir ici un tel groupe d'invités de marque. À titre d'ancien maire ayant participé à de très nombreuses activités ici même, je peux vous dire que nous sommes tous très fiers d'accueillir un groupe si éminent.

Nous avons vu de nombreux groupes défiler ici aujourd'hui, et les premiers intervenants de ce matin vous ont dit «Si vous me remplissez les poches, je me transformerai subitement en écologiste et je vais commencer à m'intéresser à l'écologie». Aucun des exposés que vous avez entendus ici aujourd'hui ne représentait la majorité des pêcheurs de la province. Bien des gens ne sont pas organisés. Certains le sont, mais ils n'ont pas l'impression que l'organisation dont ils font partie parle en leur nom. C'est pourquoi je voudrais procéder de façon différente. Il y a ici dans la salle des gens qui ne sont pas avocats, mais ils estiment qu'ils ont été intimidés. Je leur ai dit que j'irais prendre place à l'avant et que je les inviterais à se joindre à moi. Puis-je leur demander de venir ici?

Le président: Bien sûr.

M. Emilien Lebreton: Très bien. Ils se sentent intimidés. Ils ne sont jamais allés à la Chambre des communes.

Le président: Venez vous asseoir, venez donc.

[Français]

M. Emilien Lebreton: À part Raymond Lebouthiller, y a-t-il quelqu'un d'autre? Je sais qu'il y a des pêcheurs de coques, des pêcheurs d'huîtres, et si quelqu'un veut comparaître ici, je l'invite à venir nous rejoindre.

[Traduction]

N'ayez crainte; ils ne vous mordront pas.

Le président: Monsieur Lebreton, pendant qu'ils prennent place, vous pouvez poursuivre votre présentation.

M. Emilien Lebreton: Ce matin, j'ai donné une feuille à Bill Matthews. J'en avais seulement cinq exemplaires et je lui ai dit d'en donner un à chacun des cinq partis politiques. Ce n'est pas un mémoire. Je veux m'en servir comme outil pour vous montrer comment les choses fonctionnent dans les pêches de la région. Vous comprenez donc que ce n'est pas un mémoire.

Soit dit en passant, je n'étais pas au courant qu'il fallait présenter des mémoires ici. Veuillez excuser mon ignorance. Je croyais que ce serait seulement une discussion. Je connais bien des gens qui auraient aimé venir ici aujourd'hui. Beaucoup d'entre eux sont partis parce qu'ils ont trouvé intimidant de voir des gens qui faisaient les fiers-à-bras et qui les écartaient de leur chemin pour faire des présentations d'une heure et demie ce matin. Eux n'étaient pas organisés, alors ils sont partis.

Prenez donc cette feuille de papier, et vous verrez que c'est un véritable fouillis au ministère des Pêches et des Océans. J'ai ici une lettre d'un membre de l'union des pêcheurs, dont vous n'avez pas copie. Je vais vous en lire un paragraphe en français, pour que vous compreniez.

• 1825

[Français]

    Afin de répondre aux conséquences de la réforme de l'assurance-chômage et en appuyant le principe de la professionnalisation, nous recommandons que les réserves de stocks d'huîtres soient données aux pêcheurs bona fide, que les dates de récolte de crustacés se limitent au mois de juillet et qu'on continue la protection de l'écologie et de tout le reste.

La lettre a été écrite le 20 janvier. Je veux juste vous dire que je suis considéré comme le plus gros producteur d'huîtres de la province du Nouveau-Brunswick. Mais je ne suis pas un homme riche. Les huîtres ne font pas des millionnaires, mais je peux en vivre.

[Traduction]

Qu'arrive-t-il quand une personne présente ce mémoire au gouvernement? J'aurais aimé qu'Edgar LeBlanc soit ici, parce qu'il est l'un des Edouard Savoie. Nous entendons subitement une rumeur: il paraîtrait qu'ils veulent changer le règlement sur la pêche. Une rumeur.

Je vais donc voir le type et je commence à lui parler. Je le traite de tous les noms et je lui dis des choses que je ne veux pas répéter ici. Ce fonctionnaire me dit que ces lettres, entre autres, ont été envoyées.

Or, traditionnellement, nous commençons à pêcher le 1er mai, mais on continue d'envoyer des lettres à gauche et à droite. On entend dire qu'il y aura un examen. Nous ne savons pas si nous pouvons pêcher le 1er mai.

Vous avez reçu certaines de ces lettres. Il y en a bien d'autres qui été écrites.

À cause de ce groupe de pression, nous voici maintenant au 1er mai, j'ai des gens prêts à être embauchés, prêts à travailler. Ces gens-là démissionnent. Ils ne peuvent plus attendre sans gagner un sou. Ils s'en vont.

La situation s'éternise et nous téléphonons tous les jours au ministère des Pêches et des Océans. Nous n'arrivons pas à savoir s'il y aura un examen. Il nous est impossible de savoir si nous pourrons aller à la pêche. Dans les derniers jours de mai, ils décident qu'ils vont convoquer une réunion sur les huîtres.

Ça fait donc un mois qu'on attend. J'ai un bateau de 40 pieds muni d'un moteur diesel, et beaucoup d'autre matériel. J'ai des employés qui attendent d'aller travailler. Ils ne peuvent pas nous dire quoi que ce soit. Edgar LeBlanc, parmi tant d'autres, pourra vous le confirmer. À la fin de mai, ils nous disent que nous pouvons commencer à pêcher le 1er juin.

Ils ont toute l'année pour établir leurs politiques. Pourquoi faut-il qu'ils attendent jusqu'au milieu de la saison des huîtres? Un groupe de pression a réussi à m'empêcher de gagner ma vie. Ne sommes-nous pas Canadiens? J'ai perdu beaucoup d'argent cette année-là. Voilà ce qui se passe au MPO.

[Français]

Ce n'est pas un question de séparatisme.

[Traduction]

Je suis très fier d'être Canadien.

[Français]

C'est vrai, mais lorsque je vais à Tracadie, au ministère des Pêches, j'ai l'impression de ne pas être un Canadien. Si j'allais à l'ambassade de Russie, je serais peut-être mieux servi que je ne le suis là.

C'est ce que les pêcheurs ont sur le coeur. Ce que vous avez entendu ce matin ici de la part des représentants de l'union des pêches et des autres, ce n'est pas ce dont les gens parlent sur les quais. Là ils parlent d'essayer de prendre le contrôle des pêches.

[Traduction]

Ils essaient de contrôler la pêche, mais il suffit d'aller au quai pour constater que ce n'est pas ce qu'on entend dire. Alvin Scott pourra vous le confirmer.

Raymond Lebouthiller est ici, parmi d'autres. Venez ici, Raymond.

Le 17 mars dernier, j'ai demandé d'être approuvé à titre de nouvel arrivant, afin de pouvoir acheter un permis de pêche au homard et tout le reste. Nous voici maintenant à la fin juin. Je n'ai pas arrêté de téléphoner. Nous allons sur place—je suis allé tellement souvent à cet immeuble que ce n'est même plus drôle—nous sommes sur place à 8 h 30 du matin, à l'ouverture des portes. Raymond est là qui attend déjà pour une autre raison. Alors nous nous assoyons et nous attendons jusqu'à midi, heure à laquelle ils daignent nous faire savoir qu'ils ne peuvent pas nous rencontrer.

J'ai des hommes qui veulent aller travailler. Je dois prendre une journée de congé pour aller là-bas.

De toute façon, j'ai découvert que le processus qu'ils suivent est le suivant. Je ne suis pas autorisé à appartenir à l'union des pêcheurs. Si je demandais à être inscrit à titre de nouvel arrivant, ils enverraient ma lettre à l'union des pêcheurs pour la faire approuver. Ils l'envoient donc à Shediac.

Eh bien, à l'union des pêcheurs, on ne sait pas qui je suis. Rappelez-vous que je n'en suis pas membre, parce que je ne suis pas un pêcheur de bonne foi.

En fin de compte, rendu à midi, j'en avais plein mon casque—Raymond pourra vous le dire—et je leur ai dit «Pour l'amour du ciel, ça fait trois ou quatre mois que je viens ici et j'ai encore attendu pendant trois heures pour avoir une réponse». Enfin, elle me dit que mon papier se trouve sur le bureau de M. Chiasson.

Ils envoient ma demande à l'union, ils me font attendre pendant trois mois, et ils me font attendre pendant trois heures ce jour-là pour me dire ensuite qu'ils ne peuvent même pas me rencontrer personnellement pour me le dire. Voilà le genre de service qu'on a dans cette région. Pourquoi le service est-il aussi pourri?

• 1830

Premièrement, l'union des pêcheurs... Il fut un temps où tout le monde était sur un pied d'égalité, pourvu qu'on soit Canadien. Aujourd'hui, si vous n'êtes pas membre d'un groupe de pression, on dirait que vous êtes un moins que rien. Avez-vous déjà entendu cela? Vous êtes un moins que rien. Eh bien, Clément pourra vous le dire, à tort ou à raison, c'est ainsi qu'ils nous traitent—comme des moins que rien. Il faut être membre d'un groupe de pression, même si vous ne voulez rien savoir de ces gens-là.

M. Clément Savoie (témoignage à titre personnel): Faites votre discours, je ferai le mien.

M. Emilien Lebreton: Alors qu'arrive-t-il? Je me rends sur place. Ils ont construit un gros immeuble à Tracadie. C'était une décision politique. À tort ou à raison, il importe peu de savoir qui l'a fait construire. Ils ont embauché des gens pour y travailler. Il leur fallait bien remplir cet immeuble, n'est-ce pas? Ensuite, il a bien fallu leur trouver un patron, n'est-ce pas? On ne peut pas avoir des employés sans dirigeant. Après avoir embauché ces employés-là, il a bien fallu leur donner quelque chose à faire. La première chose qu'ils ont faite, ça a été de supprimer les services que nous avions dans toutes les petites localités, par exemple à Nauwigewauk.

Quant à ce que Yvon Godin vous a dit ce matin, il se trompe. Les gens se plaignent du fait que ce bureau se trouve dans sa propre circonscription. Ils veulent que le service soit à Pointe-Verte pour aller chercher leur papier. Avec la technologie, c'est comme cela qu'on procédait avant. Mais maintenant qu'ils ont construit cet immeuble, nous devons aller là-bas et attendre pendant des heures. C'est la bureaucratie et ces grandes organisations, ces groupes de pression se sont acoquinés avec les fonctionnaires. Vous me grattez le dos et je vous gratterai le vôtre. Voilà comment ça fonctionne.

Par exemple, je vais vous expliquer comment nous travaillons. Nous faisons le dragage des huîtres qui sont au fond de la rivière. Nous faisons ce que nous appelons le relais. C'est-à-dire que nous transférons les huîtres pour les installer dans nos bancs. Si j'embauche un employé pour mesurer les huîtres... Une fois, il y a quelques années, ils ont eu la brillante idée d'exiger que nous ayons un permis de pêche aux huîtres pour mesurer les huîtres sur nos bateaux. Autrement dit, il faut un permis de pêche au homard pour aller pêcher en bateau. Très bien. Mais nous embauchons des employés temporaires. Si l'un de mes membres d'équipage démissionne, je dois amarrer mon bateau au quai, aller à Tracadie, perdre une demi-journée pour trouver quelqu'un—et j'ai ici les feuilles pour le prouver—pour ajouter un membre d'équipage. Tout cela est inutile. Voilà ce dont parlent les pêcheurs sur le quai. C'est une énorme bureaucratie dont nous n'avons pas besoin. Tout cela est écrit noir sur blanc sur cette feuille.

Et le plus exaspérant, c'est que je croyais que j'étais un pêcheur, mais voici maintenant qu'ils me disent que je fais de l'aquiculture parce que je prends des espèces sauvages et que je les rentre dans mes bancs. J'ai des permis de pêche à l'éperlan, tout comme lui, mais je ne peux pas les donner à mon fils. Ils me disent que mon cas est passé entre les mailles du filet, pour ainsi dire. Eh bien, j'ai toujours pensé qu'une société civilisée savait s'occuper de ces cas-là. Apparemment, ce n'est pas le cas au Canada.

Je passe ma vie sur le quai. Je pêche plus longtemps que n'importe qui d'autre, sauf cette année. J'embauche plus d'employés que n'importe qui d'autre à mon quai. Quand il y a une réunion au quai, je ne suis pas autorisé à y aller, parce que je ne suis pas un pêcheur de bonne foi. Pouvez-vous le croire? Je n'ai pas le droit d'aller à une réunion des pêcheurs—d'après François Breau, qui me l'a dit cette semaine—parce que le ministère des Pêches lui a dit que c'était réservé aux soi-disant pêcheurs professionnels. Mon revenu est plus élevé que celui de bien d'autres pêcheurs, mais peu importe. J'embauche plus de gens qu'eux tous, mais ça ne compte pas. Je ne dis pas que ce qu'ils font n'est pas important. Je suis un moins que rien. Nous sommes tous des moins que rien, et ce groupe qui est venu ici prétend parler en notre nom.

Je suis allé là-bas. J'ai été l'un des premiers à présenter une demande de permis de pêche au crabe. Il m'est impossible d'en avoir un. J'ai le gréement et un bateau diesel de 42 pieds pour aller à la pêche. Je ne peux pas demander un permis de pêche au crabe parce qu'on donne le cours à l'union et que je ne peux pas être membre de l'union. Voilà la démocratie! Ce sont eux qui me jugent, mais je ne peux pas être membre de l'organisation. La façon dont ils fonctionnent est épouvantable et vous remettez la pêche entre les mains d'un groupe qui défend ses propres intérêts.

Une femme m'a dit ce matin—j'aimerais qu'elle soit encore ici—quelque chose de très important. Nous avions auparavant des agents des pêches. Nous n'en avons plus. Nous avons maintenant des bureaucrates. Ils passent leur temps au bureau. Au lieu de s'inquiéter de l'écologie, de la protection des stocks de poisson, etc. etc., ce qu'ils font, c'est exactement la même chose qui s'est passée dans les pays du Bloc de l'Est: et ils passent leur temps à gérer les gens. Vous me suivez? Ce qui les intéresse, ce n'est pas de gérer la pêche, c'est de gérer les gens.

• 1835

Vous savez, je ne veux pas vous faire la leçon, mais les pays du Bloc de l'Est avaient ce qui se fait de mieux en matière de droits de la personne, de législation sur l'écologie, mais ils ont fait le pire des gâchis, n'est-ce pas? La situation était épouvantable dans les pays du Bloc de l'Est, même si la législation était fantastique, et ils avaient mis sur pied le même système.

La déréglementation est à l'ordre du jour dans le monde entier, n'est-ce pas? Le ministère des Pêches et des Océans déréglemente tout.

Le thème qui revient dans toutes mes lettres, et j'en ai des centaines, c'est que les faits scientifiques devraient être la base pour établir la politique des pêches—les faits scientifiques, pas le groupes de pression.

Il y en a qui disent que ces gars-là qui gèrent les pêches sont très instruits, qu'ils sont bardés de diplômes. Mais ils ne font pas d'études scientifiques. Ils se contentent d'être présents et si quelqu'un établit une politique stupide et vient leur dire qu'il n'y a pas d'eau sur la table, ils répondent «Oui, j'ai un doctorat et je ne vois pas d'eau sur la table».

Ce que j'appelle des faits scientifiques, c'est d'aller sur le terrain et de faire une étude scientifique en appliquant les méthodes scientifiques internationalement reconnues. Il faut faire les choses selon les règles de l'art. Si vous comptez tant d'huîtres au mètre carré, même si l'union des pêcheurs vient vous dire qu'il n'y a pas d'huître, n'allez-pas les croire.

Je suis tellement irrité. Je pourrais passer toute la journée à vous entretenir. Voilà ce qui se passe sur les quais, voilà de quoi parlent les gens. Le ministère des Pêches et des Océans doit ressusciter le poste d'agent des pêches. Mettez des gens sur le terrain, sortez-les des bureaux et réduisez la paperasse. À chaque fois qu'on va à Tracadie, on se butte à quelqu'un qui est dans la paperasse jusqu'au cou. C'est un système épouvantable et tout le monde a peur de le dire.

Je ne serai pas très populaire parce que je veux me tourner vers d'autres intervenants. On est supposé suivre les règles, mais il y a des pauvres gens autour d'ici qui se font fourrer par l'union des pêcheurs et par le gouvernement. J'ai des filets de pêche à l'éperlan d'installer là où mon père avait des filets pour l'éperlan. Notre famille pêchait déjà avant la déportation. Quand les autres Canadiens étaient cultivateurs, nous étions pêcheurs. Mon fils sera la première génération qui ne pourra pas reprendre mes filets de pêche à l'éperlan.

Quand l'union internationale a pris les choses en main, il fallait être électricien pour pouvoir changer une ampoule. Vous comprenez ce que je dis? Voilà ce que l'on est censé faire—et ces gens-là ont eu la préférence depuis quelques années—, on est censé pêcher pendant 10 semaines et ensuite recevoir des prestations d'aide sociale et d'assurance-chômage. C'est alors qu'on est respecté et qu'on devient pêcheur de bonne foi. Si vous essayez par contre de travailler dans un domaine quelconque pour gagner votre vie, on vous décourage de le faire. Et voilà pourquoi ils ne m'aiment pas.

J'ai vécu en Alberta pendant quelques années. J'ai travaillé à Fort McMurray pendant quelques mois pour essayer de gagner ma vie. Encore aujourd'hui, je vais travailler dans les bois. Je ne suis pas le seul. Beaucoup de pêcheurs en font autant.

Nous devons revenir au simple bon sens. Quand quelqu'un vient vous dire que si vous lui remplissez les poches, il cessera subitement de ruiner l'écologie, n'allez surtout pas croire ces foutaises. Ça a été la même chose quand les mécaniciens monteurs ont pris en charge certaines restrictions et quand les tuyauteurs ont pris en charge l'instrumentation. C'est tout ce qu'on vous a dit ici aujourd'hui, mais la plupart d'entre nous sont comme Alvin Scott et moi-même.

Je possède des permis. Messieurs, qu'allez-vous faire au sujet de mes permis qu'il m'est impossible de donner à mon fils? N'ai-je pas le droit de gagner ma vie ici? Suis-je obligé de pêcher et de me mettre sur le bien-être le reste de l'année? Dans l'état actuel des choses, un pêcheur peut acheter une conserverie, mais l'exploitant d'une conserverie ne peut pas acheter un permis de pêche. Dans quelle sorte de pays vivons-nous?

Les pêcheurs possèdent maintenant la majorité des conserveries dans la province du Nouveau-Brunswick, directement ou indirectement. Ils ont choisi d'être pêcheurs et d'acheter des conserveries. S'ils avaient choisi la voie inverse... Cela ne me semble pas juste.

Je voudrais maintenant donner la parole à Raymond Lebouthiller, si vous le permettez.

[Français]

M. Raymond Lebouthiller (témoignage à titre personnel): Je suis allé à Tracadie pour mon permis de pêche aux huîtres, parce qu'il faut faire la demande au moins deux à trois semaines avant de pêcher. Donc, à peu près trois jours avant de partir, je m'étais acheté un bateau et tout le reste. J'avais fait pas mal de dépenses.

• 1840

Mais lorsque je suis arrivé à Tracadie, ils m'ont dit que je ne pouvais pas avoir mon permis parce que mon bed était pollué. Il y avait deux pêcheurs, moi et un garçon, à vouloir chacun un permis. On n'a pas pu avoir ces permis parce que, m'a-t-on dit, les beds étaient contaminés. J'ai demandé au fonctionnaire comment il pouvait savoir cela puisqu'il n'était jamais allé tester l'eau. Il faut tester l'eau pour pouvoir dire si le bed est contaminé.

Finalement, il a fallu trois semaines avant qu'il ne vienne tester l'eau et nous avons perdu toute la pêche. On a perdu de 13 000 à 14 000 livres d'huîtres à 1,35 $ la livre. Les autres pêcheurs en ont perdu autant.

Je suis allé voir le chef et je lui ai dit que c'étaient eux qui avaient contaminé l'eau parce que ce n'était pas nous. Mais Pêches et Océans défendait son personnel. Je suis allé voir un avocat pour voir ce qui pouvait être fait. Un avocat, ça coûte 20 000 $. Il faut que le village se défende contre Pêches et Océans. On doit payer notre avocat et on doit payer aussi l'avocat du gouvernement. Alors, qu'est-ce que vous voulez faire?

C'est arrivé à cinq pêcheurs. Je suis allé voir au village, je suis allé voir partout, mais personne n'a levé le petit doigt. J'ai même rencontré le ministre des Pêches, mais ce que je lui ai dit lui est rentré par une oreille et sorti par l'autre.

M. Emilien Lebreton: Si je comprends bien,

[Traduction]

à un moment donné, il y avait un problème sur la rive du village. On a remédié au problème. Le ministère des Pêches aurait dû faire un test pour voir ce qui clochait, mais ils ont attendu un an pour le faire. Ce type attend son permis pour aller pêcher à cet endroit. J'étais là ce matin-là. C'est un exemple. Ils lui ont dit que cela relevait de la province. Il est donc allé voir les autorités provinciales et s'est fait dire que c'était de compétence fédérale.

Le président: Quand était-ce, si je peux vous interrompre? À quelle date est-ce arrivé?

M. Raymond Lebouthiller: Cet automne,

[Français]

le 29 juillet. On doit faire la pêche au homard et, après la saison des homards, on pêche en juillet. À partir du 1er juillet, je prends deux aides avec moi et nous pêchons pendant à peu près trois semaines. En général, on prend de 14 000 à 15 000 livres entre moi et les garçons. Mais j'ai quand même perdu 15 000 $ et je n'ai jamais eu de nouvelles.

[Traduction]

Le président: Bien sûr, à cause de... Bon, écoutons ce que Clem a à dire et ensuite nous poursuivrons.

Clem.

[Français]

M. Clément Savoie: Je vous remercie de me donner la parole. M. Hubbard rit, mais il sait sûrement de quoi je vais parler. Je suis l'un des plus vieux pêcheurs de la région: j'ai commencé la pêche à l'âge de 15 ans avec mon père et aujourd'hui, j'en ai 72. Je vais avoir 73 ans bientôt et je fais encore la pêche.

Il y a à peu près une dizaine d'années, j'ai mené une assemblée sur la pêche ici, à Negouac, où l'Union des pêcheurs a été fondée. Je ne suis pas un gars d'union, je ne suis pas membre de l'Union des pêcheurs et je n'ai jamais travaillé dans une compagnie où il y avait une union. Quand une union se formait, je prenais mon sac à dos et je partais. Je n'ai jamais cru dans l'union.

• 1850

Cette fois-là, on avait été appelés en tant que pêcheurs. À l'assemblée, il y avait aussi des pêcheurs qui faisaient partie de l'Union. On était à peu près moitié-moitié, je pense, mais les gars du gouvernement, qui venaient de Caraquet—et j'en connaissais un assez bien—, ont parlé seulement au gars de l'Union. Il paraît que nous n'avions rien à dire. Je me suis fâché et je leur ai demandé si c'était l'Union qui les payait ou le gouvernement, parce que j'ai moi-même travaillé au gouvernement au moment où j'ai commencé à pêcher. À 18 ans, je siégeais à un comité. Comme je viens de le dire, j'ai maintenant 72 ans et je représente encore le fédéral et le provincial comme je l'ai fait toute ma vie.

Je n'ai pas eu de réponse sur le moment, mais j'ai communiqué avec notre député du moment, qui était M. Dionne et que je connaissais bien. C'était le député du comté de Miramichi et avec lui tout est redevenu correct. Tout a bien marché jusqu'à il y a trois ou quatre ans. Charlie pourra peut-être me corriger là-dessus.

Quand le gouvernement a donné l'autorisation de pêcher le crabe des neiges, il a tout donné à l'Union. Je n'étais pas membre de l'Union, je ne l'ai jamais été et je ne le serai jamais.

Alors, mon garçon qui pêchait avec moi et qui est ici aujourd'hui est allé voir M. Frank McLaughlin, qui était le président de l'Union. Il lui a dit qu'il était obligé de devenir membre de l'Union et de payer les droits en arrérage de deux ou trois ans pour pouvoir mettre son nom et aller pêcher le crabe.

Le soir même, j'ai appelé M. Hubbard, qui m'a dit comment on voyait les choses à Ottawa. C'était tout à fait différent. Le lendemain, me croyant un peu brave, je suis allé voir mes amis pêcheurs pour leur faire part des renseignements que j'avais obtenus sur les lois. Mais quand je suis arrivé sur la côte, tout était changé parce que M. Robichaud les avait interprétées autrement. J'ai passé pour un menteur.

Alors je suis allé voir M. Hubbard, je suis allé à Tracadie et à Shediac, et je suis passé en cour pendant un an et demi. Je voulais aller à Shediac voir M. Robichaud. J'ai appelé à Shediac au moins 25 fois, mais je n'ai jamais pu lui parler. Alors, ce matin-là, on a décidé, moi et mon garçon, d'y aller. On y est allés et on s'est cachés jusqu'à ce qu'ils entrent tous dans le bureau pour être sûrs de les avoir tous. Alors, je suis entré dans le bureau et j'ai demandé au secrétaire, que je connaissais, si je pouvais voir M. Robichaud. Il a un peu hésité et je me suis un peu fâché, puis il a dit oui.

Le secrétaire est allé dire à M. Robichaud que je demandais à le voir. Comme j'étais juste à côté, j'ai très bien entendu qu'il répondait qu'il ne voulait pas me voir. Je le connais bien. Il n'a pas voulu me voir pour la simple raison qu'il pensait que je ne voulais pas blâmer mon député, M. Hubbard, qui m'avait soi-disant menti, mais que je voulais le blâmer, lui. Je n'ai donc jamais pu lui parler et je n'ai pas eu non plus l'occasion d'aller à une assemblée où il était présent. Je n'en manque pourtant pas beaucoup, mais on ne se rencontre pas. Même s'il est sénateur, on se rencontrera sûrement un jour parce que je ne manque pas beaucoup d'assemblées.

Pour revenir à l'Union, je dis qu'il n'y a pas d'union. En tant que pêcheur, je peux dire que l'Union m'a fait arrêter trois fois, ainsi que mon ami. Et quand le moment est venu d'aller en cour, j'ai reçu une lettre qui m'informait que mon procès avait été remis à un mois plus tard. C'était très bien.

Un mois plus tard, je me suis préparé pour aller en cour. Je n'avais pas d'avocat car je n'avais pas les moyens de m'en payer un. De toute façon, je pensais que je n'avais pas besoin d'avocat, parce que je savais ce qui se passait avec le gouvernement et que j'avais assez de papiers.

• 1850

Au bout d'un mois, j'ai reçu un autre appel pour me dire que mon procès avait été encore une fois reporté d'un mois. La troisième fois, je n'ai même pas eu d'appel. Ce jour-là, j'ai dit à mon ami qu'on y allait. On est arrivé à Newcastle, on est entrés dans le tribunal, et la secrétaire m'a regardé dans les yeux en me demandant ce que je venais faire. Je lui ai dit que je passais en cour ce matin. Elle m'a dit que cela avait encore changé et que l'Union aurait dû me prévenir. Alors je lui ai demandé s'il y avait un juge dans la maison et quand elle m'a répondu oui, je ne lui ai pas demandé la permission d'aller lui parler. Je suis entré dans la pièce, je me suis assis à côté de lui—un peu effronté, un peu malin—et je lui ai demandé combien de fois encore il allait me faire le même coup, parce que c'était la troisième fois.

Il m'a dit: «Monsieur Savoie, rentrez chez vous, vous n'entendrez plus jamais parler de cette affaire.» Ça fait quatre ans et je n'en ai plus jamais entendu parler. J'ai été pêcheur pendant plus de 55 ans et je suis encore pêcheur. J'ai encore un bout du bateau avec mon fils, mais l'Union ne me connaît toujours pas. Je peux vous dire que j'accepte qu'il y ait une union des pêcheurs et que je n'empêche personne d'en être membre, mais je n'accepte pas qu'ils nous imposent de devenir membres et nous fassent payer.

Depuis trois ans, il faut demander une licence pour la pêche au crabe. Il faut être quatre pêcheurs ensemble. Et il faut que chacun donne 100 $ à Frank McLaughlin pour avoir son nom sur la liste. Il y en a qui ne veulent pas payer la carte parce qu'ils ne sont pas membres de l'Union et qu'ils ne veulent pas l'être. Plus de la moitié des pêcheurs ne sont pas membres de l'Union. J'en étais malade, mais il paraît qu'on ne peut rien faire.

J'espère que le comité ne nous donnera pas la même réponse. Comme je vous l'ai dit, je suis impliqué dans la politique depuis 50 ans. Mais jusqu'ici, je peux vous dire qu'un pêcheur, qu'il ait été membre de l'Union ou non, recevait le même service. Aujourd'hui, il faut qu'il soit membre de l'Union. Qu'est-ce que ça veut dire? En tant que député, monsieur Hubbard, et je m'adresse aussi à tous les autres députés, sachez que ce ne sont pas les membres de l'Union qui vous envoient à Ottawa, que ce ne sont pas les membres de l'Union qui vous envoient à Fredericton. C'est tout le monde.

J'espère que ce comité va se pencher sur ces problèmes et va faire en sorte qu'un pêcheur reçoive des services en tant que pêcheur et non pas en tant que membre de l'Union. Et il faut arrêter cette affaire de fous qui est de vouloir faire payer les gens, d'apporter de l'argent à Frank McLaughlin pour avoir son nom sur la liste. En tout cas, il est certain que nos gens auront de la misère à sortir du quart.

C'est tout ce que j'avais à dire. J'avais ça sur le coeur et à mon âge, presque la veille de mourir, je ne voulais pas mourir avec ça. Merci beaucoup.

[Traduction]

Des voix: Oh, oh!

Le président: Monsieur, il est bien entendu que tout ce qui est dit ici aujourd'hui est inscrit dans un livre, mot pour mot. Quand le document sera publié, nous veillerons à ce que tous les témoins en aient un exemplaire. Tout ce qui se dit ici est consigné dans un document publié en forme de brochure et c'est également mis sur ordinateur et envoyé à Pêches et Océans et à tous les fonctionnaires du gouvernement. Tout le monde à Pêches et Océans, tous les grands personnages prennent le temps de lire chaque mot de ce qui s'est dit devant les comités. Par conséquent, non seulement vous en aurez une copie que vous pourrez conserver pour le reste de vos jours et même léguer à vos enfants, mais vous serez aussi lu par tous les personnages officiels qui tiennent les leviers de commande.

• 1855

J'ai oublié de le préciser au début de la réunion. C'est un autre avantage de comparaître devant un comité comme celui-ci.

Mais bien sûr, le plus important, Clem, c'est que nous devons faire rapport au Parlement. Nous allons passer en revue tous les témoignages que nous avons entendus un peu partout dans nos déplacements. Nous essayerons d'en intégrer le plus possible dans nos recommandations à la Chambre des communes. C'est peut-être le plus important en vue d'éventuels changements à la politique gouvernementale. Nous examinerons les changements nécessaires pour aider tous les pêcheurs et tous les travailleurs de conserverie—nous allons examiner tout ce qui cloche dans le système, au gouvernement fédéral et dans le règlement du gouvernement fédéral.

Pour ce qui est du temps, j'ignore comment les membres du comité veulent s'y prendre. Je ne sais pas combien nous avons de retard, peut-être les avions sont-ils déjà tous partis.

Monsieur Hubbard, voulez-vous dire quelques mots?

M. Gary Lunn: Monsieur le président, je me demande si vous pourriez donner une minute à chacun d'entre nous, après quoi M. Hubbard pourrait avoir le mot de la fin.

Le président: Monsieur Lunn, qui est député de Colombie-Britannique, demande la parole, pour lui et les autres députés au Parlement.

M. Gary Lunn: Une minute.

Le président: D'accord. Je vais donner la parole à M. le député Lunn et ensuite au député Bill Matthews, qui est le porte-parole du Parti progressiste conservateur.

M. Gary Lunn: Merci, monsieur Baker.

Je veux seulement faire un bref commentaire que je tiens à consigner officiellement. J'ai déjà posé ma question à Mme Milewski, du Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick. Je voulais dire qu'après cinq ou six jours de voyage, il a fallu que ce soit une femme qui nous dise ce que nous devions faire.

J'ai été très impressionné par tous les témoins. M. Savoie et M. Lebreton, ainsi que tous les autres que nous avons entendus aujourd'hui, ont tous fait de très bonnes observations. Bien que Mme Milewski du Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick ait fait une foule d'excellentes observations qui m'ont grandement impressionné, je voulais seulement ajouter, et je le lui ai déjà fait savoir, qu'il fallait aussi prendre en compte le principe de la contiguïté. Elle en a pris bonne note.

Comme le temps nous est compté, je ne poserai pas de question à quiconque, et je me contenterai de dire que nous avons eu une séance très enrichissante et que nous avons bien apprécié tous vos commentaires.

Le président: Monsieur Matthews.

M. Bill Matthews: Merci monsieur le président.

Je souscris aux propos de M. Lunn. Je voulais dire à Inka que dans tous les mémoires et dans toutes les présentations que nous avons reçus et entendus depuis trois ou quatre jours, il y a assurément à mon avis énormément de matière à réflexion, et spécialement dans celui-ci. Je voulais seulement l'en remercier et je remercie aussi tous les témoins qui ont comparu aujourd'hui.

Le président: Le député des Territoires du Nord-Ouest souhaite-t-il faire quelques observations? Non?

M. Easter est le secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans. Il est le ministre en second et il a tout écouté.

M. Wayne Easter: J'ai tout écouté et je n'en puis plus d'écouter. Allez-y, je passe mon tour.

Le président: Yvan, vous pourriez peut-être faire une déclaration. M. Lunn a proposé que nous donnions la parole à M. Hubbard, mais seulement après que tous les autres députés auront eu une minute pour dire un mot. Ensuite, nous donnerons la parole à M. Hubbard. C'est lui le patron ici, mais telle est ma décision. Voulez-vous faire une déclaration?

[Français]

M. Yvan Bernier: Je voudrais faire une déclaration, mais je pensais qu'on avait le droit de poser d'autres questions à certains de nos témoins. Donc, je peux me servir du temps qui est à ma disposition pour poser des questions aux témoins? Merci.

Tout d'abord, je voudrais dire à tous les témoins que j'ai beaucoup apprécié d'entendre les commentaires d'une façon aussi directe. Je sais que cela sort parfois en bon gaspésien, un peu cru. Mais je pense que certaines choses devaient sortir à un moment donné.

J'ai pris beaucoup de notes. Je ne sais pas comment le comité va faire pour régler tout cela. Je pense qu'on va prendre les questions dans l'ordre, une par une. Il y a également des situations qui font de la peine et je me demande comment on va faire pour régler tout cela.

• 1900

Je dois vous dire que c'est un des endroits où j'ai vu le plus de conflits entre des groupes de pêches et des unions. Je pense aussi, monsieur le président—sans vouloir orienter le rapport—, que le gouvernement fédéral, en particulier Pêches et Océans, est en grande partie responsable de la situation. L'attitude de Pêches et Océans dans la gestion fait en sorte que les groupes se chicanent entre eux.

J'ai utilisé un petit peu plus tôt dans la journée la comparaison au niveau du père de famille, mais je pense que Pêches et Océans agit comme un père de famille qui laisse ses enfants aller. À un moment donné, on a les résultats que nous voyons et il faut prendre ses responsabilités.

Je pourrais reprendre chacun des cas mentionnés, le cas de M. Scott, le cas de M. Lebreton. En passant, monsieur Lebreton, je voudrais préciser que, lorsque je travaille au Comité des pêches, je ne parle que de pêches et je ne mélange pas mes autres étiquettes. Quand j'arrive dans certaines régions, les gens ont peur que je parle d'autre chose que les pêches. J'ai écouté les propos de M. Savoie et je les ai trouvés intéressants. Quand je dis que je vais démêler cela, je vais le démêler dans ma tête à moi.

J'avais noté beaucoup de questions pour M. Jean Gauvin mais le président me presse. Je pourrais peut-être poser une question et j'en poserai une autre à M. Alyre Gauvin ensuite. Cela concerne principalement la SPA.

Monsieur Jean Gauvin, vous avez suivi tous les travaux aujourd'hui. Je sais que les négociations que vous avez entreprises pour vos gens n'ont pas été faciles. L'entente que vous avez eue ce printemps est-elle valable pour un an seulement ou pour trois ou cinq ans? Je ne suis pas au courant de tous les détails. C'est sur cinq ans? Très bien. Donc, toutes les autres questions que j'aurais à poser à ce sujet ne me semblent plus appropriées pour le moment.

Je voudrais maintenant poser une question à M. Alyre Gauvin et je me demande s'il m'entend. Est-ce qu'il est là?

[Traduction]

Le président: Il est en conférence avec le secrétaire parlementaire.

[Français]

M. Yvan Bernier: Ah, il est en réunion avec le secrétaire parlementaire.

Ma question porte sur la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique. Je m'excuse auprès des autres témoins, mais je voyais l'étude des problèmes des pêches à trois niveaux. Le premier niveau était l'urgence de notre réunion à cause de la fin du programme de la SPA en mai 1998. Deuxièmement, j'ai recueilli des notes sur la façon de savoir comment on va redessiner l'avenir des pêches et la façon dont le partage et la gestion vont se faire. Le troisième niveau—je suis content qu'on ait entendu des intervenants socioéconomiques—concerne les gens qui seront déclarés excédentaires dans les pêches. Il va falloir trouver des idées pour savoir ce qu'on va pouvoir faire avec ces gens-là. On va peut-être les recycler si c'est ce que l'on décide.

J'aurais aimé savoir comment les gens qui sont sur la SPA voient leur avenir après mai 1998. Je sais que les gens disent qu'ils sont tannés de cette SPA, mais je tiens à leur rappeler que ce n'est pas une vraie stratégie, et c'est la raison pour laquelle le vérificateur général a tapé sur les doigts du gouvernement fédéral ce printemps.

Il n'y a pas de stratégie. Ce sont seulement des mesures passives. On soutient le revenu des pêcheurs et des travailleurs d'usine. C'est très bien de soutenir les individus, mais il faut passer à la seconde phase, c'est-à-dire savoir de quelle façon on va pouvoir s'en sortir, de quelle façon on va réorienter les pêches et ce qu'on va faire avec les autres.

Je vais conclure puisque le principal intéressé est pris à une autre réunion. Je tiens à saluer tous les témoins présents et à les remercier.

[Traduction]

Le président: Je donne donc la parole à M. Hubbard, qui a demandé que le comité vienne ici pour entendre toutes les présentations et prendre connaissance des présentations qui seront acheminées à la Chambre des communes. Monsieur Hubbard.

• 1905

M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.

Au nom de tous les habitants de la Miramichi, je veux remercier le comité d'être venu dans notre région.

George est très actif à la Chambre des communes depuis une vingtaine d'années et il s'intéresse au secteur des pêches dans sa province natale de Terre-Neuve, et il a bien sûr été un grand champion de la nécessité de maintenir une industrie de la pêche viable, durable et efficiente. George, je suis certain que tous ici présents vous sont reconnaissants de vos efforts.

Dans le passé, le comité des pêches a siégé à Ottawa et a entendu des bureaucrates. George, en tant que président, a dit qu'il fallait aller dans les régions, qu'il fallait aller siéger sur la côte est, la côte ouest et la côte nord, pour s'assurer d'entendre tout ce qui se passe dans les petites localités de pêche.

Nous avons entendu d'excellents témoignages à Terre-Neuve, au Québec, et aujourd'hui au Nouveau-Brunswick, et nous irons bien sûr demain en Nouvelle-Écosse et ensuite de retour à Terre-Neuve lundi et mardi. Je pense que les journalistes sont partis et il est peut-être préférable que mes propos ne soient pas cités dans les journaux, mais il y a assurément d'énormes problèmes au MPO. Il y a beaucoup de méfiance parmi tous ceux qui sont intéressés de près ou de loin à la pêche. Il semble que nous ayons un grand nombre de gens très efficaces et très dévoués dans cette organisation, mais quelque part dans ce groupe, et probablement aux échelons les plus élevés, l'organisation se gâte épouvantablement.

Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie. En un sens, nous formons un groupe tout à fait non partisan, puisque nous avons cinq partis qui travaillent ensemble. Il y a parmi les membres du comité 10 ou 15 personnes qui sont probablement les critiques les plus virulents de ce qui se passe. Je sais que nous travaillerons tous ensemble pour rédiger un bon rapport.

Cela ne provoquera peut-être pas beaucoup de changements, mais au moins, il reflétera les préoccupations de la base, celles des pêcheurs, et nous le présenterons non pas au gouvernement libéral ni aux réformistes ni aux conservateurs, mais bien à la Chambre des communes. Le rapport sera déposé à la Chambre et tous les députés pourront en prendre connaissance. Chose certaine, quand vous nous faites part de vos préoccupations, les membres de cette grande organisation doivent se pencher sur ces préoccupations.

Je pense que l'un des messages fondamentaux qu'on nous a transmis, c'est que nous devons faire en sorte que le ministère ne soit pas autant centré sur des préoccupations aussi éloignées des pêcheurs. Les décisions sont prises très loin des gens qui sont intéressés au premier chef et les communications sont tellement difficiles qu'à moins de faire quelque chose, nous aurons une industrie qui aura d'énormes difficultés.

Je crois, George, que le message se résume à cela.

Nous remercions la Légion pour les efforts déployés aujourd'hui pour rendre cette réunion possible. Nous tenons à remercier tous ceux qui sont venus. Et puis, Clem, j'ai encore en réserve un pain qui vous sera offert quand vous serez mis derrière les barreaux, si telle est la décision. Nous avons assurément fait de notre mieux à cet égard.

M. Clément Savoie: Mais il n'était pas question que j'aille derrière les barreaux.

M. Charles Hubbard: Nous savons que beaucoup sont frustrés, mais nous espérons que vous pourrez travailler tous ensemble pour faire en sorte que la pêche soit bonne et viable.

Merci George.

Le président: Merci monsieur Hubbard.

Au sujet des barreaux, vous aviez tort, les journalistes sont encore ici. J'ai remarqué celui du Telegraph en train de prendre frénétiquement des notes quand vous avez parlé du MPO et vous verrez peut-être tout cela dans les journaux demain.

La séance est levée. Merci.